« Qui dit mieux ? »
Victime 55 est un thriller psychologique sombre de l'écrivain irlandais
James Delargy, édité en 2019 chez Harper Collections.
Des allusions littéraires, bibliques, mais aussi musicales en passant par les films noirs sont visibles. Il faut savoir que l'auteur a beaucoup voyagé, ce que nous ressentons au travers de ses personnages et de l'histoire qui va nous tenir en haleine. Les protagonistes principaux sont le sergent
Chandler Jenkins et sa famille, l'inspecteur
Mitchell « Mitch »
Anderson,
GabrielJohnson et Heath Barewell, les deux suspects. le roman se déroule en Australie, dans la petite ville de Wilbrook.
Tout commence par une rixe, l'un essayant d'échapper à l'autre.
Dès le début, nous sentons une ambiance angoissante et la peur nous envahit. Nous nous demandons qui sont les personnages qui se battent, pourquoi et comment ils en sont arrivés là. Nous apercevons une allusion littéraire quant au prénom du sergent Jenkins,
Chandler. Rappelons que le détective de Philip Marlow s'appelle également
Chandler (mais c'est son nom de famille,
Raymond Chandler). S'il devait être interpréter au cinéma, je verrai bien Kiefer Sutherland car il y est décrit comme étant blond et un peu trop confiant. le prénom de la femme du sergent, Teri, nous fait penser à la série 24, rappelons que la femme de Jack
Bauer (interprété par Kiefer Sutherland) s'appelle aussi Teri. Ironie du sort ?
le premier suspect venant se rendre est
Gabriel, il raconte qu'il faisait du stop et qu'un gars, Heath, l'a séquestré, a menacé de le tuer et quelques heures plus tard, un certain Heath raconte la même histoire, donc qui dit la vérité ? Heath ou
Gabriel ? Tout laisse penser que
Gabriel est innocent car Heath est pris la main dans le sac, tentant de s'échapper avec une voiture. Il essaie de se sauver mais il est amené au poste, au lieu même où
Gabriel se rendra plus tard. A ce moment, nous pouvons voir une référence au film Rebecca (1940) d'
Hitchcock, de même que nous sentons l'ambiance de Sueurs Froides (1958) du même réalisateur. Rappelons que l'histoire de Rebecca narre la présence d'une gouvernante, et d'un mari, dont l'épouse s'est mystérieusement suicidée. Nous constatons aussi une allusion à la chanson Danger (1985) d'ACDC car, en effet, le shérif va se confier à un inconnu et de plus rappelons que les deux suspects racontent la même histoire mais qui dit vrai ?
le sergent fait confiance à
Gabriel et l'emmène dans un hôtel, faute qu'il reconnaitra plus tard. le suspect va en profiter pour s'échapper car il n'y a personne avec lui dans la chambre, bien que
Chandler demande au gérant de rester dans les environs. Mais
Gabriel finira par se rendre et
Chandler l'emmènera en cellule, sous le regard apeuré de Heath.
Une autre allusion rapide à La Soif du Mal (1959) d'
Orson Welles peut être vue car l'inspecteur
Anderson y est décrit comme un être fier et corrompu par la fierté et l'orgueuil, il se sent supérieur au sergent. Rappelons que, dans le film La Soif du Mal, le personnage interprété par
Orson Welles est un détective lui aussi corrompu, mais par la drogue et trainant dans des cartels mexicains. le nom
Anderson peut nous faire penser à l'auteur danois de la Petite Sirène,
Hans Christian Andersen. A ce moment, nous comprenons que lorsque l'inspecteur intervient, à l'époque, Jenkins et lui étaient collègues sur une affaire non résolue et Mitch considère son collègue responsable de l'abandon des recherches car il était très proche de la famille du disparu, ce que Mitch lui reprochera. Nous voyons déjà que l'attitude des deux protagonistes est très différentes. Une allusion à
Sherlock Holmes dans sa façon d'agir car dans la série, il inspecte tous les éléments, allant même jusqu'à trouver le moindre détail. Pour le sergent, sa méthode est similaire à celle d'Hercule Poirot, apparaissant pour la première fois dans le livre,
La Mystérieuse Affaire de Styles (1927), d'
Agatha Christie, car il est aussi à l'écoute, très observateur et très confiant. Parfois, un peu trop même. Nous pouvons aussi le comparer au
Docteur Watson, l'adjoint du détective de
Arthur Conan Doyle, car il est aveuglé par sa confiance et qu'il est souvent réprimandé par son collègue, lui reprochant de ne pas faire attention aux détails.
Pour le rôle de l'inspecteur, je verrais bien Kevin Bacon, avec son air orgueilleux, malicieux et fier de lui. Plus nous avançons dans le livre, plus nous sentons qu'une ambiance hitchcockienne est présente. Lorsque les deux suspects sont en prison, nous pouvons voir une autre allusion à un autre film célèbre d'
Hitchcock, Psychose (1960) avec Anthony Perkins et Janet
Leigh, entre autres. Pourquoi ce film ? Car dans celui ci, le fils, Norman Bates, est tellement torturé par sa mère, qu'il va jusqu'à se transformer en elle, mettant ses vêtements, une perruque et imitant sa voix. Dans le livre, les deux suspects racontent la même histoire, mais l'un des deux ment et est un serial killer. Reste à savoir lequel... Qui, de Heath ou de
Gabriel, nous dit la vérité ? Qui ment ? A qui faire confiance ? Heath ?
Gabriel ? Difficile de choisir... Nous voyons donc que l'auteur prend un malin plaisir à s'amuser avec le lecteur et à brouiller les pistes. Nous pouvons le rapprocher du film en voyant que les deux suspects ont peur d'être ensemble. de plus, rappelons nous de ce regard si mystérieux et en même temps innocent que nous lance Anthony Perkins à la fin du film, lorsqu'il est incarcéré. Un petit sourire se dessine sur ses lèvres...
Si jusque là, le sergent avait une confiance aveugle en un suspect, celle ci va se dissiper et il va être de plus en plus méfiant. Retournement de situation car il va perdre tout à coup sa confiance qu'il réessayera de gagner. En effet, le sergent la regagnera mais il préférera le laisser en cellule, pour plus de protection. A ce moment, nous pouvons assimiler son nom à une chanson de
Jain, Mr.
Johnson, car dans cette dernière, elle décrit un personnage ne tenant pas en place.
de plus, une autre allusion à un autre film est faite : lorsqu'un des deux suspects nous présente un certain
Seth comme potentielle victime. Celui ci est le Troisième Homme (1949) de Carol
Reed avec
Orson Welles, Joseph Cotten et Trevor
Howard. Holly Martins (Joseph Cotten) assiste aux obsèques de Harry
Lime (
Orson Welles), mort dans un accident de voiture, mais plus tard, on apprendra qu'un troisième homme était sur place et a tout vu. le chef de la police (Trevor
Howard) mène son enquête et va découvrir d'étranges choses... Dans le livre, rappelons que nous avons deux suspects et que l'un est un serial killer. Mais lequel ? Heath ou
Gabriel ?
Ne faut-il pas voir une allusion à la mythologie égyptienne lorsque le nom de
Seth est évoqué ? Rappelons que
Seth était le frère d'Osiris, le dieu de la réincarnation, et que
Seth, le complice d'Anubis, le dieu de la Mort, puisqu'il a tué et démembré son frère.
Seth commet ainsi le premier fratricide de la divinité. Plus nous avançons dans le livre, plus nous sommes persuadés que l'un des deux en veut à l'autre, mais qui ?
Gabriel ou Heath ? Dans le livre, nous apprenons que l'un est obsédé par la Bible, plus particulièrement par la Genèse. Rappelons juste que c'est dans celle ci que tout a commencé, phrase qui va perturber Jenkins et l'un des suspects. A ce moment, nous pouvons voir une référence rousseauiste de l'éducation. Selon Rousseau, « l'homme nait naturellement bon, c'est la société qui le corrompt », écrit-il dans son livre l'
Emile. Pourquoi cette référence ? Car un des deux suspects a été abandonné par ses proches (ce qu'il reprochera aussi à Jenkins). En fait, un suspect a dû se débrouiller tout seul pour survivre. Il a regardé les gens, a observé et analysé les comportements mais sans ne se soucier jamais de lui. Cela a donc été une rude épreuve pour notre homme.
Pour Heath, je verrais bien Matthew McConaughey car nous sentons que quelque chose ne tourne pas rond chez lui. Il a peur de son rival,
Gabriel. Mais pourquoi ? Aurait-il tout inventé ? Nous nous demandons quel lien peut exister entre
Gabriel et Heath. Est-ce son complice ? Est-ce une victime ? Joue-t-il la victime ? Nous n'en savons rien, car il peut être vu comme un manipulateur et Matthew McConaughey a souvent eu des rôles de fou.
Arrêtons nous un instant sur ce passage : ne faut-il pas voir une allusion à la Divine Comédie de
Dante, poète médiéval florentin mort en exil et à la deuxième partie de son oeuvre le Purgatoire ? Apparemment, le fameux meurtrier essaye de se justifier sur la nature de ses crimes. Nous nous demandons, constamment, si l'un n'est pas le complice de l'autre ? Mais qui des deux ment ?
Pour le rôle de
Gabriel, je verrais bien Kevin Spacey car il n'est pas très net et semble connaître les lieux mieux que quiconque. Nous pouvons, encore une fois, voir une allusion au philosophe
Jean-Jacques Rousseau et à son éducation : dans son livre,
Emile ou de l'
Education, il nous dit que « la nature rend l'homme bon, c'est la société qui le corrompt ». Pourquoi cette référence à Rousseau ? Car, en fait, peu à peu nous avançons dans l'histoire (surtout à la fin), plus nous nous rendons compte que
Gabriel était très proche du sergent Jenkins, et donc qu'il veillait sur sa famille. Pour ainsi dire,
Chandler était considéré comme un ami proche de la famille
Johnson. Mais après,
Gabriel a dû grandir tout seul, sans le soutien du sergent (ce qu'il lui reprochera par la suite). Rappelons que son collègue, Mitchell
Anderson, lui avait conseillé de ne pas trop être familier mais malheureusement, le sergent n'en a fait qu'à sa tête. Mais ça ne nous dit pas qui est le potentiel tueur en série : Heath ou
Gabriel ? Et surtout pourquoi il a déjà fait 55 victimes. En effet, la comparaison à Rousseau vient du fait que
Gabriel se soit senti abandonné de tous, que ce soit par sa famille, par le sergent ou par son coéquipier.
Et enfin, la dernière comparaison que nous puissions voir en est une au film Se7en (1996) de
David Fincher avec Brad Pitt, Morgan Freeman et, justement, Kevin Spacey. le film narre l'histoire d'un tueur en série psychopathe obsédé par les sept pêchés capitaux : la gourmandise, l'orgueil, la paresse, la luxure, l'avarice, l'envie et la colère, alors que l'inspecteur de police
William Somerset, est à une semaine de la retraite, et l'autre est un jeune qui vient d'arriver à la brigade criminelle et son remplaçant, David
Mills.
Durant tout le film, ils vont devoir tout faire pour l'arrêter et le débusquer. Notons que le tueur en série se nomme
John Doe et qu'apparemment il connaissait bien l'agent David
Mills. Dans le livre, au cours de l'enquête, nous apprenons aussi que le meurtrier, obsédé par la Bible, et plus exactement, par la Genèse connait très bien la famille de
Chandler. Il semble lui en vouloir pour une quelconque raison, nous l'ignorons. Il ira même jusqu'à kidnapper sa fille et passera un marché avec lui : échanger l'autre détenu contre sa fille sinon il la tuera.
Passons maintenant à la première de couverture : soulignons que sur celle ci nous voyons des traces de pas et qu'elle représente un sentier. Les traces de pas se suivent, comme si quelqu'un était passé par là. La couleur utilisée est le rouge, symbole de sang et de malheur. On peut se demander à qui appartiennent les pas : Heath ?
Gabriel ? Une victime ? Qui se cache derrière les pas ? Et que représente le sentier ?
JAMES DELARGY est écrit en blanc, ainsi que le titre du roman. Pouvons nous donc supposer que la victime 55 soit un fantôme ? Y a-t-il eu réellement 55 victimes, comme le prétend le titre ? En tout cas,
James Delargy nous emmène dans une enquête palpitante, mystérieuse et... Surprenante. C'est à vous de déterminer quels sont les faux indices des vrais car il nous attire tantôt dans un piège, tantôt vers la réalité. A vous de les débusquer et de ne pas vous faire avoir ! Un thriller exaltant, surprenant, vous prenant aux tripes.