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sur 734 notes
Je lis Irving depuis ses premières traductions en français. J'avais beaucoup aimé "l'Oeuvre de Dieu , la part du diable" et sa profondeur, assez loin du caractère fantasque de Garp ou de l'Hotel New Hampshire.
Ici, nous voilà avec un John Irving survitaminé, décidé à en découdre avec tous les recteurs de morale, tous les censeurs et bien pensants, tous les racistes, homophobes, phobes en tous genres (au propre comme au figuré...) et autres esprits conventionnels.
Pour cela il nous embarque dans la peau d'un jeune américain, à l'identité sexuelle en construction, à la famille (comme souvent chez Irving) pour le moins folklorique (l'image du grand-père est à mourir de rire) et son parcours initiatique depuis les années 50 jusqu'à nos jours.
Evidemment tout cela n'est que prétexte pour passer en revue la libération des moeurs des années 70,le drame du Sida, et les possibilités ouvertes par la loi et la médecine à la fin du XXème siècle pour les personnes à la sexualité non pas déviante, mais différente, nous dit et répète Irving.
Ainsi ce livre voit mis en scène toutes ou presque, les formes de sexualités, les homosexuels, masculins et féminins, les trans genres, les travestis, les hétéros, les bi, les refoulés et assumés, les forçats du sexe et les abstinents, les doux et les violents, etc....
Evidemment c'est Irving, c'est du lourd, du caricatural, de l'exagéré, amplifié, déformé. Mais la leçon porte, le livre fermé, on se dit finalement que oui, il a raison de parler de ces sujets souvent tabous, qu'il s'agit d'êtres humains tout aussi respectables que les autres, et non pas de malades comme le pensait le médecin scolaire du collège dans les années 50 qu'il décrit dans le roman.
En dehors de ce "fond" qui est indiscutablement une leçon de liberté et de droits de l'homme, ce livre est comme toujours chez Irving un vrai chef d'oeuvre littéraire. La construction est très soignée, les personnages crédibles, leurs psychés bien analysés.Tout le passage sur le SIDA et ses ravages est d'une justesse rare. Il y a des accents de gravité émouvants, comme dans le fameux film "Philadelphia"
Enfin l'auteur convoque largement Shakespeare et son théâtre et le Flaubert de Mme Bovary pour illustrer de bien belle manière le propos.
Un roman que je recommande chaudement !
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J'avais lu ce roman à sa sortie et attribué 4 étoiles. Je viens de le relire et j'ai enlevé une étoile: beaucoup trop de digressions, de "méandres" narratifs, ... John Irving a du mal a se renouveler, mais on lui doit quand même plusieurs chefs-d'oeuvre absolus.
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A moi seul bien des personnages est difficile à définir, entre autobiographie et fiction. Ce qui frappe en premier lieu c'est la maîtrise de la narration et de l'espace spatio-temporel: l'auteur passe d'une période à l'autre de sa vie sans respecter l'ordre chronologique mais avec une cohérence d'ensemble qui nous permet de suivre le fil. Peu à peu se dévoilent des personnages profonds et attachants (je défie quiconque de ne pas compatir aux efforts de Billy pour prononcer le mot "pénis").

D'un questionnement sur la sexualité d'un adolescent américain, Irving transforme le récit en essai brillant sur la tolérance et le désir. Les nombreuses références aux oeuvres littéraires iques et la mise en parallèle permanente avec l'oeuvre de Shakespeare qui donne le titre à ce roman soulignent que ce n'est pas un sujet de réflexion contemporain ou générationnel : "On est toujours libre d'aimer qui on veut" affirme un des protagonistes, ce à quoi la bibliothécaire répond "au contraire (...) la litterature est riche en amours impossibles".

On suit l'apprentissage amoureux et sexuel de Billy depuis ses attirances peu conventionnelles d'adolescent qu'il qualifie d'"erreur d'aiguillage amoureux", attestant ainsi de la difficulté de comprendre et d'assumer ses désirs. La sexualité est pour Irving un sujet complexe et amoral servi ici avec la bonne dose d'humour et d'originalité. D'une écriture assez masculine et sans tabou qui m'a parfois fait penser à Portnoy et son complexe de Philip Roth, ce livre m'a donné envie de mieux connaître l'auteur, et de lire enfin le monde selon Garp.
Lien : https://yaourtlivres.canalbl..
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L'écriture a cette magie ! Partant de 26 signes, elle peut faire apparaitre des personnages, des paysages, des mondes.
John Irving avait cette capacité de donner naissance à des êtres faits d'encre et de papier.
Dans ce roman, c'est le parcours de William, Will, Willy Abbott que nous allons suivre.
Né d'un père disparu et d'une mère égarée, grandissant dans tout ce qu'on ne lui dit pas sur son père, William va tenter de trouver, d'accepter et de faire accepter son identité sexuelle.
Irving construit son récit autour de deux pôles principaux.
Tout d'abord, le club de théâtre local dans lequel on retrouve presque toute la famille de William : le grand père Harry, spécialiste des rôles féminins, sa mère, souffleuse, sa tante et son beau-père, acteurs.
C'est également autour du club de lutte du collège (thème déjà évoqué dans « Un mariage poids moyen ») que graviteront plusieurs personnages.
On croisera au long du récit toutes les variantes de la relation physique à l'autre et à soi même : homos hommes et femmes, hétéros, transsexuels….
Sur la forme, rien de bien neuf, on retrouve dans ce roman ce qu'Irving a déjà fait dans « le monde selon Garp » ou « L'oeuvre de Dieu, la part du diable ». Il fait naitre et évoluer sur la durée un personnage qui se prend des coups à droite et à gauche, obligé de louvoyer entre les contraintes de cette vie, guidé par ces tuteurs choisis ou imposés.
L'originalité de forme tient dans l'intégration des pièces de théâtre, Sheakspeare et Ibsen, dont les répétitions sont prétextes à illustration de la vie de William (Abbott, pas Sheakspeare).
Sur le fond, il y a beaucoup plus à dire. C'est le roman le plus personnel d'Irving. Difficile de de ne pas voir en William un avatar de John Irving. On imagine très bien ce qu'a pu être la vie d'un ado à la sexualité différente dans l'Amérique des années 60.
Loin de faire du prosélytisme, Irving se contente de montrer, sans manichéisme, sans volonté de vouloir faire entrer la différence dans une nouvelle normalité, mais en appelant à accepter la différence, à laisser vivre chacun en accord avec ses désirs.
Hétéro et homos sont renvoyés dos à dos dans leur intolérance face à la bisexualité du narrateur.
J'ai trouvé que John Irving abordait avec beaucoup d'intelligence la notion d'identité en nous rappelant que l'identité sexuelle n'est qu'une partie de notre identité.
Avec moins de finesse, Irving évoque également l'idée de transmission de l'identité. Un grand père hétéro qui aimait se travestir sur scène et dans son intimité, un père de hasard, absent, homosexuel et travesti de scène : l'identité sexuelle est-elle inné ou acquise ? Je n'ai pas l'impression que l'auteur cherche à apporter une réponse mais plutôt à soulever en nous ces questions.
La dernière partie du livre m'a moins emballé. Même si elle est très bien écrite, je n'ai pas bien compris ce que le récit des années SIDA amenait au récit.
Déçu également par la partie de fin concernant le père de William. Elle semble avoir été posée la pour ajouter quelques pages. Soit trop, soit pas assez sur cette partie du récit.
Au final, une assez bonne lecture et un personnage central que l'on quitte à regret.
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Une première pour moi avec cet auteur, découvert et lu dans le cadre du Challenge Solidaire Babelio.
Ignorant tout des écrits de John Irving, c'est le hasard total qui m'a menée vers ce titre, qui aurait pourtant dû m'alerter un tant soit peu...

Autant le dire d'emblée, je n'ai pas été très à l'aise avec cette lecture, très déroutante et que je n'ai pas vraiment réussi à apprivoiser.

En vrac, il est question, durant 600 pages (et environ 60 ans), d'orientations et d'identités sexuelles variées, d'expériences diverses en la matière (toujours très crûment explicitées), de parcours de vies avec des sexualités "différentes", le tout servi entre deux répétitions de pièces de Shakespeare ou d'Ibsen, ou avec un air d'opéra. Déroutant je vous dis !

Durant les 200 premières pages, c'était tellement particulier que j'ai failli lâcher prise, comprenant difficilement la direction que voulait prendre le roman.
Puis arrivée péniblement à la p. 254, j'ai lu " Quand on n'a pas lu un livre, on ne peut pas vraiment savoir de quoi il parle"... alors je me suis obligée à poursuivre, pour savoir donc, et me sentir plus légitime à donner mon avis.

C'est extrêmement foisonnant comme histoire, ça part un peu dans tous les sens, mais avec un point d'ancrage, un véritable leitmotiv : celui de l'ambiguïté de la sexualité du personnage principal, William, alias Bill ou Billy (... ou John Irving lui-même, qui sait ??) qui passera toute sa vie à se chercher.
La narration à la première personne teinte le récit d'une nuance autobiographique qui aurait pu être immersive, s'il ne m'avait pas été si compliqué de me fondre dans la peau de ce garçon, dont j'ai pourtant perçu la souffrance psychologique liée à sa différence, mais pour lequel je me sentais tristement impuissante, et qui m'a laissée, simple observatrice, au bord d'une histoire qui me dépassait, car par trop éloignée de mon univers et de mes capacités d'identification.

Et puis, il y a, autour de tous ces tourments, cette obsession permanente pour la sexualité, crue, nue, sans poésie, sans états d'âmes, sans sentiments ni passion, sans véritable amour, juste afin d'assouvir pulsions physiques et fantasmes. J'ai trouvé ça glauque, vulgaire et laid... Et au final, quelle solitude et quelle tristesse...

Heureusement, il y a quand-même l'originalité de la construction, qui nous transporte progressivement dans le temps, de l'enfance du narrateur à la maturité de sa soixantaine, avec pour deuxième fil rouge, une thématique littéraire et théâtrale intéressante et très présente, habilement reliée au reste du roman, mais exigeant de solides connaissances de la part du lecteur.
Et là, j'ai dû faire preuve d'humilité face à mes souvenirs shakespeariens étiolés, qui ne m'ont certainement pas permis d'apprécier la totalité des parallèles établis entre les personnages des pièces et les soucis d'identité des acteurs.

Mais malgré les sujets sensibles abordés, malgré les drames et difficultés vécus par les différents protagonistes, j'ai manqué d'émotions, d'empathie, de ferveur. Avec cette impression que le narrateur restait lui-même prisonnier dans sa propre vie, passablement indifférent et impassible aux événements extérieurs. Ce regard froid et caustique qu'il portait à lui-même et aux autres, telle une carapace, en était même assez perturbant, jusqu'à l'arrivée (dans les 200 dernières pages) des années 80, les fameuses "années Sida", avec leurs ravages, correspondant aussi à l'âge de la maturité pour Bill.
Là, j'ai enfin ressenti en même temps que lui, sa terreur, mêlée de chagrin et d'incompréhension, son sentiment d'injustice, toujours bizarrement accompagnés d'une sorte de mise en retrait désabusée, mi lâche, mi fuyante.

Cette dernière partie, effroyable et pourtant davantage posée et très bien documentée, apporte un équilibre appréciable à l'ensemble du roman et me permet de pondérer mon premier ressenti à cette lecture si originale, que je suis donc satisfaite d'avoir finalement menée à terme.
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Abandonné à la page 230 ! J'ai fait un gros effort pour ne pas l'abandonner avant, mais ce livre est vraiment très très ennuyeux. Passées les premières surprises liées aux différents personnages assez originaux et à l'écriture crue de John Irving, il faut se rendre à l'évidence : il ne se passe RIEN d'intéressant. Très déçu...
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« Comble d'ironie, ma première bibliothèque était bien modeste. C'était la Bibliothèque municipale de la petite ville de First Sister, dans le Vermont – un bâtiment trapu, en brique rouge, situé dans la même rue que la maison de mes grands-parents. J'ai vécu chez eux, à River Street, jusqu'à l'âge de quinze ans, c'est-à-dire jusqu'au second mariage de ma mère. Ma mère a rencontré mon beau-père sur les planches. »

Bill Abbott, le narrateur de ce roman à l'amplitude habituelle chez John Irving, est un adolescent américain du milieu des années 1950. Il est le seul rejeton d'une mère divorcée. Son père, qu'il a à peine connu, a vite quitté sa mère pour des raisons qu'il ignore. Mais il est loin d'être seul car beaucoup de membres de sa famille proche (grand-mère, grand-père, oncle et tante, cousine) vivent dans la même petite ville. La mère de Bill rencontrera un professeur de littérature, Richard, venu dans le Vermont enseigner la littérature dans une école privée pour garçons, la Favorite River Academy. Ils se marieront.

La particularité du nouveau couple, c'est de pratiquer le théâtre amateur à haute dose. La mère de Bill ne veut pas se montrer sur les planches mais est la souffleuse de The First Sister Players. Cette troupe amateure monte au moins une pièce « exigeante » par saison : Ibsen, notamment. du côté de la Favorite River Academy, c'est à Shakespeare qu'on s'attaque le plus souvent. Et Richard Abbott sera le metteur en scène de ces pièces.

Bill deviendra écrivain. La bibliothèque de First Sister aura une grande importance pour lui dans sa découverte décisive de l'oeuvre de Dickens. Ou plutôt sa bibliothécaire, Miss Frost, une femme solidement bâtie, quoi que très féminine, d'une grande intelligence. Bill en est amoureux. Mais il l'est aussi d'autres personnes, indifféremment de leur sexe…

J'ai éprouvé du plaisir à retrouver le monde toujours un peu farfelu de John Irving, que je n'avais pas rejoint depuis longtemps. Il sait emporter ses lecteurs dans des fictions, aux thèmes parfois répétitifs mais jamais ennuyeux.

Ici, ce qui m'a le plus étonné c'est l'importance accordée à toutes les ambiguïtés sexuelles et de genre. Il me semble qu'Irving était bien moins frontal sur le sujet dans ses romans plus anciens. Bill est bisexuel. Il traversera les décades, des frileuses années 50 aux années 2010 davantage tournées vers les droits LGBT, en passant par les terrifiantes années 80…

Ce que j'ai le plus apprécié dans ce roman, ce sont ses nombreuses références et citations théâtrales et littéraires. John Irving sait les faire resplendir de toutes leurs couleurs, en les mettant en situation comme personne.
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Lu dans la version américaine . Titre original : In One Person.

Un vieux monsieur – William Abbott (Billy) a environ 70 ans lorsqu'il se retourne sur son passé – raconte comment il a vécu sa bisexualité depuis sa prime adolescence jusqu' au moment de la narration, 2011.
Le roman commence par un défi que le personnage-narrateur se lance : il deviendra écrivain et couchera avec la bibliothécaire, Miss Frost. Il vit dans une petite ville du Vermont (décor cher aux romans de John Irving) First Sister avec sa mère qui a un nouveau compagnon – professeur à l'académie de Favorite River dont il tombe amoureux. Dès lors son destin va être marqué par la lecture (compulsive de Dickens et des fameuses « Grandes Espérances ») et le théâtre par les pièces – et notamment de Shakespeare - que son beau-père met en scène avec la troupe locale. Donc petit-à-petit, au fur et à mesure de ses expériences sexuelles, le narrateur se définit comme « bi ».
Bien sûr ce choix ne va pas sans heurter la sensibilité de son entourage, notamment sa mère et sa tante alors que son grand-père Harry, qui s'habille en femme pour des rôles au théâtre est plus tolérant. Car l'homosexualité est considérée comme une maladie dans l'Amérique des années 50. Il suffit, pour s'en convaincre de lire les témoignages de Lou Reed qui a subi des électrochocs pour se « guérir ».
Billy consulte donc les spécialistes locaux : le Dr Harlow, vieille birbe intolérante que ne conçoit le « droit chemin » que dans l'hétérosexualité et la mère de sa meilleure amie, sorte d'orthophoniste-psychologue, Martha Hadley car Billy a des problèmes pour prononcer certains mots comme « pénis ». le personnage construit sa personnalité à travers la lecture (De Grandes Espérances, Tom Jones, Madame Bovary, et un roman de James Baldwin, Giovanni's Room (la chambre de Giovanni) où l'auteur aborde l'homosexualité. Il se construit aussi à travers les pièces de Shakespeare que monte son beau-père où il se reconnaît dans tel ou tel personnage et où il voit son grand-père grimé en femme. Mise en abyme du travail d'écrivain (problème de langage au départ, influence d'autres écrivains, recherche du père…) le titre français explique bien ce qu'est Billy alors que l'anglais reste dans le non-dit, le fameux « understatement ».
Les rebuffades que Billy va rencontrer seront bien sûr du côté « conservateur » mais aussi chez les femmes et les gays. En se situant comme « bi », le personnage n'est finalement accepté nulle part. Les gays aimeraient qu'il soit totalement de leur côté, les femmes veulent « construire quelque chose » qu'il n'est pas prêt à assumer.

"On this bitter-cold night in New York, in February of 1978, when I was almost thirty-six, I had already decided that my bisexuality meant I would be categorized as more unreliable than usual by straight women, while at the same time (and for the same reasons) I would never be entirely trusted by gay men."(Dans le froid mordant de ce soir de février 1978, lorsque j'avais trente-six ans, j'avais déjà une petite idée de ce que signifiait qu'être bisexuel, je serais considéré parmi les moins fiables par les femmes hétéro, alors qu'en même temps (et pour les mêmes raisons) je n'aurais pas tout-à-fait la confiance des homos.)

Jusqu'aux années 80 où apparaît le SIDA, Billy aura encore moults problèmes de conscience- et le narrateur montrera bien qu'il vivra sa vie de « bi » contre vents et marées – puisqu'il se reproche, en voyant tous ses meilleurs amis et amants sombrer dans la maladie et mourir, de ne pas être infecté :

‘I wasn't afraid of dying; I was afraid of feeling guilty, forever, because I wasn't dying.'
(Je n'avais pas peur de mourir ; j'avais peur de me sentir coupable à jamais puisque je ne mourais pas !)

Et puis il y a le personnage de Kittredge, extrêmement complexe puisqu'il représente l'archétype du lutteur macho, le grand frère protecteur, le jeune adulte cynique. Kittredge, en tant que protagoniste, je l'avoue, m'agaçait – et là John Irving parvient à nous le rendre bien antipathique à tel point qu'on ne comprend pas l'attirance de Billy pour ce beauf. L'évolution du personnage qu'en propose l'auteur est un tour de force romanesque, notamment par les côtés obscurs qu'il révèle.
Quant au style du roman lui-même, là aussi on assiste à une évolution du langage qui passe par exemple de « transsexuel » à « transgenre » de nos jours en même temps qu'une évolution de la société, Billy se retrouvant de l'autre côté de la barrière puisque c'est lui qui initie les autres non seulement à l'écriture mais aussi à devenir une personne. Là encore, plus rares sont les conservatismes mais aussi plus violents. On a l'impression tout au long du roman de lire à la fois un journal intime pris dans l'histoire des Etats-Unis représentés par la province.
Un roman assez long mais d'une longueur justifiée pour faire tout aboutir. Un bon livre, à mon sens est celui dont la fin est réussie. Et c'est le cas.
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Ah, ça faisait bien longtemps que je n'avais pas lu John Irving, lui dont j'ai dévoré tous les livres quand j'étais ado et qui m'a donné l'amour des gros pavés bien denses, des romans fleuves dans lesquels résonnent les tambours d'une époque de la grande épopée américaine. On y retrouve tous les gimmicks de l'auteur : une myriade de personnages, le Vermont, Vienne, la lutte, les transsexuelles, les amours interdits, l'absence du père, les secrets familiaux, et même quelques ours... Comme souvent, j'ai eu un peu de mal à rentrer dedans. le foisonnement de personnages et de digressions dès les premières pages nous force à nous accrocher. Mais dès que le rythme de croisière et atteint, plus moyen de le lâcher.
L'histoire ? Six décennies de la vie d'un homme qui, à l'adolescence, découvre des attirances sexuelles qui le perturbent. Il a le béguin pour des hommes, des femmes, et tout ce qui se trouve entre les deux, à une époque et dans une Amérique rurale dans laquelle il vaut mieux marcher droit, sous peine de devoir recourir au duck-under, l'unique prise de lutte que le narrateur aura réussi à maitriser et dont il lui faudra attendre la soixante pour trouver l'occasion de se servir. Cette identité sexuelle mouvante est le fil rouge du roman. de la découverte honteuse de soi à l'hécatombe du SIDA, de l'évolution des moeurs à l'émergence des mouvements LGBTQ+, il nous embarque dans la grande symphonie de l'histoire sociale américaine.
Comme toujours chez Irving, c'est touffu. Il n'hésite jamais à s'offrir la liberté d'une digression, d'une parenthèse, d'un saut dans l'espace et le temps. Il nous plonge dans son amour des lettres, en particulier Shakespeare. Ses chapitres sont longs et denses. En finir un est toujours un peu une victoire. le résultat heureux d'un effort presque physique. Et pourtant, on en redemande. Et on referme la dernière page avec le sentiment que ses personnages font désormais partie de notre intimité. Ceux que j'ai découvert à mon adolescence continuent à me suivre. C'est ça aussi, la vraie magie d'un écrivain.
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Plus de dix ans sans lire Irving et je le retrouve tel que je l'avais quitté.

Rien de nouveau dans sa manière, toujours aussi bavard et fidèle à ses ingrédients récurrents que sont la lutte sportive et l'Autriche.
Ici ils viennent agrémenter le cadre narratif dans lequel il a décidé d'évoquer la problématique très actuelle du genre.

Pour ce faire Irving, à son habitude, a recours au truc de la saga familiale. C'est assez bien ficelé quoique fort peu crédible.

J'ai malheureusement peine à saisir clairement sa pensée. Tantôt, très progressiste, il prône le libre choix d'une sexualité indépendante du genre, tantôt il semble prêter foi aux vieilles et ridicules fadaises du caractère héréditaire de l'homosexualité.

Irving techniquement égal à lui-même, techniquement car ici l'humour et les émotions qui caractérisaient jadis sa production à mes yeux sont bien présents, mais sans faire mouche.

Irving a-t-il perdu son art, continue-t-il en roue libre dissimulé derrière sa technique ?

Ou c'est moi qui ne marche plus ?



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