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Natalia Zaremba-Huzsvai (Traducteur)Charles Zaremba (Traducteur)
EAN : 9782742792382
275 pages
Actes Sud (06/10/2010)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Bien avant la consécration de son travail par le prix Nobel de littérature en 2002, Imre Kertész a noté, sur une période de trente ans (de 1961 à 1991), ses observations, ses pensées philosophiques et les aphorismes qui l'accompagnaient lors de l'écriture de ses premières oeuvres. A travers un dialogue avec Nietzsche, Freud, Camus, Adorno, Musil, Beckett, Kafka, et bien d'autres encore, Imre Kertész tente, de façon brillante, de penser l'holocauste, la modernité, la... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Voici le livre qui a accompagné mon confinement, et qui continuera à m'accompagner désormais.
C'est un livre extraordinaire, mais le chemin pour l'atteindre peut être un peu long: il vaut mieux avoir lu Être sans destin, le Refus et Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas, avant de se lancer dans cette lecture (et éventuellement aussi le Drapeau anglais, ce qui n'est pas encore mon cas). On en profite mieux, parce que Kertész donne des clés de compréhension de ces livres à travers trente ans de réflexions (1961-1991). Il montre quelles réflexions philosophiques, au sens antique de la philosophie comme manière de vivre, ont accompagné et nourri son oeuvre.
Mais ce qui est surtout magnifique, c'est la quête du bonheur que poursuit inlassablement Kertész. Après Auschwitz, pendant le régime communiste hongrois, il a cherché dans la littérature le bonheur qu'il ne pouvait trouver dans une vie tant soit peu sociale.
La quête du bonheur est poursuivie sans aucune concession, sans rien lâcher sur la recherche de la vérité, toujours, et de sa singularité aussi. Et on le voit passer par la honte, l'angoisse et le désespoir. Mais il traverse tout avec persévérance, porté par sa nécessité intérieure, trouvant sa raison d'être (souvent perdue) dans la littérature.
Le résultat est une oeuvre forte, parcourue de fulgurances. On pourrait en tirer une citation marquante presque à chaque page. Je le soupçonne d'ailleurs d'avoir livré des extraits de ses journaux pour constituer ce livre comme une sorte de quintessence de ses réflexions. Dans les citations que j'ai données par ailleurs, j'ai dû beaucoup me freiner...
Comme tout écrivain, il est nourri par ses lectures. Il y fait de fréquentes allusions, en fait de nombreuses citations. J'ai réuni dans une liste les oeuvres citées, quand elle étaient identifiables. Et la liste est devenue impressionnante, voire rébarbative peut-être. Elle est un concentré de la philosophie et de la littérature françaises et allemandes des 19e-20e siècles. Si j'ai bien compris il a lu la littérature française en traduction allemande. Il s'est forgé une culture germanique, lui le gamin juif hongrois, rescapé d'Auschwitz. Quelle capacité à échapper aux pentes vulgaires, à toujours surprendre et à toujours tomber juste!
Il me reste encore beaucoup à découvrir à partir de ce livre foisonnant, beaucoup de pistes à explorer. Et je m'en réjouis. Car, oui, Imre Kertész est un des plus grands écrivains dont j'ai eu le bonheur de rencontrer les oeuvres.
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Peu de lecteurs et encore moins de critiques sur ce livre, qui est un Journal, se déroulant de 1961 à 1991, mais l'essentiel concerne les années 1980. L'auteur, Imre Kertrsz, vit de sa plume, difficilement, dans une Hongrie re-stalinisée après l'insurrection de 1956. Sa création littéraire est clandestine. Et il s'interroge sur justement l'écriture, la création, la vérité, la réalité. Donc la vie et sa perception. le mensonge.
Et puis, Imre Kertesz est revenu de là où l'on ne revient pas (cf. mes notes sur l'oeuvre de Charlotte Delbo). Et il s'interroge mais répond aussi sur le rapport entre la vie et l'écriture.
Ce Journal de Galère est à la fois simple à lire, car il est souvent constitué de notes, comme postées un jour, un soir, quelques réflexions, et puis il est compliqué, complexe, tant Imre fait référence a ses propres lectures. Pourquoi ? car lui-même découvre la lecture, est assoiffé de lectures, il s'en gave, et il nous livre dans ce Journal, toutes ses réflexions. Ses lectures sont riches, puissantes, entre Kafka, Nietzsche, Thomas Mann, Goethe, et autres, par moment, je recommande le silence pour déguster, savourer une écriture magnifique.
Oui, lire Kertesz c'est écouter une symphonie de Beethoven ou de Malher (clin d'oeil au livre et à son auteur).
Kertesz écrit d'une manière toute musicale et je comprends ses références constantes (à chacun de ses livres) à Thomas Bernhardt. Lire Kertesz c'est comme écouter le Requiem de Mozart ou celui de Haydn (là je laisse le choix, moi j'aime les deux).
La langue de Kertesz (et là bravo sans doute aux traducteurs) est toute symphonique.
Mais je concède que ce n'est pas d'un accès facile, il faut un temps et commencer par un grand silence, comme lorsqu'on attend que l'orchestre sous la commande de son chef entame les premières notes. Lire Kertesz c'est l'entendre, accepter le rythme, vibrer aux sons, prendre plaisir aux répétitions, jouir des paradoxes du langage, c'est rester éveillé dans un monde qui a une fin.

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Comment qualifier cette oeuvre que Imre Kertesz a appelé journal.
Certes, des dates donnent des points de repère à son livre.
Toutefois, la puissance de ses pensées er de son écriture me feraient davantage considérer cette oeuvre comme philosophique.
Il y a une telle richesse dans ce livre que j'ai mis fort longtemps pour l'ingérer Et je me sens bien médiocre pour émettre une critique de ce livre bouleversant.
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Aborder l'oeuvre d'un écrivain par la parole intime, par la réflexion fragmentaire, par un récit en miettes, c'est entrer directement dans le vif du sujet. Je ne connais rien de Kertész et je me retrouve dans sa tête, en train d'écrire Etre sans destin, en train de penser l'impensable, la vie après Auschwitz, la lucidité d'un désespoir qui refuse le suicide, a lu Camus, s'est vu dans sa glace en personnage de Beckett, assiste à l'agonie de sa mère déjà dans un autre monde de son vivant. le portrait, radical, sombre et pensif de l'écrivain m'emmènera-t-il vers son oeuvre ? Peut-être les vides de journal s'y creuseront-ils encore plus, car il me semble, finalement, qu'Imre Kertész n'a pas vraiment vécu.
Lien : http://www.lie-tes-ratures.c..
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Le Journal de galère appartient à cette catégorie d'oeuvres, fort rares (je songe au journal de Stanislas Brzozowski), où la plus grande pudeur, dimension paradoxale mais, je crois, vitale sous peine d'insignifiance matznévienne, est néanmoins le gage de terrifiantes révélations : «Sauf qu'une littérature relative est toujours mauvaise et qu'un art non radical est toujours médiocre : un bon artiste n'a pas d'autre choix que de dire la vérité, et de la dire radicalement».
Lien : http://stalker.hautetfort.co..
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Finalement, quelle sorte de vertu le travail est-il ? Une vertu d'esclave. Mais comment a-t-il pu devenir à l'époque moderne - imperceptiblement - une idéologie, une éthique et, osons le dire : un dieu ? Que signifie d'ailleurs ce mot : travail ? L'action, l'activité ne constituent pas un travail, même si elles vont de pair avec celui-ci. Autrefois, dans l'Antiquité, les artistes ne "travaillaient" pas, au sens où on le dit, par exemple, de Dickens ou de Zola, etc. Le travail comme conquête, comme dynamique, comme façon de vivre, voire comme idée de la vie - comme antinomie de la vie contemplative. Le travail qui ne voit qu'inutilité et parasitisme dans la contemplation, dans les jeux de forme supérieurs de la vie, dans tout ce qui est aristocratique. Est-ce une révolution ou de la folie ? A moins que ce ne soit une nécessité ? Le travail a permis le progrès technique et scientifique ; mais sans progrès technique et scientifique, pas de croissance démographique et, sans croissance démographique le progrès technique et scientifique devient inutile. Quoi qu'il en soit, le fait est que, de nos jours, le travail écrase et justifie tout (Auschwitz et la Sibérie, pour citer des exemples extrêmes) : le travail est le seul dieu agissant que l'humanité adore, ouvertement ou non, mais unanimement, comme un nouveau Moloch. Il imprègne toute sa vie morale ; la morale du travail a repoussé à l'arrière-plan toutes les autres morales - y compris l'éthique du travail elle-même -, elle est totalement an und für sich, en soi et pour soi. Mais l'automatisme né du travail ne tarde pas à offrir à la société une masse qui reste sans activité - et donc sans dieu : afin de poursuivre une vie religieuse, elle s'engage dans la destruction méthodique, qui est aussi un travail, en fin de compte, pour peu qu'on lui trouve une morale. La baisse du niveau de l'humanité a commencé avec la victoire du dieu-travail et sa transformation en morale universelle : mais qu'est-ce que le niveau de l'humanité - sachant que le niveau est le résultat d'un travail et qu'il a abouti au travail total ?

P78-79.
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La Naissance de la tragédie. Toute la pensée allemande moderne prend sa source chez Nietszche. Il savait déjà tout ce que Freud devait encore découvrir. Je le lis avec admiration et émerveillement. Le dionysiaque qu'il a vécu devant les remparts de Metz, comme moi au camp de concentration et durant les "années cinquante". Le Grec apollinien qui regarde, émerveillé, le serviteur de Dionysos, et son émerveillement croît à mesure qu'il découvre que tout cela ne lui est pas si étranger (Cf. l'idée de "Moi, le bourreau".) La grande expérience moderne. Le dionysiaque en tant que mouvement politique, le dionysiaque en tant que rock'n'roll. Le gouffre qui sépare le dionysiaque barbare du Dionysos des Grecs. Par son nihilisme, le monde moderne est au service du Dionysos barbare - mutatis mutandis, il se trouvera toujours une idéologie appropriée, même s'il lui manque le contrepoids apollinien. Qu'il est agréable de penser ainsi et de rejeter l'historisme insipide ! Nietszche était conscient du caractère insupportable de l'existence : son problème était - déjà - l'individu, la personne. Nietsche a toujours accompagné ma pensée, ses problèmes sont inscrits dans ma chair par la réalité, par mes expériences vécues - et ce n'est une vue de l'esprit, une théorie. Une remarque malicieuse : le mot Zauberberg* apparaît dans La Naissance de la tragédie. Thomas Mann n'a eu qu'à se servir.

* En allemand : "montagne magique".

P165-166.
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Qu'est-ce que j'entends par destin? De toute manière, la possibilité du tragique. Contrecarrée par une détermination extérieure, une stigmatisation qui engonce notre vie dans une situation imposée par le totalitarisme, c'est-à-dire dans une absurdité: donc, vivre comme une réalité les déterminations qu'on nous impose et non les nécessités qui découlent de notre - relative - liberté, voilà ce que j'appelle être sans destin.
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Le test de Szondi sur Eichmann. C'était un diagnostic aveugle. Résultat : assassin particulièrement dangereux. Toutes les théories échafaudées à propos du bureaucrate assassin se sont effondrées. Tuer en ayant des penchants au meurtre - c'est d'un banal ! On ne peut donc pas remplacer Eichmann par M. Tout-le-Monde, comme je l'ai cru moi-même, rendant ainsi hommage au dynamisme de la structure nazie. Il reste donc la formule la plus minable : des criminels prennent le pouvoir et l'exercent à la manière des criminels. La lâcheté, l'aveuglement et l'âpreté au gain des autres ainsi que le pragmatisme des affaires font le reste. Quel lieu commun ! Je n'arrive pas à admettre que je me suis retrouvé à Auschwitz pour une raison aussi peu originale.
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Deux semaines en Allemagne. Je suis à Buchenwald et à Zeitz, près de l'usine. J'ai reconnu le chemin sablonneux. Un garçon est passé à vélo, il portait une blouse de travail ; il m'a dévisagé. Je devais avoir l'air d'un étranger. Il était plus étroit que dans mon souvenir (je veux dire le chemin). L'usine était là : les grandes tours de refroidissement toussaient ; j'avais oublié ce bruit, mais je l'ai reconnu aussitôt. Quels souvenirs il m'a rappelés ! Je crois (et j'en suis presque sûr) que j'ai retrouvé l'endroit où se trouvait le camp de Zeitz. A sa place, il y a une ferme d'Etat et un gigantesque enclos à bétail. Je n'ai pas éprouvé la grande émotion des retrouvailles. Le temps, le bon vieux temps, et comme dit Proust, le maître en la matière : "la réalité que j'avais connue n'existait plus".
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« Être sans destin », de Imre Kertész, c'est à lire en poche chez Babel.
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