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Éric Chédaille (Traducteur)Delphine Bouffartigue (Traducteur)Michel Le Bris (Préfacier, etc.)
EAN : 9782859403669
304 pages
Phébus (29/03/1995)
4.5/5   8 notes
Résumé :
Ce chant, ce pourrait être celui des Sirènes capté jadis par Ulysse : le murmure des mille voix d'une mer très antique - la Méditerranée - habituée à confier ses secrets aux hommes qui vivent sur ses rives.
C'est cette confidence familière venue du fond des âges que Norman Lewis, Anglais si l'on en croit son passeport mais surtout citoyen du vaste monde, a recueillie au lendemain de la guerre à la faveur d'un séjour de plusieurs années dans un petit port cata... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
N°377– Novembre 2009
LE CHANT DE LA MER –  Norman LEWIS– Phébus.

« Il n'y a rien ici »!

En effet, c'est un décor du nulle part, quelques barques, des chats maigres qui s'acharnent sur les reliefs de la dernière pêche, la mer, quelques maisons qui forment un méchant bourg ensoleillé de Catalogne après la deuxième guerre mondiale, après la guerre civile espagnole, en pleine période franquiste. Que vient donc faire ici, dans ce petit village de Farol, sur les bords de la Méditerranée, cet étranger, un Anglais, un « homme tranquille », un peu taiseux à cause de sa vie antérieure, de la guerre à peine terminée il y a quelques mois avec ses désillusions, ses désespoirs, ses horreurs ? Il pourrait rentrer chez lui, en Angleterre, mais il a plutôt suivi les prescriptions de son médecin, le changement d'air, le changement de vie...
Mais voilà, il est ici un étranger et on se méfie de lui. Lui, désireux de n'être pas venu ici pour rien et surtout d'y demeurer, à cause probablement des rituels, des silences, de la vie simple de cet endroit où il n'y a effectivement rien, de sa volonté de se poser quelque part sur terre, parce qu'il est saisi intimement de cette appétit de réadaptation au monde, de son attachement intime à l'imperfection qu'il chérit, de la volonté d'être différent politiquement, de rester fidèle au valeur de l'ancienne république, va petit à petit se faire accepter par ce peuple, s'acclimater dans ce petit port catalan. C'est en cherchant à se fondre dans ce paysage, gardant le silence et cherchant à n'être « personne » qu'il va, sans même s'en apercevoir, être accepté par les autres villageois, sans doute parce qu'il leur ressemble! Il va l'être tellement qu'on lui fait des confidences, qu'on l'invite pour des parties de pêche tout en l'initiant aux tabous du métier, qu'on lui confie les comptes...
Il a choisi cet endroit parce qu'il est l'écart, parce que le temps semble s'y être arrêté, à cause des chats qui, plus que les autres animaux donnent l'impression à l'étranger qu'il vient effectivement d'une autre planète.

Un village n'est rien sans ses personnages : ce curé assez anachronique dans un bastion où historiquement on a toujours refusé le clergé; on le supporte à cause peut-être de la maîtresse qu'il entretient au vu et au su de tous, l'alcade, désigné par le pouvoir central et dictatorial de Franco qui fait semblant de diriger tout ce petit monde, Don Alberto, grand propriétaire, personnage anachronique qui semble tout droit sorti d'un roman de Cervantès, mais surtout la grand-mère chez qui l'auteur choisit de loger, une femme à la fois fantasque et attachante, qui, en réalité gouverne ce village et qui tient son pouvoir du seul fait que c'est là « le pays des chats », Muga qui incarne la modernité mais surtout le changement, le pouvoir de l'argent.

C'est un récit labyrinthique, nécessairement magique que nous offre l'auteur. Il y distille, avec un certain humour, le délicat parfum de l'éphémère de cette vie, de la fragilité de ce monde qui est le nôtre, une délicate musique un peu enrouée de fin de quelque chose qui, même si on ne le veut pas, finit par être tragique et pleine de désespoir. Les choses évoluent sur cette terre, et pas forcément dans le sens souhaité, la nostalgie des temps anciens peut exister et perdurer, l'humour combattre plus ou moins efficacement tout cela, mais la réalité est là. Farol, avec ses airs d'ailleurs, comme marginalisé par lui-même et désireux de faire durer ce climat d'exception va être emporté par la spirale du temps: les bancs de poissons vont se faire de plus en plus rares, les chênes-lièges, richesse de l'arrière-pays, seront atteints par la maladie, l'argent qui corrompt tout, les « libertés venues du Nord », la spéculation... Ce petit peuple « d'irréductibles », attaché viscéralement à son originalité va voir la voir se dissoudre avec rapidité... C'est probablement là ce qu'on appelle le sens de l'Histoire, l'évolution des choses, le progrès, la recherche inévitable et irréversible du confort, même si tout cela ressemble étrangement à une auto-destruction, au nom du sacro-saint profit, dont les sociétés dites civilisées sont friandes. Face à cela, ce petit coin de terre ne pèse rien et cette fable, pas si fictive que cela, ce « chant de la mer »,qui nous renvoient peut-être à celui des sirènes qui charmèrent Ulysse qui nous endort assurément est une prise de conscience bienvenue mais qui, malheureusement a toute les chances de demeurer lettre morte.

©Hervé GAUTIER – Novembre 2009.http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
On m'expliqua que le pêcheur qui s'était risqué à baptiser son bateau "Un gros lièvre" l'avait vraiment échappé belle, uniquement grâce à l'ignorance du capitaine qui ignorait à quelle plaisanterie dangereuse ce nom faisait allusion. Les nationalistes avaient eu pour slogan: España - una, grande, libre (Espagne unie, grande, libre); on forçait les prisonniers républicains, enfermés dans des camps à la fin de la guerre, à chanter sans arrêt ce refrain, parfois pendant des heures durant, et ils avaient pris l'habitude de tourner le texte en dérision en transformant subrepticement libre en liebre, de sorte que le slogan devenait "L'Espagne - un gros lièvre". Or dans cette partie du monde, le lièvre était considéré comme le plus dégoûtant des animaux, soupçonnés d'avoir des penchants homosexuels et d'être prédisposés à la syphilis.
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Quand je suis arrivé à Farol, la grand-mère à qui appartenait la maison m'a offert un chat. "Ne lui donnez rien à manger, dit-elle, ne faites pas attention à lui. Il dort dans l'appentis, il chassera les rats". Farrol regorgeait de chats, ce qui lui avait souvent valu le surnom de Pueblo de los gatos. Il y en avait plusieurs centaines qui logeaient où ils pouvaient, au bourg ou sur la colline derrière, dans les grottes. Ils étaient d'une vilaine race, maigres avec de longues pattes et un petit museau pointu. On les voyait peu dans la journée, mais une fois la nuit tombée, ils étaient partout...
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Si la Grand-Mère avait du bien et jouissait de la considération que cela commande, le respect qu'on lui témoignait tenait pour une grande part à sa forte personnalité. Quelque chose en elle imposait; elle se déplaçait avec lenteur et dignité, toujours vêtue de noir, le visage d'un pape Borgia -nez auguste, menton provocant hérissé de quelques poils. Une faiblesse de paupière lui avait laissé un œil mi-clos, de sorte qu'elle semblait tout le temps vous adresser un signe de connivence. Sa voix enrouée se plaisait à la confidence, même si, dans un moment d'irritation, elle était parfaitement capable de brailler d'importance. Chacun de ses propos emportait la conviction, et les gens du village laissaient entendre qu'elle n'hésitait pas à décider à la place de Dieu...
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Il me demanda ce que je faisais ici, à quoi je répondis que j'étais en vacances.
Dans un endroit comme celui-ci ? Il regarda par la fenêtre la plage déserte. Les pêcheurs dormaient encore pour effacer les fatigues de la journée précédente ; ils avaient tiré leurs bateaux au sec et étaient partis sans se soucier de nettoyer les saletés. Une armada de chats, on aurait dit des petits tigres gris gris galeux, avaient décidé de s'en charger.
- C'est tranquille, lui dis-je, ça me convient.
- Pourquoi appréciez-vous tant le calme ?
- J'en ai assez de la cohue. Ici, il n'y a pas grand-chose à faire.
- Non, dit le capitaine, il n'y a pas grand-chose à faire. Et personne ne vient dans un endroit pareil à moins d'y être obligé. En tout cas, moi je n'y viendrais pas. La mer ne m'attire pas du tout. Il ne faut pas croire que l'Espagne ressemble à cela.
- Je sais.
- Je peux vous indiquer de biens meilleurs endroits où passer vos vacances. Des endroits où il y a de l'animation. Les gens d'ici ne sont même pas de vrais Espagnols. Vous avez l'intention de rester combien de temps ?
- Le plus longtemps possible.
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Tout en elle respirait la clandestinité, les petits secrets et la discrétion dont sont faits les actes de survie. Sa silhouette, sous la vieille robe de bal, était parfois rebondie pour se dégonfler inexplicablement l'instant d'après, comme si on l'eût allégée d'une mystérieuse contrebande.
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