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sur 5524 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je viens à l'instant de terminer ce livre, et oui, Dostoïevski est vraiment un Grand. Quel dommage de ne pas avoir eu l'idée de le lire avant. Il y a tant dans ce roman que je ne sais comment en parler.
Tout le monde ou presque y compris ceux qui n'ont pas lu cet ouvrage connait le nom de Raskolnikov.
Raskolnikov, cet étudiant en droit qui a tué. Disant cela je ne révèle rien on devine assez vite son projet et on le voit l'exécuter. Mais tout l'intérêt est dans sa pensée après ce meurtre car on suit celle-ci. Il avait quelques mois auparavant publié un article expliquant que si la loi doit être observée par le plus grand nombre, les grands esprits, qui ont un projet, qui voient grand, ne sauraient être arrêtés dans leur progression par un quelconque obstacle et que celui-ci doit être écarté par le meurtre si nécessaire.
Raskolnikov a tué une usurière – un pou – il n'a nuit en rien. Mais alors pourquoi sombre-t-il dans la maladie, pourquoi son esprit est-il perturbé ?
Esprit complexe que celui de cet homme qui s'en est pris à une femme pour la voler, mais qui n'hésite pas à donner ces dernières pièces à des inconnus ou presque inconnus, qui a une haute idée de l'honneur puisqu'il ne peut accepter que sa soeur épouse un homme non par amour mais par esprit de sacrifice pour apporter une certaine sécurité à sa mère et son frère.
Bien d'autres personnages vivent dans ces rues de Petersbourg. Je crois qu'ils valent aussi d'être rencontrés.
Quant au style de Dostoïevski souvent salué, je n'ai pu vraiment le juger. Je l'ai lu en ligne dans la traduction de je ne sais qui, pas d'indication à ce sujet. Mais je sais que pendant longtemps on a voulu "franciser" son écriture et là c'était surement le cas. La prochaine fois je tâcherai de me procurer celle de Markowicz puisqu'elle semble faire l'unanimité.

Challenge pavés 2014-2015
Et Challenge 19ème siècle
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Retour aux classiques, et avec quelle jubilation lorsqu'il s'agit d'un des grands initiateurs du roman moderne : maître Fiodor Dostoïevski en personne.
Lorsque l'on entend prononcer son nom, on pense aussitôt à - Les frères Karamazov -.
Et force est de convenir que l'univers de Raskolnikov, Marmeladov, Svidrigaïlov, Loujine, Porphyre, Aliona et Lizaveta Ivanovna, Katerina Marmeladova, Sofia Marmeladova et tous les autres protagonistes, univers qui s'inscrit dans un roman considéré à juste titre comme une des oeuvres majeures de la littérature universelle, tutoie à n'en pas douter son cousin mentionné précédemment... sans compter quelques autres géants de l'oeuvre dostoïevskienne, auxquels on peut associer une parentèle "étrangère", dont font partie - Les mystères de Paris - d'Eugène Sue, - Les misérables - de Victor Hugo -... par exemple.
D'ailleurs, on retrouve dans les traits des personnages de - Crime et châtiment -, quelques-uns de ceux d'Ivan, Dimitri, Alexeï, Pavel ( fil de Lizaveta... tiens tiens tiens...) et Smerdiakov pour ne citer que les principaux protagonistes des "Frères".
En outre, " le Grand Inquisiteur", fait pendant , résonne comme en écho à une grande partie du questionnement de " Crime..."
On tergiverse encore aujourd'hui sur la genèse de ce chef-d'oeuvre dans lequel certains voient poindre l'influence du bagne, dont l'auteur fit pendant quelques années sibériennes la triste expérience... et elle est présente... de là à affirmer que c'est en observant ses compagnons de détention qu'a germé en Dostoïevski l'idée de - Crime et châtiment -, il y a quelques verstes que j'hésiterai à franchir tant d'autres explications sont envisageables même si dans un courrier de 1859 adressé à son frère Mikhaïl, il confiait à celui-ci :
« En décembre, je commencerai un roman... Tu te souviens peut-être que je t'avais parlé d'un roman-confession que je voulais écrire après tous les autres, en disant qu'il me fallait encore vivre cela moi-même. Maintenant, j'ai décidé de l'écrire sans retard... Je mettrai mon coeur et mon sang dans ce roman. Je l'ai projeté au bagne, couché sur les bats-flancs, en une minute douloureuse de chagrin et de découragement... Cette Confession assoira définitivement mon nom. »
Les constantes de l'oeuvre du maître russe sont, elles, présentes : la lutte entre le bien et le mal, la place de la conscience morale, celle de Dieu, le libre arbitre, le poids et le sens de la culpabilité, l'incontournable présence de la rédemption, le contexte historique, ses racines, ses influences contemporaines... nihilisme, socialisme..., mais également, et ce roman leur offre une part belle : la psychologie et le mythe du surhomme qui fait que l'on ne peut lire ce livre sans sentir planer la présence de Nietzsche, lequel fut un admirateur de Dostoïevski.
Raskolnikov est un ancien étudiant en droit, pauvre, intelligent, très orgueilleux, rêveur, sans foi ni loi, mais enclin à voir des signes et à sentir qu'il est peut-être guidé par la main du destin ( ? ), qui voit le monde scindé entre deux espèces d'hommes : "les ordinaires" et "les extraordinaires", ceux auxquels tout est permis, y compris le crime, pour peu qu'il soit légitimé par de grands desseins.
Lui, appartient à la race des seigneurs.
Il est un surhomme au sens nietzschéen du terme.
Une "vermine" usurière et sa pauvre soeur, qui va se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, vont être les victimes du "surhomme", et payer de leurs misérables vies le "grand dessein" d'un Raskolnikov... qui bien que devenu assassin va pitoyablement échouer dans son rêve "napoléonien".
Redevenu un homme "ordinaire", Il va, dans une lutte acharnée entre le bien et le mal, entre le Jekyll et l'Hyde au-dessus des lois des hommes et celles de Dieu, rencontrer Sonia une prostituée, à laquelle il va confier son crime, et d'une certaine façon le fardeau trop lourd de sa conscience.
Celle-ci va le convaincre de se livrer.
Raskolnikov va être condamné à huit années de bagne.
Sonia le suit.
Grâce à elle, il va découvrir l'amour, et obtenir la rédemption.
Je ne pouvais pas faire plus court pour résumer un roman qui mêle une kyrielle de personnages, dont ceux que j'ai cités un peu plus avant.
Il eut été difficile d'évoquer en détail les confrontations, les face à face entre Raskolnikov et le juge Porphyre, ou celles qui vont "l'opposer" à Loujine, à Marmeladov, à Svidrigaïlov, à sa mère et à sa soeur.
Ce sont des moments pleins, intenses, des "aventures" dans l'aventure, des romans dans le roman.
Chacun est détenteur et responsable de sa lecture et de la grille qui fait que cette dernière aboutit à telle ou telle explication, telle ou telle interprétation.
Contrairement à ce que j'ai croisé dans un commentaire, je n'ai vu aucune histoire policière dans - Crime et châtiment -.
C'est avant tout une confession, la confession d'un criminel.
Le jeu du chat et de la souris auquel se livrent le juge Porphyre et l'assassin Raskolnikov relève moins d'un numéro cabotin de Peter Falk alias l'inspecteur Colombo que d'une subtile séance freudienne... avant l'heure.
Andrea.H.Japp a d'ailleurs écrit à ce propos que : " Crime et châtiment est la première histoire d'un homme qui se demande s'il est ou non sociopathe. Il veut voir voir s'il peut tuer et ne pas avoir de remords. L'exemple type du meurtre gratuit."
Lafcadio dans - Les caves du Vatican - de Gide, est un petit petit-fils de Raskolnikov, tout comme le seront Brandon Shaw et Philip Morgan dans - La corde - la pièce de Patrick Hamilton... sans oublier Leopold et Loeb, deux criminels abreuvés aux mêmes sources " nietzschéennes ", qui enlèveront et assassineront dans les années 20 le jeune Bobby Franks âgé de quatorze ans... un crime odieux qui soulèvera d'effroi l'Amérique et inspirera à Meyer Levin son fameux bouquin intitulé - Crime... - eh oui, ça ne s'invente pas !
Car le duo Porphyre-Raskolnikov est le noeud gordien de l'entreprise psychologique mise en oeuvre par Dostoïevski dans son roman.
Et là où je pourrais être d'accord avec le commentaire auquel j'ai fait allusion précédemment, c'est que Porphyre, dans une certaine mesure, anticipe par exemple les contours de ce que sera chez Doyle un certain Mister Holmes.
Mais c'est là mon seul point d'accord.
On voudrait pouvoir développer ad infinitum une oeuvre de cette envergure.
Je me contenterai de dire pour conclure que là où il y a génie, on ne peut être que gratitude et admiration pour le partage et la richesse qu'il implique et dont il reste quelque chose, ne serait-ce qu'infime... mais c'est suffisant ... après les heures passées dans son ombre.
Rajouter, bien évidemment, que s'il est un livre incontournable, indispensable, - Crime et châtiment - peut-être ce livre.
Tout est dans cette oeuvre magistrale... je ne vais donc pas me répéter... comme D. Ergaz qui en a fait la traduction française et qui n'a pas craint d'employer à peine un peu moins d'une centaine de fois le verbe "marmotter".
N'eût été le génie du livre... j'en aurais presque pleuré...
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Un long et intense moment de lecture, qui m'aura frappé tour à tour au cerveau, au coeur, aux tripes. Crime et châtiment est un ouvrage exigeant, roboratif, éprouvant, dont j'ai terminé la lecture à bout de souffle, mais tellement fasciné que m'y replongerais volontiers à l'instant.

Rien à voir avec les vagues souvenirs que je gardais d'une première lecture trop rapide, il y a trente ou quarante ans, probablement agacé par la lenteur des développements, perdu dans les patronymes et la psychologie des personnages, perturbé de surcroît par le style inapproprié d'une ancienne traduction. Car encore faut-il choisir la bonne traduction. (Voir mon article à ce sujet, sur mon blog, rubrique « Et moi, et moi... émoi ! »).

Ecrit il y a un siècle et demi, Crime et châtiment est en fait de la littérature policière tout ce qu'il y a de plus moderne, un roman noir à suspense, du genre de ceux où l'on connaît l'assassin dès le début, mais où l'on ne sait pas quand et comment sa culpabilité sera finalement établie. En l'occurrence, l'attitude de Raskolnikov, l'assassin, est exaspérante, mais l'on est submergé par son angoisse d'être confondu, par sa détresse devant les doutes de ses proches – et ce n'est que le début de son châtiment ! –. L'affaire traine en longueur, la police tâtonne sur de fausses pistes, mais progresse lentement, inexorablement. Je ne serai pas le premier à évoquer l'analogie avec une série télévisée policière archi-célèbre. Laquelle ? Observez le juge d'instruction tournicoter mine de rien, en ami, autour de Raskolnikov en l'enserrant insensiblement dans son filet. On croirait presque entendre certain lieutenant : « Veuillez m'excuser, M'sieur, encore une p'tite question et je vous laisse… »

Dostoïevski n'a jamais vu Columbo à la télé, mais il admirait Shakespeare et Schiller. Crime et châtiment est conçu comme le scénario détaillé d'une immense pièce de théâtre, d'une tragédie géante dont un narrateur décrirait les décors, façonnerait l'âme des personnages pour modeler leurs pensées, et assisterait clandestinement à leurs rencontres pour en rapporter les dialogues, comme en voix off.

L'ouvrage se présente aussi comme une vaste fresque sociale dans le Saint-Petersbourg de l'époque. L'action se situe en plein été, dans un quartier miséreux. Chaleur, saleté, puanteur, poussière, l'air est irrespirable. On titube et l'on s'invective dans les rues, au sortir de cabarets où l'on s'est enivré jusqu'au dernier kopeck. Des cages d'escalier sinistres desservent des taudis crasseux à peine meublés, loués par ce qu'on appellerait aujourd'hui des marchands de sommeil. Là s'entassent des familles loqueteuses : des hommes ayant éclusé dans l'alcool toute la honte de leurs échecs, des femmes au bout du rouleau criant après leur marmaille, des jeunes filles qui se prostituent, des gamins qui mendient… enfin, ceux qui ne sont pas malades !... Une petite élite émerge : ils sont ou ont été étudiants, fonctionnaires, commerçants, militaires. Ils tentent de tisser un semblant de solidarité, même s'il faut se méfier des profiteurs et des débauchés.

Dans les grandes tragédies, les intrigues secondaires sont souvent captivantes. Dans Crime et châtiment, elles percutent notre sensibilité. Compassion pour les malheurs sans fin de la famille Marmeladov. Émotion pendant les échanges empreints de non-dits entre Raskolnikov et ses proches, sa mère, sa soeur Dounia, son ami Razoumikhine. Indignation et dégoût lors des offensives tentées sur la très belle Dounia, par des types pas nets comme Loujine et Svidrigaïlov.

Venons-en à l'événement majeur du roman, le crime, et à son auteur, Raskolnikov. le personnage inspire des sentiments contrastés. C'est un jeune homme en perdition, qui peut susciter de l'indulgence, de la bienveillance, mais les motifs qu'il confesse pour son geste sont insupportables.

Parce qu'il s'imagine d'une essence supérieure, parce qu'il lui faut trois mille roubles pour sortir du dénuement et terminer ses études, Raskolnikov, vingt-deux ans, ne trouve ni anormal ni immoral de trucider à la hache une vieille usurière – un être ignoble et inférieur, un « pou », prétend-il – pour la dévaliser. Un avis dont il ne se départira pas, même quand il se sentira contraint d'aller se livrer, même encore lorsqu'il purgera sa peine au bagne. Finalement, dans les toutes dernières pages du récit, Sonia, la petite prostituée qui, pour ne pas l'abandonner, l'aura suivi jusque là-bas, en Sibérie, obtiendra la reconnaissance de sa faute et son repentir. Une double rédemption, par la foi et par l'amour, afin de pouvoir ouvrir les yeux sur un avenir d'espérance.

Mais ne faut-il pas chercher plus en profondeur la motivation réelle du crime ? Alors que sa mère et sa soeur le portent aux nues et se sacrifient pour ses études, Raskolnikov a tout lâché. Il passe ses journées allongé sur son lit à ne rien faire, si ce n'est à ressasser des frustrations délirantes. Ne pouvant assumer cette forme de trahison à l'égard des personnes qui lui sont le plus cher, il se laisse dériver dans une spirale de déchéance devenue irréversible. Lui apparaît sa médiocrité, aux antipodes de l'être supérieur qu'il aurait voulu être. C'est intolérable et cela le conduit à commettre l'irréparable, à franchir le point de non-retour vers une damnation totale et définitive, que ses proches pourront toujours expliquer par un coup de folie.

L'élimination d'un être vil et malfaisant aurait été ainsi le seul et unique acte d'homme supérieur de Raskolnikov. L'acte et la pensée qui le sous-tend restent ignobles, mais en nous plaçant dans le contexte d'aujourd'hui, notons que son crime le distingue du terroriste qui, dans le même état d'esprit, aura cherché à commettre un attentat massif et aveugle.


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Преступление и наказание
Traduction : George Philippenko, Nicolas Berdiaeff et Elisabeth Guertik

Si vous n'avez pas encore lu « Crime et Châtiment » et que vous vous en inquiétez, conservez votre sang-froid et demeurez optimiste : je ne l'ai moi-même achevé que quelques jours après mon entrée officielle dans ma quarante-sixième année.
Il faut dire que, avec son image à la fois mystique et sensuelle, dans la droite ligne de la tradition slave, Fédor Dostoievski a de quoi faire peur. Qui pis est, le malheureux avait, tout comme notre Victor Hugo national, une faiblesse accentuée pour les développements et digressions philosopho-religieuses qui atteignent leur summum dans « Les Frères Karamazov. » Ca et les patronymes russes si pittoresques mais dotés de rallonges multiples ont fait fuir plus d'un lecteur pourtant bien résolu à « aller jusqu'au bout » de Dostoievski. La voie du succès littéraire est jalonnée d'injustices ineptes.
Je parle d'injustice car, si l'on observe « Crime et Châtiment » d'un point de vue purement technique, on ne peut que s'incliner devant l'impeccable rigueur de la construction. Aucun détail n'y est superflu, un personnage qui nous apparaît « de trop » dans la première partie s'avère en fait essentiel au bon fonctionnement de la troisième, le discours à la fois philosophique et social de Raskolnikov est tout, sauf fumeux, en un mot, si disparates qu'elles se présentent parfois, toutes les pièces du puzzle s'imbriquent au millimètre près.
Certes, on peut tiquer devant le goût mélodramatique de l'époque dont Dostoievski, qui publiait en feuilleton, était évidemment tributaire. Mais la nécessité de pousser le lecteur à acheter « la suite au prochain numéro » est aussi l'une des forces du roman : sans ce besoin, le romancier n'aurait sans doute pas organisé ses scènes de façon à laisser presque toujours le lecteur sur sa faim.
L'épilogue et la « rédemption » du héros laissent aussi à désirer – enfin, c'est mon avis. Mais l'idéologie religieuse de Dostoievski s'inspirant bien entendu du principe chrétien : « Souffrez et il vous sera pardonné » me rend sur ce plan fort peu objective, voire facilement exaspérée, je tenais à le préciser.
L'intrigue est à la fois très simple et très complexe. Raskolnikov, jeune étudiant d'une intelligence certaine et même brillante mais de complexion indéniablement caractérielle, se détache de ses études et, au lieu de chercher à les payer en travaillant en parallèle en tant que précepteur ou traducteur occasionnel, comme son ami Razoumikhine, s'enferme peu à peu dans son monde et se pose la question suivante : le meurtre d'un être mauvais, pervers, fourbe, parasite et inutile peut-il se justifier par les bienfaits éventuels que la disparition de cette personne apporterait à plus malheureux qu'elle ? Et, par extension, tout est-il permis en ce bas monde si l'intention est bonne ?
Pendant ce temps, Raskolnikov apprend que sa soeur, Dounia, se décide à épouser un homme qu'elle n'aime pas, Piotr Petrovitch Loujine, afin d'échapper à une situation de gouvernante chez autrui et de garantir du même coup l'avenir de sa mère et aussi les études de son frère.
Dans la fièvre de ses idées et dans la rage de son orgueil, il se rend chez une vieille usurière chez qui il avait déjà déposé un « gage » afin de reconnaître les lieux et l'assassine à coups de hache. le hasard – encore lui – le force à tuer également la soeur de sa victime, Elisabeth, qu'il prétendait pourtant délivrer la première de la tyrannie de la vieille femme.
De fil en aiguille et même si Raskolnikov, par une chance inouïe (on serait tenté d'écrire la chance du débutant), échappe aux recherches de la Police, la mécanique s'emballe. Bien loin de se sentir délivré et heureux, bien loin de se sentir l'un des ces hommes « extraordinaires » qui, selon lui, ont le droit de tuer pour le bien de l'Humanité, Raskolnikov s'enfonce de plus en plus dans la détresse morale et l'insatisfaction.
En arrière-plan apparaissent une foule de personnages : l'ivrogne et père indigne, l'ancien fonctionnaire Marmeladov, qui a laissé sa fille, Sonia, se prostituer et se mettre « en carte » pour que mange toute sa famille ; Catherine Ivanovna, seconde épouse, puis veuve de Marmeladov (lequel se suicide en se jetant sous les pas d'un cheval de fiacre), qui finit par perdre la raison après l'enterrement mémorable de son époux ; le prétendant de Dounia, Pierre Petrovitch Loujine, l'un des « salauds » les plus terribles et les plus tartuffards de toutes la littérature ; l'exubérant et intègre Razoumikhine, ami et condisciple de Raskolnikov, qui finira pas épouser Dounia ; l'énigmatique Porphyre Petrovitch, juge d'instruction très tôt persuadé de la culpabilité de Raskolnikov et à qui Harry Baur prêta jadis sa silhouette monolithique dans le film de Pierre Chenal ; Lebeziatnikov, le socialiste utopiste, exaspérant mais foncièrement honnête et qui aime en secret Sonia Marmeladov ; et Sophie Semionovna, justement, la fille de Marmeladov, la « fille perdue » qui tombera amoureuse du héros si tourmenté de Dostoievski et le suivra au bagne. Sans oublier le personnage d'Arcady Svridigailov, ex-escroc, ex-tricheur professionnel, propriétaire terrien qui avait failli « perdre de réputation » la soeur de Raskolnikov et qui, toujours amoureux d'elle, se suicide tout à la fin du roman lorsqu'il comprend qu'elle ne l'aime pas et ne l'aimera jamais.
Oui, on se suicide beaucoup chez Dostoievski. Mais cela passe à peine pour une marque de faiblesse. C'est plutôt l'aboutissement d'une quête quasi mystique - en tous cas, je l'ai ressenti comme tel.
Quand on sait que Dostoievski travaillait sans plan pré-établi, conservant les grandes lignes de son intrigue uniquement dans sa tête et avançant à coups de petits dialogues griffonnés sur ses carnets, on ne peut que rester ébloui par le résultat ainsi obtenu. Par sa concision, par l'ampleur des questions qu'il soulève cependant et par la puissance des personnages, « Crime et Châtiment » est un grand livre. Et si vous ne deviez lire qu'un seul roman de Dostoievski, ce serait lui qu'il faudrait choisir. Sans hésitation. ;o)
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« Raskolnikov, à bout de force, tomba sur le divan, mais il ne pouvait plus fermer les yeux. Il resta couché une bonne demi-heure, dans cette souffrance, dans cette insupportable sensation d'épouvante sans borne qu'il n'avait jamais encore éprouvée. »

L'argument de ce vaste roman, paru en 1866, est connu : un étudiant, Rodion Raskolnikov, commet un meurtre avec préméditation sur la personne d'une vieille prêteuse sur gage qu'il connaissait. S'il avait longuement préparé ce crime, l'arrivée de la soeur de la victime, le pousse à en commettre un second… Il réussit à fuir la scène de crime sans se faire remarquer.

Il s'agit là d'un acte quasiment « gratuit ». Depuis quelques mois Raskolnikov n'a plus les moyens nécessaires pour poursuivre ses études de droit. Il est en délicatesse avec sa logeuse. Et il ne sort guère plus de son placard miteux. Mentalement, il a perdu pied. Mais il reste conscient de ses actes.

Il fera tout pour ne pas avouer ces crimes, alors que de grandes difficultés familiales (sa mère et sa soeur) compliquent encore sa situation…

J'ai été constamment étonné et séduit par ce roman, proprement incroyable de maîtrise. C'est avant tout un véritable roman policier, une sorte de prototype du genre. On peut y trouver, entre autres, un véritable jeu du chat et de la souris entre le juge d'instruction Porphyre Petrovitch et Raskolnikov, pas si éloigné de ce qu'aurait pu tirer Simenon d'une intrigue pareille. D'ailleurs Simenon avait lu les auteurs russes dans sa jeunesse et reconnaissait l'influence qu'ils avaient eu sur sa vision assez sombre de l'humanité, vraiment présente dans ses romans « durs ».

En grande partie dialoguée, l'intrigue laisse toute sa place à un suspense insoutenable : Raskolnikov craquera-t-il ? Tout semble se liguer contre lui. Et le lecteur, loin de le considérer comme la fripouille qu'il est, tremble pour lui et avec lui.

Il y a en plus, bien évidemment puisqu'on est tout de même dans le domaine russe du 19ème siècle, une dimension philosophique, métaphysique et même religieuse. La critique sociale est aigue. On touche du doigt les difficultés des pauvres gens, particulièrement les enfants, et les grandes violences qu'ils subissent.

Je n'en reviens pas.
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Aaaah, Crime et Châtiment... si je m'attendais à ça!! Dostoïevski attirait depuis un certain temps mon attention, en adorateur du XIXème, et des romans totalisants (au sens de la volonté romantique d'accomplir à chaque fois l'oeuvre totale, ultime...). Mon prof fétiche avait évoqué le roman en cours, ainsi que Les Frères Karamazov, et je savais que le discours des personnages de l'auteur avait fortement influencé ceux de Dantec (commettre des crimes, enfreindre les règles pour le plus grand bien, exception autorisée à des individus au-dessus de la masse) Mais j'ignorais à quel point j'aurais affaire, avec Crime et Châtiment, à, en plus d'un roman politique et social, religieux... à un roman policier avant l'heure!

Beaucoup de critiques le considèrent ainsi, mais c'est totalement juste, et sa plus grande force, pour moi, est son rythme hallucinant, effréné par moments, dont ont hérité les polars depuis. Dostoïevski a un sens du suspense grandiose grâce à la paranoïa de Raskolnikov, son interprétation du moindre mot, de la moindre formule pouvant sous-entendre que les soupçons se portent sur lui... Dans notre tête défile un vieux film en noir et blanc pré-Hitchcockien, expressioniste et très tendu, ainsi qu'une pièce de théâtre complètement folle. On pardonne donc aisément les quelques longueurs, le rythme se réaccélérant toujours ensuite, faisant de Crime et Châtiment cet espèce de théâtre-thriller fusionné au roman du XIXème. Énormément de passages cultes : le meurtre, la rencontre avec Loujine et le débat qui le tourne en ridicule, celle entre Razoumikhine et la famille de Rodia, la révélation émouvante et exaltante du coup de foudre entre Dmitri et Dounia, les visites de Rodia à Sonia, la mort de Catherine Ivanovna (j'ai eu du mal à m'en remettre, elle me rappelait ma mère, prête à tout pour ses enfants), le suicide de Svidrigaïlov... et puis tout bêtement, la moindre divagation, la moindre errance de Raskolnikov... Impossible de tout citer. Les seuls passages qui m'ont moins plu sont ceux entre Raskolnikov et Porphyre. Je sais que Dostoïevski et Hugo étaient amis, je me demande si Porphyre a pu être influencé par Javert, y avait certes ce rapport de force Valjean/Javert entre les deux, mais Porphyre, dans son one-man show perpétuel pour décupler la confusion dans l'esprit de Rodia, m'a plus agacé qu'autre chose...

C'est un roman aux multiples interprétations, par son appel constant aux symboles, l'escalier, l'errance, l'enfermement, Sonia et la figure religieuse qu'elle incarne tout du long... Et tous ces personnages sont à fleur de peau, pour la plupart pathétiques (sauf évidemment le détestable Pierre Petrovitch Loujine). J'ai tout particulièrement aimé Svidrigaïlov, qui passe de criminel bon vivant à amoureux torturé... À ce sujet, lui, comme Razoumikhine, sont facilement vus comme des doubles difformes de Raskolnikov, partageant beaucoup de traits avec lui, biographiques ou philosophiques, mais ayant agi différemment, ayant pris d'autres décisions, et donc, ayant eu des destins différents. Razoumikhine, onomastiquement, la raison, est en effet la version raisonnable de Raskolnikov. Svidrigaïlov est Raskolnikov moins froid, en proie à l'amour, qui a aussi tué, violé (du moins c'est ce que l'on pense) et qui cherche le repentir en faisant des bonnes actions, mais avec bien plus d'ampleur et d'efficacité que les dons hasardeux et compulsifs de Rodia à la famille de Marmeladov.

On pourrait parler des heures de ce roman, comme d'un vieux film... Ce n'est pas tellement l'écriture qui m'a séduit, mais cette richesse, tous ces thèmes, et bien sûr, je le redis, cette narration si particulière, qui en fait un thriller avant l'heure. Je comprends par ailleurs qu'il ait été aussi adapté au cinéma et surtout au théâtre, c'est LE roman théâtral par excellence. Comme je disais au début, la sur-interprétation de Raskolnikov, en pleine psychose, de la moindre phrase à son égard, engendre sans cesse des quiproquos de l'esprit, et une tension absolument incroyable...

J'ai hâte de lire Les Carnets du sous-sol et le reste de l'oeuvre de cet auteur particulier, très social, bien que très critique envers le socialisme à proprement parler. le roman défait à plusieurs reprises le socialisme et l'assistanat, pour mettre en valeur ce que peut accomplir l'individu de son propre chef, mais je ne suis pas sûr que ce soit toujours pertinent dans le monde occidental de 2014 ni que Dostoïevski aurait réagi de la même façon de nos jours...
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Crime et Châtiment est un roman puissant, époustouflant, inoubliable à plus d'un titre.
Le roman dépeint l'assassinat d'une vieille prêteuse sur gage, Aliona Ivanovna, et de sa soeur, par un ancien étudiant de Saint-Pétersbourg, Romanovitch Rodion Raskolnikov, et des conséquences émotionnelles, mentales et physiques qui vont s'accomplir sur le meurtrier.
Crime et Châtiment est le roman que je préfère de Dostoïevski. Je m'en vais tenter de vous convaincre des raisons de cette passion, même si, tout comme le crime dont il est question ici, je ne suis pas certain de savoir bien me justifier...
Tout d'abord, c'est une vaste fresque qui porte une réflexion sur l'acte gratuit d'un crime, la folie et la justice.
Lorsque Raskolnikov décide d'assassiner Aliona Ivanovna, a-t-il des raisons précises ? Au début, il y a quelque chose qui pourrait expliquer ce crime, non pas le justifier entendons-nous bien, - quoique j'y reviendrai un peu plus tard sur cela -, l'assassinat de cette vieille femme, Aliona Ivanovna, prêteuse sur gage qui s'enrichit sur le dos des étudiants les plus démunis.
Prendre son argent pour servir la cause commune et l'humanité dans son besoin, l'idée est belle, à la manière de Robin des bois. Un seul petit crime de rien du tout porté à l'encontre d'une vieille usurière, phtisique, haineuse, nuisible, ne justifierait-il pas cette noble cause ? Ce n'est pas moi qui le dit, mais c'est bien le propos du début du roman qu'un étudiant évoque devant Raskolnikov et qui ne tombe sans doute pas dans l'oreille d'un sourd. Alors, cette explication serait-elle donc le seul et véritable mobile du crime ? Trop simple peut-être pour l'âme tourmentée de Dostoïevski. Raskolnikov entend le propos rationnel de l'étudiant. Ce n'est peut-être pas dans cette discussion que l'idée de ce meurtre naît et germe, peut-être vient-elle bien avant, longtemps avant, dans les tourments lointains d'une âme d'enfant...
Raskolnikov est un ancien étudiant en droit âgé de vingt-trois ans, sans le sou. Il a dû abandonner ses études et vit désormais dans un quartier mal famé de Saint-Pétersbourg. Après qu'il a vendu son dernier bien, la montre de son père, à la vieillee usurière, une idée lui vient à l'esprit : assassiner celle-ci.
Le texte décrit avec une énorme précision comment il la tue. La scène est horrible. Mais les choses ne se déroulent pas tout à fait comme prévu... Je n'en dirai pas plus, bien que tout cela soit déjà passé à la postérité. L'intérêt du roman figure ailleurs et sans doute dans la complexité du personnage principal. Voyager dans la tête de Raskolnikov, dans les tréfonds de son âme, c'est plonger dans une odyssée abyssale à part entière, une immersion en terre inconnue.
Il y a des moments étranges, avant, pendant et après ce crime, où l'on ne sait pas trop ce que Raskolnikov pense de son acte. Est-il fou ? Est-il rêveur ? Est-il naïf ? Est-il malade ? Est-il dans un état second ? C'est sans doute l'une des forces du roman, nous interroger sur le dessein de cet homme. S'empare-t-il d'une raison factuelle qui pourrait éventuellement trouver une justification, non pas au sens pénal, mais au sens de la morale, d'une forme de légitimité ?
Le crime que commet Raskolnikov n'est pas construit comme une tragédie antique, ni comme une enquête policière, un drame qui serait bien ficelé selon les codes classiques, bien que tous les ingrédients du procédé soient au rendez-vous. On connaît le coupable dès le début de l'histoire. Tout l'art du récit est de comprendre le cheminement de l'assassin, pendant et après, et c'est là que l'auteur est génial.
Ce crime crapuleux, horrible dans des gestes qui s'apparentent à de la folie, est sans doute l'acte fondateur du roman.
Il n'y a pas d'idée rationnelle établie pour expliquer, ni même comprendre. On est dans l'acte pur et non dans l'interprétation. Impossible de dire ce qui l'a poussé à faire ce crime... Peut-être est-ce tout simplement une chaleur épouvantable sur la ville de Saint-Pétersbourg qui empêche de respirer, aussi brûlante que la lumière sur la lame d'un couteau, qui poussa Meursault au meurtre de l'arabe dans l'Étranger de Camus.
Raskolnikov va même jusqu'à convoquer Napoléon, c'est grandiose, grotesque et osé, cette justification pour expliquer ce droit de tuer dont pourraient prétendre les hommes extraordinaires.
À quel endroit se situe le commencement absolu de la pensée de Raskolnikov, où prend-elle sa source ?
Là où je trouve que le talent de Dostoïevski est terriblement prodigieux, c'est qu'il nous amène à visiter des zones sombres de notre âme qui nous paraissaient jusqu'alors totalement inconnues. Ah, si nous n'étions dotés que d'un cerveau reptilien, que de meurtres nous serions alors coupables !
Il serait absurde de rechercher une explication psychologique à ce roman. Il n'y a sans doute aucune interprétation psychologique. Même Raskolnikov tente de le faire auprès de Sonia Marmeladova, fille d'un ami et prostituée auprès de laquelle il a avoué son crime, elle ne comprend pas, comme si les paroles étaient impuissantes à toutes tentatives de vouloir trouver un sens. J'ai particulièrement aimé ce personnage de Sonia Marmeladova, personnage central dans l'itinéraire de Raskolnikov. Elle est emplie d'empathie et d'humanité et veut à toutes forces ramener Raskolnikov à la communauté des humains, le convaincre qu'il doit pour cela avouer son crime. C'est un moment particulièrement beau, qui permet de jeter un peu de lumière dans la noirceur de cette histoire.
C'est en ce sens que ce roman est peut-être moderne et aborde les prémices du nouveau roman. Ce roman nous oblige sans cesse à revoir nos codes, à nous coller à la réalité, une réalité crasseuse certes, mais à ne jamais cogiter, imaginer ce qui fut et ce qui sera, seulement se cantonner à ce qui est.
J'ai été émerveillé de découvrir des rais de soleil au travers de la nuit nébuleuse que propose Dostoïevski, par exemple l'amitié entre les personnages, la tendresse envers une prostituée qui veut à toute force porter son aide à Raskolnikov...
Certains des autres personnages du roman sont tout aussi troublants et rendent de surcroît Raskolnikov sympathique et presque attachant.
Se pose alors la question de la justice, de toute justice face à un crime : coupable ou pas, responsable ou pas ? Bien sûr, Raskolnikov est coupable et aucune justice ne le démentira...
La légitimité que s'octroie Raskolnikov vis-à-vis de son crime est l'absence apparente de conscience dans la dimension de ce crime, cette vigie censée nous aider à faire le tri entre le bien et le mal dans nos actions, cette torture qui pourtant peut se réveiller et marteler sans cesse certains coupables.
Vous vous rappelez, l'oeil de Caïn, thème magnifiquement décrit dans le poème de Victor Hugo, La conscience, dans La Légende des siècles. Pourtant, cette conscience va s'éveiller, sans doute grâce à l'aide de Sonia Marmeladova, explique alors cette métamorphose, comme un saut de puce, du crime crapuleux jusqu'à la prise de conscience, non pas forcément que Raskolnikov trouve son crime horrible, mais parce qu'il doit en faire l'aveu afin de tenter de réduire sa peine devant une probable justice à venir, éviter la peine capitale... Ce que lui transmet alors Sonia Marmeladova, c'est cette envie de vivre, continuer à vivre... J'y ai vu ici comme une magnifique preuve d'amour... Et une possible résurrection pour Raskolnikov, sortir de sa folie...
Enfin, je ne peux pas résister à imaginer ce que de célèbres détectives ou policiers auraient pensé de ce crime...
À la manière de Sherlock Holmes :
- Mon cher Holmes, ne pensez-vous pas que ce fameux Raskolnikov, à vouloir sans cesse s'accuser du crime de cette prêteuse sur gage, à nous convaincre presque qu'il serait le coupable idéal, n'use en fait d'une stratégie habile pour justement chercher à se disculper totalement ?
- Élémentaire, mon cher Watson !
À la manière de l'inspecteur Colombo :
« Pardonnez-moi Monsieur Raskolnikov de revenir vous importuner un peu, mais il y a quelque chose qui me chiffonne, tout de même... Ma femme qui est une grande admiratrice de Napoléon, mais qui a aussi une âme sensible et généreuse, me dit souvent que rien ne peut excuser le fait de perpétrer la mort, que ce soient venant d'hommes ordinaires, ou bien d'hommes extraordinaires. Or, justement, je voudrais revenir sur vos derniers propos concernant Napoléon, si vous me le permettez. Je ne vous dérange pas au moins ? »
À la manière d'Hercule Poirot :
« Je trouve que ce Monsieur Dostoïevski n'a aucune élégance, dans sa manière de divulguer le nom du coupable dès les premières pages de l'histoire. C'est pour le moins indélicat et même choquant ! »
Écrire ce billet m'a donné une envie furieuse de continuer de cheminer dans l'oeuvre de ce romancier sublime.
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Crime et Châtiment est une oeuvre majeure et l'une des plus célèbres de Fiodor-Dostoievski. Il a été publié en 1866. Se confronter à un tel livre c'est s'ouvrir les portes d'une connaissance plus approfondie des tréfonds de l'âme humaine, c'est également comprendre les ressorts et les conséquences psychiques, existentiels et physiques sur la personne de Raskolnikov suite au double meurtre commis par ce dernier. La question du salut, de la rédemption, du pardon, de la souffrance humaine et métaphysique est au coeur de ce livre d'une modernité étonnante. La description de l'état de déréliction de cette société russe, des différentes composantes qui s'y affrontent, de la misère crasse qui y règne, des errements propres à une nouvelle génération dont Raskalnikov fait partie, porteuse d'idéaux et de valeurs plus proches de Friedrich von Schiller que des penchants autoritaires du tsarisme en Russie, tout cela donne à voir la complexité de ces vies. La profondeur et la finesse psychologique des personnages dépeints par Dostoïevski sont saisissantes et apportent à l'ensemble une richesse à nulle autre pareil. Livre témoin de la folie des hommes, questionnement autour des notions de bien ou de mal, réflexion sur l'importance du pardon à l'heure où les noirceurs de l'âme humaine semblent ne jamais vouloir s'arrêter, confession d'un jeune homme sur son siècle matrice des grands crimes contre l'humanité qui se succéderont par la suite, Crime et Châtiment est un roman somme et visionnaire à lire absolument.
Lien : https://thedude524.com/2015/..
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J'ai lu ce livre il y a plusieurs années et je l'avais trouvé passionnant. Raskolnikov est un jeune étudiant russe qui vit pauvrement dans une mansarde de Saint Pétersbourg. Il entreprend de tuer une vieille femme, sa prêteuse sur gage, Aliona Ivanovna, qui constitue, selon lui, un véritable mal pour la société. Après des mois de réflexion, Raskolnikov, homme instruit, cultivé, féru de la théorie des grands hommes qui doivent parfois prendre des décisions difficiles, finit par conclure que supprimer le monde de cette créature nuisible, une usurière, ne serait qu'un crime de peu d'importance. Un mal pour un bien, selon le proverbe. L'argent qu'il trouvera chez sa victime l'aidera à débuter sa carrière, car il ne peut plus aller à l'université faute de moyens, et offrira une situation décente à sa soeur Dounia (diminutif d'Avdotia Romanovna) ainsi qu'à sa mère Poulkeria Alexandrovna. Il est persuadé que cet argent deviendra bénéfique pour le reste de l'humanité et que ce seul crime sera racheté par des milliers de bonnes actions. Mais tout n'est pas aussi simple, la réalité, la pratique, l'action sont très éloignées de la théorie et de l'idéal, en apparence parfaits: un univers où il n'y a ni sang, ni cri, ni erreur, ni dérapage. Après ce meurtre, un sentiment de culpabilité imprévu torture le jeune étudiant, le rend malade, le fait sombrer dans un délire proche de la folie, surtout lorsqu'il est convoqué au commissariat à cause de l'argent qu'il doit à sa logeuse. Que va-t-il se passer ? Va-t-on deviner ce qu'il a fait, le soupçonner ? S'il n'en est rien, que va-t-il faire ? Se taire à jamais ? Finir par avouer ?
Au-delà du roman policier et psychologique, Dostoïevski développe sa propre réflexion philosophique, métaphysique et politique. A-t-on le droit de tuer quelqu'un pour une cause jugée bonne, juste et noble, liée au bien de l'humanité ? Il la poursuit dans Les Frères Karamazov et Les Démons, autrefois traduits Les Possédés car les personnages sont comme possédés par des idées qui les font agir pour le meilleur et aussi le pire. Les tourments de Raskolnikov, homme que l'idéologie a rendu fou, malgré lui, le conduisent jusque dans les bas-fonds de la société où, dans l'espoir d'effacer son crime, il tente d'aider d'autres parias, loques humaines qui lui ressemblent, dont Sonia, contrainte de se prostituer pour subvenir aux besoins de sa famille.
J'aime ce livre qui, bien qu'écrit au XIXe siècle, nous fait réfléchir sur notre époque, notamment les régimes totalitaires qui ont marqué le XXe siècle, Hitler, Staline, les camps d'extermination, les goulags où des milliers de personnes ont été assassinées au nom d'une idée, d'une idéologie que les assassins jugeaient bonne pour l'humanité. Dostoïevski a, en quelque sorte, anticipé ces tragédies, ces horreurs et son oeuvre, intemporelle, demeure d'actualité. Vouloir tuer, voire mourir, pour une idée en laquelle on croit, est-ce bien, est-ce mal ? L'écrivain ne tranche pas – Raskolnikov est un criminel sympathique, qui éveille la compassion – et laisse chacun libre de méditer sur la question et sa résonance avec notre époque.
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Ce roman me fait définitivement penser que la littérature russe est une des plus riches et une de celle qui me plait le plus, qu'elle a des caractéristiques bien à elle et qu'elle regorge de romans à lire au moins une fois dans sa vie, de ceux qui vous font sentir différent après les avoir terminés.

Raskolnikov est un personnage très complexe et un des plus difficile à cerner qu'il m'ait été donné de rencontrer. Tout au long du roman, ses errements à travers Saint-Pétersbourg ou son enfermement dans son logement font alterner nos impressions sur lui entre compassion et dureté à son égard. Tandis que ses paroles et actions à l'égard de ceux qui l'entourent nous font hésiter entre la folie et le génie. Mais finalement, n'est-ce pas tout simplement le comportement d'un homme désabusé ? En cela la plume de Dostoïevski rend très bien compte de la complexité de la psychologie de tous ses personnages.

Au-delà du destin individuel du héros, l'auteur dépeint toute une galerie de personnages secondaires qui permet au lecteur de s'immerger dans le quotidien de Saint-Pétersbourg au XIXème siècle et de se rendre compte des difficultés de la vie des classes populaires de l'époque. Les personnages sont variés, leurs personnalités fouillées mais tous sont empreints d'un esprit russe indissociable au roman, celui du destin auquel on ne peut échapper.

Cela faisait plusieurs années que je me disais qu'il faudrait un jour que je lise ce roman et il aurait probablement patienté dans ma PAL encore longtemps si je n'y avais pas été incitée par la proposition d'une lecture commune. Expérience très enrichissante qui m'a permis de confronter mon point de vue avec celui d'autres lectrices.
Je termine ainsi ce livre avec la satisfaction de l'avoir enfin lu, le sentiment agréable d'avoir pu prendre le temps d'analyser et de partager mes impressions tout en m'enrichissant de celles des autres et surtout en gardant l'impression d'avoir lu un roman intemporel et universel.
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