J'ai commencé mon compagnonnage littéraire avec
Portnoy et son complexe, et depuis cette époque j'ai conservé un lien qui ne s'est jamais distendu avec les romans de
Philip Roth.
Comme un grand-frère il m'a précédé et accompagné à la fois, dans ma vie de post adolescent, de trentenaire puis maintenant d'homme plus proche de sa fin de vie que de son jour de naissance, mesurant au fil des anniversaires la progression inéluctable vers ce qui est le destin de tout homme.
Nathan Zuckerman s'est exilé dans la campagne du Massachussets, les Berkshires, au milieu des arbres, des lacs, près de Larry Hollis, un voisin envahissant mais compatissant, confident malgré lui de ce voisin qui s'est imposé à lui.
Il se rend de temps à autres à Athena, la ville proche où il s'offre un contact avec la civilisation. Il n'a pas cessé d'écrire, même si l'idée de publier l'a complètement quittée.
Lors d'un séjour à New-York, pour raisons médicales, sur un coup de tête, il répond à l'annonce d'un jeune couple de trentenaires souhaitant échanger leur appartement de l'Upper West Side contre une maison à la campagne.
Cette virée à New-York et la perspective d'y revenir est pour Nathan l'occasion de revisiter sa vie en la comparant à ce que vit aujourd'hui ce couple de trentenaires et que désormais il ne peut plus vivre.
"Moi,qui, depuis l'âge de de douze ans, avais toujours apsiré à la singularité et recherché en moi ce qui sortait de l'ordinaire, voilà que je me retrouvais semblable à tout le monde.
Et n'est-ce pas en fait, cette ombre omniprésente de l'humiliation qui lie chacun d'entre nous à tout le monde ?"
Nathan voyage dans le temps en restant sur place. Rien ne semble avoir bougé. On l'attendait même peut-être. Il retrouve Amy Belette, la compagne de l'écrivain Lonoff un de ses mentors, qu'il a connue en 1956, retrouve Tony le plus jeune fils des patrons d'un restaurant italien dont il était l'habitué. Tony a maintenant les cheveux gris..."Je me faisais l'effet d'être un imposteur, qui prétendait être l'homme que Tony avait connu jadis, et j'aurais donné cher pour être lui."
Regard sur la vieillesse ou non, plutôt sur le voyage dans la vie qui nous place sur une échelle dont nous ne pouvons plus descendre les barreaux sinon regarder monter les autres, qui ne nous rattraperont jamais.
Nathan Zuckerman nous fait vivre avec réalisme, sans complainte et sans complaisance, son histoire qui recoupe celle des USA, des grands mouvements démocrates dans les années 1960 et 1970 à "Nine Eleven" et aux craintes et aux doutes qui habitent les citoyens actifs du pays, qu'il ne comprend plus.
En quelques lignes l'auteur nous fait partager les incompréhesions de Nathan qui s'étonne de voir les gens parler au téléphone dans les rues, jusqu'aux chauffeurs de taxi qui collés à leur téléphone ne conversent plus avec leurs clients...
Philip Roth écrit avec
Exit le Fantôme, un de ses romans les plus personnels et les plus émouvants, se regardant dans le miroir et le tournant vers le pays qui l'a consacré, encensé, mais aussi décrié.
Son incapacité à séduire Jamie, la jeune femme du couple avec lequel il échange son appartement, n'est pas uniquement liée à son incapacité physique, elle illustre quelque part l'incapacité de l'Amérique à nous séduire une fois de plus, retranchée qu'elle est dans ses peurs.
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