Ecrit sous un pseudonyme, ici Johannès de Silencio, comme nombre de ses ouvrages philosophiques, Crainte et tremblement est une sorte de plaidoyer dialectique et lyrique de
Soren Kierkegaard en faveur de l'individu et de l'absolu de la foi.
L'individu kierkegaardien, son intériorité et son subjectif, font plus que se différencier du général dans l'éthique de Hegel, soumis aux règles de la morale et du devoir, rationnellement justifiés par l'Etat. Ils s'y opposent .
Kierkegaard illustre sa conception en analysant l'attitude silencieuse d'Abraham en marche pour sacrifier Isaac, injustifiable aux yeux de l'éthique, seulement compréhensible au regard de sa foi et son amour de Dieu, encore qu'inimitable selon l'auteur. Abraham, ce chevalier de la foi, au terme de son infinie résignation, en intime proximité avec Dieu, fait le choix de l'absurde, contrairement au héros tragique, figuré dans l'ouvrage par Agamemnon, justifié, lui, par l'éthique, applaudi par tous y compris celles qui pleurent.
A côté, ou plutôt en soutien, de la contestation du système hégélien dans lequel la religion n'est qu'une étape précédant la philosophie, alors que pour lui la foi -plutôt que la religion dont il critique le vécu administratif- ne peut être surpassée. Kierkegaard, derrière le masque de Johannès de Silencio, est aujourd'hui réputé s'impliquer personnellement dans la démonstration, ayant recours à certaines situations amoureuses qui mettent en jeu la résignation et le silence, pour lui exemplaires de la problématique. Les exégètes y ont vu la trace de son amour pour Régine Olsen et la rupture qu'il a lui-même provoquée.
Tout cela ne m'a pas semblé limpide, ni passionnant, mais fulgurant, élitiste, ironique, romantique, voire un tantinet exalté. L'oeuvre d'un génie probablement, en opposition avec les pensées dominantes religieuse et philosophique de son temps, apparaissant quelque peu illuminé à l'esprit trop étroit qui est le mien.
Cela aurait-il été plus clair si j'avais d'abord assimilé Hegel, à supposer que je sois sorti de cette épreuve ayant encore toute ma raison? Je n'en suis pas sûr. Car il faut, je pense, pour apprécier pleinement le propos, et malgré l'écriture qui semble solliciter la raison, être prêt et capable de s'en libérer pour s'immerger dans l'univers de pensée de l'auteur, vibrer en harmonie, entrer en résonance.
Il faudrait me refaire.