Quatre siècles d'histoire, il fallait les avaler, d'autant que la quatrième de couverture m'invitait à la fronde, à moins d'être boulimique, cette dégustation ressemblait à un repas de la IVème république avec 4 poissons puis 4 viandes.
Quel chef, ! Monsieur
Amin Maalouf nous a préparé un menu étoilé à la Gagnère en nous épargnant le digestif, à savoir sa propre montée des marches vers l'éternité !
Des plats imposés, 18 impétrants à se succéder par le menu, les uns accompagnés de leur mentor, les autres arborant fièrement leurs
origines, leur millésime, leur l'intelligence ou leur bouquet de rimes ou de prose.
Monsieur l'académicien Me
Amin Maalouf, ne s'est pas posé sur un fauteuil au bord de la Seine, pour raconter de mémoire ce qu'il savait de ces immortels. Retroussant ses manches il arpenta toutes les bibliothèques susceptibles de le renseigner sur la qualité des récipiendaires.
Ce récit est magnifique, authentique, vrai, du bio, ou du moins du biographique, plein de finesses, de tendresse pour leurs défauts, de l'ironie pour ce qu'ils ont cru être leur panthéon, un florilège de l'esprit français.
On devine que l'ultime préoccupation de l'auteur est de montrer l'apport de chaque personnalité à la culture, la réussite de cette quête on la trouve dans ce mélange de tempéraments qui entremêle le cardinal de Fleury à Claris de Florient qui goûta à la prison, de
Ernest Renan à Paul Chalmel l'amoureux discret, de
André Siegfried l'orateur à Henry de
Montherlant le toréador tourmenté.,
Amin Maalouf brosse un tableau singulier de notre langue avec ses multiples apports de personnalités du monde des arts des lettres ou des sciences.
On sera surpris par les diverses éruditions, ainsi réunies dans cette géologie académique, et le nombre de sciences nouvelles crées par ces artistes du verbe français ; la médecine expérimentale avec
Claude Bernard, l'histoire des religions et la
vie de Jésus avec
Ernest Renan, l'anthropologie sociale avec
Claude Lévi-Strauss, la biographie comme science avec
Joseph Michaud, la physiologie et l'humanisme avec
Pierre Flourens, de la manière de négocier avec François de Carrière.
François de Carrière s'est éteint en 1717 à 70 ans, ayant tardivement publié son ouvrage "de la Manière de Négocier", car il attendait la mort de son maître Louis X1V ! Son texte et sa personne de tardèrent pas à sombrer dans l'oubli.
C'est 200 ans plus tard en 1917 que son texte entame une lente résurrection.
C'est un anglais sir Ernest Satow qui publia en 1917 un guide pratique se référant chapitre après chapitre à l'ouvrage de François de Carrière décrit comme une mine de sagesse politique.
On sait par exemple que
Thomas Jefferson avait lu et admiré l'ouvrage de Carrière dont il gardait un exemplaire en permanence dans sa bibliothèque
Ainsi, l'art de négocier n'est pas une science, mais bien un art enseigné à Harvard, et l'auteur devenant ironie de l'histoire l'apôtre de la persuasion, pour l'inventeur du softpower, sa carrière est maintenant assurée, il a de nos jours un succès fou..
C'est le voeu que je forme pour Mr
Amin Maalouf, puisse ce texte devenir un art, l'art d'accommoder les talents de nos ancêtres.
Cette première est une réussite littéraire, un hommage à l'esprit français cher à
Molière, à le fontaine, à
Molière et à Hugo.
A noter que le développement sur François de Carrière est personnel et subjectif.