François Jullien étant philosophe, je m'attendais à un croisement riche entre le nu omniprésent dans la peinture occidentale et son absence en peinture chinoise.
Finalement la richesse du thème se révèle assez limitée: la thèse principale peut être (outrageusement!) résumée au fait que la peinture chinoise ne s'intéresse pas à représenter un personnage (et de ce fait se soucie peu de sa morphologie, son anatomie) mais à saisir la connivence entre un personnage et un paysage, aux échanges (aux flux énergétiques) qui s'opèrent entre le dehors et le dedans. Si l'on ajoute que le nu occidental est souvent glorifié par sa capacité à nous mettre en présence d'une Idée, d'un Idéal (cf
Plotin), d'une essence, d'harmonies invisibles, alors que la notion de métaphysique est peu ou pas développée en Chine ( F Jullien indique que
la pensée chinoise ne sépare pas de façon tranchée selon le visible et l'invisible), l'opposition devient complète quant au Nu.
Les incidentes de F Jullien sur la peinture en général viennent renforcer le corps de cet ouvrage.
Comment par exemple ne pas être sensible à: "" Racines de nuages" appelle t-on les rochers. L'expression ne sert pas à faire joli, elle n'est pas à prendre pour un ornement poétique. Elle dit la vérité: les rochers ne sont pas d'une autre nature que les nuages ; seulement leur concrétion est plus dense et plus solide."?
L'opposition forte (que l'on pourrait nuancer à mon avis) entre la peinture de la transformation chinoise, (privilégiant le vague et le flou, l'expression sur le vif , le non posé), et le formé et le distinct de la pensée grecque, est peut être un peu excessive en limitant l'occident à l'art "antique". Mais elle peut nourrir des réflexions sur l'objet même de la peinture.
Même bémol quant à la spécificité de l'expression chinoise "transmettre l'esprit" ou celle de F Jullien " rendre l'intentionnalité la plus typique" du sujet, qui la aussi est certainement un des objectifs que se donne la peinture contemporaine (au sens large).
Enfin, au détour d'une page F Jullien s'interroge sur qu'est ce que le beau?.... et l'égratigne sérieusement: "L'impossibilité de la réponse ne s'est pas retournée contre la question pour l'annuler, elle l'a au contraire sacralisée, elle l'a confirmée en question éternelle...dressant le Beau en Idéal et tenant elle même suspens l'art tout autant que la pensée".....