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Judith Karinthy (Traducteur)Pierre Karinthy (Traducteur)François Fejtö (Préfacier, etc.)
EAN : 9782264030641
350 pages
10-18 (08/11/2001)
3.56/5   8 notes
Résumé :
« L'humoriste Frigyes Karinthy signe un Reportage céleste où les anges se confessent devant le micro de Merlin Oldtime, globe-trotter ubuesque, divin blablateur et envoyé (très) spécial au paradis. Sa mission ? Explorer l'au-delà. Et sonder les mystères de nos origines, au fil d'une enquête rocambolesque qui fait se rencontrer Diderot et un pilote de zeppelin, Landru et un cancérologue nobélisé, Christophe Colomb et le directeur de l'observatoire de l'Atlantide, "un... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
UN VOYAGE FOU, FOU, FOU.

Frigyes Karinthy (1887-1938), écrivain hongrois, qui se voulait peut-être philosophe, mais qui est surtout connu comme humoriste, a acquis une telle renommée que plus de soixante ans après sa mort son oeuvre reste une des grandes références culturelles de son pays. Il est lu, ses bons mots, ses paradoxes et ses remarques impertinentes parsèment toujours les conversations. Frigyes, débordant d'activités, était passé maître dans l'art de la provocation et de l'anticonformisme. Il a connu tôt la gloire, sinon la réussite matérielle. Dans sa vie privée il a été, et est resté, même marié, tout à fait désorganisé, vivant et travaillant au milieu de ses amis dans les cafés. Ses pastiches saisissants et profonds, sont célèbres. Des centaines de ses nouvelles, de ses chroniques, d'entrefilets drôles et désopilants ont accompagné l'actualité, commentant avec humour mais sans concessions, les faits divers, la guerre, les extrémismes et mêmes les injustices sociales de son époque. Son écriture révèle son sujet le plus souvent par approches successives, tournant autour du pot, ne saisissant son objet que par touches légères, le cernant progressivement, laissant enfin deviner son propos par allusions. Une bonne partie de l'oeuvre de Frigyes Karinthy élabore des traumatismes.

Karinthy a choisi Diderot comme guide à l'instar de Dante son Virgile, pour parcourir les paradis de son Reportage céleste de notre envoyé spécial au paradis, il avait pour ambition de contribuer à une Nouvelle Encyclopédie pour laquelle il a écrit plusieurs entrées.

Malgré tout, bien que située sous le parrainage du plus brillant des encyclopédistes, l'un des grands représentants du Siècles des lumières dont Frigyes Karinthy est un indéniable admirateur, sinon un continuateur moderne, cette oeuvre a une autre parenté française. Elle se situe au XVIe siècle : ce sont Rabelais et Montaigne. Rabelais parce qu'il convient de rechercher la substantifique moelle dans l'humour de Karinthy. Montaigne parce que Karinthy a abordé les mêmes sujets que "Les Essais" et les a très souvent traités de la même façon : l'art, la littérature, la société, la religion (voir le site Internet qui rapproche Montaigne et Karinthy.) Les deux philosophes ont affronté des fanatismes semblables : Montaigne les guerres de religion, Karinthy les idéologies totalitaires. Ils ont réagi de façon semblable en défendant la modération et en déplorant l'extension du fanatisme.

Montaigne : « le meilleur et le plus sain parti est sans doute celui qui maintient et la religion et la police ancienne du pays. Entre les gens de bien, toutefois, qui le suivent, […] il s'en voit plusieurs que la passion pousse hors les bornes de la raison»; « Ils nomment zèle leur propension vers la malignité et violence. Ce n'est pas la cause qui les échauffe, c'est leur intérêt; ils attisent la guerre non parce qu'elle est juste, mais parce que c'est guerre. Rien n'empêche qu'on ne se puisse comporter commodément entre des hommes qui se sont ennemis, et loyalement; conduisez-vous-y d'une sinon partout égale affection»

Karinthy : « À bas les neutres – celui qui n'est pas avec nous est contre nous – à bas cet ignoble ! - Oui ou non ? Réponds ! Une réponse claire, sinon on en a fini avec toi. - …C'est ainsi que l'on crie après toi et tu es pris de panique, tu restes là planté, tête baissée, le monde se met à tourner avec toi. » ; « Ma conscience est pure car j'ai contribué à la transformation de la Société Je suis un homme bon, donc ce que je fais ne peut faire que du bien».

Quant à la réflexion sur les lois qui régissent la société, Montaigne, conforme à la modération qui est la sienne : « Or je tiens, qu'il faut vivre par droit, et par autorité, non par récompense ni par grâce»; « Car c'est la règle des règles, et générale loi des lois, que chacun observe celles du lieu où il est»

Karinthy est bien de cet avis, mais il lui arrive de le déplorer et de rêver autre chose : « S'il existait aussi une loi de récompense, il y aurait un moyen pour le bien et le mal en tant que forces contraires de s'équilibrer, créant ainsi une harmonie dans le monde», pendant que Montaigne, bien conscient des limites de la société, observe : « de fonder la récompense des actions vertueuses, sur l'approbation d'autrui, c'est prendre un trop incertain et trouble fondement. » (En est-il désabusé ? il incrimine le siècle corrompu).

Leur réflexion débouche naturellement sur la fonction de l'homme public chargé de responsabilité, Montaigne à partir de son expérience personnelle (« Messieurs de Bordeaux m'esleurent Maire de leur ville. ») analyse sa fonction : « [L']âpreté et violence de désirs, empêche plus, qu'elle ne sert à la conduite de ce qu'on entreprend […] Celui qui n'y emploie que son jugement et son adresse, il y procède plus gaiement : il feint, il ploie, il diffère tout à son aise, selon le besoin des occasions». Karinthy fait part de réflexions voisines à l'issue d'une rencontre avec un ministre autrichien : « Oui, ce monsieur jovial [Monsieur Kollmann] était en effet le ministre des finances d'Autriche et le maire de Baden […] un commerçant possédant un bon jugement, il semble aller de soi qu'en sa qualité de ministre des finances il fasse également un excellent travail, étant donné que ce dernier poste exige les mêmes qualités que le commerce […] On n'entendra pas dans sa bouche une théorie géniale des problèmes de l'économie mondiale»

Que dire des innombrables autres entrées de ce roman totalement inclassable ? Ni essai philosophique - il ne se prend pas assez au sérieux pour cela, quoi que d'une profondeur évidente -, plein d'un humour ironique, décalé, froid, sans jamais être réellement humoristique, ni roman - on passe trop rapidement de réflexions philosophiques à des moments de pure action ou plus descriptifs pour répondre parfaitement aux modèles du genres ; Ce n'est pas plus le récit journalistique promis - un peu dans la forme, tellement peu dans le fond -, et on peine à le requalifier en récit de voyage - bien qu'il s'en rapproche indubitablement... par l'absurde et l'impossible ! -. Il se situe dans l'éternel imaginaire européen du magicien total : Merlin, qu'il place cependant dans un passé possiblement dépassé, son patronyme étant "Oldtime". Est-ce une manière de dire que son alter ego est définitivement dépassé ou simplement un peu trop vieux pour toutes ces fadaises ? L'auteur ne nous en donne jamais totalement la réponse, pas plus qu'il n'est possible de penser que tout cela n'est qu'une expérience mystique telle qu'il s'en pratiqua tant au XIXème. Cet auteur immense et inimitable (lui l'amateur et l'auteur de géniaux pastiches !) passe son temps à perdre son Candide tout autant que son Pangloss jusque dans les cercles les plus inédits de cet enfer paradisiaque... ou de ce paradisiaque enfer !

L'oeuvre de Frigyes Karinthy se résume bien par l'expression « ecce homo », « Voici l'homme ». Montrer l'homme avec ses faiblesses et ses souffrances, le plus souvent grâce à de subtiles transgressions, sans hésiter à dévoiler son propre vécu intime, était son thème privilégié. On l'a comparé au fou du roi disant leurs faits aux puissants qu'il s'agisse d'abord de ses aînés ou plus tard de l'opinion publique. Sous son prétexte d'amuseur perçait sa douleur, son humanisme et son courage, spécialement dans ses écrits politiques. Je ne plaisante pas avec l'humour, disait-il. Dans ce long texte étrange - très inégal rythmiquement compliqué, où il arrive que le lecteur s'ennuie après avoir été incroyablement captivé quelques dizaines de pages plus tôt ou plus loin -, difficile d'être absolument persuadé avoir tout suivi du fleuve impétueux de la pensée Karinthyenne. Demeure cependant, même quelques semaines après la lecture, une inouïe et bizarre fascination pour ce monument de la littérature hongroise et, osons l'affirmer, mondiale.

Souvent grinçant, parfois ahurissant, le voyage de ce reporteur hors du commun (des mortels, c'est le cas de le dire) accompagné de son guide (rien moins que Diderot) est parsemé des rencontres les plus jouissives (de l'homme des cavernes à Saint Thomas en passant par Marco Polo, Napoléon, Archimède et bien d'autres) et Karinthy ne manque jamais de nous donner son point de vue avec légèreté sur de grandes questions de l'époque, comme cette remise à sa place bien sentie des extravagants projets nazis. Ce n'est pas toujours aisé à suivre, mais c'est fondamentalement génial !
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Merlin Oldtime, le héros de « Reportage céleste », est un journaliste globe-trotter. Journaliste parfait, sa quête de la vérité est sans limites. Moyennant quelques tours de passe-passe, il obtient un contrat avec la rédaction de son journal, le New History, pour faire un reportage sur l'au-delà. Merlin se rend au cimetière et entre en catalepsie : le « voyage », donc le reportage, peut commencer.

Disons-le tout net, « Reportage céleste » peut ne pas être apprécié par tous les lecteurs. Rédigé en 1934 par Frigyes Karinthy sur le thème de la relativité de la vie et de la mort, ce reportage de Merlin Oldtime, « envoyé spécial au paradis », conduit le lecteur dans une éternité multidimensionnelle qu'il va traverser en compagnie de Diderot, l'encyclopédiste, passant par les cercles successifs de l'au-delà et de la conscience, rencontrant au passage de nombreuses figures historiques et soulevant de nombreuses questions.

Le lecteur est tout d'abord frappé par la dimension et la singularité du passé : dans ce passé, plein d'impressions psychiques et corporelles, aucune action (déclenchée par Merlin ou par Diderot) ne peut changer quoi que ce soit, car tout est éternel. le voyage est varié : nos deux héros rencontrent l'homme de Cro-Magnon et s'interrogent sur la signification de l'art ; visitant le professeur Noah (Noé), dans une ville de l'Atlantide, ils s'interrogent sur la possibilité d'une nouvelle humanité ; à Syracuse, Archimède leur décrit les machines de guerre qu'il envisage de construire ; à Rome, Merlin essaye, le jour des Ides de mars, de convaincre César de ne pas se rendre au Sénat, en pure perte ; à Jérusalem, ils rencontrent Pierre qui est en train de renier le nom de Son Maître ; à Venise, c'est Marco Polo qui ne comprend pas que ses innovations étonnantes permettront de voyager dans les airs ; à Valladolid, ils rencontrent Christophe Colomb qui vit dans la misère ; puis ils voient défiler Danton, Napoléon, la Grande Armée, la naissance de l'ère industrielle, les progrès techniques et scientifiques, et pour finir la Grande Guerre. Au final, Merlin sort déçu par l'histoire de cette humanité : il demande donc à Diderot l'accès à la dimension supérieure de l'au-delà, celle du Désir Assouvi.

Dans cette dimension du Désir Assouvi tout n'est qu'impressions, lueurs, couleurs, sons et musiques. Merlin se retrouve dans un train qui le conduit à la ville parfaite : Venise. Mais c'est la Venise de ses rêves et de ses souvenirs : elle est donc inaccessible concrètement. Merlin parcourt alors New York, totalement désincarné, tel un faisceau lumineux. Schrenck-Notzing, un médium, réussit à incarner Merlin mais celui-ci est entré dans le monde des désirs, des rêves et des pensées de Schrenck-Notzing, et dans ce monde, il y a autant de paradis que d'individus. S'essayant à changer de paradis, Merlin aborde les rêves et les passions du Marquis de Sade : tout n'est que sang, torture et souffrance. Merlin s'enfuit et accède à un paradis bleu et argent : le pays de l'éternel clair de lune, le pays de Bertran de Born, le prince des troubadours où tout n'est que bonheur et illusion. Enfin, Merlin arrive dans un jardin de symboles : il y rencontre Zéphyr, la forêt Sylvana, le jeune Phébus et il entre en conversation avec la Nature : mais c'est sa propre âme que Merlin visite !

Enfin, Merlin entre dans le corps puis dans le cerveau d'Abraham. Merlin devient lui-même pensée et il échange avec les pensées qui l'entourent. Une pensée folle, celle du suicide, l'éjecte dans le septième cercle, celui de la liberté. Merlin perd alors le fil de ses obligations de journaliste et c'est son assistant Jushni Jubashat qui termine le roman en rapportant les dernières paroles du journaliste. « J'ai rencontré Hélène : elle est très belle mais ne se rappelle de rien. Je suis anéanti. Je n'arrive plus à saisir aucune réalité. Je me sens entraîné dans un tourbillon infernal. J'ai atteint le huitième cercle mais je ne puis y demeurer. J'appelle à l'aide et je tombe à travers les couches de conscience successives. Me voici dans un train de rêve, dans « ma Venise », au quatorzième siècle. Mais malheureusement, deux trains se sont télescopés et l'Être Unique, Hélène, mon amour d'enfance, figure sur la liste des victimes. Hélène, celle à qui j'avais fait le serment de l'aimer pour l'éternité et de la retrouver par-delà la vie, par-delà la mort ». Et les deux trains se croisent et s'éloignent à vive allure, pour l'éternité, l'un vers la Réalité, l'autre, celui de Merlin, vers les paysages inconnus de la Vérité.

L'ouvrage sent donc à la fois la naphtaline et le soufre, nous poussant à revisiter un certain nombre de nos certitudes concernant un territoire tabou, l'au-delà. Ennuyeux ? Non point, car grâce à l'habileté de l'auteur, le lecteur va vivre une expérience unique et incroyable non dénuée de pointes d'humour, de clins d'oeil et d'artifices comiques. Onirique et léger ? Pas exactement, car la philosophie n'est pas en reste : sous couvert d'aventure extraordinaire, le lecteur est pris malgré lui dans des réflexions d'une certaine profondeur, car l'auteur est en quête de vérités humaines essentielles. Et puis Karinthy a une plume singulière, d'une très grande richesse de vocabulaire. Faisant preuve d'une virtuosité sans égale, multipliant trouvailles verbales et jeux de mots, l'auteur s'est manifestement donné un but : « réviser toutes choses ». Moraliste, profondément humain, visionnaire, utilisant les registres du fantastique, de l'utopie, de l'humour, tantôt spirituel, tantôt féroce, il nous livre un récit d'une grande originalité qui nous fait rêver, nous entraîne dans l'inconnu et l'indéfinissable, et qui force notre imagination comme notre réflexion. Quant à l'au-delà, il paraît erroné de l'identifier avec la notion de divin, de fin dernière et d'éternité post mortem. « L'au-delà c'est ici et maintenant, c'est la prise de conscience que c'est nous qui créons le monde, c'est l'affaire personnelle de chacun ».

Bref, un ouvrage original, iconoclaste et intelligent. Je mets quatre étoiles et en recommande la lecture. Pour la petite histoire, Frigyes Karinthy est l'inventeur du concept des six degrés de séparation. D'après sa théorie, chacun d'entre nous peut être connecté à une autre personne en suivant une chaîne de connaissances ne contenant pas plus de cinq intermédiaires. Aujourd'hui, étant donné la connectivité de plus en plus grande des humains et malgré les grandes distances physiques qui séparent les individus sur la planète, les distances sociales se rétrécissent : on en a un exemple frappant aujourd'hui avec Facebook, premier maillon du réseautage social.
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L'auteur de ce livre, Frigyes Karinthy, est un immense auteur hongrois.
Piqué au vif de n'avoir pas été sollicité lors d'une enquête, effectuée par un journal britannique réputé, sur l'au-delà, il rédige sa réponse sous la forme de ce roman.
Merlin Oldtime et son ami Denis Diderot, encyclopédiste du monde nouveau se lancent dans une enquête. Ils rencontreront dans cette éternité à multiples dimensions de nombreuses figures de notre histoire.
Mais l'humour, dont fait preuve l'auteur, dans cette comédie, parfois tissé de grosses ficelles, ne parvient pas à éluder le sérieux des interrogations qui se cachent derrière cette enquête.
Car Frigyes Karinthy est un véritable philosophe qui se questionne sur les grandes interrogations humaines et sa propension au sourire n'empêche pas la profondeur de sa réflexion.
Il nous offre, ici, un ouvrage original , iconoclaste et intelligent.
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Je ne connaissais pas l'auteur (Frigyes Karinthy) avant de lire ce livre. Il semble plutôt connu et avoir une belle renommée et il faut avouer qu'après cette première lecture je suis très curieux de découvrir plus en avant l'univers de l'auteur. La quatrième de couverture promet de nombreux moments de bonne humeur et tient ses promesses. Karinthy a une plume très particulière avec un humour qui pointe le bout de son nez sans qu'on s'y attende, au détour d'un dialogue, au beau milieu d'une description, en conclusion d'un paragraphe plus "philosophique" etc. Mais cet aspect humoristique de l'ouvrage n'est pas le premier intérêt de cette lecture. En effet, le récit fait avant tout rêver le lecteur, il l'entraîne dans l'inconnu, le non-défini et lui laisse alors toute l'opportunité de s'imaginer ce qui se passe. Finalement on ressort de la lecture détendu, heureux et un peu songeur. Je l'ai lu principalement avant de dormir et cela semble avoir dopé mes rêves pour un bon moment. C'est donc un livre amusant, malin et assez profond dans les réflexions proposées par l'auteur. Une belle réussite !
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Ce roman est un petit bijou enrobé d'un humour piquant, sous une couche d'écriture remarquable, assaisonnés de passages métaphysiques et de réflexions sur le réel, le bonheur, la vérité, la vie, la mort... [ Que Monsieur Oldtime me pardonne cette métaphore onctueuse et débilitante ]

Ecrit en 1934, on pourrait le croire d'aujourd'hui - et peut-être l'est-il d'ailleurs. C'est fin et dépaysant, et les clichés sont abordés avec une délicieuse ironie, tandis que les réflexions philosophiques sous-jacentes sont vraiment intéressantes et reprennent beaucoup des questionnements aussi bien occidentaux qu'orientaux. Qui de la réalité ou de l'Au-delà est le rêve - lequel est l'éveil ? La difficulté d'écrire sur un sujet tel qu'une dimension autre que la nôtre pose le problème épineux de ne pas transposer notre expérience directement issue de la troisième dimension et de devoir s'en tenir à des comparaisons et métaphores pour exprimer l'inexprimable; le pari est relativement bien tenu ici, malgré forcément quelques passages un peu plus faibles ou stéréotypés.

Mais même si la description de l'Au-delà est pour ainsi dire le clou du spectacle, la première partie relatant les exploits journalistiques de Merlin Oldtime est tout aussi, sinon plus cocasse et teintée de génie.

Bref, une belle découverte dans la littérature hongroise que je n'ai encore jamais abordée, qui fait écho en moi en de nombreux points. Quant à savoir si je prendrais un billet pour cet Au-delà ? Pas sûr? En revanche, le livre lui-même mérite un détour.

(voir la critique intégrale sur le blog)
Lien : http://lecombatoculaire.blog..
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Page 188 […] La superbe locomotive a foncé dans la foule … le sang jaillit, la cervelle gicle. Séance de dissection, examen du cadavre, le nerf couine : on a tranché dans le vif. Un automate vomit chaussures, chapeaux, habits et aliments, des hommes nus, affamés, s'engouffrent dans la trémie supérieure, les roues les déchiquètent, les broient. Les rotatives grinçantes, vomissant la lumière des lettres et des mots et des images, répandent les scènes des tragédies grand-guignolesques des faubourgs : rival poignardé dans un taudis répugnant, femme à la gorge tranchée avec les dents, enfant empoissonné, c'est pire que la caverne de Croc-Magnon … Le fier Oiseau-Homme prend son vol, et l'instant suivant, il en tombe une pluie de bombes, et dessous : gémissements et mort ...La radio crachote la déclaration de guerre jusqu'aux confins de la Planète … Un savant se penche au-dessus d'un microscope : une vie créée par la raison commence presque à s'éveiller sous l'objectif … qu'est-ce que c'est ? Mais je le connais, j'ai parlé avec lui, contemporain, ami, connaissance – fini ! Elle a éclaté, ce n'était qu'une bulle … Je suis chez moi … cette foule-ci, je la connais personnellement … deux millions, sur le champ de manœuvres de Tempelhof … hurlements frénétiques … « Sois notre guide … jusqu'à la mort … avec toi ! »
Tête bourdonnante, cœur palpitant, je me cherche.
- Allo ! Allo !
Une faible voix dans l'espace.
- Allo ! Allo !
- Diderot … c'est vous ?
- C'est moi … où êtes-vous ?
- Je l'ignore … Dites, qu'est-ce que c'est ?
- Vous êtes mieux placé que moi pour le savoir … [...]
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Je continue ma course en tâtonnant, je trébuche, je m'affale, je me relève.
En vain.
Partout, entre les arbres entrouverts, d'autres niches d'horreur, des programmes variés. Hommes pendus la tête en bas, enfants ligotés, mourants empalés, corps martyrisés au plomb fondu. Hurlements, râles, odeur de chair grillée, sang, intestins pendants... épouvante et abomination. Et chaque fois, dans l'arrière-plan, illuminant l'image infernale de la lanterne de ses yeux de chat brillant d'une couleur verdâtre, les lèvres tremblantes, haletant de plaisir, le tortionnaire...
Où ai-je donc débarqué, âme malheureuse, rebroussons chemin à travers le soufre, retournons dans la vie terrestre, et de là plus loin même, le plus profond possible... alors, il y a quand même un enfer ? et un seul faux pas, un seul mot maladroit, la glissade sur la pierre d'une seule pensée distraite... j'y ai d'un coup sombré comme ce Méphistophélès dont parle la légende ? Si c'est comme cela on peut comprendre que je me trouve au fond de la géhenne ; plus tu tombes de haut, plus bas tu tomberas : le chemin est plus court du paradis à l'enfer que de n'importe lequel des deux au niveau médian de l'existence terrestre, au niveau de la mer, altitude zéro de cette cloison si facile à franchir.
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- Sancta simplicitas ! Si tu leur montres une machine, tout va bien, ils sont prêts à gober que j'ai fait engager la grand-mère du diable à Hollywood comme prima donna ; ils croient tout d'une machine mais rien de l'esprit qui l'a inventée ! Durant six mille ans ils ont trouvé tout naturel que le mâle du grand paon de jour trouve sa femelle à cent miles de distance, mais ensuite est venu le télégraphe ; alors là ils ont eu bonne mine : les papillons auraient-ils eu le télégraphe, eux ? À ces gens on pourrait faire avaler que les Égyptiens connaissaient le téléphone sans fil puisqu'on n'a pas trouvé de fil dans les pyramides ; qu'est-ce qu'on peut y faire ? Ils sont incapables de s'abstraire de l'écoulement du temps dans leur réflexion. La pendule, la pendule, la pendule remontée a arrêté leur entendement.
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Il [Bonaparte] va tout près de Danton, se hisse sur la pointe des pieds pour lui siffler au visage :
- Je ne vous plais pas, hein ? Vous ne m'aimez pas, hein ? Cela vous a fait du bien de me le dire, hein ? Allez-y, crachez tout votre venin, ce sera l'unique compensation pour votre vie gâchée, d'avoir pu me le cracher une bonne foi à la figure, ç'aura été votre raison de venir au monde pour disparaître ensuite dans le néant... car vous disparaîtrez : l'autre rêveur, Robespierre, vous fera couper la tête, pour ensuite être puni à son tour de la lâcheté de vous avoir exécuté, vous et pas un autre qu'il aurait vraiment détesté... Vous disparaîtrez dans les poubelles de l'Histoire, aucun de vous n'assistera aux noces, à mes noces, à mes glorieuses noces de celle qui m'aimera, qui n'aimera que moi... Vous aimeriez savoir de qui il s'agit ? Je vais vous le dire. De votre fiancée, l'idéal pour lequel vous courez à la mort sans frémir, dont vous êtes tous les deux mortellement amoureux, le peuple, le peuple, le peuple français, le paysan, le sans-culotte, le miséreux, l'anonyme, la plèbe, la matière brute, l'eau, le flot, la mer que vous voudriez soulever, écoper avec un seau, enfler en une énorme vague qui déferlerait jusqu'aux étoiles... Je chevaucherai cette vague apprivoisée, domptée, à bord de votre bateau nuptial... L'écume me léchera les mains... C'est moi qu'elle aimera d'un amour insensé, la plèbe... la liberté ne signifiera rien d'autre pour elle que de crever librement et équitablement dans l'ivresse de l'amour assouvi...
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De nos jours, contrairement à autrefois, le pouvoir n'est plus entre les mains d'hommes chargés des choses de l'âme. Si les prêtres du monde moderne, es écrivains, les savants et les penseurs, représentants l’aristocratie intellectuelle, étaient en même temps les ministres ou chefs d'États ou rois (comme il conviendrait, dans une société résolue, à une humanité logique et conséquente) , l'attention accordée à l'enquête londonienne aurait sûrement reflété plus fidèlement l’importance de la question posée. Enfin, si l'on pense (mais justement, toute la question est là!), savoir s'il existe ou non une vie dans l'au-delà n'est pas tout à fait négligeable pour décider comment je dois vivre, ce que je dois faire, à quoi m'en tenir dans ce monde, dans ma vie ici-bas.

[Extrait de la préface de l'auteur]
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Video de Frigyes Karinthy (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Frigyes Karinthy
Dans cet épisode, nous vous présentons des livres qui nous ont fait rire. Huit propositions de lectures pour différents âges : de l'humour, fin ou gras, des jeux de mots, de l'absurde, du comique de situation, de la satire sociales... Des livres que nous avons beaucoup aimés, auxquels nous repensons avec le sourire et que nous adorons mettre entre les mains des lecteurs. Une liste à garder précieusement, concoctée par nos libraires Laure, Rozenn, Nolwenn, Jérémy, Nicolas et Adeline !
Voici les livres cités dans cet épisode :
Un ours, un vrai, de Stéphane Servant et Laëtitia le Saux (éd. Didier Jeunesse) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23128786-un-ours-un-vrai-stephane-servant-didier-jeunesse ;
Horace. Tome 1, Cheval de l'Ouest, de Poirier (éd. Revival) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23359947-horace-tome-1-poirier--revival ;
Les Culs-reptiles, de Mahamat-Saleh Haroun (éd. Gallimard/Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22745328-les-culs-reptiles-mahamat-saleh-haroun-folio ;
Admirable, de Sophie Fontanel (éd. Seghers) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22540820-admirable-l-histoire-de-la-derniere-femme-ride--sophie-fontanel-seghers ;
Chroniques du Château faible, de Jean-Christophe Mazurie (éd. Fluide Glacial) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23032241-1-chroniques-du-chateau-faible-tome-01-jean-christophe-mazurie-fluide-glacial ;
Stella et l'Amérique, de Joseph Incardona (éd. Finitude) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23109474-stella-et-l-amerique-joseph-incardona-finitude ;
Le Rire des autres, d'Emma Tholozan (éd. Denoël) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23030426-le-rire-des-autres-emma-tholozan-denoel ;
Roman fleuve, de Philibert Humm (éd. des Équateurs/Folio) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23286751-roman-fleuve-philibert-humm-folio.
Et quelques autres titres qui auraient pu faire partie de cette sélection de livres drôles :
Le Discours, de Fabrice Caro (éd. Gallimard/Folio) ;
Miracle à la tombe aux Aspics, d'Ante Tomi (éd. Libretto) ;
N'essayez jamais d'aider un kangourou !, de Kenneth Cook (éd. Autrement) ;
Je dénonce l'humanité, de Frigyes Karinthy (éd. Viviane Hamy) ;
Le Chien de madame Halberstadt, de Stéphane Carlier (éd. le Tripode) ;
Roulio fauche le poil, de Julia (éd. le Tripode) ;
La Vie est une corvée, de Salomé Lahoche (éd. Superexemplaire) ;
Idées noires, de Franquin (éd. Fluide Glacial) ;
#Les Mémés, de Sylvain Frécon (éd. Fluide Glacial).
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Les Éclaireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, à Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux épisodes : une plongée dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien, de lectures et de plusieurs conseils de livres, et la présentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons : romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, récits de voyage…
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