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EAN : SIE267335_398
Le Livre de Poche (30/11/-1)
3.5/5   7 notes
Résumé :
Le Prince est une œuvre de Nicolas Machiavel, homme politique et écrivain florentin. Ce traité politique a probablement été écrit en 1513, mais il n'a été publié qu'à partir de 1532, cinq ans après la mort de son auteur.
L'objet de ce traité, écrit alors que l'Italie est divisée en multiples principautés, est d'exposer l'art et la manière de gouverner en jouant habilement des humeurs antagonistes du peuple et des grands, au moyen d'une politique sachant fair... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
MACHIAVÉLIQUE ?
Les écrits de Machiavel lui ont valu de féroces inimités. Avec la particularité, remarquable, que cette hostilité s'est perpétuée à travers les siècles jusqu'à aujourd'hui. Ses ennemis ont même réussi à imposer dans le vocabulaire le terme "machiavélique" comme synonyme de : perfidie, traîtrise, manque de scrupule. A travers cette fallacieuse utilisation de son nom, Machiavel se trouve donc doté d'une fort mauvaise réputation dans l'histoire; privilège que seul Le Marquis de Sade partage avec lui pour des raisons toutes aussi abusives et mensongères. Mais qui sont donc ces ennemis si acharnés et que l'on retrouve en presque toutes les époques depuis la publication de ces écrits? C'est bien entendu en lisant Machiavel, avec l'attention qu'il mérite, que l'on trouve la réponse. Car l'on constate alors que Machiavel y décrivit avec un goût de la vérité et une extraordinaire lucidité l'ignominie du pouvoir et de la domination, de ses représentants de toutes catégories et de tout temps; leurs moeurs, leurs manières d'agir, leurs crimes. C'est ce dévoilement radical de l'infamie des puissants qui ne lui a pas été pardonné. C'est pourquoi il se trouve encore aujourd'hui des gens se prétendant historien attribuant aux "idées de Machiavel" la responsabilité de ce qui n'est rien d'autre que la pratique de leurs maîtres et l'évidence de leur propre servitude.
-Le personnage
Car il faut comprendre que Machiavel du fait des circonstances de l'époque, n'aurait tout simplement pas eu la moindre possibilité de faire paraitre un livre "contestataire". Mais il lui brulait de mettre en lumière ce qu'il avait compris des moeurs de la domination (de par son emploi, il était extrêmement bien informé et il n'avait pas les yeux dans sa poche). Il choisit donc la seule voie qui lui était possible en rédigeant son livre sous la forme d'un ouvrage pour l'édification des princes et en le dédiant aux Médicis (la famille dominante de Florence).
Ce qui lui permit de tout dire. Mais ce n'était bien sur pas aux princes qu'il s'adressait en vérité, mais au contraire à tous ceux qui pourraient estimer que ces logiques politiques là devaient cesser, n'étaient pas tolérables. Dans le Prince, l'on ne trouve donc pas des "conseils" mais la mise en lumière des pratiques courantes de la domination, de ce qui se faisait partout alors en Italie (et ailleurs aussi) dans les nombreuse principautés.
Aucun cynisme donc chez Machiavel, mais au contraire une très sérieuse prise de risque !
Par chance, le Médicis qui reçut l'ouvrage, soi-disant en hommage, reçut le même jour en cadeau une meute de chiens de chasse qui monopolisèrent toute son attention et abandonna le livre dans un coin. C'est ainsi que "Le Prince" put commencer sa brillante carrière. Il y a différentes manières de dire le vrai; il faut aussi espérer des lecteurs qui en trouvent l'usage. Peu de temps après La Boétie écrivit son "De la servitude volontaire" qui ne parut que 20 ans après sa mort, et fort discrètement.
-Le contexte
Machiavel vivait à Florence qui était somme toute une petite entité, menacée constamment par des ennemis diverses. Il y a chez lui un profond attachement à sa ville qui se trouvait également être à l'époque l'un des principaux centre culturel de l'Europe. Cet attachement n'est pas une forme de nationalisme mais au contraire un sens du commun, de l'appartenance à un tout. A cela, on peut rajouter une forte conscience du devenir historique, des changements possibles. Tout démontre que Machiavel n'était pas un ambitieux, tout au moins dans le sens mesquin et égotiste que l'on donne à ce terme aujourd'hui. Seule la possibilité d'agir lui importe; il est un citoyen à part entière, dans un sens que la médiocrité de notre époque rend difficile à saisir.
C'est au moment où Florence est une république qu'il déploie pleinement son activité. Il écrit seulement quand il n'y a rien de mieux à faire, quand il est maintenu à l'écart. Car son intelligence inquiète les médiocres qui pour cette raison le maintiennent dans des postes secondaires.
Il faut donc aussi envisager le Prince comme un agir, lié à des circonstances particulières (les Médicis sont au pouvoir) mais qui espère bien viser au-delà historiquement.
Quelles sont les possibilités d'une époque ? de quelle manière agir à un moment donné en prenant en compte l'ensemble des circonstances présentes ? Tout en sachant que l'on pouvait fort bien finir égorgé au coin d'une rue, si quelque potentat vous trouvait trop encombrant ou trop clairvoyant. La publication anonyme d'un ouvrage comme le Prince n'était à mon avis ni possible, ni adéquate ; car Machiavel vise sciemment au-delà de lui-même. Ce n'est donc qu'en lui donnant cette forme qu'il pouvait alors le pousser comme nouveau pion dans l'histoire même.
Avec le Discours sur la première décade de Tite-Live, le ton sera tout différent, le désir d'agir sur son temps tout similaire.
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La Pré-modernité de Machiavel

La (re)lecture du Prince de Machiavel, même 500 ans après sa composition, nous laisse dans un abîme de perplexité et d'inconfort intellectuel En effet, on reste avec l'impression que l'auteur florentin du XVIème siècle se place entre la constatation des réalités politiques de son époque et une certaine absence de condamnation de faits ou de conduites moralement répréhensibles et indéfendables. On comprend qu'une lecture rapide fasse de lui un cynique, un perfide, un traître. Mais l'auteur cherche à se placer sur un autre plan: celui de la théorie politique et tente de convaincre son dédicataire.
Du point de vue moral, on surprend souvent chez Machiavel une certaine froideur face à des actes abominables. Cet état d'esprit explique en partie la mise à l'index du livre à sa parution et aussi que l'on parle de machiavélisme pour qualifier des individus sans scrupules, sans foi ni loi, soumis à leur seul intérêt. On réduit ainsi Machiavel à cette formule lapidaire : la fin justifie les moyens. Une lecture plus attentive montre qu'il se tient toujours en-deçà (ou au-delà) du bien et du mal. Pour lui, le bien et le mal ne sont pas des valeurs absolues mais relatives à l'action politique que l'on mène à un instant donné. Machiavel apparaît plutôt comme amoral et semble ne pas y attacher d'importance. Cette attitude dictée par une théorie, une sorte d'utopie, n'est pas convaincante surtout que le Prince constitue un cadeau à Laurent le Magnifique et n'avait pas prétention à être publié, donc son auteur pouvait parler à coeur ouvert sans crainte particulière. Machiavel s'exprime donc avec sincérité à un connaisseur et c'est peut-être ce qui laisse ce goût amer à la lecture.
Le point de vue de Machiavel se veut pragmatique, théorique et scientifique. En classant les différents types de principautés, Il se tient en retrait de l'objet qu'il étudie (sauf au chapitre XXVI), ce qui peut expliquer sa froideur et sa position amorale. Ses observations des guerres d'Italie le portent au pessimisme sur la nature humaine et à l'intransigeance dans l'action. Est-ce la source du caractère expéditif quoique logique, rationnel et mûrement pesé, des actions qu'il conseille au prince de Florence et dans lesquelles la vie de certains hommes ou familles n'ont pas beaucoup de valeur ? Pourtant Machiavel est authentiquement un humaniste De La Renaissance, il puise nombre de ses références dans l'Antiquité gréco-romaine et accorde aux « gens du peuple » une place importante dans la vie politique, ce en quoi il est un véritable novateur en 1513. Enfin, il cherche à faire partager son expérience à un prince qui se doit, à ses yeux, de connaître l'enseignement du passé pour gouverner habilement en acquérant la vertu, c'est-à-dire la paix et la stabilité pour l'ensemble de ses sujets.
Le point de vue le plus intéressant se situe à mon avis au niveau politique. Pour Machiavel, le Prince est une sorte de gros dossier destiné à montrer au Magnifique son expérience, sa finesse et son sang-froid dans la diplomatie, les actions militaires et peut-être à obtenir une place dans la Chancellerie du maître de Florence. Sans grand succès semble-t-il car il est fort probable que ce « dossier » ne fut jamais lu par son destinataire. Il fut publié seulement après sa mort grâce aux soins d'amis dévoués. Cependant, cet exercice l'amène à théoriser sur une nouvelle notion : le pouvoir exécutif. Il en dégage une « morale » de l'action, très différente des morales individuelles. Il montre aussi de façon prémonitoire le rôle du peuple dans les changements de régime ou leur consolidation. Enfin, il fait preuve d'une sorte de nationalisme dans le chapitre XXVI. Dans cet ultime partie du livre, il change à la fois de ton et de posture en devenant le chantre de l'autonomie de l'Italie, d'une nation regroupant toutes les principautés formant la péninsule. Si le Prince a traversé cinq siècles avec le succès qu'on connait, c'est certainement en grande partie du fait de ces avancées audacieuses.
Sans le savoir et probablement sans le vouloir vraiment, Machiavel ouvre la voie à ce que nous appellerons une « pré-modernité » en se détachant progressivement du Moyen Age pour commencer à faire siennes des valeurs rattachées à la modernité. Il apporte surtout à la science politique des notions qui, avant lui, étaient totalement étrangères à son époque. Cependant, ce livre reste pour moi comme un diamant noir dans le sens où, même en mesurant tous ses apports originaux, il demeure associé à une pratique très inhumaine mais assumée du pouvoir. Je ferai mienne la conclusion de la préface de Raymond Aron : « Machiavel a eu le courage d'aller jusqu'au bout d'une logique de l'action contre laquelle le lecteur cherche refuge dans des interrogations sans réponse » (p.IX).

Lien : http://nationalinterest.org/..
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Les hommes hésitent moins à offenser quelqu'un qui veut se faire aimer qu'un autre qui se fait craindre; car le lien d'amour est filé de reconnaissance, une fibre que les hommes n'hésitent pas à rompre, parce qu'ils sont méchants dès que leur intérêt personnel est en jeu, mais le lien de la crainte est filé par la peur du châtiment qui ne les quitte jamais. (Ch.XVII, p.88).
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Le mal doit se faire tout d'une fois: comme on a moins de temps pour y goûter, il offensera moins; le bien doit se faire petit à petit afin qu'on le savoure mieux. (Ch.VIII, p.48).
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La prudence consiste à savoir mesurer les inconvénients, et à prendre pour bon le moins mauvais. (Ch.XXI, p.120).
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Les fondements principaux des États, aujourd'hui comme hier, sont de deux sortes: les bonnes lois et les bonnes armes. (Ch.XI, p.60).
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Les princes doivent mettre sur le dos des autres les besognes désagréables et se réserver à eux-mêmes les agréables. (Ch.XIX, p.100).
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Videos de Nicolas Machiavel (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nicolas Machiavel
Émission “Une vie une oeuvre” dirigée par Martin Quenehen. “Nicolas Machiavel, storico, comico e tragico” : première diffusion sur France Culture le 10 avril 2008 (rediffusée le 31 janvier 2015). L'auteur du “Prince” n'est pas le cynique que dépeint sa légende noire. Il fut plutôt un homme libre et un fervent républicain, au sourire en biais... Peinture : Cristofano Dell'altissimo, “Portrait de Nicholas Machiavel”. Par Simone Douek. Réalisation : Dominique Costa. Attachée de production : Claire Poinsignon. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque centrale de Radio France. 1ère diffusion : 10/04/2008. “Historien, comique et tragique” : c'est ainsi que se désigne lui-même Machiavel, en signant une lettre adressée à son ami Guichardin à propos des événements de 1525, et des temps troublés où Charles Quint assure sa mainmise sur la péninsule italienne. Historien, il n'a cessé de l'être, depuis les années où, nommé secrétaire à la chancellerie florentine, il effectue des missions diplomatiques à l'extérieur : il scrute alors la vie politique de Florence et des pays où il se rend, il l'analyse, il l'écrit, éclairé par la lecture des Anciens. Et ce, jusqu'à la fin de sa vie, puisque toute son œuvre est générée par ses activités politiques qui suscitent chez lui discours, commentaires, réflexions, pour aboutir à ce dernier grand texte, commandé par Jules de Médicis devenu le pape Clément VII, que sont les Histoires florentines où il traite de l'histoire toute contemporaine de Florence. Comique, celui qui écrit aussi des pièces de théâtre dont la plus connue, “La Mandragore”, retrouve, à travers le rire et les personnages créés, des échos de la politique et de la vie publique dont il ne peut jamais vraiment s'éloigner. Tragique, comme sa description de la réalité des hommes, comme le destin et les qualités qu'il prête au Prince, qui “ne peut fuir le renom d'être cruel”. Et ce froid réalisme politique a engendré le mot “machiavélique”, quand il faudrait plutôt expliquer ce que “machiavélien” veut dire. Avec : Corrado Vivanti, auteur de “Machiavel ou les temps de la politique” (éd. Desjonquères) Jean-Louis Fournel et Jean-Claude Zancarini, traducteurs du “De principatibus, Le Prince” (éd. PUF) Françoise Decroisette, professeur de littérature italienne, spécialiste du théâtre italien, traductrice Myriam Revault d'Allonnes, professeur des universités à l'EPHE, auteur de “Doit-on moraliser la politique ?” (éd. Bayard)
Thème(s) : Arts & Spectacles| Politique| Renaissance| Nicolas Machiavel
Source : France Culture
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