AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

André Cabaret (Traducteur)
EAN : 9782842421267
94 pages
Éd. Circé (28/08/2001)
3.72/5   16 notes
Résumé :


Vif et bref, le premier roman connu d'Ivan Gontcharov (1812-1891), l'auteur d'Oblomov, a pour héroïne une jeune femme désemparée depuis qu'elle a perdu quelque chose qui lui tenait à cœur. Quoi ?

Elle le dit à l'officier de police qui finit par la recevoir : Mon mari. Et quand on retrouve celui-ci, c'est en mauvais état, tout à fait mort, le visage écrabouillé mais toujours l'alliance au doigt.

Cela ne fait pas l'affai... >Voir plus
Que lire après Nymphodora IvanovnaVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
C'est une théorie dont j'ai l'intuition depuis longtemps et Ivan Gontcharov m'en donne encore une preuve avec Nymphodora Ivanovna. L'idée en est que, si l'on compare une littérature de type XIXème siècle avec des productions contemporaines de type polar, il existe une différence de nature alors même que les sujets traités sont rigoureusement identiques.

Je m'explique. Cette nouvelle de Gontcharov aurait tout, à l'heure actuelle, pour être traitée, pour être mise en forme, pour être exécutée sous forme d'un bon petit polar psychologique. On roulerait le lecteur dans la farine du doute et de l'angoisse créés par les situations d'incertitude, on s'amuserait avec lui comme le chat avec la souris, on l'amènerait à croire A pour mieux ensuite lui laisser entrevoir B et quand enfin il se persuaderait de C, on lui dévoilerait le fin mot de l'histoire D, comme dans CQFD, avec un petit coup de coude dans les côtes au passage du genre : " T'as vu, Bonhomme, je t'ai eu, t'avais rien senti v'nir ! "

Bref, ça devient une sorte de jeu. le livre perçu comme un jeu et dont le but aussi bien que la fonction est le divertissement. Au XIXème siècle, la philosophie de l'écrivain est tout autre. Au XIXème siècle, on ne se soucie pas des détails pratiques de l'intrigue. On ne travaille pas le jeu de pistes, les culs-de sac et les chausses-trappes. Au XIXème, on se soucie d'Art. On veut du beau, du bien écrit et le scénario n'est qu'un prétexte à raconter une belle histoire, ou, plus exactement, à raconter joliment, artistement une histoire pas forcément belle.

Et Ivan Gontcharov nous le dit, nous le stipule, nous le scande. Il interpelle fréquemment le lecteur un peu à la façon de Diderot dans Jacques le Fataliste, mais en plus marrant, en mieux senti, comme pour nous prouver que ce que nous lisons n'est bel et bien qu'une création d'artiste, elle n'a nulle exigence de véracité ou de divertissement. Son but est l'art et sa fonction est d'émouvoir.

Pour moi, voici la différence essentielle entre le polar actuel, dédié au divertissement et le roman du XIXème qui est orienté vers l'art et le type d'émotions qu'une oeuvre d'art suscite.

Je conseille donc tout particulièrement aux amateurs de polars cette nouvelle artistique pour en mieux sentir le contraste. Leur oeil expert percevra tout de suite la manoeuvre du scénario et il se diront : " Là, Coco, je te vois venir. " et à peine une demi-page plus loin, Gontcharov leur fera un clin d'oeil pour leur murmurer : " J'aurais pu te rouler, comme je voulais, où je voulais, mais ce n'était pas mon but. Écoute, ressens, laisse palpiter tes émotions d'être doué de sensibilité et oublie, pour une fois, le scénario, goûte juste les sensations, l'humain contenu là-dedans, c'est ça qui est bon. "

Tenez-vous à tout prix à ce que je vous parle du scénario ? Il le faut bien, c'est réglementaire… tant pis pour vous… ce n'est vraiment pas là l'essentiel. Alors vous allez rencontrer Nymphodora, une jeune femme de dix-huit ans, née dans un milieu modeste mais non pauvre, bien élevée, dans les principes et dans la morale. Un jeune homme d'allure brave l'a remarquée, a pris le temps nécessaire pour l'approcher dans les règles, l'a demandée en mariage comme il le fallait et les deux se sont mariés en bonne et due forme.

Nymphodora l'a aimé sans arrière pensée, lui a donné un joli petit garçon. Ils formaient un brave joli petit couple sans histoire. Cela faisait deux ans que ça durait, mais voilà qu'un jour, son mari a disparu. Trois jours plus tard, la démarche d'aller déclarer la disparition à la police met Nymphodora au supplice, mais il le faut. Elle décrit son homme, comment il était vêtu, où il se rendait…

Quelques jours encore se passent et l'agent convoque Nymphodora dans les bureaux de la police. On lui demande d'identifier un macchabée déjà bien faisandé. Les vêtements, le porte-feuille, l'alliance, tout concorde mais le visage est sauvagement mutilé, les mains méconnaissables. Cette image de son mari traumatise la jeune femme. Les malfaiteurs avaient sûrement leurs raisons…

La brave petite Nymphodora a du mal à encaisser le choc du veuvage. Elle est si jeune, elle l'aimait si fort, et de voir son bébé qui se trémousse dans son berceau, non, vraiment, c'est un crève-coeur et la vie est bien cruelle parfois. Elle est alors sujette de temps à autres aux hallucinations, la brave petite Nymphodora. Un jour même, il lui semble voir son mari dans un carrosse, revenu du royaume des morts, croirait-on… Que lui réserve encore le destin ?

Écriture, rythme, format, tout va bien, tout sonne clair dans cette nouvelle oubliée pendant un siècle et redécouverte assez récemment. Vous auriez tort de vous en priver mais ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.

Commenter  J’apprécie          879
Un récit vraiment marquant. L'histoire d'une jeune femme russe perdant son mari fraîchement épousé.. Il y a beaucoup d'émotion dans cette histoire ce qui est assez déroutant car elle est directe, pure et étrangement simple, accessible. Gontcharov nous aide à la ressentir car il s'adresse directement à nous, joue le médiateur en tant que narrateur pour que nous puissions comprendre ce qui a priori nous est étranger.. Il nous explique la psychologie de l'héroïne et lui donne une véracité, une réalité en se jugeant lui, narrateur et auteur incapable de contrôler ni d'anticiper les actions de son personnage. Mélange des genres, drame réaliste, intrigue policière, le récit est accompagné d'un style précis, efficace, et percutant. Un style presque journalistique mais d'une époque où la presse savait écrire.
Je ressors ravi de cette lecture marquante.
Commenter  J’apprécie          30
Et bien le voilà, le premier coup de coeur de 2021 !
Dans cette petite histoire très bien ficelée nous allons suivre Nymphodora Ivanovna, jeune mariée folle amoureuse de son époux, au moment ou celui-ci à mystérieusement disparu. S'en suit une enquête qu'elle va menée bien malgré elle.
Avec un humour grinçant, l'auteur mène l'histoire comme un thriller. Il s'adresse souvent au lecteur de façon direct, rendant vivant un récit incroyablement moderne.
90 pages qui m'ont charmée, et m'appellent à lire d'autre oeuvres de Ivan Gontcharov
Commenter  J’apprécie          20
Une peinture de moeurs réussie. L'humour, les apartés et les digressions sont des moyens pour nous rappeler quasi à chaque page qu'il s'agit d'une fiction. Cela donne une étonnante touche de modernité et même une distanciation à cette oeuvre de jeunesse. Réjouissant !

Commenter  J’apprécie          40
Bon, riche, assez intense, transgenre étonnant et très bien écrit. de l'humour de la dérision et une forme de sentiment du choc psychologique.
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Si vous aviez observé ce visage de près, vous auriez été saisi de frayeur tant son immobilité exprimait de souffrance ; vous auriez dit que se trouvait couché là, devant vous, le cadavre d'un homme ayant rendu son dernier souffle dans les plus cruels tourments physiques et moraux.
Or le jeune homme était en vie ; il était plus vivant que vous et moi, car les souffrances qu'il endurait lui rappelaient sans répit qu'il était vivant.
Nous pouvons tous nous dire vivants tant que le sang circule dans nos veines et que bat notre cœur. Mais qu'est-ce que cette vie, tranquille, paisible, sans passion, scandée par la montre de gousset, assoupie dans un fauteuil moelleux ou rampante au long des pages d'un roman nouveau mais ennuyeux à l'ancienne ? Ce n'est pas une vie — c'est un engourdissement. Pour vivre au sens plein du terme, vivre d'une vie humaine, il faut mettre ses sentiments à l'épreuve ; non pas les solliciter mollement, non ! il faut les bouleverser jusqu'aux tréfonds les plus secrets, en tirer des sons amples, — que ce soient des sons de plaisirs ou de douleur, peu importe ! — pourvu qu'ils soient forts, des sons tels que vous ne pourrez plus vous oublier ni oublier que vous êtes en vie.
Commenter  J’apprécie          280
Votre époux est, sans conteste, très bien de sa personne, il est aimable, il est gentil, il est très bon. Il constitue toutes vos joies, il se promène avec vous sur la Perspective Nevski, il vous accompagne au Magasin Anglais et à la boutique de madame Sichler, il paie dans les deux, il reste sagement assis dans votre loge, au bal il ne se mêle pas de ce qui ne le regarde pas, il ne discute jamais avec vous, ne vous contredit parfois que pour plaisanter, suivant en cela la despotique habitude de certains époux qui aiment à se gausser de leurs mignonnes épouses ; bref, il est à vos pieds, il vous est soumis, il est votre esclave — et vous l'aimez ! Ce sentiment vous fait " affreusement " honte, mais vous l'aimez, parce que, parole d'honneur, on ne peut pas ne pas aimer un homme si aimable. Imaginez-vous… Seigneur, pour rien au monde je ne souhaiterais quelque chose de méchant ! Mais imaginez (c'est indispensable pour mon récit) que votre aimable époux, ce doux tendre époux, qui restait sagement assis dans votre loge et qui payait dans les magasins, ait disparu soudain, fourré on ne sait où… qu'il se soit perdu, foudroyé, écroulé quelque part… Mon Dieu !
Commenter  J’apprécie          180
Il était une fois le roi d'Espagne Philippe III. Et ce roi travaillait un jour dans son cabinet. Le temps était froid. Afin de réchauffer le corps du roi, on déposa près de lui un brasero. Au bout d'un moment, les braises avaient tellement échauffé le visage royal que la sueur se mit à dégouliner, mais le bon et timide Philippe ne s'en plaignit point. Un des courtisans, le marquis de Pobar, remarqua la délicate situation du souverain, mais il n'osa pas reculer le brasero parce que cela sortait des limites de sa fonction et que cela eût nui à la sévère étiquette espagnole. Il se rua à la recherche du duc d'Albe. Celui-ci déclara qu'il n'avait pas le droit d'entrer dans le cabinet du roi, mais qu'il allait en référer au duc d'Uceda. Ce dernier, par malchance, était justement à son pavillon de chasse. On se mit à débattre et à discuter. Entre-temps le roi cuisait doucement ; lorsqu'on fit enfin quérir Uceda, qui accourut chez le roi, le pauvre Philippe, plongé dans ses réflexions et ses occupations, était complètement cuit, au point que cela lui provoqua une inflammation, laquelle causa sa mort.
Cette histoire vous paraîtra peut-être farfelue, mais je la tiens d'un document écrit, et il faut se fier à l'écrit. J'espère en tout cas qu'un tel " incident " ne vous arrivera pas à la lecture de cette anecdote et de mes autres ouvrages…
Commenter  J’apprécie          120
"Les auteurs de romans et de récits désireux d'exprimer le bouleversement provoqué chez une personne par quelque chose d'inattendu avaient jusqu'à présent recours à l'éclair, au tonnerre, aux décharges électriques, aux coups de canon.
Je vous laisse libres de choisir n'importe lequel de ces procédés parce que je n'ai nulle envie d'en inventer un nouveau pour décrire l'état de Nymphodora."
Commenter  J’apprécie          382
Les auteurs de romans et de récits désireux d'exprimer le bouleversement provoqué chez une personne par quelque chose d'inattendu avaient jusqu'à présent recours à l'éclair, au tonnerre, aux décharges électriques, aux coups de canon. Je vous laisse libres de choisir n'importe lequel de ces procédés parce que je n'ai nulle envie d'en inventer un nouveau pour décrire l'état de Nymphodora. Je dirai seulement, en préservant la sacro-sainte vérité, que sa vue se brouilla, que la tête lui tourna, qu'elle eut l'impression de voir la rue, les gens et toutes les maisons tournoyer autour d'elle comme autour d'un pivot. Elle ne pouvait poser son regard sur rien, tout s'embrouillait sous ses yeux. Enfin, quand elle eut repris ses esprits, elle se hâta de braquer sa vue sur la fatale voiture, mais celle-ci avait disparu.
Commenter  J’apprécie          150

Videos de Ivan Gontcharov (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ivan Gontcharov
Retrouvez les derniers épisodes de la cinquième saison de la P'tite Librairie sur la plateforme france.tv : https://www.france.tv/france-5/la-p-tite-librairie/
N'oubliez pas de vous abonner et d'activer les notifications pour ne rater aucune des vidéos de la P'tite Librairie.
Savez-vous qui est le personnage le plus paresseux de toute l'histoire de la littérature ? Un paresseux héroïque ?
« Oblomov », d'Ivan Gontcharov, c'est à lire en poche chez Folio.
autres livres classés : russieVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (41) Voir plus



Quiz Voir plus

La littérature russe

Lequel de ses écrivains est mort lors d'un duel ?

Tolstoï
Pouchkine
Dostoïevski

10 questions
437 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature russeCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..