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EAN : 9782070763672
240 pages
Gallimard (31/01/2002)
3.68/5   11 notes
Résumé :

Si le titre ne laisse aucun doute sur la volonté d'échapper au genre romanesque, le sous-titre pourrait, à tort, insinuer que l'auteur s'adresse, et de manière un peu condescendante, à des lecteurs ne sachant pas tout à fait lire. En réalité, c'est en tentant, autant que faire se peut, d'épousseter ses narrations de leurs scories et redondances qu'il s'est surpris en train d'écrire, bien malgré lui, q... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ni roman, ni nouvelles. A peine de petites histoires. Des anecdotes. Des réflexions, des notes et des pensées que le regard et l'oreille de Marcel Cohen sur le monde, les hommes, ses souvenirs, recueillent en ordre dispersé. Rarement plus de trois pages. Parfois quelques lignes seulement.
A lire en suivant, ou sans discipline. « Dans ce livre, chacun voyage à sa guise » dit la quatrième de couverture.

Des faits divers, des faits statistiques, parfois scientifiques. Minuscules, ou bien à l'échelle du monde et de son histoire.
Du quotidien au burlesque en passant par le bizarre et l'absurde. Ou par la tragédie : histoire abominable et inoubliable d'une photo de Hessling faite en 1943 (XXXI).
D'une réflexion sur la littérature, à la trouvaille du bilboquet de l'homme de Neandertal.
Ou à la création d'une évaluation statistique de l'intensité de nos « je t'aime » : en abscisse, « le poids du sens », en ordonnée « le degré d'adéquation ». Marcel Cohen n'en dit pas plus. Mais comment ne pas s'interroger : au total, que révèlerait la courbe de nos « je t'aime » ? Et à quel niveau, le dernier prononcé ?

Quelques-uns de ces faits, rares, présentent moins d'intérêt à mon goût, ou me laissent perplexe : j'ignore ce que Marcel Cohen a voulu dire.
Mais l'impression globale, c'est celle d'un jaillissement ininterrompu et souvent inattendu d'une pensée qui observe, qui scrute et fait son miel du moindre détail. C'est la pensée comme elle va, au fur et à mesure des jours, qui pose sur le papier, des touches d'impressions, de nouvelles, de choses vues et entendues. La pensée comme elle va, qui s'interroge aussi, qui imagine, qui extrapole. Certains de ces faits pourraient donner lieu à des pages entières de questions et de philosophie.
Mais la plupart, sans le dire, prouvent que ce n'est jamais fini d'apprendre ce qu'est l'homme.

Avec une simplicité, une humilité presque, qui laisse pantois.

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J'ai découvert Marcel Cohen il y a peu de temps en lisant ce qui est le quatrième volume de ses écrits intitulés Faits , Sur la scène intérieure, Faits.
Plus qu'un témoignage ou un livre de souvenirs sur sa famille décimée, il parlait de détails, objets, sensations, et autres qui constituaient pour lui ce qui lui restait de cette famille. Très peu, mais de telle importance.
Est-ce que les volumes antérieurs de Faits préparaient Sur la scène intérieure?
Sans doute, peut être?

Dans un entretien accordé en 2011 à remue.net, il explique plus sa démarche:
"J'en suis venu à me dire, et de manière parfaitement empirique une fois encore, que le travail de l'écrivain peut aussi consister à écrire le moins possible, voire à ne pas écrire du tout. En d'autres termes, j'en suis venu à me dire que je pouvais me contenter de montrer du doigt et de mettre en forme des « faits » observés autour de moi, ou qui retenaient mon attention dans mes lectures, dans les journaux ou à la télévision.

Des sortes de citations, en somme, ou de photographies instantanées, qui ne prétendraient nullement recréer un tout cohérent. Ces textes seraient accompagnés de notes, comme dans les ouvrages savants, pour signaler mes emprunts et bien prouver qu'il ne s'agit, en aucune façon, de fictions. Pour des livres de ce type, qui me ressemblent, alors même que je donne l'impression d'être si peu présent, le titre n'avait pas besoin d'être cherché très loin. Ils s'appelleraient tout naturellement « Faits ».

Dans ces livres, tout pourrait donc entrer, dans n'importe quel ordre, et il appartiendrait au lecteur, et à lui seul, de trouver un sens. Et, de même, le lecteur pourrait, tout aussi bien, juger l'entreprise parfaitement absurde."

Est-ce à dire que les "faits" relevés ne sont ni personnels ni écrits? Bien sûr que si, d'abord c'est sa sélection personnelle, tout autre en aurait eu une autre, et l'écriture est très travaillée.
Mais, effectivement, dans ce premier volume sous-titré:" Lecture courante à l'usage des grands débutants", il faut accepter de se promener comme on le souhaite, d'une histoire à l'autre, sans qu'il y ait-apparemment- aucun lien entre elles. Elles parlent de beaucoup de choses qui retiennent ça et là son attention, vues, lues, pensées. Et nous invitent bien sûr à y mêler notre propre imaginaire, ou à compléter les connaissances délivrées.

J'en ai recopié quelques extraits, certains chapitres m'ont bien sûr, pour une raison ou une autre, plus émue ou simplement intéressée que d'autres.
Ayant également le goût des détails , je ne peux qu'aimer ceux qui déjà, simplement les regardent, et parviennent à retranscrire des choses , pensées, évènements..faits , d'une vie humaine, aussi minimes soient-ils.

"Angoisse de l'homme qui se lave les dents, le soir, dans sa salle de bain, tout en observant les efforts d'une araignée incapable de gravir seule les parois de la baignoire où elle est tombée. Pour la tirer de là, l'homme déploie, cinq minutes durant, des trésors de patience et d'ingéniosité, s'aidant notamment d'un mouchoir en papier et d'une boîte en carton ayant contenu des pastilles contre la toux.
C'est pourtant avec l'image d'une patte arrachée, malgré tous ses soins, et qui continua longtemps à s'agiter, coincée entre le fond de la baignoire et le bouchon d'évacuation en dépit des cataractes de la douche, que l'homme doit maintenant tenter de s'endormir."

En exergue:
" Il court après les faits comme un patineur débutant" Franz Kafka

Lien : http://remue.net/spip.php?ar..
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Voilà un livre bien discret, au titre peu accrocheur mais sobrement réaliste, que je n'aurais jamais lu si on ne me l'avait conseillé et si je ne l'avais feuilleté. Ces courtes proses narratives, minimalistes (en longueur, en style, en parti-pris de l'anecdote sans commentaire), m'ont d'abord intéressé, car elles me faisaient penser à des sortes de poèmes en prose à la Baudelaire. En effet, elles font ressortir la poésie (souvent triste) de la vie et de certains personnages hors du commun, ou vivant une aventure qui les distingue. Mais au fil de la lecture, on finit par se poser une question fatale au livre lui-même : à quoi bon ? Cette impression de vanité, jamais "Le Spleen de Paris" de Baudelaire ou "Les Ruines de Paris" de Réda ne nous l'inspirent, car la poésie y tient lieu de tout. Ici, les petites histoires qu'on nous raconte semblent flotter dans le vide et se dissoudre une fois leur effet produit, sans rien laisser de plus qu'une espèce d'ennui léger.
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critiques presse (1)
SudOuestPresse
26 mars 2021
Une série de livres composés de textes aussi brefs que saisissants.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
La nuit, dans un faubourg où il s’est égaré, un homme doit affronter un gros chien le menaçant au milieu d’une rue déserte. Loin de rebrousser chemin (et assez stupidement, il en est convaincu), le passant choisit de poursuivre sa route : il est trop mécontent de lui ce jour-là, trop fatigué, trop assommé par tout le désespoir de ce quartier éloigné pour accepter, de surcroît, l’idée de rentrer chez lui en ayant manqué de courage.
Lorsqu’il parvient à sa hauteur, le chien hurle avec rage en montrant les crocs. Cependant, loin d’attaquer il recule et, maintenant que l’homme est à sa portée, il se calme même un peu. Bientôt les aboiements tournent au grognement, et de plus en plus faible, tandis que l’animal baisse les oreilles.
L’homme a largement dépassé le chien quand il se retourne. C’est pour apercevoir l’animal silencieux, tout penaud au milieu de la rue, et qui agite faiblement la queue. Se sentant encouragé par le regard du passant attardé, il lui emboîte même le pas.
« Nous avons eu peur l’un et l’autre », murmure l’homme en lui caressant le crâne de sa main encore moite, « nous avons été courageux l’un et l’autre. Et maintenant qui n’aurait besoin d’un peu d’amour ? »
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Notes en vue d'une étude systématique sur l'exploitation pécuniaire des victimes:
a)Mars 1939: circulaire du ministre allemand des cultes exigeant des communautés juives qu'elles paient le déblaiement des décombres des synagogues incendiées dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 ( dit Nuit de cristal) par les SA sur ordre du ministre de la propagande Joseph Goebbels....

.....
e) Fin 1942 : dans le ghetto de Varsovie affamé et décimé, des Juifs supplient les Junaks ( étrangers, et notamment Ukrainiens, servant dans la Wehrmacht) de leur tirer dessus pour en finir au plus vite et sans souffrance. Les Junaks exigent 100 zlotys( 20 dollars) par balle. Cependant, il arrive qu'ils empochent l'argent et ne tirent pas.
f) Valeur symbolique de l'exemple chinois: les condamnés à mort sont exécutés d'une balle dans la nuque, laquelle balle est ultérieurement facturée à la famille.
g) Juin 1994: au Rwanda, il faut payer pour être exécuté par balle et non à la machette. Et il y a souvent des enchères.
h)Mai 1999: chassés de leur village, des Kosovars doivent payer de 500 à 2000 deutsche Marks aux policiers et militaires serbes pour être autorisés à quitter les villes où ils sont regroupés dans un premier temps, puis de 100 à 150 Marks aux passeurs qui les conduisent ensuite par petits groupes jusqu'aux frontières de leur pays. Lorsqu'ils font le trajet en autocar, le tarif officiel des transports en commun yougoslaves se voit parfois multiplié par trente. Si l'autocar est arrêté en cours de route par des paramilitaires serbes, il arrive qu'on rançonne encore les voyageurs de 4000 deutsche Marks par personne. Faute d'acquitter cette somme, ils ne sont pas autorisés à poursuivre leur route vers l'exil.

( Toutes les sources sont données en fin d'ouvrage)
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Gloire et déboires du pentathlonien hongrois Andras Balczo:
Comment, des années durant, il s'entraîne seul tous les jours, par tous les temps, y compris dans la boue, sous la neige et sur le verglas, engloutissant par ailleurs son unique salaire dans l'entretien d'un cheval et d'une arme de compétition.
Comment, gravissant tous les échelons, il est sacré trois fois champion du monde avant de devenir champion olympique en 1972, arrachant larmes, transes et ovations aux plus endurcis de ses compatriotes.
Comment, n'ayant plus rien à espérer, sauf à se maintenir un an ou deux dans l'air raréfié des cimes, il préfère se retirer en pleine gloire.
Comment, alors qu'on lui propose des fortunes aux USA comme entraîneur, il choisit de rester dans son pays, expliquant qu'il ne voit pas pourquoi sa gloire devrait transformer ses enfants en déracinés.
Comment, les mois passant, et faute de se voir offrir quelque situation que ce soit en Hongrie, il est finalement contraint d'accepter un modeste emploi de garçon d'écurie dans un club hippique de province.
Question du cinéaste Ferenc Kosa qui, en 1976, lui consacre un film:
- Comment expliquez-vous que vos compétences et votre gloire ne soient pas mieux employées, comme sélectionneur par exemple ou, mieux encore, comme entraîneur de l'équipe nationale?
Réponse:
- Si l'on utilise les compétences, que deviennent tous les incompétents?
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Un écrivain tente de déterminer, de la manière la plus objective possible, le poids de quelques expressions et mots familiers tels que « je t’aime » dans la bouche de sa compagne. Chaque fois que l’expression est prononcée, il coche dans un carnet une gradation de un à cinq, au-dessus, ou en dessous, de ce qu’il appelle « le poids nul du sens ». Cette note est elle-même tempérée par une seconde, variant de moins trois à plus trois, en fonction du « degré d’adéquation ».
C’est ainsi qu’un « je t’aime » que rien n’avait préparé, au cours d’une promenade en forêt ou d’un voyage en autobus par exemple, peut être noté plus cinq, avec un degré d’adéquation de moins trois, soit le sens le plus fort. Dans un restaurant de luxe où il convie sa compagne pour son anniversaire, après lui avoir offert un bijou, le même aveu n’obtiendra respectivement qu’un moins cinq et un plus trois, ce qui est très peu, pour ne pas dire rien.

(XCIV)
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Notes d’un Parisien, en vue d’une topographie intime de la capitale, où il est né et n’a jamais cessé de vivre :
(...)
c) Comment venir à bout de l’idée qu’il fait plus froid autour de la gare du Nord et de la gare de l’Est, et que, les jours de canicule, rien n’est plus torride à Paris que les abords de la gare d’Austerlitz et de la gare de Lyon ?
(...)
j) Places, boulevards, rues, faisant office de frontières entre deux, voire trois quartiers. Dans cette zone franche, et parce qu’on ne sait jamais à quel quartier ils appartiennent vraiment, impression que les passants sont tous des contrebandiers.
k) Sens ravivés, yeux rincés plusieurs fois par jour, comme sur le pont d’un navire en haute mer, lorsqu’on émerge du métro.
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Videos de Marcel Cohen (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marcel Cohen
Jean Frémon La Blancheur de la baleine éditions P.O.L où Jean Frémon tente de dire de quoi et comment est composé son nouveau livre "La Blancheur de la baleine" à l'occasion de sa parution aux éditions P.O.L et où il est notamment question de Michel Leiris, David Hockney, Emmanuel Hocquard, Bernard Noël, Alain Veinstein, Etel Adnan, Louise Bourgeois, Jannis Kounelis, Jacques Dupin, Claude Esteban, Samuel Beckett, Marcel Cohen, Jean- Claude Hemery, Jean- Louis Schefer, David Sylvester, Edmond Jabès à Paris le 2 février 2023
"Ce sont des écrivains, des peintres, des sculpteurs.
Aventuriers de l'impossible. Ce sont des bribes de leurs vies. Tous des chercheurs davantage que des trouveurs. J'ai eu le privilège de les côtoyer. Ce qu'ils poursuivent est ce qui toujours se dérobe. La grâce est une fieffée baleine blanche."
+ Lire la suite
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