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Josée Kamoun (Traducteur)
EAN : 9782021012835
576 pages
Seuil (20/01/2011)
  Existe en édition audio
3.8/5   971 notes
Résumé :
À Twisted River circulent des histoires… Celles que les bûcherons racontent dans la chaleur du camp, peuplées d’ours et de sensuelles Indiennes. Et celles qu’ils taisent, comme cette nuit glacée qui a vu la fuite de Dominic et de son fils, après le meurtre accidentel de la maîtresse du shérif. En cavale à travers l’Amérique, ils tentent de semer leur passé. Mais peut-on oublier Twisted River ?
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Critiques, Analyses et Avis (156) Voir plus Ajouter une critique
3,8

sur 971 notes
John IRVING fait partie de ces auteurs que je suis avec assiduité. Quand il sort un livre, je l'achète sans réfléchir, incapable d'attendre le sortie en poche. Il ne m'a jamais déçue même si j'ai un peu moins aimé Je te retrouverai. C'est donc avec délectation que j'ai ouvert son dernier-né: Dernière nuit à Twisted river.
Après un début un peu laborieux, le temps de me mettre dans l'ambiance d'un camp de bûcherons du nord du New Hampshire, je suis partie avec Dominic Baciagalupo et son fils Danny pour une épopée incroyable qui m'a fait voyager de Twisted river à Boston, en passant par l'Iowa, pour finir au Canada.
C'est un roman-fleuve, une histoire d'hommes, des pères, des fils, des amis à la vie à la mort, des constables rancuniers. C'est aussi une histoire de femmes particulières, celle qui meurt sous la glace ou à coup de poêle, celle qui tombe du ciel en tenue d'Eve, celle qui milite contre la guerre au Vietnam en offrant son corps. C'est aussi une histoire de l'Amérique, des années 50 au World Trade Center, de la guerre du Vietnam à celle d'Irak.
Fidèle à ses thèmes de prédilection (la paternité, la perte d'un être cher, le travail d'écrivain et plus anecdotiquement les ours et la lutte), John IRVING nous embarque dans un roman envoûtant, touchant, drôle et terriblement humain.
Un pavé qu'on ne lâche plus une fois commencé et qu'on referme avec regret.
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Ouvrir un livre de John Irving, c'est s'élancer dans des montagnes russes émotionnelles, tant l'auteur excelle à entremêler drame et comédie sans jamais être gnangnan.
Et c'est encore une fresque américaine, drôle et douloureuse, qu'il raconte ici, à travers l'histoire d'un écrivain sur une période de cinquante ans. Daniel est élevé par son cuisinier de père dans un hameau du New Hampshire peuplé de bûcherons. A la suite d'un malencontreux accident, ils doivent fuir. Commence alors une vie sur le qui-vive, faite de faux-noms et de départs précipités, entre familles italiennes, compagnons chinois et amis des bois, sur fond d'Histoire américaine du Vietnam à l'Irak.

J'ai retrouvé dans ce roman tout ce que j'aime chez John Irving, notamment les rebondissements inattendus et la capacité à me faire rire et pleurer sur une même page. Il continue encore à me surprendre, avec son tour de passe-passe préféré qui consiste à annoncer les mauvaises nouvelles sans prévenir, au détour d'une phrase innocente qu'il faut relire deux fois pour être sûr d'avoir bien compris. Douche glacée garantie. Mais comme le résume un chapitre : "c'est un monde d'accidents." J'ai également aimé retrouver la galerie de Freaks chère à l'auteur, ici un boiteux et des géants (et géantes) qui répondent à des noms aussi exotiques que Ketchum, Pam Pack de Six, ou Tombe du Ciel ; j'ai toujours admiré le naturel avec lequel Irving attribue à certains de ses personnages des signes particuliers très particuliers. Enfin, on croise à nouveau ses thèmes de prédilection : les ours, la Nouvelle Angleterre, la lutte, le sexe, et la politique américaine.
Toutefois, par rapport à ses autres romans, j'ai eu l'impression qu'il parlait davantage de lui à travers Daniel : il multiplie les références à sa propre vie, et se confie sur le travail d'écrivain, ce qui est plutôt intéressant.

Malgré quelques longueurs et une multiplicité de personnages et périodes qui m'ont parfois un peu égarée, j'ai passé un bon moment de lecture, portée par l'humanité et la drôlerie qui s'en dégagent.
Avis aux amateurs de bons gros romans américains !
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Dernière nuit à Twisted River commence en 1954, dans un camp de bûcherons, au nord du New Hampshire, dans le bien réel comté de Coos, pas loin de la frontière canadienne. le roman s'ouvre sur un drame : Angel Pope, draveur inexpérimenté, a perdu l'équilibre, est tombé à l'eau et a immédiatement été enseveli sous les grumes qu'il s'efforçait de diriger. Ketchum, un des anciens, a bien essayé de le rattraper, mais en vain. Dominic Baciagalupo, le cuisinier du camp, et Danny, son fils de douze ans, ont assisté à la scène. Ce terrible événement ravive le chagrin du Cuistot : Rose, sa femme, la mère de Danny, s'est noyée à peu près au même endroit. Danny, pas plus que le lecteur, ne connaîtront les détails de ce drame avant longtemps...
***
Les lecteurs qui aiment John Irving vont retrouver leurs marques dans ce roman touffu et impossible à résumer sans en dire trop, je crois. On y découvrira pas mal des thèmes récurrents chez cet auteur, développés ou effleurés, ainsi que certaines anecdotes arrangées de manière différente. On trouvera un ours (voire des ours, si on compte Ketchum comme tel !), une fausse-couche et un avortement, la mort d'un enfant, l'absence d'un parent, l'évolution des relations familiales, le sport (la course et le ski de fond pour Danny, la lutte et l'aviron pour Joe), des adultères, le New Hampshire et la Nouvelle-Angleterre, des marginaux et… une fellation dans une voiture. On suivra trois générations de Baciagalupo avec ou sans pseudonyme : Dominic, Danny et Joe. de 1954 à 2005, on s'installera au New Hampshire, à Boston, au Vermont, à Toronto (en Ontario), et de nouveau au New Hampshire puis en Ontario. Avec le Cuistot, on cuisinera italien, français, chinois, mais on gardera une prédilection pour les desserts américains. On rencontrera Ketchum, un géant mal embouché, une force de la nature, un indéfectible ami rongé par la culpabilité. On constatera que Danny est attiré par les femmes plus grandes et (nettement) plus grosses que lui. On admettra les événements les plus improbables (confondre un ours et une Indienne, voir une grande femme nue tomber du ciel, etc.) grâce au talent de l'auteur.
***
Ce roman est prétexte à une profonde réflexion sur l'écriture grâce à une belle mise en abyme et beaucoup d'éléments autobiographiques : Danny est un écrivain qui a connu le succès à son quatrième roman, qui partage sa vie entre Etats-Unis et Canada, etc. Cet écrivain est précisément en train d'écrire le roman que vous êtes en train de lire. Vous assisterez, en somme, à la genèse du premier chapitre, et c'est passionnant. J'ai beaucoup aimé ce roman de 2011 qui m'avait échappé, je me demande bien pourquoi… Je retrouve toujours John Irving avec grand plaisir : je sais que m'attendent une histoire bien ficelée, des personnages hauts en couleurs, une fine analyse psychologique, de beaux moments d'émotion et plusieurs éclats de rire ! Je me réjouis donc à l'avance de la parution de Darkness As a Bride prévue en 2022, mais le roman n'est pas encore terminé nous dit Irving dans son blog : https://john-irving.com/a-third-act/. Il est en train de travailler la troisième partie…
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Encore un de ces auteurs que l'on se promet de découvrir un jour ou l'autre. La promesse rêvée d'un beau moment de lecture.
Oui, il traînait dans mon pense-bête depuis un moment. Quelques adaptations cinéma qui m'avaient mis la puce à l'oreille.
Bref, j'y allais pleine d'espérances et elles ne furent pas déçue.

Le début du roman m'a un peu déroutée comme d'autres apparemment,
ennuyée même peut-être.

Mais où donc voulait-il en venir avec ce début d'histoire qui paraissait s'éterniser tout en semant imperceptiblement les germes d'une intrigue solide ? Bizarrement cette sensation de naviguer sans cesse entre anodin et essentiel perdure tout au long du roman mais contribue largement à notre intérêt. Notre double intérêt même... Celui, curieux, de la résolution de l'histoire et celui, ému, pour les personnages.

John Irving nous charrie de là à ici en passant par ailleurs, il nous bringuebale d'une région à l'autre. Et il utilise les différents horizons traversés comme des catalyseurs d'émotions, les témoins de drames ou de joies à la hauteur des lieux. Et il en fait un tout.
Une base... Un roc...
Il nous charrie d'un destin à l'autre....
Et il n'oublie pas de le faire avec humour. le sourire vient constamment
désamorcer une émotion naissante, lui laissant le temps de grandir pour mieux nous submerger par la suite...

Les personnages sont truculents, forts, faibles, pitoyables ou merveilleux... Et je vais me permettre une comparaison qui va sans doute paraître un peu osée à certains. Mais, oui, moi j'ai vu du Steinbeck dans ce Ketchum si vrai de vrai, ce héros si authentique. Et je me suis régalée de cette peinture aux nombreux visages d'une Amérique à la fois merveilleuse et consternante...

Je me dois un mot sur cette cuisine omniprésente. L'énumération récurrente des spécialités culinaires dont Dominic, notre généreux cuisinier, nous nourrit durant tout le roman m'a plus d'une fois fait venir l'eau à la bouche.

Bref, j'ai adoré...
Un livre qui fait du bien.
Qui sait émouvoir et ragaillardir...
Une histoire piquante.

Une belle écriture, fluide. Ce qui ne gâche rien.
Et un de plus dans AAL (Auteurs à Lire)!!!




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La dernière nuit à Twisted River, c'est celle d'un accident mortel absurde, à coup de poêle à frire, généré par une légende familiale dans laquelle un ours tient le rôle principal.
Les événements de cette fameuse nuit marquent le début d'une cavale pour Dominic Baciagalupo, cuistot au campement de Twisted River, persuadé que le shérif local ne gobera pas cette histoire d' « accident ». La cavale en question est loin d'être banale, puisqu'elle durera 50 ans (même si aucun des protagonistes ne s'en doute à ce moment-là), et que Dominic embarque avec lui son fils Daniel, 12 ans. Des forêts du New Hampshire à Boston puis Toronto en passant par Iowa City et quelques coins reculés de Nouvelle-Angleterre, Dominic continuera à exercer ses talents de cuisinier, tandis que son fils deviendra un écrivain de renommée mondiale, tous deux toujours sous pseudonyme puisque toujours sous la menace de « retrouvailles » avec le constable de Twisted River.
Il ne se passe pas grand-chose tout au long de ces 700 pages, la vie des deux hommes s'écoule lentement, déchirée par quelques drames personnels, ressassés à l'envi. Il y a bien sûr le suspense de savoir si le jeu de chat et de souris entre ennemis jurés prendra fin un jour, et de quelle manière, mais au vu du ton général du roman, mélancolique, on n'imagine pas un happy end en Technicolor.
J'ai trouvé ce roman lourd, pesant, au point d'être soulagée de le terminer pour pouvoir passer à autre chose. J'ai plus d'une fois bâillé d'ennui, mais je me suis forcée à le lire jusqu'au bout. Bah oui, c'est John Irving, quand même, donc c'est forcément un bon bouquin, ou alors c'est moi qui n'ai pas tout compris. Et conclusion : je n'ai rien dû comprendre, parce que j'ai eu beau chercher, je n'ai rien trouvé d'exceptionnel, de remarquable, ni même d'original dans ce pavé.
Après un début laborieux, où la terminologie liée au flottage du bois sur rivière et aux bûcherons draveurs, et où la description des méandres de la Twisted m'ont laissée de marbre, pour ne pas dire assommée, la suite ne s'est guère révélée plus emballante, avec ses allers-retours incessants entre passé et présent, à en perdre le fil du récit, et ses effets d'annonce surabondants. Un peu plus de linéarité et de sobriété n'auraient pas nui à la lisibilité du roman. Les thèmes abordés ne sont pas non plus surprenants, puisqu'on les retrouve à travers toute l'oeuvre d'Irving : le New Hampshire, les ours, la lutte, la peur de perdre un enfant, le parent absent, les femmes, l'amour. Et aussi (surtout) le travail de l'écrivain, très prégnant ici. On assiste en effet à la mise en abyme d'un écrivain (Irving) qui décrit un écrivain (Daniel) et le travail de celui-ci, ainsi que le contenu de ses romans, lesquels sont fortement autobiographiques. Ce qui pourrait être original (quoi que…), mais qui au final est plutôt lassant parce qu'on a l'impression de lire deux fois la même histoire (qui n'est pas transcendante selon moi, cf ci-dessus) : celle de Daniel racontée par Irving, et celle du héros de Daniel racontée par Daniel… de là à accuser Irving de remplissage, il y a un pas que je ne franchirai pas, mais j'avoue avoir trouvé le temps bien long. Un point positif tout de même : si les personnages principaux, Daniel et son père, ne provoquent que peu d'empathie, il en va autrement de deux personnages secondaires, Ketchum et Pack-de-Six, hauts en couleurs et réellement attachants. Mais c'est un peu court pour un tel roman-fleuve.
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critiques presse (1)
Lexpress
05 juillet 2012
Dans ce roman-fleuve, l'un de ses meilleurs, l'auteur du Monde selon Garp fait preuve d'un bel humour, fruit de l'enchevêtrement du grave et du loufoque, de l'atrocité de meurtres atténuée par l'incongruité des situations et la gouaille des personnages.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (136) Voir plus Ajouter une citation
Eh ben, quand il se déclare un écrivain dans une famille, si tu veux mon avis, avait dit Ketchum, c'est un coup dur et voilà tout. Nous ,on se fâche quand il nous met dans ses livres, on se fâche quand il nous y met pas, on lui reproche de ne pas écrire sur lui-même, sur ce qu'il est vraiment quoi. Et par dessus le marché de faire de son ex-femme un personnage bien plus chouette qu'en réalité.
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Le jeune Canadien - quinze ans, tout au plus - avait eu un instant d'hésitation fatal. Il avait cessé de danser sur le bois flotté du bassin, au-dessus du méandre, et en un clin d’œil il avait glissé sous l'eau corps et biens sans qu'on ait pu saisir sa main tendue. L'un des bûcherons, adulte celui-là, avait tenté de l'attraper par les cheveux, qu'il portait longs. A peine le sauveteur en puissance avait-il plongé la main à l'aveuglette dans l'eau trouble et dense, un vrai bouillon de culture avec ses plaques d'écorce à la dérive, que deux troncs s'étaient heurtés violemment sur son bras, lui brisant le poignet. Le tapis mouvant des grumes s'était déjà refermé sur le jeune Canadien ; on n'avait même pas vu resurgir de l'eau brune une de ses mains, une de ses bottes cloutées.
Quand les grumes se télescopaient, sitôt qu'on avait débâclé la bûche centrale, il fallait se déplacer prestement sans relâche ; si les conducteurs du train s'immobilisaient, ne serait-ce qu'une seconde ou deux, ils basculaient dans le torrent. L'écrasement guette parfois les draveurs avant même la noyade, quoique celle-ci soit chez eux plus fréquente.
Depuis la berge, où le cuisinier et son fils de douze ans entendaient les imprécations du blessé, on avait compris tout de suite que ce n'était pas lui qui avait besoin d'assistance, car il avait libéré son bras et repris l'équilibre sur les troncs flottants. Sans s'occuper de lui, ses camarades avançaient à petits pas rapides sur le train, criant le nom du disparu, poussant inlassablement les troncs devant eux du bout de leur perche, surtout préoccupés de rallier la berge au plus vite, mais le fils du cuisinier ne perdait pas espoir qu'ils dégagent un espace assez grand pour permettre au jeune Canadien de refaire surface. Pourtant, les intervalles entre les troncs se raréfiaient. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, le garçon qui s'était présenté sous le nom d'Angel Pope, de Toronto, avait disparu.
- C'est Angel, tu crois ? demanda le fils à son père.
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Avec ses yeux sombres et son expression sérieuse, on aurait pu le prendre pour le frère du disparu ; mais on ne risquait pas d'ignorer l'air de famille entre lui et son père, toujours sur le qui-vive. Il émanait en effet du cuisinier une aura d'appréhension maîtrisée, comme s'il avait coutume de prévoir les désastres les plus improbables, et ce trait se retrouvait dans le sérieux de son fils. En somme, l'enfant ressemblait tellement à son père que plusieurs des bûcherons s'étaient ouvertement étonnés de ne pas le voir claudiquer très bas comme lui.
C'était bien le jeune Canadien qui était tombé sous les troncs, et le cuisinier ne le savait que trop, lui qui avait mis en garde les bûcherons : Angel était trop novice pour conduire un train de bois ; on n'aurait jamais dû le laisser débâcler les troncs coincés. Mais sans doute avait-il voulu faire du zèle, et il se pouvait que les bûcherons ne l'aient même pas vu, au départ.
Selon le cuisinier, Angel Pope était de même trop novice - et trop maladroit - pour travailler à proximité de la grande scie, à la scierie. C'était le fief exclusif du scieur, poste hautement qualifié. L'ouvrier chargé du rabot occupait un poste assez qualifié lui aussi, mais sans les risques.
Parmi les fonctions les plus dangereuses et les moins qualifiées, il y avait celle d'ouvrier des quais, où les troncs étaient roulés jusque dans l'usine et mis sur le chariot de la scie, ou encore celui qui consistait à décharger les bûches des camions. Avant qu'on ait inventé les monte-bois, quand on détachait les montants de la benne, un tronc entier pouvait tomber. Il arrivait aussi que les montants refusent de livrer leurs troncs, et que des hommes se retrouvent coincés sous une cascade de grumes, en voulant les débloquer.
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Le cuisinier estimait qu'on n'aurait jamais dû placer Angel sur le chemin des bûches mouvantes. Mais les bûcherons, tout comme le cuisinier et son fils, avaient un faible pour le jeune Canadien, et celui-ci avait déclaré en avoir marre de trimer à la cuisine : il avait besoin de se dépenser physiquement, et il aimait travailler au grand air.
Le crépitement des gaffes qui poussaient les troncs fut brièvement interrompu par les cris des draveurs : ils venaient de repérer celle d'Angel, à cinquante mètres au moins de l'endroit où il avait disparu. La perche de cinq mètres s'était détachée du train, et dérivait au gré des courants.
Le cuisinier voyait bien que le convoyeur de troncs avait regagné la berge, en tenant sa perche dans sa main valide. A sa bordée de jurons d'abord, et aussi un peu à sa chevelure d'étoupe et sa barbe en broussaille, il avait compris que le blessé n'était autre que Ketchum, pour qui les trains de bois et leurs pièges n'avaient pas de secret.
On était en avril, peu après la fonte des neiges, au début de la saison boueuse, mais la glace n'avait cédé que depuis peu dans les bassins, les premiers troncs étaient passés au travers en amont, du côté des étangs de Dummer. La rivière était grosse, glaciale ; les bûcherons gardaient souvent barbe et tignasse, qui les protégeraient tant bien que mal des taons, à la mi-mai.
Ketchum s'était couché sur le dos le long de la berge, tel un ours échoué. La masse mouvante des troncs déferlait devant lui. Le train de bois prenait des allures de radeau de sauvetage, et les bûcherons encore sur l'eau faisaient figure de naufragés en mer, sauf que cette mer passait en un clin d’œil du vert-de-gris au bleu-noir : à Twisted River, les eaux étaient généreusement teintées de tannins.
- Eh merde, Angel, gueulait Ketchum, dos tourné, je te l'avais pourtant dit de bouger les pieds, faut pas avoir les deux pieds dans le même sabot, quoi ! Eh merde !
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On ne choisit pas toujours les circonstances d'une rencontre. Parfois les gens atterrissent bien proprement dans notre vie, comme tombés du ciel ou débarqués d'un vol en provenance directe du paradis ; et puis nous perdons brutalement des gens que nous avions cru à jamais tissés dans la trame de nos jours.
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