Aristote au mont Saint-Michel est d'abord un livre martyr. Martyr parce qu'il a été, à sa sortie, vilipendé et frappé de l'anathème « islamophobe », tandis qu'il ne recèle aucune injure à l'endroit de l'Islam. Pourquoi un tel déchaînement ? Parce que l'auteur,
Sylvain Gouguenheim, remettait en cause la doxa anachronique, à savoir que l'Occident chrétien devrait presque tout à l'Islam. Ce à quoi répond l'auteur : « Que les musulmans aient volontairement transmis ce savoir antique aux chrétiens est une vue de l'esprit. » Pour s'en convaincre, il suffit de mettre en miroir l'évolution du monde chrétien et du monde islamique et de voir où est allé l'héritage antique.
Ce mythe d'un Islam des Lumières qui nous aurait transmis le savoir antique, je le savais, pour ma part, faux depuis longtemps mais sans avoir lu cet excellent essai, devenu une rareté dispendieuse et que j'ai pu me procurer grâce à Emmaüs, à un prix très raisonnable, pour tout vous avouer !
Hélas, depuis quelques décennies déjà, le réel est devenu ce que les minorités hurlantes décrètent qu'il est, au mépris de tout démarche scientifique. Ainsi, prétendre – suivant une réalité naturelle intangible – qu'on naît fille ou garçon est devenu un crime de nos jours. Il en est de même avec l'Islam, sacralisé au nom d'une repentance européenne à l'égard de son passé et qui, au regard de l'Histoire, n'a pas lieu d'être : toutes les grandes civilisations, sans exception, furent à l'occasion criminelles, l'Islam ne dérogeant d'ailleurs pas à la règle, qui prit abondamment sa part ! Certaines civilisations n'ont donc pas à s'en excuser plus que d'autres, quitte à mentir sur elles-mêmes.
Pourtant, la réalité existe bel et bien, et ce ne sont pas les détracteurs de ce livre – dont
Jacques le Goff, l'immense médiéviste, s'est défié à l'époque, lors de ce qu'on l'on appelé « l'affaire Gouguenheim » – qui pourront y changer quelque chose : « le christianisme était par ailleurs nourri, imbibé, dès ses origines, de culture grecque. »
Et l'auteur de nous mettre en garde contre la réécriture de l'Histoire : « Refuser certaines racines aboutit aussi à faire table rase d'une série de traits spécifiques d'une culture ou d'une civilisation, ce qui peut conduire à y substituer d'autres éléments, pourtant extérieurs à cette culture. »
Surtout, à défaut d'une transmission directe et généreuse, « l'Islam a d'abord transmis la culture grecque à l'Occident en provoquant l'exil de ceux qui refusaient sa domination. Mais cette fuite n'aurait guère eu de conséquences si les Grecs de Byzance n'avaient pris le relais de la culture antique et si les élites occidentales ne s'y étaient pas intéressées. Les émetteurs rencontrèrent leurs récepteurs ».
L'Europe n'avait ainsi pas rompu ses liens avec l'Antiquité après la chute de l'Empire romain d'Occident (en 476). D'autant que des chrétiens vivaient encore en Orient, notamment dans l'Empire byzantin. Et : « Grâce aux chrétiens d'Orient ou aux liens entretenus avec Byzance, via la Sicile, l'Italie du sud ou l'exarchat [circonscription administrative de l'Empire byzantin], le monde latin a conservé ou retrouvé une partie du savoir des Anciens. »
Dans ce monde latin, existait le scriptorium très prolifique du mont Saint-Michel, où officia un certain Jacques de Venise, dont les traductions à partir du grec – et quoique discutables car trop littérales, nous dit l'auteur – connurent un très grand succès. Preuve que l'Occident chrétien connaissait le savoir antique.
C'est donc avec une méticulosité savante que
Sylvain Gouguenheim démonte les idées reçues sur la présupposée ignorance de l'Occident chrétien médiéval avant sa « rencontre » avec l'Islam. Prenons par exemple la médecine : « L'Occident n'a pas attendu les croisades pour la découvrir mais en reprit connaissance dès le VIe siècle. » C'est-à-dire un siècle avant la naissance de l'Islam.
L'auteur énonce aussi des faits dérangeants pour les tenants d'une chrétienté médiévale ignare et d'un islam sublime, dont celui-ci : « L'écriture arabe, dite “coufiqueˮ, fut elle-même forgée par des missionnaires chrétiens au VIe siècle. » Des chrétiens qui, tout comme des Juifs, furent de prestigieux savants dans le monde musulman. S'agissant des savants musulmans proprement dits, convaincus que l'arabe était une langue sacrée, ayant révélé le Coran, ils ne prirent pas la peine d'apprendre le grec.
Quant à l'influence de la philosophie grecque sur le monde musulman, les prétentions sont ici revues à la baisse, montrant qu'en Islam « l'hellénisation demeura un phénomène intellectuel sans prise sur les mentalités collectives attachées à la foi, ni sur les structures politiques, sociales ou juridiques ». Car le Coran est révélé et donc incréé, qu'il contient tout ce que le fidèle a besoin de savoir, il n'a pas besoin d'apports extérieurs.
Enfin,
Sylvain Gouguenheim frappe là où ça fait mal en exhumant une douteuse historienne des religions, Sigrind
Hunke, ayant fait l'apologie de l'islam au détriment du christianisme, ce dernier hérité du judaïsme qu'elle ne pouvait que détester en sa qualité d'ancienne membre du parti nazi et proche d'
Heinrich Himmler, lequel l'intronisa dans l'Ahnenerbe, cette officine pseudo-scientifique délirante prétendant prouver la supériorité de la race germanique. Encore une qui put passer à travers le filet aux très larges mailles de la dénazification et commettre plus tard un livre –
le Soleil d'Allah brille sur l'Occident – où elle décidait cette fois que l'Islam était supérieur. le grand Mufti de Jérusalem, Mohammed Amin al-Husseini, reçu par Hitler en personne, n'aurait pas dit le contraire.
En refermant
Aristote au mont saint-Michel, ce livre maudit par les instances progressistes – à la manière d'un
Robespierre qui proposait le progrès au tranchant de la guillotine ! –, je me dis que la France sombre peu à peu dans un totalitarisme insidieux qui, un jour prochain, fera condamner pénalement quiconque osera avouer son amour pour sa culture, essentiellement d'ascendance gréco-romaine et judéo-chrétienne. Triste Nation qui se déteste à ce point…