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EAN : 9782070213054
261 pages
Gallimard (27/06/1952)
3.4/5   35 notes
Résumé :

Seule œuvre théâtrale écrite et publiée par Céline, L'Eglise constitue en quelque sorte une répétition générale du Voyage au bout de la nuit. L'Eglise bien que publiée en 1933, un an après le Voyage, avait été écrite en 1926. Et déjà le protagoniste s'appelle le docteur Bardamu. Dans L'Église, le ton, bien que nouveau, n'a pas encore la force torrentielle que l'on connaît. La langue classique se heurte encore au parler populaire qui s'épanouit en quelque... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
L'Église (quel étrange titre au vu de la pièce !) est une sorte de premier jet, de premier façonnage de la matière première qui deviendra, six ans plus tard, l'inénarrable Voyage au bout de la nuit.

C'est une sorte d'argile brute quant au fond. D'ailleurs, j'ai déjà eu l'occasion d'écrire que ce n'est peut-être guère différent, même pour le mémorable Voyage au bout de la nuit, car, quand j'écoute les interviews de Céline, quand j'écoute ce que les lecteurs conquis par l'oeuvre m'en disent, je ne peux m'empêcher d'y percevoir une espèce de dissonance, le sentiment général d'un grand « Je t'aime/Moi non plus », presque comme si le sens profond, la substance véritable semblait échapper tant à son auteur qu'à ses lecteurs. Très bizarre, pour moi, cette impression…

Ce que l'auteur, d'après moi et je peux évidemment me tromper, semble avoir eu à coeur d'écrire dans Voyage au bout de la nuit (finalement que tout dans la vie est incroyablement déprimant partout et quoi qu'on fasse) ne me semble pas être, toujours d'après moi, dans ses grandes lignes et en moyenne avec le biais subjectif que cela suppose, ce que les lecteurs me disent apprécier le plus dans ce roman (les propos anarchiste antimilitariste, anticolonialiste et anticapitaliste, par exemple).

À ce titre, Voyage au bout de la nuit constitue peut-être un bel exemple de malentendu réciproque dans la littérature française, entre un auteur et ses lecteurs, mais ce serait encore à démontrer, à quantifier, à théoriser, et vous vous doutez bien que je n'ai ni la carrure ni les moyens d'investigation pour creuser cela bien davantage. J'avais déjà abondamment développé cet aspect étonnant et paradoxal (selon moi, j'insiste encore une fois) de la relation auteur/lecteurs à propos de Mort à crédit et vous y renvoie si la question vous intéresse moindrement.

Pour faire très, très bref, Louis-Ferdinand Céline considérait qu'en littérature, comme en peinture, ça n'était pas le motif ou le sujet qui était important, mais le traitement. En peinture, je suis entièrement d'accord avec lui : si je considère, par exemple, l'église d'Auvers-sur-Oise à laquelle j'ai rendu visite il y a quelques années, force est de constater qu'elle n'a rien, mais alors rien de chez rien d'intéressant. Ce qui est intéressant, c'est le traitement pictural particulier qu'en fit Vincent van Gogh dans son tableau fameux.

Mais qu'en est-il du roman ? Est-ce que le style seul suffit à faire une grande oeuvre ? Selon moi, absolument pas : le style doit être une sorte d'exhausteur de goût, d'amplificateur, de bronchodilatateur, si l'on veut, mais il ne saurait, en aucun cas, se substituer au fond. Je dirais même que le style doit RÉSONNER avec le fond, en générer des harmoniques, mais jamais, jamais il ne doit chanter seul sa propre partition indépendamment du fond, sous peine de cacophonie ou de dissonance, voire, de vacuité. Et le fond d'un roman, qu'on le veuille ou non, c'est l'émotion, la décharge brute d'émotion qu'on subit, nous lecteurs, au contact des personnages et de leur trajectoire particulière. Et donc, s'il n'y a pas de fond, c'est-à-dire si le destin propre des personnages nous indiffère, il n'y aura pas non plus d'émotion, quel que soit le style mis en oeuvre. Mais bon, nul besoin de s'enliser plus avant dans ces considérations, car le roman c'est un autre débat et qui n'a que peu de rapport avec la pièce de théâtre qui nous occupe ici.

L'auteur, hormis le fait d'intituler mystérieusement sa pièce, nous précise qu'il s'agit d'une comédie en cinq actes. Je défie quiconque de se payer une franche partie de rigolade à la lecture ou à la représentation de L'Église. S'il s'agit bien d'une farce douce-amère — ce qui n'est pas sûr du tout — m'accordera-t-on qu'elle est plus amère que douce ?

Chaque acte est un épisode distinct sans grand rapport avec les autres. On y retrouve, comme dans Voyage au bout de la nuit un certain docteur Bardamu qui évolue : 1) dans une colonie africaine, 2) aux États-Unis et 3) en banlieue parisienne. Mais, différences notoires avec le Voyage, on a ici droit à un épisode au siège de la Société des Nations (SDN) à Genève et l'on est privé d'épisode en rapport avec la Grande Guerre, ceux-là mêmes qui semblent au coeur de l'ouvrage d'outre-tombe fraîchement sorti chez Gallimard.

Les liens avec la biographie effective de Louis-Ferdinand Céline sont encore plus évidents que dans Voyage au bout de la nuit. Les références à Elisabeth Craig (à qui était dédié le Voyage) sont beaucoup plus marquées. En fait, c'est un peu comme une suite de désillusions, dans les colonies, dans le monde de la danse, dans les hautes sphères de la SDN, dans les sphères plus intimes de l'amour et enfin, désillusion jusque dans l'aide qu'on espère apporter au peuple prolétaire, qui, décidément, ne mérite pas toute la peine qu'on se donne pour lui…

On y retrouve quantité de situations qui seront plus tard reprises, développées et enrichies dans le grand roman ultérieur. On sent bien que Céline n'est pas tout à fait à l'aise avec l'art théâtral : il patauge un peu, et nous avec, malgré, il serait malhonnête de le nier, quelques fulgurances intéressantes qui annoncent, certes timidement mais qui annoncent tout de même, la dynamite que sera Voyage au bout de la nuit.

Bref, c'est un tableau franchement plus déprimant que comique : c'est la panade partout et avec tous. Mais, au-delà de cela, je ne vois pas vraiment ce que l'auteur a souhaité nous dire de plus. L'église ? Est-ce à entendre comme le lieu où l'on vient chercher des soupçons d'espoirs quand il n'en reste plus beaucoup ? L'église ? Est-ce à entendre comme un regroupement de gens liés par une même foi illusoire ? L'église ? Est-ce à entendre comme le déroulé de la passion, c'est-à-dire une suite d'embûches et de calvaires qui se succèdent dans nos vies ? L'église ? Est-ce le surnom ironico-caustique que Louis-Ferdinand Céline attribue au gros machin, à l'institution SDN avec laquelle il s'est colleté ?…

Je vous avoue que même après une lecture que je crois attentive, je n'en sais absolument rien et vous laisse donc méditer là-dessus, si vous en avez le coeur ou l'envie. Pour le reste, ceci n'est que mon avis, effroyablement subjectif, comme à chaque fois, autrement dit, pas beaucoup plus qu'une chiure de mouche nichée pile au confluent d'une nef et d'un transept, autant dire, pas grand-chose.
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Intéressant en tant que brouillon du Voyage, mais assez piètre en tant que tel. Si "semmelweiss" donnait à réfléchir sur le grand Céline sur le point de naître, la rage satirique de "L'Eglise" l'emporte en revanche sur la qualité du récit.
Dommage.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
CLAPOT : Mais, au fait, le Docteur Gaige, de la Fondation Barell, qui est arrivé de la colonie saxonne, il y a trois jours, où est-il ?
BARDAMU : Il est là ! […]
CLAPOT : Il dort ?
BARDAMU : Oui, il est mort ! […]
CLAPOT : Alors, de quoi ?
BARDAMU : Peste pneumonique, je crois.
CLAPOT : Comment le savez-vous ? Vous n'avez pas fait d'examen. Il venait des colonies anglaises. Il était parti il y a cinq jours ; c'est clair : il est mort de fièvre jaune. Ils ont toujours la fièvre jaune chez les Anglais. Ici, nous n'avons pas de peste pneumonique. La peste pneumonique ? Mon cher, mais vous voulez rire ! C'est en Mandchourie qu'elle est la peste pneumonique ! Elle n'est pas là la peste pneumonique ! Elle n'est pas à 2° au-dessus de l'équateur. Ah non, je vous en prie, n'allez pas nous faire la réputation d'avoir la peste pneumonique en Bragamance ! Notre colonie est en plein essor économique. Vous ne voulez pas qu'on nous mette en quarantaine au moment où nous allons malgré la crise exporter 200 tonnes d'arachides de Clapouti, dans le cours du mois prochain… Mais, enfin, mon cher Bardamu, mais enfin, je vous assure… Il avait la fièvre jaune à côté, chez des étrangers, j'ai reçu des rapports, il est venu en mourir ici. C'est limpide. Quant à l'autre petit major, il est mort de variole, c'est normal ; tout ça va être rapidement jugulé et ce pays redeviendra ce qu'il était : un pays parfaitement salubre !

Acte premier.
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BARDAMU : Apprenez, Pistil, que depuis la genèse, le grand principe de la morale de ce monde, c'est la production. Les plaisirs sont improductifs, donc les plaisirs sont immoraux, c'est même pour cela que le plaisir est immoral. S'emmerder sur une tâche aride est productif, donc s'emmerder est moral. Les protestants savent s'ennuyer mieux que personne au monde, aussi, sont-ils moraux et productifs et dominent-ils le monde.

Acte premier.
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TANDERNOT : Oh ! vous êtes anarchiste aussi, eh bien, je suis bien entouré !
BARDAMU : Oh ! moi, vous savez, monsieur Tandernot, je le suis comme tout le monde ; en théorie, vous avez raison, mais pour l'être complètement anarchiste, il faudrait ne plus avoir besoin de bouffer… Les vrais anarchistes, ce sont les riches, voyez-vous. Pour bouffer, faut tous faire des petits trucs, et anarchistes ou non, ce sont presque les mêmes.

Acte premier.
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Une vacherie, c'est bien plus facile à diagnostiquer qu'un microbe.

Acte deuxième.
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La science, voyez-vous, madame, c’est pas si brillant qu’on le dit ; j’en suis bien revenu... La science, au fond, c’est essayer de comprendre, et si on tient tant que ça à comprendre, je suis arrivé à penser que c’est qu’on a peur de tout. Les animaux ne cherchent pas à comprendre, voyez-vous, c’est parce qu’ils n’ont pas si peur que nous. Nous, nous avons une frousse terrible, de la naissance à la mort ça ne nous quitte pas. Alors, ça nous force à penser, à faire de la science, comme ils appellent ça. Les plus intelligents parmi les hommes, ce sont les plus froussards. Voyez les Juifs ! Ce n’est pas l’intelligence qui est noble, c’est la peur. Faire dans sa culotte, voyez-vous, c’est le commencement du génie.
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CHAPITRES : 0:00 - Titre
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G : 0:34 - GAIETÉ - Robert Poulet 0:46 - GOUVERNEMENT - Marmontel
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I : 2:06 - IDÉAL - Marcel Pagnol 2:17 - IDÉE - Anne Barratin 2:29 - IGNORANCE - Charles Duclos 2:42 - IMBÉCILE - Louis-Ferdinand Céline 2:55 - IMMORTEL - Jean Richepin 3:05 - INJURE - Vauvenargues 3:14 - INTELLECTUEL - Alexandre Breffort 3:25 - INTELLIGENCE - Alain 3:35 - INTÉRÊT - Albert Willemetz
J : 3:46 - JEUNES ET VIEUX - Decoly 3:56 - JEUNESSE - Jean-Bernard 4:09 - JOIE - Martin Lemesle 4:22 - JOUISSANCE - John Petit-Senn
L : 4:33 - LARME - Georges Courteline 4:46 - LIBERTÉ - Henri Jeanson 4:57 - LIT - Paul Éluard
M : 5:05 - MALADIE - Boris Vian 5:18 - MARIAGE - Édouard Pailleron
5:31 - Générique
RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE : Jean Delacour, Tout l'esprit français, Paris, Albin Michel, 1974.
IMAGES D'ILLUSTRATION : Madame de Sévigné : https://www.linternaute.fr/biographie/litterature/1775498-madame-de-sevigne-biographie-courte-dates-citations/ Delphine Gay : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/5e/Delphine_de_Girardin_1853_side.jpg George Sand : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/09/George_Sand_%281804-1876%29_M.jpg Robert Poulet : https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/personnalites/poulet-robert.html Jean-François Marmontel : https://www.posterazzi.com/jean-francois-marmontel-n-1723-1799-french-writer-stipple-engraving-french-c1800-poster-print-by-granger-collection-item-vargrc0085347/ Pierre-Adrien Decourcelle : https://www.mediastorehouse.co.uk/fine-art-finder/artists/henri-la-blanchere/adrien-decourcelle-1821-1892-39-boulevard-des-25144380.html Victor Hugo : https://www.maxicours.com/se/cours/les-funerailles-nationales-de-victor-hugo/ Alphonse Karr : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9c/Personnalités_des_arts_et_des_lettres_-_Alphonse_Karr_%28Nadar%29.jpg Anatole France : https://rickrozoff.files.wordpress.com/2013/01/anatolefrance.jp Alphonse Allais : https://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/alphonse-allais-faits-divers.html Louis Scutenaire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Scutenaire#/media/Fichier:Louis_Scutenaire,_rue_de_la_Luzerze.jpg Marcel Pagnol : https://www.aubagne.fr/actualites-109/marcel-pagnol-celebre-dans-sa-ville-natale-2243.html?cHash=50a5923217d5e6fe7d35d35f1ce29d72#gallery-id-4994 Anne Barratin : https://www.babelio.com/auteur/Anne-Barratin/302855 Charles Pinot Duclos
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