AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,23

sur 515 notes
5
27 avis
4
10 avis
3
5 avis
2
0 avis
1
4 avis
Light in August
Traduction et préface : Maurice-Edgar Coindreau

ISBN : 9782070366217

Une symphonie. Ou un fleuve. C'est à cela que l'on songe lorsque l'on arrive à la dernière page de "Lumière d'Août." On peut même dire que l'idée vous en vient dès que s'ouvre le coeur du livre : l'histoire De Christmas. Une symphonie au phrasé parfait, un fleuve au cours parfait : Faulkner maîtrise ici son art et oui, tout y est dans un équilibre parfait.

"Lumière d'Août" pourtant n'est pas un roman dont on vous parlera volontiers - à moins d'avoir affaire à un aficionado de Faulkner. Les grands et déstabilisants romans du début, comme "Le Bruit & la Fureur" ou encore "Sanctuaire", ont l'habitude de rafler la mise, avec leur parfum de scandale et cette espèce de chaos verbal et temporel que l'auteur s'est amusé à y semer. Avec une écriture dont la seule étrangeté réside dans le parler local utilisé pour les dialogues, et la ligne pure des trois mouvements de l'intrigue se succédant sans aucune de ces tricheries temporelles affectionnées par l'écrivain américain, "Lumière d'Août" a pratiquement tout ce qu'il faut pour être considéré comme le roman le plus classique de Faulkner, en tous cas dans sa forme. Parce que, pour les thèmes ...

Le passé du Sud, les fantômes de ces soldats gris et or qui foncent à toute allure sans se soucier beaucoup - à l'exception de généraux comme Johnston et Lee - de stratégie pratique, cet univers vaincu qui refuse de disparaître de la mémoire collective - ce thème majeur, l'un des premiers à pointer son nez dans les premières pages de "Sartoris", le Livre-Père, est ici confié aux bons soins du révérend Gail Hightower afin qu'il le défende, si nécessaire jusqu'à la mort. Et c'est ce que fera ce personnage étrange, mourant d'une attaque, les yeux ouverts sur une charge de cavaliers où il croit se voir, lui, bien vivant mais sous les traits de son grand-père. le drame du révérend - celui qui conduit d'ailleurs à son bannissement de l'Eglise dans laquelle il fut ordonné - c'est son obsession pour la Guerre civile et sa certitude de ne faire qu'un avec le grand-père esclavagiste qui la vécut. Ce protestant bon teint préserve en lui un petit coin bien caché pour le principe de la réincarnation - pour sa réincarnation. Etait-il fou dès le début ? L'est-il devenu ? Ou ne ferait-il pas preuve, au contraire, d'une grande lucidité ?Quel est le but exact de cette quête qui lui fait sacrifier ses études, sa foi, son église, sa femme et sa vie d'homme à une espèce de mirage ? le lecteur n'obtiendra pas la réponse mais c'est pour Faulkner une nouvelle manière de tenter d'exorciser la malédiction du Sud.

Ce que l'on peut désigner comme le "mouvement" Hightower se mêle étroitement au "mouvement" Lena Grove, sur lequel s'ouvre le roman. Lena est une jeune femme originaire de l'Alabama, qui a pris la route de Jefferson et donc du Mississippi afin de rejoindre un certain Lucas Burch, beau parleur qui lui a fait un enfant mais dont elle ne doute pas qu'il soit parti à la ville pour y trouver du travail et préparer leur avenir commun. Simple, gentille pas aussi naïve qu'on serait en droit de se l'imaginer, Lena est un personnage lumineux, apaisant, qui, une fois n'est pas coutume dans l'univers faulknerien, verra le Destin lui sourire.

A Jefferson en effet, où elle arrive un samedi après-midi, elle se rend droit à la scierie du coin, persuadée d'y trouver Lucas. En lieu et place, il n'y a que Byron Bunch, ouvrier modèle, l'un des rares Blancs à visiter encore Hightower, brave garçon paisible au coeur généreux qui, en la voyant, succombe au coup de foudre (le premier et le seul de son existence) et ne va plus la quitter. Mais quand il lui décrit les autres employés de la scierie - comme c'est samedi, il est seul à travailler - Lena comprend que son fameux Lucas y a travaillé sous un nom d'emprunt, celui de Joe Brown. Il faut en parler au passé car, depuis plusieurs mois, Burch-Brown s'est associé à un autre ancien employé de la scierie, un certain Joe Christmas. Les deux hommes vendraient de l'alcool trafiqué.

Et c'est ainsi que, après quelques notes timides mais entêtantes au tout début du livre, éclate dans toute sa puissance le "mouvement" central de "Lumière d'Août", celui consacré à Joe Christmas, homme que son teint basané et ses cheveux noirs font passer pour un étranger de souche italienne ou mexicaine mais qui sait, lui - ou croit savoir et il faut noter que le doute reste entier jusqu'à la fin du livre - qu'il a du sang noir dans les veines. Faulkner nous détaille l'essentiel de son existence d'orphelin songeur, adopté par une famille de paysans strictement religieux (son père adoptif est le puritain-type, qui voit une Jézabel dans chaque femme et ne parle de sexe qu'avec mépris et dégoût), puis vagabond qui choisit la marginalité parce qu'il est convaincu que "la goutte de trop" qu'il a dans les veines le condamne à ce genre de vie. Arrivé à Jefferson, Christmas y devient l'amant de la seule héritière de la famille Burden, vit avec elle une liaison passionnée et chaotique et finit par lui trancher la gorge avant de mettre le feu à la maison. Il s'enfuit alors et échappe quelque temps aux autorités jusqu'au moment où il choisit de se laisser capturer. Par une manoeuvre habile de Faulkner, et plutôt difficile à réaliser sans tomber dans l'incroyable ou le mélodramatique, son arrestation va lui permettre de retrouver ses grands-parents et de connaître les circonstances de sa naissance et de son abandon. Sous le choc, il parvient à s'échapper et tombe dans la même journée, les armes à la main, sous les balles d'un milicien de la garde locale qui le castre.

Le livre entier est porté par trois forces primaires que nous donnons ici dans un ordre qui n'est peut-être pas le bon - à chacun de choisir celui qu'il voudra : le sentiment religieux et l'éternel clivage sudiste du Blanc et du Noir, ce dernier se confondant cependant parfois avec la question religieuse puisque cette goutte de sang à la fois fatale et problèmatique, seule responsable du gâchis absolu que sont la vie et la mort De Christmas, est similaire à la malédiction biblique ancestrale subie, pour d'autres raisons, par Adam et Eve.

Il va de soi que Faulkner ne saurait présenter ces forces de manière simpliste. Ainsi, le sexe, la troisième et dernière de ces forces et une véritable jouissance pour Joanna Burden à une certaine époque de sa liaison avec Christmas, reste ambigu pour beaucoup de personnages. Christmas lui-même, avec l'éducation qu'il a reçue, méprise totalement les femmes et certains des affrontements qu'il a, enfant et adolescent, avec son père adoptif, ne sont pas sans révéler chez ce dernier une tendance à l'homosexualité qui réapparaît, effleurée plus qu'affirmée, dans les rapports De Christmas adulte avec celui qui le dénoncera, "Joe Brown" (on admirera l'ironie du nom usurpé), alias Lucas Burch. Mais le sentiment religieux est sans doute celui qui s'en tire le plus mal dans l'affaire puisque Faulkner démontre qu'il sert trop souvent de masque et de justification à l'asservissement de l'espèce féminine et, de façon générale, à celui des minorités.

Que dire encore sur cette "Lumière d'Août" ? Peut-être que Joanna Burden est la petite-fille ou l'arrière-petite-fille de l'un des deux Nordistes que le colonel Sartoris abattit lors de la Reconstruction. Surtout que ce roman de Faulkner est l'un de ses meilleurs livres, qu'il faut se garder de mépriser au prétexte qu'il n'a pas bénéficié de la même publicité que ses aînés. Et plus encore que sa lecture conforte dans la certitude qu'on gagne beaucoup à lire l'oeuvre de l'écrivain américain dans son ordre de parution.
Commenter  J’apprécie          280
Plonger dans un Faulkner demande toujours de la concentration...de la dévotion peut être ...afin de bien en profiter, de se laisser porter par la puissance de sa langue, des ses sentiments, de son Sud.
Et puis la vague nous emporte...
Et on en ressort tout étourdi.

Ce roman n'est pas mon préféré... la faute sans doute à quelques "digressions". Habituelles, elles font partie du charme d'un Faulkner (à mon goût du moins) , mais là elles m'ont paru trop ardues, quasi ésotériques - je pense en particulier aux épisodes qui concernent le prêtre Hightower.
Mais l'envoutement opère tout de même...l'histoire d'un "nègre blanc", maudit dès la naissance, dévoré par la haine. Un homme qui semble fondamentalement mauvais, mais que l'on comprend et excuse presque au fur et à mesure de la trame du roman.
Cruauté, érotisme, violence, bonté, foi, puritanisme...tant de sentiments qui s'opposent mais se complètent à merveille pour donner une histoire puissante, dérangeante car pleine de paradoxes.
Commenter  J’apprécie          270
Pourquoi lire ou relire Faulkner ? (Prix Nobel de littérature 1949). André Malraux a dit de lui qu'il possédait "au plus haut degré le sentiment tragique de la vie." La littérature de W. Faulkner est d'une force, d'une puissance exceptionnelle !

Ce livre "Lumière d'août" est un choc dès les premières lignes et une fascination, attirant encore et toujours le lecteur à poursuivre, à savoir et à comprendre.
Pénétrer l'univers de Faulkner est une expérience à nulle autre pareille : il nous parle, admirablement bien, des hommes, avec leurs qualités et leurs défauts, surtout leurs défauts ; des êtres humains souvent marqués par le puritanisme, ou la déchéance, des gens qui ont péché et qui doivent expier.
On ne va pas faire ici une étude littéraire détaillée, il y en a déjà de très bien ; on va juste rappeler à quel point c'est une littérature magnifique, éblouissante.

C'est, en simplifiant, principalement l'histoire d'un nègre blanc : un homme à la peau blanche donc, sans aucun signe visible de "négritude" mais qui a du sang noir (c'est à dire des parents et/ou des grands-parents à la peau noire). Et dans l'Amérique de l'entre deux guerres c'est quelque chose d'incompréhensible et d'affolant.
Dans la petite ville de Jefferson (Mississipi) une maison brûle ; à l'intérieur, le cadavre d'une femme, blanche, assassinée. Un homme nommé Joe Christmas qui habitait tout près a disparu. La police, persuadée de sa culpabilité, va essayer de l'attraper.
Dans un deuxième temps, l'auteur nous raconte la genèse de l'histoire et en quelque sorte la "mise en place" du criminel ; son enfance et son adolescence ainsi que tout ce qui mène au drame.
Mais il y a également d'autres personnages, tous intéressants et parfaitement analysés par l'auteur ; le plus frappant est sans doute la parfaite maîtrise qu'a W. Faulkner de son récit.

Extraits : "... Avez-vous jamais connu un blanc du nom De Christmas? Je n'ai jamais connu personne avec un nom pareil, dit l'autre. Et, pour la première fois, Byron comprend que le nom d'un homme, considéré en général comme simple interprétation sonore de qui il est, peut être, en quelque sorte, un présage de ce qu'il fera, si on peut en lire à temps la signification. Il lui sembla qu'avant d'avoir entendu son nom aucun des ouvriers n'avait prêté grande attention à l'étranger. Mais, ils ne l'eurent pas plutôt entendu, qu'ils eurent l'impression que quelque chose dans la sonorité du mot s'efforçait de leur faire sentir ce à quoi ils devaient s'attendre ; comme si l'homme portait avec lui un avertissement inséparable, comme une fleur son parfum ou un crotale le bruissement de sa queue." (p 55)

"Ce n'était pas le dur labeur qu'il haïssait ; ce n'étaient pas les châtiments, ni l'injustice ; il y était habitué avant même d'avoir connu ses parents adoptifs. Il n'attendait pas moins et, par la suite, il n'en ressentait ni outrage ni surprise. C'était la femme : cette tendre bonté dont il se croyait condamné à être toujours la victime et qu'il haïssait plus que la justice dure et inflexible des hommes." (p 217)

Alors oui, il faut (re)lire les livres de cet immense écrivain, ne serait-ce que pour un extraordinaire moment de lecture.

Commenter  J’apprécie          242
Comment décrire ce livre, dense, complexe, à nul autre pareil ? Il commence par la longue marche de Léna, enceinte, à la recherche de son ami qu'elle devait rejoindre dès qu'il le lui dirait et a évidemment oublié. Et c'est aussi avec elle que se termine le livre. Mais entre ces deux passages, 600 pages de la genèse d'un meurtre, de l'histoire De Christmas, du récit de Byron Bunch, de la lente descente du pasteur Hightower et tant d'autres personnages hauts en couleur. L'Amérique décrite ici est puritaine, craintive de Dieu et des péchés, écrasée de chaleur, pauvre, haineuse, détestant les "nègres" et sans beaucoup d'avenir. La traduction doit sans doute influer beaucoup, mais elle semble coller à l'atmosphère pesante de cette petite ville de Jefferson du sud esclavagiste. On y retrouve la chaleur épouvantable des romans de Steinbeck. C'est de la littérature de haut vol. Magnifique.
Commenter  J’apprécie          221
Pas facile de s'attaquer à Faulkner quand on ne l'a jamais lu. Quand je me suis lancé dans la lecture de « Lumière d'août », j'étais rempli de préjugés. Pas tant sur le style, j'avais lu abondamment Hemingway et Steinbeck, je me disais que ce ne serait pas un obstacle majeur, (ce en quoi j'avais tort, pas pour Faulkner, mais quand j'ai voulu attaquer Dos Passos, mamma mia !) mais j'avais lu que Faulkner était un « écrivain du Sud ». de ce que j'en savais (ou ce que je croyais en savoir), les Sudistes étaient racistes, intolérants, bigots j'en passe et des meilleures, et je me disais, qu'ayant grandi dans ce milieu, Faulkner devait avoir tété à cette source comme à son premier « mint-julep » (cocktail du Sud à base de menthe, avec ou sans alcool) ...
Eh ben non, j'avais tout faux : Faulkner est un Sudiste, mais il porte le Sud comme une malédiction, précisément, à cause de ce passé marqué par l'esclavage et l'oppression des noirs. Cette prise de position, à contre-courant de ses compatriotes, lui valut d'être qualifié « d'ami des nègres » et seul le prix Nobel le racheta aux yeux, on le salua alors de « Fils illustre de la cité ». Et pourtant Faulkner ne peut nier ses origines, et toute son oeuvre est marquée par ce déchirement entre l'héritage et les convictions.
« Lumière d'août » illustre à merveille cette double influence sur une oeuvre unique.
L'histoire se passe à Jefferson, comté de Yoknapatawpha, état du Mississippi (c'est-à-dire à Oxford, comté de Lafayette, état du Mississippi). C'est une histoire très ramifiée, avec trois fils narratifs principaux : le premier concerne une jeune femme, Lena Grove, elle vient de l'Alabama, elle est enceinte, et elle recherche le père de son enfant. le second fil concerne Joe Christmas qui vient de tuer sa patronne et maîtresse. le troisième concerne le révérend Gail Hightower, un prêtre borné et raciste. Et bien entendu, personne n'est exactement ce qu'il a l'air d'être. Joe, surtout, est un métis qui, on ne le dirait pas à le voir, a du sang noir dans les veines.
Comme le dit Maurice-Edgar Cointreau, le traducteur (magnifique) dans une lumineuse préface sur laquelle je vous conjure de ne pas faire l'impasse : il ne faut pas perdre de vue que Faulkner est un puritain (« Mais un puritain, dans le bon sens », aurait corrigé Faulkner). Ce qui donne au roman une résonnance religieuse qui contraste avec les débordements crapuleux et érotiques qui parsèment l'ouvrage. le personnage de Joe Christmas (dont le nom et les initiales sont hautement symboliques) est en soi un être spécial qui est d'emblée promis à la tragédie, et qui le sait. Faulkner touche à la fois à la Bible et à la tragédie antique. Autres preuves du puritanisme de Faulkner : la peinture des femmes, comme étant des monstres de lascivités, pratiquant « l'instinct de la dissimulation » ou pire « l'infaillibilité pour concevoir le mal » (ces dames apprécieront) ; le dégoût provoqué par l'acte sexuel (y compris quand c'est un acte d'amour) ; ou encore les allusions nombreuses à l'homosexualité.
Faulkner dresse un tableau impressionnant de son pays et des êtres qui le peuplent. Pour autant, si les personnages sont souvent torturés et même parfois brisés, il en est (de ces sudistes, justement) qui sont humains et aimables, et s'inscrivent dans un courant de vie « normal » où la tragédie ne les atteint pas.
A lire impérativement dans cette traduction de Maurice-Edgar Coindreau (comme tous les grands auteurs américains qu'il a traduits et présentés) (La Pléiade, si vous avez les moyens, sinon Folio)

Commenter  J’apprécie          174
Un roman superbe, mais qui secoue.

Superbe par le savoir faire romanesque dont fait preuve Faulkner, qui refusant la linéarité de l'intrigue, bouscule le temps et l'espace, fait se croiser des personnages, des générations, tout en conservant au roman unité et équilibre interne.
Superbe par l'écriture dense, qui fait parfois se superposer, au sein d'une même phrase, le présent d'une action, le passé qui l'explique et ce qu'il en adviendra dans le futur; ou fait se mêler ce que sait un personnage et ce qu'il ignore, permettant ainsi au lecteur de saisir tout ce qui détermine les démons intérieurs de ce personnage .
Superbe aussi par la richesse des notations sensorielles. Faulkner y révèle comment la perception d'une situation s'effectue par les sens en éveil et se répercute dans l'ensemble du corps.

Roman magistral et qui a le pouvoir de réveiller la conscience.
Le lecteur y entend la voix collective de ce Sud des Etats Unis où le plus obscur des puritanismes prêche la haine et la discrimination.
Cette voix collective fait du Noir l'être qui porte sur son corps, tel un stigmate « la noire malédiction du Dieu Tout –puissant ».
Elle ne voit dans la femme qu'une source de péché, une femelle dont la chair est « le signe de l'abomination divine », « la forme ambulante de la chiennerie », dont l'esprit est porteur de « l'instinct de dissimulation et l'infaillibilité pour concevoir le Mal »,
Femme que le révérend Hightower réduit à l'état de « Chose passive et anonyme que Dieu avait créée pour être non seulement le récipient, le réceptacle de la semence de son corps mais également de son esprit qui est Vérité »
Il octroie à l'homme - le mâle-, le droit de faire « couler le sang, à la manière des inquisiteurs », le droit d'être l'instrument de la volonté de Dieu, un Dieu de colère, de vengeance et de haine .
Tant de mal au nom de Dieu !

Une saison en enfer, dans un monde de fous mystiques, de redresseur de torts figés dans la certitude inébranlable du bien fondé de leurs actions.

En contrepoint, les passages où apparaît le personnage de Léna, dont la candeur rayonne et suscite autour d'elle des comportements de bons samaritains, ménagent des moments de respiration et projettent sur cet univers sombre comme une lumière d'août bienvenue.

Un roman qui en dépit de son titre m'est apparu comme celui d'un monde étouffant et d'une noirceur absolue.

Commenter  J’apprécie          170
Faulkner est un grand metteur en scène. Dans ce roman, on est subjugué par la construction du récit à plusieurs voix, par l'agencement de scènes qui trimbalent le lecteur d'un temps à un autre, d'une époque à une autre, d'un personnage à un autre, d'un espace à un autre. Mais contrairement à ce que j'ai pu lire des critiques précédentes, tout est fait pour que le récit rebondisse à chaque chapitre. On en ressort abasourdi. Comme des frissons nous parcourent l'échine face à la beauté du monde, ils nous assaillent à la lecture de Lumière d'août. Un roman sur l'incroyable et irraisonnée obsession des hommes. Chaque personnage avançant coûte que coûte vers son malheur. Un roman du déclin, comme cette lumière du titre, une lumière qui n'est déjà plus celle de l'été flamboyant et généreux, et qui annonce la morne vieillesse de l'automne.
Commenter  J’apprécie          170
Lumière d'août : analyse de la genèse d'un meurtre.
Voilà ce que l'on peut lire en dessous d'un court extrait sur le quatrième de couverture de cette oeuvre écrite par William Faulkner.
Cela reste vague, flou, alors pourquoi lire ce livre ? Est-ce parce que la couverture m'a plu ? le titre peut-être ? Ou bien le nom de Faulkner tout simplement ?
Quoi qu'il en soit il s'agit bel et bien de la genèse d'un meurtre, mais pas seulement.
Faulkner s'attache à la genèse d'une meurtre mais également à celle des relations, rencontres et décisions qui ont des répercussions sur plusieurs années, voire décennies.
Il est difficile de décrire ce livre car il ne faut pas trop en dire.

Cet un ouvrage a plusieurs voix et voies, construisant une histoire, des destins.

La lecture est lente, parfois laborieuse, on ressentirait presque la chaleur oppressante du livre s'abattre sur nos épaules, une oeuvre dont on ne se rend compte de la puissance qu'en ayant atteint la dernière page. Car en effet, lorsque l'on ferme le livre on se sent presque habité : dans le sens où Faulkner et sa plume ont réussi à s'immiscer au plus profond de nous, nous laissant en tête des images brutales, une ambiance moite et sexuelle, et une poésie à couper le souffle.
Nous sommes ainsi abandonnés avec le sentiment dérangeant de s'être fait avoir.

Je le recommande sans réserve.


Commenter  J’apprécie          170
C'est la première fois que je lisais un livre de William Faulkner et quelle découverte. Rare sont les auteurs à m'avoir autant marqué et séduite dès la première lecture.
C'est une lecture exigeante, l'écriture est complexe et très belle, le roman se construit lentement autour de plusieurs personnages. On passe d' une histoire à l'autre et les chapitres alternent sujets et rythmes, certains regorgent d'actions, d'autres sont presque exclusivement descriptifs en résulte parfois une impression de lenteur excessive. Cependant je suis tombée sous le charme, peut-être l'effet première découverte. Il faudrait que je relise ce texte dans quelques années en attendant je vais continuer à découvrir l' oeuvre de William Faulkner.
Commenter  J’apprécie          130
"Lumière d'août" est le premier roman de Faulkner que je lis et si j'en retire des sentiments mitigés du moins je reste profondément marquée par ce qui s'en dégage.

Plusieurs personnages très distincts et pas forcément directement liés sont tour à tour pris dans la focale de l'auteur. C'est le patchwork qu'ils forment, les regards qu'ils suscitent, les pensées qui les traversent, le langage qu'ils emploient, qui forment très nettement une réalité des États du Sud.

Le temps y semble lent, à l'image du périple de la jeune Lena. Suffisamment confiante en son destin, elle s'aventure à l'aveuglette sur les routes dans l'espoir de retrouver le père de son enfant à naître, feignant d'ignorer que le départ de celui-ci avait tout d'une fuite. Mais si la belle d'Alabama semble flotter en marge de l'agitation, son passage à Jefferson sera un théâtre de violence et de mort.

Une maison en flamme, le cadavre d'une sexagénaire blanche, un coupable désigné, son jeune amant qui aurait du sang noir. Il n'en faut pas plus pour échauffer les esprits puritains.

Mais qui est-il ce John Christmas dont le nom est sur toutes les lèvres ? Sans famille, sans racines, noir parmi les blancs, blanc parmis les noirs. L'esprit perturbé par la réalité même de son existence.

Faulkner semble s'aventurer avec facilité dans des psychologies complexes (et pas seulement celle de Christmas, même si on ne va pas se mentir c'est certainement la plus passionnante) dans lesquelles on se plaît à plonger. de même, la construction du texte est remarquable, empreinte de mysticisme et de fatalité.

Pourtant, il y a ce petit caillou dans la chaussure, ce je-ne-sais-quoi qui en fait a mes yeux un archétype du roman d'homme blanc. Je perçois  une volonté antiraciste mais qui a du mal à revendiquer une franche égalité. Je ressens aussi une zone sombre qui rôde autour du féminin et que j'aurais du mal à définir mais qui dénote le manque de porosité flagrant entre le monde des hommes et celui des femmes. Elles semblent être à mi-chemin entre la fragilité et la malignité sournoise et manipulatrice.

Je me dois bien évidemment de remettre dans le contexte, Faulkner étant né dans le Mississippi fin XIXeme, et il y a sûrement une grande dose de ressenti personnel car ce sont des sensations diffuses, plus que des éléments précis du texte lui-même, mais ne pas parler de ce qui me dérange serait malhonnête.


Commenter  J’apprécie          110




Lecteurs (1743) Voir plus



Quiz Voir plus

Les titres des œuvres de William Faulkner

Quel est le titre correct ?

Le Bruit et l'Odeur
Le Bruit et la Peur
Le Bruit et la Fureur
Le Bruit et la Clameur

12 questions
173 lecteurs ont répondu
Thème : William FaulknerCréer un quiz sur ce livre

{* *}