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Le Minotaure" est une étude de moeurs drôle jusqu'au cocasse. Dans cette pièce en un acte, on retrouve les caractéristiques du "style"
Marcel Aymé : humour caustique, regard acéré mais enjoué sur les travers de l'humanité, intrusion d'un élément/événement perturbateur - souvent fantastique - dans le quotidien.
Ici, l'auteur du "Passe-Muraille" et de "
La Jument verte" écrit pour la scène. Ce n'est pas la première fois, son "Clérambart" est désormais un classique du théâtre. Dans "
Le Minotaure", le fantastique est subtil, dilué.
Marcel Aymé joue sur les illusions et les faux-semblants. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'auteur insiste, dans sa didascalie de départ, sur le besoin d'une toile de fond pour créer le décor : un salon parisien bourgeois.
Au centre de ce salon,
le Minotaure, ou plutôt un tracteur de la marque Minotaure, qui a pris la place de la console Empire de Madame Forestier... Gérard Forestier a eu un coup de coeur pour cette machine qui lui rappelle ses origines paysannes, trop longtemps réprimées à son goût afin de répondre aux ambitions d'ascension sociale et de standing de sa femme. La dispute éclate entre les époux. Une dispute dans laquelle des éclats de vérité fracturent le vernis d'un couple mal-assorti... Et le dramaturge joue avec nous en faisant jouer ses personnages : voilà que Gérard Forestier se pique de jouer au paysan avec le livreur du tracteur ; ils entraînent la bonne dans leur délire... Comme si, par un glissement du monde, ils avaient été envoûtés par ce tracteur qui devient alors une sorte de totem aux pouvoirs magiques... Mais Madame Forestier ne se laisse pas prendre à ce jeu de rôle, elle... Mais ça ne tarde pas ! En effet, voilà que Rirette et son fils Michou passent dire bonjour. Là,
Marcel Aymé entre dans le fond du sujet et explore le jeu des conventions sociales. A la vue du Minotaure, leur extase ne connaît plus de bornes et Madame Forestier est contrainte de revoir son jugement sur le tracteur par simple besoin de sauver les apparences et de montrer sa modernité et son goût artistique. Ce tracteur au milieu du salon devient à leurs yeux une oeuvre d'art atypique, la plus belle expression de "l'en-soi" !!!
Marcel Aymé révèle la vraie nature des relations bourgeoises, on le sent qui se régale à fustiger le snobisme, la prétention des pseudo-amateurs d'art...
La lecture de cette pièce m'a beaucoup amusé !