Jorge Semprun dans «
Adieu vive clarté» revient sur ses années d'adolescence à Paris avant la guerre et sur son enfance. Il ne le fait pas de manière linéaire. Il répond aux clins d'oeil des hasards de la vie et les suit, curieux lui-même de savoir où cela va le mener.
Le fil de trame de ses souvenirs reste souvent, comme ça l'est aussi dans «
L'écriture ou la vie», des extraits de poèmes ou des textes qui sont liés à un moment de sa vie. Une réminiscence, un détail en fait renaître d'autres, les événements se croisent et se répondent et forment sans en avoir l'air une trame cohérente qui fait qu'on ne se perd pas. Disons qu'il y a une logique sous-jacente de la mémoire qui vient au jour petit à petit.
Les titres des chapitres nous révèlent le point central de chacun, ce qui fera leur cohésion.
Mais chaque chapitre est riche de multiples anecdotes et d'aller et retour d'un présent vers un passé plus lointain.
Chapitre I : J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans
Baudelaire dont la découverte est liée au séjour à La Haye où son père représente la République espagnole .....Début de l'exil et de son lot d'humiliations et fêlure due à la perte brutale de sa mère.
Chapitre II : Je lis
Paludes...
En cherchant qui lui a fait lire
Paludes de
Gide, ce livre qu'il a lu et relu, il nous parle de Armand interne comme lui à Henri IV et d'autres amis, et d'autres livres encore.. Et puis «L'essence de
Paludes est dans sa langue. On ne peut concevoir
Paludes dans aucune autre langue que le français.»
Et cette langue il veut se l'approprier «J'avais besoin de cette langue, qui, apparemment, coulait de source, mais dont la limpidité était le résultat d'un exigeant travail sur l'inertie et l'opacité naturelles du langage» ; cette langue qu'il décide de parler sans accent suite à une remarque d'une boulangère du quartier latin.
Chapitre III : Voilà la Cité sainte, assise à l'occident ...
Rimbaud «Paris se repeuple» qu'il se récite dans le métro qu'il prend pour aller de Saint Michel à la Gare du Nord : O lâches, la voilà ! Dégorgez dans les gares ! / le soleil essuya de ses poumons ardents / Les boulevards qu'un soir comblèrent les Barbares, / Voilà la Cité sainte, assise à l'occident !
lié à ses déambulations dans Paris et à la découverte des femmes ainsi que
Belle de jour de
Kessel.
Chapitre IV : Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres :
Adieu vive clarté de nos étés trop courts ...
Le livre s'ouvre sur
Baudelaire et se clôt avec lui.
Pourquoi n'ai-je pas lu plus tôt les livres de cet homme que pourtant j'admirais ? Ses deux livres (
Adieu vive clarté et
L'écriture ou la vie) que je viens de lire pratiquement d'une traite sont bouleversants de courage et d'humanité, de ceux qui vous remettent d'aplomb, vous redressent si vous êtes tentés par l' «A quoi bon» du découragement.