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EAN : 9782841728862
400 pages
L’Atalante (24/01/2019)
3.7/5   105 notes
Résumé :
Novembre 2016. Ilya rentre à Moscou après sept années de détention dans la zone – une de ces régions de Sibérie peu peuplées où la Russie installe des camps pénitentiaires –, bien décidé à tourner la page et à reprendre une vie normale.
À peine arrivé, il est confronté à la mort de sa mère, à une fin de non-recevoir de la femme qu’il aimait et à un monde qu’il ne reconnaît plus. La nuit même de son retour, l’esprit embrumé par l’alcool et la rage chevillée au... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (30) Voir plus Ajouter une critique
3,7

sur 105 notes
Pour ce qui est de "Texto" ce roman noir de Dmitry Glukhovsky, on m'avait déjà prévenu que le roman n'était pas à la hauteur et ne représentait pas tout le panel littéraire de ce qu'à pu écrire l'auteur.
En effet, même si c'est assez bien écrit dans l'ensemble, le récit manque de rythme.

Ilya après avoir purgé une peine de sept ans dans un pénitentiaire en pleine Sibérie, revient à Moscou et sa banlieue pour retrouver sa mère et un amour de jeunesse. Mais voilà, sa mère décède et sa petite amie d'y il y a presque dix ans en arrière a refait sa vie.
Il retournera à Moscou pour se venger du flic véreux qui sept ans auparavant aura trafiqué son arrestation pour possession de drogue qui le conduira au bagne pendant toutes ces années.

Le seul objet qu'il gardera de son altercation avec ce flic corrompu, est son téléphone portable.. de là s'en suivra un décorticage du téléphone par Ilya. Textos, vidéos, tout y passe et l'on est confronté à un voyeurisme de la part du protagoniste principal d'un ennui sans nom...
Sans compter qu'avec les méthodes de pistage actuelles on aurait pu retrouver la trace de sa carte SIM n'importe ou et très vite.

Le roman est une sorte de télénovela à travers les yeux du personnage principal où l'on voit via le téléphone portable l'intimité, les liens familiaux et autres magouilles de cet ancien flic.

Une personne que je connais m'avait prévenu qu'il n'avait pas du tout aimé. Pour ma part, j'aurais peut-être dû commencer par la trilogie "Metro" de l'auteur.
J'ai été très déçu par ce roman mais il a l'air assez bien traduit, donc bien écrit ce qui rend la lecture moins fastidieuse qui sur d'autres ouvrages peut tout gâcher. Même si ici, cela ne suffit pas à nous tenir en haleine.
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Avant Texto, Dmitry Glukhovsky n'avait écrit que de la science-fiction expliquant que ce genre avait encore la paix niveau remontrances gouvernementales.
C'est donc avec surprise que j'ai découvert ici un roman noir, pur jus. Je ne sais pas si c'est Dmitry ou si ce sont les instances qui ont revu leur façon de voir les choses, mais le roman noir étant un genre que j'apprécie immensément, j'ai vachement bien pris la chose.

Ilya nous entraîne dans sa déchéance.
Quand le titre de délinquant vous est étiqueté alors que vous êtes seulement victime d'injustice découlant d'une corruption normalisée, pas facile de finir de pousser droit.
Ilya, pourtant, fort de l'éducation que sa mére lui a donnée, gamberge de façon cohérente, mais ce n'est pas ce qu'il y a de plus adéquat dans cette Moscou de 2016.

En sus, l'écrivain exploite à fond notre propension à mettre nos vies dans nos smartphones. Des formes de vie qui survivent à leurs créateurs. L'oralité et le mode manuscrit pouvant s'effacer sans étonner personne à l'instar du tapuscrit, ce sont des vies usurpables à souhait.

Sombre et pas en manque de résonance, c'est le genre d'histoire à suspens qui me captive assez complètement.
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C'est une masse critique Babelio qui m'a fait découvrir cet auteur et ce roman Dmitry Glukhovsky et son Texto, je remercie encore L'Atalante et Babelio pour cette merveilleuse pépite, ce joyau russe, la Russie ombre de beaucoup d'ouvrage, soleil écarlate d'un peuple slave narré par beaucoup d'âme torturé, un pays perdu dans des traditions profondes au coeur même de leur chair, une administration débordante d'absurdité humaine, Texto est un kaléidoscope moderne d'une Russie à la poupée russe, empirique de ses adages historiques.
Dmitry Glukhovsky est un auteur russe, originaire de Moscou, ayant fait des études en relations internationales à Jérusalem, vagabond terrestre, il parle plus de six langues, il a travaillé pour les chaînes Russia Today, Euronews et Deutsche Welle, il se consacre pleinement à l'écriture, il a notamment travaillé et continue encore de publier des articles pour le journal Novaïa Gazeta où travaillait la journaliste Anna Politkovskaïa, assassinée en 2006. Dmitry Glukhovsky a marqué de son empreinte le monde littéraire avec Métro 2033, publié en 2005, un roman anti-utopiste comme 1984 de Georges Orwell et plus récemment La servante écarlate de Margaret Atwood en 1985. Ce roman enfantera une suite avec Metro 2034 et Métro 2035, une trilogie dystopie post-apocalyptique, couronnée par un jeu vidéo du même titre, explosant des records de ventes. Outre cette trilogie, Dmitry Glukhovsky a écrit d'autres romans comme Sumerki, traduit et publié en 2014, FUTU.RE en 2015 et dernièrement Texto.
Texto est un roman actuel, moderne, perçant la Russie moderne à travers la chevauchée tumultueuse d'un jeune étudiant sortant de prison après une peine de sept ans de prison pour détention de drogue. Une vie s'entrecroise, s'entremêle, se diffuse, s'étiole, s'effrite, se consume, s'évapore, se dédouble entre cet étudiant piégé par un jeune flic fougueux et surtout véreux, par le téléphone portable de ce dernier, tombé dans les mains de la victime, la vie intime du téléphone sera une voix nouvelle pour ce jeune banlieusard de Moscou, résidant à Lobnia.
Ce préambule est une petite friandise sublime, Texto est comme une architecture d'un trompe-oeil, un édifice au coeur double, comme pouvait le faire plus simplement Stefan Zweig, narrant ses histoires à travers le récit d'une tierce personne ou d'une lettre comme Lettre d'une inconnue, Texto tisse sa toile au fil de la mémoire d'un téléphone avec celle maladroite du tueur de son propriétaire, Moscou trône sa majestueuse grandeur au côté de tous ses personnages rongés par la société de corruption russe.
Moscou semble être une terre promise, une ville en mutation, au vestige passé, oeuvrant sa force vitale dans une croissance vertigineuse, les périphériques sont surchargés, au contraire de Lobnia, statique sous les yeux de notre héros, Ilya, libéré de prison, dite la Zone, au bout de sept ans, son regard innocent perce la mutation de cette ville et de sa banlieue. Dmitry Glukhovsky entraine le lecteur dans une intrigue moderne d'une Russie contemporaine où navigue, comme un écho, l'esprit critique de sa patrie, comme tant d'autres, Moscou et ses habitants piégés dans une caste absurde. Ce Moscou est la vision de celui qui le visite et de son guide, Moscou vibre de sa mutation, toujours une linéarité moscovite trébuchante.
« la terre moscovite ne voulait pas être aplanie »
Ce n'est pas comme l'a fait Alexandre Soljenitsyne avec son roman vérité L'Archipel du Goulag. 1918-1956, essai d'investigation littéraire, parlant du Goulag et monde du travail forcé, juste une parenthèse sur le monde carcérale et de sa sous-culture, une plongée timide d'Ilya brisé d'avoir été lancé en pâture par un jeune flic, aux dents longues, dans cet univers à l'animalité de survivre, celle de la loi du plus fort et de l'argent, avoir en soi le silence absurde d'une hiérarchie enclavant toute éducation sociétale, devenir le jouet des autres et attendre la libération au prix trop lourd à survivre, vivre de cette Zone non humanisme. Tiraillée entre deux clans s'opposant, la zone libère sa loi, les blatnoy, les mouchards, les matons, tous s'affrontent dans une guerre de pouvoir, même l'administration est corrompue, l'argent domine la société russe, pour avoir une libération anticipée il faut toujours donner quelque chose en échange, Ilya ne cédera pas à cette hiérarchie de la corruption, refusant de sortir six mois plus tôt, refusant de dénoncer à tort celui qui l'a pris sous son aile, le protégeant de l'animalité malsaine de la prison, refusant de se pervertir , Ilya résiste à la zone pour être celui qui l'anime au plus profond de son être.
Ilya est le miroir de la société Russe, son regard va de corruption en corruption, même devant la télé, la propagande contre la démocratie à travers des jeux animés par des bobos, les apparitions du chef de l'État avec son discours ficelé, les informations relatant la force de la Russie face aux nations jalouses, même le passeport est un tour de magie administratif vénale, payer pour obtenir une liberté perdue dans cette zone pour un sachet de drogue dissimilé par une jeune flic véreux, sept d'une vie pour de la drogue qu'il n'avait pas, sept à perdre son amoureuse, sept à survivre, sept sans sa mère, morte deux jours avant sa libération, ce héros comme la plupart des russes, narré par Dmitry Glukhovsky se perd dans la vodka, mais s'aspire dans des monologues sans fin sur sa condition. La vodka perce une Russie dans les méandres de ce breuvage festif et collectif, les vapeurs solitaires annihilent l'esprit et le corps, l'âme Russe navigue dans ses eaux troubles, mais la cocaïne fissure peu à petit cet héritage.
Dans ce roman, à la trinité des sons, la mémoire du téléphone, les pensées d'Ilya et la narration des événements, cette triple voix bouscule le lecteur à naviguer dans les ruissellements de cette rame dramatique. Dmitry Glukhovsky avec son personnage principal Ilya, entraine l'intrigue dans une schizophrène folle de notre jeune repris de justice, tirailler entre la vie de sa victime, le jeune flic l'ayant fait arrêter, et sa propre vie, ce dédoublement aspire le lecteur dans une entrainante cascade de multiple événement, scénarisé comme un film, ou les personnages annexes, des figurants sont présents de leur voix, un couple dans la rue bavardant, des jeunes dans un bar, tous sont éphémères et inertes à l'intrigue, mais participe à ce roman multiple.
Ilya se noie petit à petit dans la vie du jeune flic Petia Khazine, entre ses parents, sa petite amie Nina enceinte, ses contacts et sa hiérarchie, mais aussi sa propre vie, avec la mort de sa mère encore à la morgue, désirant partir de la Russie en obtenant un passeport, devoir gagner de l'argent grâce business de trafiquant de drogue pour s'enfuir. Cette trame s'étire avec beaucoup de puissance, un vertige des sens où le final se fait cabotin, un roman policier, critique d'une Russie gangrénée de toutes parts, une Russie sur son piédestal, de ses dirigeants trompeur et truqueurs, une Russie se métamorphosant dans un capitaliste ou le rêve se vend à prix d'or, une Russie contemporaine s'axant vers une destinée nouvelle, gardant son despotisme légendaire avec un Poutine ultra-présent.
Ilya sera-t-il faire face à cette dualité, survire à sa vie, jouer la comédie de la vie d'un autre, perde contact avec ses convictions, aller s'enfuir dans un éden lointain en oubliant ses racines et ses convictions, Dmitry Glukhovsky fera de son héros un martyr russe tel jésus ou un Juda de sa propre vie, venez-vous perdre dans Texto et vous évaporer dans une intrigue fort réaliste.
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Si toi aussi tu tentes de survivre dans cette société des apparences, dans ce monde où l'individualisme règne, où écraser son prochain pour gravir un échelon de l'échelle de la réussite est un sport de haute lutte, lis Texto et réfléchis à ton épitaphe !
De la littérature blanche avec de vrais mort-vivants ou des vivant-morts et des fantômes.

Dmitry Glukhovsky fait parti des auteurs dont j'achète chaque parution. Ici, au vue du pitch, je croyais qu'il s'agissait d'une anticipation sur le téléphone. Après lecture de quelques chapitres, je commençais à me poser de sérieuses questions sur le côté SF du roman, me demandant comment l'auteur aller retourner la situation. Ce qu'il ne fit pas : nous sommes devant un texte de littérature général. Mais même si j'ai été assez déstabilisé de me retrouver devant un roman sans voitures volantes, sans petits hommes verts et sans imprimantes 3D, le récit m'a vite pris dans ses filets, me demandant comment ce jeune sortant de prison allait se sortir du bordel où il s'est mis.

Ilya Lvovitch vient de finir de purger sa peine de sept ans de prison. Il retourne vivre chez sa mère, pensant en avoir fini avec l'horreur. Mais cette chienne de vie lui réserve quelques chausse trappe dont elle a le secret. Nous allons découvrir peu à peu pourquoi il a été emprisonné, et les conséquences sur sa vie, et celles de quelques autres.

Roman qui aurait pu être assez conceptuel, car le smarthphone est tout de même l'un des personnages principaux. Mais l'écueil est évité avec brio, l'auteur se jouant des interstices vides entre les photos, les sms, les vidéos et autres applis capturant notre quotidien. On ne partage que ce que nous voulons bien, le reste demeurant notre vie privée. Notre anti héros va devoir jongler avec cette mémoire technologique incomplète pour dénouer l'écheveau d'intrigues.

Derrière tout cela, Dmitry Glukhovsky nous parle de la société russe, du sens de la peine, de la justice, de l'éducation, des valeurs. Comment se tenir droit et honnête lorsque ceux qui "réussissent" sont ceux qui se jouent du système, qui sont le système. Comment vivre sa vie lorsque celle ci vous a été prise, dont on vous a privé quelques années. Ilya Lvovitch tente de vivre une nouvelle vie par procuration, de rattraper les erreurs du propriétaire du smartphone. Mais peut on se racheter ? C'est aussi une réflexion sur l'apparence, celle que les gens ont de nous, dans la vie réelle, mais aussi par les réseaux sociaux. Nous n'avons qu'un aperçu d'une personne, forcément subjectif. Se connait on vraiment, connait on réellement ceux qui nous entourent ?

Bémol cependant qui m'a fait tiquer à certains moment : le pistage possible si l'on a un smartphone sur soi, qu'il soit éteint ou allumé. L'auteur laisse sous entendre qu'une fois éteint, nous sommes invisibles. Mais comme le narrateur n'est pas une source fiable, à la limite de la parano, est ce que ce n'est pas lui qui se fait un film ?
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À dix-huit ans, Ilya avait tout en mains pour réussir : futur étudiant à l'Université, petite amie canon et supers potes, jusqu'à sa rencontre avec Pieta Kazhine. Au cours d'une sortie en boite, Ilya n'avait pas trop apprécié le comportement de l'officier de police, un peu trop entreprenant avec sa petite amie, et l'avait fait savoir. Ce dernier s'était immédiatement vengé en cachant dans sa poche un sachet de coke, le faisant ainsi condamner pour sept ans de réclusion.
À sa sortie, Ilya ne désire qu'une chose : revoir sa mère qui l'a seule soutenu et goûter le chtchi qu'elle lui aura préparé pour fêter son arrivée. Mais à peine arrivé à l'appartement familial, il apprend par une voisine que sa mère est décédée il y a deux jours à peine d'une crise cardiaque. Il n'y a plus guère que la vodka comme remède contre le sort qui s'acharne sur lui, et une fois sous l'emprise de l'ivresse, il décide de retrouver celui qui a fait basculer sa vie en enfer pour le tuer. le meurtre commis et le corps caché, il s'en retourne chez lui et ne réalise que le lendemain matin de la gravité de son acte.
Sans se rappeler comment cela a pu arriver, il s'est également emparé du téléphone de Pieta. Ilya est au désespoir et sent ses jours comptés. Il tient cependant à accomplir un dernier acte avant d'être arrêté : s'occuper de l'enterrement de sa maman, et ce, dignement. Mais pour cela, il va falloir que les proches du policier le croient encore vivant... grâce aux textos.
Il va alors se plonger dans la vie de celui qui a gâché la sienne, à ses risques et périls...

Superbe thriller psychologique que nous offre là Dmitry Glukhovsky, un auteur russe particulièrement séduisant, qui sort de sa zone de confort habituelle, plutôt portée sur le fantastique.
Il nous plonge dans un récit intime, dans la narration d'une descente aux enfers terrible avec des doutes, des prises de conscience, des remords et des intentions éphémères. Et c'est peu dire qu'on souffre avec Ilya, qu'on s'épouvante à ses côtés, qu'on se prend la tête à deux mains et qu'on ferme les yeux devant l'enchaînement fatal des évènements.
J'étais tellement dedans que j'aurais voulu agir, lui prendre ce fichu téléphone des mains pour que cette spirale infernale s'arrête. C'est vous dire le talent de cet auteur…
À travers le destin d'Ilya, il y a également la mise en garde sur l'utilisation des smartphones, dans lesquels nos vies sont consignées, avec les coordonnées de nos proches, nos conversations et nos mails, nos photos et nos vidéos. Ilya entre dans la vie de Petia à volonté, écrit pour lui, agit pour lui et la frontière entre leurs deux personnalités s'amenuise avec les jours qui passent.
Paradoxalement, horriblement, notre ex-détenu si seul, n'a plus comme contact social que la sphère professionnelle et intime de celui qu'il hait au plus haut point. Lui qui n'a plus de famille, de petite amie, converse avec le plus de conviction possible avec les parents de Petia, ou sa petite amie. Schizophrénique.
Et pour la lectrice que je suis, une expérience effrayante mais une fois le livre refermé après son final, incroyablement enthousiasmante !
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critiques presse (1)
Liberation
17 mai 2019
Dmitry Glukhovsky sait y faire pour nous tenir en haleine, nous plonger peu à peu dans cette Russie déchirée entre tout puissants et pauvres types, corrompus et innocents.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (45) Voir plus Ajouter une citation
"La télé c'est comme un voisin cinglé : une fois qu'on a croisé son regard, pas moyen de le faire taire ou de lui échapper."

Dmitry Glukhovsky

Texto

Éditions : Le Livre de Poche

Page. 64
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"Elle appelait les choses par leur nom et regardait l'avenir avec sévérité à travers ses lunettes professorales. Se préparer au pire pour ne jamais être déçu par la vie, telle était sa devise.”


Dmitry Glukhovsky 


Texte


Éditions : Le Livre de poche


Page. 188
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Dans la rame, nul ne lui prêtait attention : chacun était absorbé par son téléphone, chacun en fouillait l’écran ; les femmes maquillées de leurs ongles peints, les travailleurs immigrés aux yeux bridés de leurs mains calleuses, les écoliers de leurs petits doigts aussi fins que des allumettes. Derrière le verre renforcé, chacun avait une autre vie, plus palpitante, plus vraie. Avant, seuls les gens branchés possédaient des smartphones, les jeunes. Mais alors qu’Ilya purgeait sa peine, on avait créé des Internets pour tout le monde, les mécréants, les vieux, les nourrissons.
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— Tu t’es rééduqué, Ilya Lvovitch ? laissa tomber le lieutenant en se retournant enfin.

Pourtant, il tenait toujours le document qu’il entreprit de plier en deux. Moscou s’éloignait derrière lui, se réduisait à la taille d’une maquette, les ciels filaient en se repliant sur eux-mêmes, le tumulte de la foule et les rugissements des moteurs s’assourdissaient. La bedaine du lieutenant, sa veste tachetée et sa trogne éclipsaient la capitale. Son instinct soufflait à Ilya que l’autre ne pouvait rien lui faire ; qu’il fallait seulement lui laisser ressentir la mesure de son pouvoir. Cette tension relâchée, il le relâcherait à son tour. C’était pour cela qu’il se trouvait ici, pour cela qu’il s’était enrôlé.

— Tout à fait, monsieur l’agent.

— Tu te rends à ton domicile ?

— À Lobnia.

— À l’adresse enregistrée ?

— Depovskaïa, au no 6.

Le lieutenant vérifia l’information dans le passeport en froissant sans raison les pages adjacentes. Il avait sans doute le même âge qu’Ilya, mais les pattes d’épaule le faisaient paraître plus âgé ; alors que c’était pour le détenu – et non pour le lieutenant – que chacune des sept dernières années avait compté triple.

— Tu rentres chez toi. Comme tu en as le droit, lâcha-t-il, avant de se remettre à lire. Article 228. Premier alinéa. C’est quoi, ça ? Rappelle-moi.
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Ilya laissa ses yeux errer dans le vague, pour esquiver ceux des uniformes gris, pour ne pas en subir l’attrait magnétique. Il ne pensa à rien, pour n’émettre aucune odeur.
— Jeune homme !
Il se figea aussitôt, docile. Comment l’avait-on reconnu ? À la teinte de sa peau ? Son dos courbé ? Sa tête baissée ? Ou était-ce l’instinct du chien de chasse qui reconnaît sa proie ?
— Approchez ! Vos papiers !
Il tendit son passeport. On compulsa les dernières pages tamponnées. On fit claquer la langue.
— D’où revenez-vous ?
Mentir ou dire la vérité ? On n’allait tout de même pas vérifier ses dires. Il était parti… quelque part. Se reposer. Chez sa grand-mère. En voyage d’affaires. Comment pourraient-ils le vérifier ?
— J’ai… purgé une peine.
— L’attestation de remise en liberté.
Il la lui tendit. Le lieutenant lui tourna le dos, marmonna quelques mots dans sa radio et écouta ce qu’on lui marmonna en retour ; Ilya, toujours immobile, ne soufflait mot. Il était réglo. Il avait purgé toute la durée de sa peine, la libération anticipée lui ayant été refusée.
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Vidéo de Dmitry Glukhovsky
Texto, de Dmitry Glukhovsky (LGF), coup de coeur d'Aude, librairie L'Hirondelle (Dans le cadre de l'édition spéciale Lire en Poche 2020)
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