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Constance Cagnat-Deb½uf (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253096290
248 pages
Le Livre de Poche (01/07/1998)
3.73/5   509 notes
Résumé :
Mais que dissimule la coquetterie glacée de cette aristocratique Célimène ? Et par quel étrange sortilège l'incandescente passion d'Armand de Montriveau va-t-elle à son tour la consumer ?

Comme tout vrai chef-d'œuvre, ce "roman noir" - primitivement intitulé " Ne touchez pas à la hache " - est pour partie une autobiographie sublimée, c'est-à-dire le contraire d'un roman à clefs. "Moi seul sais ce qu'il y a d'horrible dans La Duchesse de Langeais," co... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (57) Voir plus Ajouter une critique
3,73

sur 509 notes
Un nouveau Balzac ! Cette fois-ci, l'auteur nous offre avec La Duchesse de Langeais une véritable histoire d'amour plus dramatique que celles que j'avais l'habitude de lire.

J'ai retrouvé de nombreux points communs avec La Princesse de Clèves, notamment un amour impossible entre une jeune femme mariée et un homme admiré pour ses qualités physiques comme morales. Toutefois, ici, le roman débute de façon inattendue, dans un couvent d'Espagne, où on soupçonne un amour caché entre Soeur Thérèse et un général de l'Armée. Dès lors, Balzac nous livre une histoire atypique, qui plonge le lecteur au coeur de la société française du XIXème siècle. Nous suivons alors la rencontre entre Antoinette de Navarreins, devenue la Duchesse de Langeais, et le jeune Armand de Montriveau, qui revient tout juste d'un long périple en Afrique. C'est un coup de foudre pour l'un, mais pas pour l'autre. Toutefois, après avoir cédé aux charmes de Montriveau, Antoinette pourra-t-elle être heureuse ? Les deux amants seront-ils réunis ? C'est ce que l'on découvre au terme d'une longue aventure, aussi impitoyable que passionnante, dont la scène finale est touchante au plus haut point…

J'avoue que j'ai mis beaucoup de temps à rentrer dans l'histoire, sans doute à cause des longues descriptions caractéristiques de l'écriture De Balzac ; néanmoins, l'histoire est devenue de plus en plus intéressante, et je ne voulais plus abandonner le livre avant de connaître la fin…
Ainsi, Balzac signe encore un très beau roman, même si j'ai été encore plus emportée par la merveilleuse narration du Père Goriot, roman incontournable de l'auteur de la Comédie Humaine.
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Pour son deuxième roman de l'Histoire des Treize, Balzac choisit encore une histoire d'amour, « de celles qui finissent mal en général » comme le chantaient les Rita Mitsouko.
En fait de Général, celui-ci se nomme Montriveau, un homme intègre et d'un grand courage, mais, on le verra, décidé dans ses amours et sa vengeance, ainsi que dans l'entreprise de retrouver sa belle.
Sa belle, c'est Antoinette de Langeais, née de Navarreins, l'épouse d'un Duc semble-t-il pas très aimable, mais que l'on ne verra jamais apparaître dans cette histoire, si ce n'est pour nous dire qu'il est mort.
La Duchesse de Langeais, c'est une toute jeune et superbe femme qui aime séduire et faire tourner la tête aux hommes, une allumeuse, en quelque sorte. Mais sa parade de séduction va se faire pour ce Général, qui fait partie de cette Compagnie secrète des Treize, dont le courage et les aventures en Afrique lui donnent un aura dans les salons aristocratiques. Et, patatras, celui-ci va croire à l'amour sincère de la Duchesse jusqu'à ce qu'il réalise qu'elle le mène en bateau; et alors, cet homme qui n'aime pas se faire duper, va se venger, d'abord en faisant enlever Antoinette, et en lui voulant lui faire peur par une mise en scène de marquage au fer rouge, puis en ne paraissant plus dans les salons, et en ne répondant pas aux lettres de la Duchesse, maintenant dévorée par la passion. En dernier recours la Duchesse annonce à Montriveau qu'elle va se rendre à son domicile, mais celui- ci, en retard, n'est pas rentré chez lui. Désespérée, Antoinette fuit Paris pour entrer au Carmel. Alors le Général, repris de passion, va rechercher inlassablement et partout en Europe son ex-bien-aimée.
En somme, un « je t'aime, moi non plus » dont je ne dévoile pas la fin abrupte et cruelle.

Mais Balzac construit d'une façon à la fois très originale et déconcertante son intrigue.
Celle-ci commence par un prologue où le Général de Montriveau découvre, à l'écoute de sa musique et de son chant, son Antoinette dans un couvent situé dans une île près de la côte espagnole.
Suit un « flash-back » sur la rencontre de la Duchesse de Langeais et du Général de Montriveau, et leur histoire d'amour contrariée 5 ans plus tôt, histoire précédée d'un curieux et long préambule dans lequel Balzac nous décrit la perte des vertus morales et le déclin de l'aristocratie de l'époque de la Restauration, dont la vie n'est plus que le paraître dans les salons (un certain Marcel Proust en décrira le déclin et la disparition au début du vingtième siècle).
A l'issue de ce récit enchâssé, vient le dénouement à la fois cruel et cynique.

Le récit est furieusement romanesque et plein de passion. Ici encore, comme dans Ferragus, Balzac se révèle dans sa veine romantique et la peinture sociale passe au second plan.
Et puis, c'est magnifiquement écrit, et les portraits de notre héroïne et de notre héros, ainsi que celle des personnages qui les entourent sont pleins de finesse psychologique et d'ambiguïté.

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Je poursuis ma découverte De Balzac. Après le Père Goriot, j'ai jeté mon dévolu sur La Duchesse de Langeais dont j'avais lu des avis enthousiastes. Et il faut dire aussi que le jeu du « fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis » qui est central dans cette oeuvre m'a aussi attiré.
Bien que ce roman soit très court, je l'ai pourtant trouvé bien plus dense et complexe que le père Goriot.
Balzac a construit son récit d'une façon bien particulière. Il l'ouvre par une scène qui est en fait finale puis revient quelques pages plus tard aux évènements à l'origine de cette scène. Autant dire que ça n'a fait qu'aiguiser ma curiosité.
En parlant de curiosité, il y en a une dans ce roman, restée célèbre d'ailleurs, il s'agit de la longue digression qu'y a inséré Balzac. Dans ces quelques pages où il n'est plus question de l'intrigue avec laquelle l'auteur nous avait appâté, Balzac expose ses vues sur la situation du faubourg Saint-Germain, quartier de Paris qui concentre la Noblesse, celle qui a réchappé de la Révolution. Bien que légitimiste ( partisan de la Monarchie par opposition aux libéraux, partisans de la République), Balzac n'hésite pas à faire le procès de cette catégorie de la société dénonçant les travers qui l'ont menée au désastre de la chute de la Monarchie. Mais derrière cette longue description des vices et vertus de la population de ce quartier, c'est aussi le portrait d'Antoinette, la duchesse de Langeais, que Balzac nous dresse annonçant subtilement et de façon détournée les évènements à venir.

« Les peuples, comme les femmes, aiment la force en quiconque les gouverne, et leur amour ne va pas sans le respect ; ils n'accordent point leur obéissance à qui ne l'impose pas. »

Antoinette est en effet le type même de la femme aristocratique (terme contesté par Balzac d'ailleurs), c'est une « coquette » qui se plaît à user de son charme et de son esprit pour séduire sa petite cour de prétendants. Autrement dit dans notre langage actuel, c'est une allumeuse. Et Antoinette a décidé d'exercer ses pouvoirs de séduction sur un nouveau venu dans le quartier qui fait sensation auprès des dames par ses aventures en Afrique : Armand de Montriveau. Ces deux-là jouent alors au chat et à la souris mais les évènements prendront une tournure surprenante pour aboutir à une fin qui m'aura laissée choquée et perplexe.

Balzac a mis beaucoup de lui dans ce roman. Outre qu'il y présente ouvertement ses opinions sur la haute société de l'époque ( ce qui lui sera amèrement reproché tant sur le fond que sur la forme), il se serait également inspiré de ses propres déboires sentimentaux avec la marquise de Castries tout en en modifiant certains aspects, ce qui illustre que Balzac a tourné la page sur cet épisode douloureux de sa vie.
Pour toutes ces explications, je ne saurais que trop conseiller la lecture de l'excellente introduction de Constance Cagnat-Deboeuf de l'édition Livre de Poche qui apporte de nombreux éclairages sur le texte.

J'ai vraiment adoré cette lecture certes exigeante mais si bien menée et si bien écrite. le style De Balzac est vraiment une merveille à lire et j'adore aussi la façon qu'il a d'exprimer ce qu'il pense franchement. Il a également admirablement dépeint la psychologie de ses deux personnages principaux.
Quant à la relation entre Antoinette et Armand, je me suis posée ( et me pose encore) beaucoup de questions sur la véritable nature de leurs sentiments. J'ai souvent eu l'impression que tous les deux n'agissaient que par orgueil. Cette apparente opposition entre la passion et la raison qui tourmente Antoinette et la décision extrême qu'elle finit par prendre ne permettent pourtant pas de se faire une opinion définitive sur ses réels sentiments. Et la volonté de vengeance ainsi que la réaction d'Armand à la toute fin du roman ne sont pas non plus sans interroger le lecteur. On sent la passion et les actions excessives qu'elle fait commettre mais il y a pourtant quelque chose qui sonne faux et que j'attribue à ce désir de possession de l'autre qui finalement gouverne le comportement des deux protagonistes.

C'est seulement après avoir terminé ma lecture que j'ai réalisé que La Duchesse de Langeais s'insérait dans un triptyque intitulé Histoire des Treize et que La Duchesse en était le 2ème volet ( il faut toujours que je fasse tout dans le désordre moi …). J'ai donc prévu de lire les autres volets de cette trilogie et j'en dirai donc plus sur les Treize à cette occasion.
En attendant, je ne peux que vous conseiller la lecture de ce très beau roman qui m'a beaucoup touchée et émue.

Lien : http://booksandfruits.over-b..
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L'allumé et l'allumeuse!

le général de Montriveau tente d'enlever du couvent où elle s'est réfugiée une nonne qui n'est autre qu'Antoinette de Langeais, grande mondaine du faubourg Saint Germain, mariée et coquette, qui faisait damner ses nombreux amants par ses chatteries. Dont le dit Montriveau, vieux lion farouche, qui rumine sa vengeance...Mais il arrive un peu tard.... Dans un long flash-back, il revoit son aventure avec la duchesse...

En bon militaire Montriveau n'y est pas allé pas de main morte pour reprendre l'ascendant sur sa chérie: il faut dire que, dans ses manoeuvres d'intimidation ou d'enlèvement, il a des alliés puissants: ces Treize dont le chef est Ferragus, et que nous avons pu voir à l'oeuvre dans La fille aux yeux d'or, ou L'Histoire des Treize, justement. Une sorte de société secrète, de franc-maçonnerie assez fantasmée, entre la secte et la bande de malfaiteurs, chargée d'exécuter, discrètement et efficacement, les basses besognes de ses affidés.

Une passion romantique et romanesque avec tous les décalages qui la rendent impossible: quand l'un aime, l'autre s'amuse, quand l'un se rebelle, l'autre est toute adoration...

Le portrait de la duchesse, coquette repentie et prise au piège de l'amour, est plein de finesse. Celui de Montriveau, brut(e) de décoffrage, est moins raffiné, mais on ne peint pas les militaires avec des pinceaux d'aquarelle -sauf quand on s'appelle Delacroix.

Je devrais le relire, mais c'est un Balzac moins convaincant que sa réputation ne me le laissait espérer...
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La Duchesse de Langeais fait partie d'un sous-ensemble de la Comédie humaine : L'Histoire des Treize, les deux autres étant Ferragus et La Fille aux yeux d'or. Qui sont les Treize : une confrérie secrète, et terrible, dont les membres se sont juré une fidélité sans faille.
Débutant par la fin, La Duchesse de Langeais propose une lecture rétrospective.
Tout d'abord méprisante et sûre d'elle, Antoinette de Langeais va s'éprendre follement de l'homme qui la désirait tout d'abord et sans succès : le général Montriveau. A trop jouer avec les sentiments ceux-ci se vengent et jouent avec soi, pourrait être la leçon de cette histoire.
Canevas connu et répété, certes, mais entre les mains De Balzac ça donne un récit où les caractères sont exacerbés – notamment lors d'une scène de séquestration mémorable qui sera un révélateur pour la duchesse, désormais esclave de son amour –, les situations virent progressivement à la tragédie, au sens classique du terme.
Car Antoinette est une figure tragique, donc mythique, de la femme. Elle devient une icône qui glisse de la frivolité des salons parisiens au sacré. Elle est aussi, à mon sens, le caractère féminin le plus accompli De Balzac. Elle est, enfin, une forteresse qui, comme tant d'autres, n'est pas imprenable. A cela près qu'elle se fait son propre assaillant.
A une époque où les relations se nouent en quelques clics, se dispersent et s'oublient aussi vite qu'un mauvais livre, La Duchesse de Langeais rappelle que la séduction peut s'avérer un jeu dangereux, pourvu qu'on s'y risque.
Balzac, définitivement, s'il n'est pas le plus grand écrivain français du XIXe siècle, mérite d'être reconnu comme son romancier majeur.

(Je me permets d'ajouter en dessous une autre critique, sous un angle un peu différent :

L’orgueilleuse Antoinette de Langeais règne sur le faubourg Saint-Germain – quartier de Pairs historiquement aristocrate, si prisé d’une certaine gauche de nous jours ! –, avec une désinvolture que son rang et sa beauté permettent sans doute. Beaucoup plus entier, l’autre protagoniste, le général Montriveau est membre de la société secrète des Treize, ainsi définie dans une préface de Balzac : « Il s’est rencontré, sous l'Empire et dans Paris, treize hommes également frappés du même sentiment, tous doués d’une assez grande énergie pour être fidèles à la même pensée, assez probes entre eux pour ne point se trahir, alors même que leurs intérêts se trouvaient opposés, assez profondément politiques pour dissimuler les liens sacrés qui les unissaient, assez forts pour se mettre au-dessus de toutes les lois, assez hardis pour tout entreprendre, et assez heureux pour avoir presque toujours réussi dans leurs desseins ; ayant couru les plus grands dangers, mais taisant leurs défaites ; inaccessibles à la peur, et n’ayant tremblé ni devant le prince, ni devant le bourreau, ni devant l’innocence ; s’étant acceptés tous, tels qu’ils étaient, sans tenir compte des préjugés sociaux ; criminels sans doute, mais certainement remarquables par quelques-unes des qualités qui font les grands hommes, et ne se recrutant que parmi les hommes d’élite. »
Montriveau sera donc un temps le jouet de la duchesse, mais il n’est pas homme à se laisser humilier sans coup férir. Sauf que le coup, fatal à bien des égards, la duchesse se le portera seule ; comme si le destin souhaitait la punir par là où elle a péché. A la suite d’une scène édifiante où elle se trouve littéralement sous l’emprise de la rage vengeresse de Montriveau, la voilà qui succombe à ce sentiment plein de confusion, dira plus tard un écrivain autrichien.
En effet, chez Balzac, on est rarement heureux avec beaucoup d’enfants, et tout s’achève avec autant de regrets qu’il est possible.
La Duchesse de Langeais, texte le plus fameux du triptyque de L’Histoire des Treize – les deux autres étant Ferragus et La Fille aux yeux d’or – ne saurait effectivement valider les mots d’Aragon : « Heureux celui qui meurt d’aimer. » L’amour, ici, se confronte pêle-mêle au jeu cynique, à la passion dévorante qui nourrit une violence débridée, au malentendu puis à la réclusion et la mort. Pour résumer, l’amour se rend impossible à vivre dans ces pages.
Ici, particulièrement, Balzac ne saurait être enfermé dans le seul réalisme qu’on lui attribue : son histoire transpire le romantisme suffocant – surtout à travers le revirement de la duchesse. Romantisme qui va précipiter Antoinette de Langeais dans les affres de la passion déçue et la cloîtrer jusqu’à la fin, malgré la tentative de Montriveau une fois qu’il la retrouve. Chacun se verra ainsi frustré jusqu’au bout, par des détours romanesques exceptionnels, de l’expression sereine de ses sentiments. Aimer c’est accepter de chuter. Et il est des chutes dont on ne se relève pas.
On aurait cependant tort de voir dans le roman de Balzac juste une affaire de cœurs meurtris. C’est bien plus que cela. On y découvre notamment un état des lieux de son époque, où la déliquescente aristocratie feint d’ignorer que la Révolution et l’Empire ont rebattu les cartes de la France. Désormais, la bourgeoisie a le vent en poupe et tandis que l’aristocratie se berce des illusions de sa grandeur passée, la première construit une nouvelle société, au grand dam de l’auteur, royaliste, qui faisait dire ailleurs à une autre duchesse, avec un certain fatalisme : « Il n’y a plus de noblesse, il n’y a que de l'aristocratie » (Le Cabinet des Antiques).
Mais par-dessus tout, le roman de Balzac raconte ce champ de bataille qu’est la passion. Et sur les champs de bataille il y a toujours des morts.


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Citations et extraits (79) Voir plus Ajouter une citation
A FRANTZ LISTZ.
Il existe dans une ville espagnole située sur une île de la Méditerranée, un couvent de Carmélites Déchaussées où la règle de l’Ordre institué par sainte Thérèse s’est conservée dans la rigueur primitive de la réformation due à cette illustre femme. Ce fait est vrai, quelque extraordinaire qu’il puisse paraître. Quoique les maisons religieuses de la Péninsule et celles du Continent aient été presque toutes détruites ou bouleversées par les éclats de la révolution française et des guerres napoléoniennes, cette île ayant été constamment protégée par la marine anglaise, son riche couvent et ses paisibles habitants se trouvèrent à l’abri des troubles et des spoliations générales. Les tempêtes de tout genre qui agitèrent les quinze premières années du dix−neuvième siècle se brisèrent donc devant ce rocher, peu distant des côtes de l’Andalousie. Si le nom de l’Empereur vint bruire jusque sur cette plage, il est douteux que son fantastique cortége de gloire et les flamboyantes majestés de sa vie météorique aient été comprises par les saintes filles agenouillées dans ce cloître. Une rigidité conventuelle que rien n’avait altérée recommandait cet asile dans toutes les mémoires du monde catholique. Aussi, la pureté de sa règle y attira−t−elle, des points les plus éloignés de l’Europe, de tristes femmes dont l’âme, dépouillée de tous liens humains, soupirait après ce long suicide accompli dans le sein de Dieu. Nul couvent n’était d’ailleurs plus favorable au détachement complet des choses d’ici−bas, exigé par la vie religieuse. Cependant, il se voit sur le Continent un grand nombre de ces maisons magnifiquement bâties au gré de leur destination. Quelques−unes sont ensevelies au fond des vallées les plus solitaires ; d’autres suspendues au−dessus des montagnes les plus escarpées, ou jetées an bord des précipices ; partout l’homme a cherché les poésies de l’infini, la solennelle horreur du silence ; partout il a voulu se mettre au plus près de Dieu : il l’a quêté sur les cimes, au fond des abîmes, au bord des falaises, et l’a trouvé partout. Mais nulle autre part que sur ce rocher à demi européen, africain à demi, ne pouvaient se rencontrer autant d’harmonies différentes qui toutes concourussent à si bien élever l’âme, à en égaliser les impressions les plus douloureuses, à en attiédir les plus vives, à faire aux peines de la vie un lit profond. Ce monastère a été construit à l’extrémité de l’île, au point culminant du rocher, qui, par un effet de la grande révolution du globe, est cassé net du côté de la mer, où, sur tous les points, il présente les vives arêtes de ses tables légèrement rongées à la hauteur de l’eau, mais infranchissables. Ce roc est protégé de toute atteinte par des écueils dangereux qui se prolongent au loin, et dans lesquels se joue le flot brillant de la Méditerranée. Il faut donc être en mer pour apercevoir les quatre corps du bâtiment carré dont la forme, la hauteur, les ouvertures ont été minutieusement prescrites par les lois monastiques. Du côté de la ville, l’église masque entièrement les solides constructions du cloître, dont les toits sont couverts de larges dalles qui les rendent invulnérables aux coups de vent, aux orages et à l’action du soleil. L’église, due aux libéralités d’une famille espagnole, couronne la ville. La façade hardie, élégante, donne une grande et belle physionomie à cette petite cité maritime.
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- Madame, reprit Armand en la contemplant avec une méprisante froideur, une minute, une seulement suffira pour vous atteindre dans tous les moments de votre vie, la seule éternité dont je puisse disposer, moi. Je ne suis pas Dieu. Ecoutez moi bien, dit-il, en faisant une pause pour donner de la solennité à son discours. L'amour viendra toujours à vos souhaits ; vous avez sur les hommes un pouvoir sans bornes ; mais souvenez-vous qu'un jour vous avez appelé l'amour : il est venu pur et candide, autant qu'il peut l'être sur cette terre ; aussi respectueux qu'il était violent ; caressant, comme l'est l'amour d'une femme dévouée, ou comme l'est celui d'une mère pour son enfant ; enfin, si grand, qu'il était une folie. Vous vous êtes jouée de cet amour, vous avez commis un crime. Le droit de toute femme est de se refuser à un amour qu'elle sent ne pouvoir partager. L'homme qui aime sans se faire aimer ne saurait être plaint, et n'a pas le droit de se plaindre. Mais, madame la duchesse, attirer à soi, en feignant le sentiment, un malheureux privé de toute affection, lui faire comprendre le bonheur dans toute sa plénitude, pour le lui ravir ; lui voler son avenir de félicité ; le tuer non seulement aujourd'hui, mais dans l'éternité de sa vie, en empoisonnant toutes ses heures et toutes ses pensées, voilà ce que je nomme un épouvantable crime !
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Ce vieux seigneur […] était un homme grand, long et fluet, dont le col était toujours serré de manière à lui comprimer les joues qui débordaient légèrement la cravate et à lui maintenir la tête haute ; attitude pleine de suffisance chez certaines gens, mais justifiée chez lui par un esprit voltairien. Ses yeux à fleur de tête semblaient tout voir et avaient effectivement tout vu […]

Enfin sa personne offrait dans l'ensemble un modèle parfait des lignes aristocratiques, lignes menues et frêles, souples et agréables, qui, semblables à celles du serpent, peuvent à volonté se courber, se dresser, devenir coulantes ou roides.
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Je vous aime bien mieux que je ne vous ai jamais aimé. Je prie Dieu tous les jours pour vous, et je ne vous vois plus avec les yeux du corps. Si vous connaissiez, Armand, le bonheur de pouvoir se livrer sans honte à une amitié pure que Dieu protège ! Vous ignorez combien je suis heureuse d'appeler les bénédictions du ciel sur vous. Je ne prie jamais pour moi: Dieu fera de moi selon ses volontés. Mais vous, je voudrais, au prix de mon éternité, avoir quelque certitude que vous êtes heureux en ce monde, et que vous serez heureux en l'autre, pendant tous les siècles. Ma vie éternelle est tout ce que le malheur m'a laissé à vous offrir. Maintenant, je suis vieillie dans les larmes, je ne suis plus ni jeune ni belle ; d'ailleurs vous mépriseriez une religieuse devenue femme, qu'aucun sentiment, même l'amour maternel, n'absoudrait... Que me direz-vous qui puisse balancer les innombrables réflexions accumulées dans mon cœur depuis cinq années, et qui l'ont changé, creusé, flétri? J'aurais dû le donner moins triste à Dieu !
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Mais les hommes d'âme vigoureuse n'ont-ils pas un penchant qui les entraine vers les sublimes expressions que de nobles malheurs ou d'impétueux mouvements de pensées ont gravées sur le visage d'une femme ?
La beauté d'une femme endolorie n'est-elle pas la plus attachante de toutes pour les hommes qui se sentent au coeur un trésor inépuisable de consolations et de tendresses à répandre sur une créature gracieuse de faiblesse et forte par le sentiment.
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Vidéo de Honoré de Balzac
Deuxième épisode de notre podcast avec Sylvain Tesson.
L'écrivain-voyageur, de passage à la librairie pour nous présenter son récit, Avec les fées, nous parle, au fil d'un entretien, des joies de l'écriture et des peines de la vie, mais aussi l'inverse, et de la façon dont elles se nourrissent l'une l'autre. Une conversation émaillée de conseils de lecture, de passages lus à haute voix et d'extraits de la rencontre qui a eu lieu à la librairie.
Voici les livres évoqués dans ce second épisode :
Avec les fées, de Sylvain Tesson (éd. des Équateurs) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23127390-avec-les-fees-sylvain-tesson-equateurs ;
Blanc, de Sylvain Tesson (éd. Gallimard) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/21310016-blanc-une-traversee-des-alpes-a-ski-sylvain-tesson-gallimard ;
Une vie à coucher dehors, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774064-une-vie-a-coucher-dehors-sylvain-tesson-folio ;
Sur les chemins noirs, de Sylvain Tesson (éd. Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/14774075-sur-les-chemins-noirs-sylvain-tesson-folio ;
Le Lys dans la vallée, d'Honoré de Balzac (éd. le Livre de poche) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/769377-le-lys-dans-la-vallee-honore-de-balzac-le-livre-de-poche.
Invité : Sylvain Tesson
Conseil de lecture de : Pauline le Meur, libraire à la librairie Dialogues, à Brest
Enregistrement, interview et montage : Laurence Bellon
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Les Éclaireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, à Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux épisodes : une plongée dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien, de lectures et de plusieurs conseils de livres, et la présentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons : romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, récits de voyage…
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