Première heure

Erri de Luca a beau figurer parmi les écrivains aimés de la critique officielle, il possède une caractéristique étonnante, qui devrait suffire à le disqualifier chez les bien-pensants : il aime la Bible, il a appris l'hébreu pour la lire, et dans ce petit livre que je viens de finir, il témoigne d'un amour et d'un respect suspects pour le peuple juif et même l'état d'Israël.

"Première heure" est un livre original, car l'auteur précise dès l'abord sa position : il ne croit pas en Dieu, et présente sa non-croyance en termes subtils et touchants. Il n'appartient pas au peuple juif, et pourtant il fait l'effort de lire son Livre dans sa langue originale, livre auquel il consacre de courts chapitres sensibles, intelligents, très personnels, mais où l'on voit qu'il n'ignore rien de la manière juive de les lire et de les interpréter. Il sait donner une vie concrète aux images des prophètes, au dilemme d'Abraham, au calcul militaire de David devant Goliath, etc ... Il sait lire la Bible -- aussi -- comme une suite de récits presque romanesques. Et même si Jésus occupe une certaine place dans son livre, en tant que personnage biblique, l'auteur se garde de pratiquer sur le texte hébreu les habituelles captations et entourloupes interprétatives chrétiennes. Il est aussi étranger au christianisme qu'au judaïsme, mais il a le respect du texte qu'il lit, et il sait aussi éviter l'arrogance de l'athée devant la "superstition". Erri de Luca se déplace élégamment dans ce champ de mines religieux et scientifique.

La parole et la personnalité de cet auteur sont donc extrêmement originales : sur le site juif Akadem, rendant compte de son ouvrage, n'a-t-il pas eu l'humilité de se comparer à un membre de cette "foule nombreuse" d'esclaves égyptiens non-juifs qui profitèrent de la Sortie d'Egypte pour s'enfuir, et entendirent de loin la révélation du Sinaï ? Cette "tourbe nombreuse", en hébreu erev rav, ne mérite pas les éloges de la tradition rabbinique. Erri de Luca s'y identifie, et montre bien sa modestie et sa conscience qu'on ne maîtrise pas un livre comme la Bible, qui nous dépasse.

Tous les jours, l'auteur se lève plus tôt. Il utilise cette première heure pour étudier les textes bibliques. Afin d'en saisir le sens profond, il a appris l'hébreu. Il nous explique le poids, la force des mots employés dans ces textes sacrés. Lui l'homme qui ne croit pas en Dieu veut comprendre...
Difficile d'en faire la critique ou de le noter.
Je trouve que ce roman se rapproche de l'essai qui n'est pas mon type de livre.
Malgré mon amour pour Erri de Luca,j'ai trouvé la lecture difficile. Même si j'admire sa volonté de goûter ces mots choisis il y a des centaines d'années, de comprendre les messages sous-entendus. Il a réellement appris l'hébreu dans ce but, ce que je trouve formidable.