Ce court roman ( certains éditeurs le qualifient de nouvelle ) est un récit inspiré de chroniques du XVIème siècle. L'écrivain Heinrich von
Kleist ( 1777 – 1811 ), admirateur de
Goethe dont il rechercha l'approbation, etait un jeune dramaturge et auteur de nouvelles lorsqu'il parut. En écrivant ce drame, presque une tragédie, il donna à un fait historique une dimension symbolique, décrivant avec rigueur l'enchaînement et l'enchevêtrement des évènements et leurs conséquences plutôt que de développer une verve romanesque attachée aux personnages, l'inscrivant à la fois dans le contexte historique attesté et dans sa propre époque.
Ainsi, ce récit témoigne d'une société bouleversée, une société en transformation : le XVIème siècle, c'est le siècle de la Réforme (
Martin Luther intervient dans ce roman, il est prouvé par une lettre de sa main qu'il est intervenu dans la réalité ). A travers ce personnage de marchand de chevaux, c'est l'histoire d'un honnête homme spolié par un seigneur – « encore une de ses violences comme on s'en permet depuis quelque temps au château » - puis confronté à une justice malmenée par les privilèges, les conflits et les intérêts des différents pouvoirs, par les garants de ces lois. Ce sera donc contre toutes ces autorités que se rebelle Michael Kohlkaas, sa croisade mêlant volonté de justice et « l'enfer d'une vengeance non assouvie ». Il s'agit bien du théâtre de l'Histoire allemande que ce roman, celui du Saint Empire romain germanique, des princes des Etats et de leurs lois féodales, celui des Electeurs. Publié au début du XIXème ( 1808 – version définitive 1810 ), le sujet est engagé, politique, à l'heure des conquêtes napoléoniennes achevant l'Empire germanique en pleine débâcle militaire et tentatives de réformes.
D'une plume sobre et concise, ce roman peut être divisé en deux parties. La première, épique, relate l'affrontement entre Michael Kohlhass et le baron Wenceslas de Tronka qui évoluera vers une véritable guerre contre les instances gouvernementales, le marchand de chevaux combattant des troupes, incendiant des villes, à la tête d'une armée de gens du peuple et d'aventuriers. Son combat par le fer et le feu répand la terreur et la colère parmi la population qui prend tout de même son parti sans toutefois répondre à son appel mégalomane et mystique. Michael Kohlhaas se fait justicier et criminel, ennemi d'Etat. Dans la seconde partie, ce sont tous les méandres judiciaires qui sont présentés dans le doub
le procès de cet homme, celui traitant sa plainte contre le baron, celui l'accusant d'avoir violé la paix de l'Empire. Des félons, des tractations politiques, des manipulations privées et la recherche des jugements et des sentences qui permettront de préserver l'honneur, l'autorité et la crédibilité des gouvernants devant le peuple…
Ce roman est publié dans plusieurs collections de format poche. Celle-ci est complétée en fin d'ouvrage par un dossier sur le film dont un texte de Arnaud des Pallières ( qui nous apprend que "
Franz Kafka, dont c'était le livre préféré parmi toute la littérature allemande, disait que la lecture de Michael Kohlhaas avait été pour lui à l'origine de son désir d'écrire ") à propos de son adaptation cinématographique et un entretien avec Mads Mikkelsen l'acteur interprétant Michael Kohlhaas, ainsi que par une postface de l'éditeur sur l'écriture de ce récit et son auteur tourmenté (une référence notée :
le combat avec le démon.
Kleist,
Hölderlin,
Nietzsche de
Stefan Zweig).
Lien :
http://www.lireetmerveilles...