AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,1

sur 923 notes
5
33 avis
4
34 avis
3
14 avis
2
6 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
♫Cette force qui nous pousse vers l'infini
Y a peu d'amour avec tellement d'envie
Si peu d'amour avec tellement de bruit
Quelque chose en nous de Tennessee♫
Johnny Hallyday - Michel Berger - 1985

D'autres voix sans paroles appelaient dans son coeur
La voix de Jésus et de John Brown
La voix du grand Spinoza et de Karl Marx
L'appel de tous ceux qui avaient combattu
et à qui il avait été donné d'achever leur mission
Les voix douloureuses de son peuple [...]
Les voix des faibles et des puissants. [...]
La voix du ferme idéal.
Extrait page 410

Williams Tennessee : "Mon rêve le plus cher serait de posséder une ferme au Texas et d'avoir ma soeur Rose, mon Grand-père et Carson (McCullers), et nous vivrions tous ensemble, tous malades mais tous ensemble"
....... son ferme Idéal !!?
Williams Tennessee a dit, dans sa manière d'exagérer, "Le seul véritable écrivain du Sud a été Carson. . . . Elle n'était pas un ange, tu sais. Ou si elle l'était, elle était un ange noir. Mais elle avait une sagesse infinie. La nôtre était une relation profonde qui a duré de nombreuses années. Je l'ai d'abord rencontrée quand je suis allé à Nantucket pour mourir. 1946 "

Pendant que certains se lient d'amis
d'autres recitent leur litanie
mieux vaut être avec n'importe qui
que d'être trop longtemps seul, et vivre d'envies
Liberté et Pirates
Capital et Démocrates
Esclavage, besoin suprème de servir
je veux être comme Moïse
détracteurs, prédicateurs
remplir mes poches de friandises
ton ferme Idéal, tes désirs, tes Valeurs
à chacun ses consolations, ses frustrations
mots qui convergent vers le milieu
comme les rayons d'une roue au moyeu
Pas sans me rappeler un certain Faulkner
âmes solidaires, passeur solitaire
ou une conspiration d'imbéciles de Kennedy Toole
doute des cieux et alors tout s'écroule....

si vous voulez appronfondir le lien Carson McCullers/W. Tennessee, c'est ici :
http://www.tennesseewilliamsstudies.org/journal/work.php?ID=31
Commenter  J’apprécie          1010
Dans une ville du Sud des Etats-unis pendant la Grande Dépression des années 30, la guerre s'annonce comme un lourd nuage qui peine à crever avant l'orage. La misère est terrible.
On suit des personnages dans leurs échanges et leurs faits et gestes du quotidien. Ils sont tous à un point de bascule de leur existence. Tout en appartenant à un groupe, à une famille à un quartier, ils sont désespérément seuls, au milieu de plein de gens.
Biff Brannon vient de perdre Alice sa femme, il tient le "café de New York" où passe tout le quartier. John Singer, le muet, dont l'ami vient d'être interné, devient paradoxalement celui qui recueille les confidences de tous. le médecin noir, Benedict Copeland, se dévoue corps et âme pour sa communauté et rêve de Droits Civiques. Portia sa fille travaille dans la pension de famille des Kelly, dont la fille de 14 ans, Mick rêve d'un ailleurs fait de musique et de concerts. Jake, le communiste rageur, arrive de nulle part et s'installe en ville, pour tenter de transformer la misère en révolte, au milieu des ouvriers des filatures hébétés de fatigue et des prédicateurs de toutes les Eglises.
Carson MCCullers évoque ce Sud complexe, la misère sociale, et la ségrégation raciale, dans lequel la violence explose parfois de manière inattendue. Sa vision du monde est pessimiste. Ses personnages se débattent dans des combats désespérés, qui n'ont pas d'issue.
C'est vraiment un grand roman, très bien construit, rien que sur des petits faits, des héros d'un quotidien difficile, qui nous parle de plein de choses, de la fin de l'enfance, de la difficulté d'une époque, de rêves impossibles, et d'amours inavouables.
Un auteur vraiment important, un roman qui laisse songeur un moment.



Commenter  J’apprécie          750
"Ce texte, écrit par une insoumise en 1940 (...) vient réchauffer nos désarrois. Il vient nous porter une parole solidaire, en miroir. Solidaire de nos élans échoués, nos questionnements, de nos incapacités à traverser les apparences, solidaire de nos isolements, de nos désirs incoercibles de nous unir aux autres; ce que Carson McCullers nommait « le besoin basique d'appartenir, de faire partie de quelque chose, de se sentir comme faisant partie de la vie. » "
Kits Hilaire (Extrait) dans Double Marge à propos de la sortie de "Ariane Ascaride lit le coeur est un chasseur solitaire de Carson McCullers, La bibliothèque des voix, Des femmes-Antoinette Fouque."
Lien : https://doublemarge.com/asca..
Commenter  J’apprécie          610
Le sud des États-Unis, les années trente, un goût de pauvreté et de racisme, et nous voilà embarqués à la rencontre de personnages forts en couleurs.
Leurs couleurs, leur musique, c'est la rage de justice, la rage de trouver les mots pour combattre la pauvreté, l'ignorance, le racisme, la violence. Ils ont tous en eux une voix qui les rendent touchants. Et quand les mots sont impuissants, il y a le silence, le regard, l'attention, la présence, l'amour.

Ils sont rarement entendus, rarement compris. Leur vérité n'atteint pas les opprimés. Mais il y a Singer, le sourd-muet, qui les rassemble, inconsciemment il leur souffle de l'espoir, de la lumière. Il écoute et son mutisme capte tous les mots, tous les gestes. Ils ont trouvé une "oreille" délicate chez le sourd. Peu de mots écrits en échange du mouvement des lèvres bavardes. Les mots sont parfois impuissants, alors il reste le regard. Il garde souvent les mains au fond de ses poches, les mots dessinés avec les mains sont pour son ami le plus cher.

C'est un roman fait de petits riens et ces petits riens forment une grande toile. Un peu de Steinbeck dans cette souffrance, cette générosité, un peu de Harper Lee aussi. C'est un grand roman, étonnant et fascinant.

Commenter  J’apprécie          600
Merci à l'ami qui a poussé ce bouquin dans mes mains, c'est un bijou solaire au charme douloureux.

Je n'en voulais pas au départ, pensant, bêtement, le titre trop beau pour ne pas être trop sentimental, et l'auteur trop jeune pour composer une oeuvre réellement marquante.

Grave erreur! "Le coeur est un chasseur solitaire" est une splendide symphonie humaine dans laquelle plusieurs personnages d'une grande profondeur et subtilement cernés viennent jouer leur partition dans cette petite ville condamnée à la misère du Sud des Etats Unis :

Biff le restaurateur qui regarde passer sa vie, Mick l'adolescente à la tête pleine de musique, le docteur Copeland, Noir en fureur contre l'oppression des siens et plus encore par son incapacité à les tirer vers le haut, Blount le vagabond enragé contre l'injustice faite aux pauvres... tous trainent leur rêves, leurs colères, leurs douleurs dans les rues brulées de soleil, se croisent et se parlent sans se comprendre, comme s'ils étaient condamnés à la solitude de leur condition.

Tous convergent vers Singer, sourd muet, personnage qui m'a le plus marquée, si digne, si humain, qui aspire comme un buvard impotent les flots de mots déversés sur lui, ses grandes mains qui s'agitent quand il parle le langage des sourds, son élégance, son amour inconditionnel pour son ami Antonapoulos devenu fou.

J'ai été complètement subjuguée par ce livre, par l'atmosphère qu'il dégage dès les premières pages, par la plume délicate de la toute jeune Carson Mc Cullers qui anime sans juger ses personnages, par la construction enfin, en étoile autour de Singer, de l'intrigue dans laquelle il s'en passe beaucoup et il ne se passe rien.
Magnifique!
Commenter  J’apprécie          514
Je viens de terminer complètement bouleversé la lecture de ce qui est pour moi un chef-d'oeuvre absolu.
Et quand je m'imagine que ce livre fut publié alors que Carson McCullers avait à peine 23 ans, et après avoir publié l'année précédente Reflets dans un oeil d'or, je suis émerveillé de ce que certaines et certains êtres humains, ils sont peu nombreux ces génies précoces, ont déjà acquis la maturité que d'autres mettront des années à atteindre. C'est un mystère.

J'ai plus qu'un coup de coeur pour ce roman magnifique à tous points de vue: l'humanité profonde qui l'anime, la densité des personnages, la merveille de la construction, la beauté de l'écriture.

Et comme chaque fois que ça m'arrive, mes pensées se bousculent, et il m'est difficile de les ordonner, il y a tant à dire.

D'abord la densité des personnages principaux et même des « seconds rôles ».
Il y a Biff Brannon, le tenancier du Café de New York, un choix de nom bien ironique pour ce modeste troquet. Biff Brannon, l'homme en apparence placide, mais ambigu sur ses préférences sexuelles, observateur plutôt qu'acteur de ce drame.
Les trois autres tourneront autour d'un astre mystérieux, le muet Singer (encore un choix ironique de nom) qui, tel le substitut d'un dieu, recueillera les confidences des protagonistes.
Le Docteur Copeland, un médecin noir, entièrement dévoué à ses patients, dont les espoirs fondés pour un avenir meilleur de ses enfants ont été terriblement déçus, un homme âgé qui s'épuise aussi dans la défense de son « peuple », qui rêve d'une émancipation des noirs par les progrès de leur savoir.
Il y a Jake Blount, l'ouvrier pauvre travaillant dans un manège, alcoolique et violent, poussé par un idéal communiste, et qui voudrait, sans savoir comment faire, et c'est son drame, que les ouvriers se révoltent contre le pouvoir de l'argent, de ces quelques-uns qui l'accaparent.
Il y a le personnage merveilleux de Mick Kelly, adolescente de 14 ans trop grande pour son âge, pleine de vie et de rêves, se réservant un « espace du dedans » pour ses rêves, ses compositions de musique, une jeune fille si touchante, où sans doute, Carson McCullers a mis beaucoup d'elle-même.
Ce trois figures archétypales, mais jamais caricaturales, pleines de complexité, de sensibilité, de densité profonde, tournent “comme les rayons d'une roue dont il serait le moyeu » autour de John Singer, un muet, employé d'un atelier de bijouterie, qui va recueillir leurs confidences et répondre comme il peut, toujours avec bienveillance, à leurs questionnements. Mais tous les trois ne savent pas que Singer vit le drame de la séparation d'avec son ami Antonopoulos, muet comme lui et interné bien loin de là dans un asile.
Et puis autour de ces quatre, gravitent aussi tout un monde grouillant de vie, la famille, des enfants aux parents et grands-parents, les amis, les voisins.
Et toute cette histoire se passe dans l'atmosphère d'une petite ville du sud des États-Unis, sans qu'il y ait, à aucun moment, une image appuyée, régionaliste, sudiste.
Ce qui frappe, c'est la pauvreté, le manque d'argent, l'absence de perpectives, la violence à l'égard des noirs, mais aussi la formidable solidarité, l'amour entre les gens, une humanité qui souffre mais se serre les coudes.
Pour paraphraser (et en changer un peu le sens) la belle et émouvante chanson de Michel Berger dédiée à Tennessee Williams, le grand ami de Carson Mc Cullers,il y a dans ce roman:
« le désir fou de vivre une autre vie
…Tellement d'amour avec si peu d'envie.. »

Je voudrais insister sur la construction magnifique du récit, une première partie à la manière d'une ouverture, se déroulant sur une journée, une deuxième partie se développant sur une année, et une troisième partie comme un épilogue d'un jour. Et la narration à plusieurs voix, qui crée parfois des difficultés, il faut rester attentif, mais vraiment formidable.

Et enfin, l'écriture si belle, si juste, une merveille de concision, mais aussi une merveille de beauté des images, ainsi par exemple, celle du temps qu'il fait, incroyablement au diapason des sentiments.

J'aurais encore tant de choses à écrire, la dimension politique, sociale et quasiment prophétique, le rôle de la musique, etc…, mais je n'en dis pas plus pour vous laisser découvrir cet extraordinaire roman.

Pour finir, je voudrais reprendre à mon compte ce qu'a écrit mon ami Berni qui a fait une superbe critique de ce livre. C'est à quel point la littérature américaine est, à toutes les époques, si riche, variée, et que la lecture d'un auteur ou d'une autrice nous amène à un ou une autre, de Steinbeck à McCullers, de Faulkner à O'connors, d'Hemingway à Carver, de Bradbury à Dick, etc…, tout un champ immense de découvertes et de résonances.
Commenter  J’apprécie          4914
‘'Il y avait, dans la ville, deux muets qui ne se quittaient jamais''. Ainsi commence le livre. Nous sommes dans le sud profond des Etats-Unis, dans les années 30. le premier muet se nomme John Singer ; grand et élégant, on le remarque pour sa politesse parfaite et sa douceur. L'autre est un Grec du nom d'Antonapoulos obèse, débraillé, obsédé par la nourriture, et dont l'intelligence semble proche de celle d'un enfant de sept ou huit ans. Et, de façon incompréhensible et totalement irrationnel, toute la vie de Singer tourne autour de son amour inconditionnel et total pour Antonapoulos…

Mais ce dernier commence à perdre la raison, volant aux étalages, se promenant nu dans la rue et finissant régulièrement au commissariat. Sa famille le fait finalement interné dans un asile, et le monde de Singer s'effondre. Il emménage dans une pension de famille miteuse et entame une vie sans but, alternant travail et errances nocturnes, rêvant de son ami dès que le sommeil le gagne. Peu à peu, par sa politesse et sa gentillesse, il devient connu et apprécié d'un grand nombre de gens, pour la plupart rencontrés par hasard. Mais pour quatre personnes en particulier, il devient une sorte de point de repère dans un monde hostile et écrasant.

La première et la plus touchante, Mick, est la fille adolescente des propriétaires de sa pension. Obsédée par la musique, qu'elle entend sans cesse dans sa tête mais que sa famille est trop pauvre pour lui faire étudier, elle rêve d'un avenir meilleur. le deuxième, Jake Blount est un ouvrier alcoolique, marxiste convaincu, que la misère terrifiante du sud et les inégalités rendent fou de rage. le troisième, Bénédict Copeland, est un médecin noir, luttant avec un amer désespoir pour améliorer la condition de son peuple. le dernier, Biff Banon, est un tenancier de bar désabusé, s'égarant dans de profonde méditation sur l'âme humaine. Et tous quatre sont persuadés que Singer est le seul à comprendre les tourments qui agitent leurs âmes, le seul point de lumière au coeur d'un monde de ténèbres miné par la misère, ravagé par l'alcoolisme et la tuberculose…

En alternance avec Singer, nous suivons donc ces quatre personnages dans leurs démêlés avec la vie, leurs espoirs et leurs déceptions. Tous quatre sont extrêmement complexes ; leurs passions et leurs rêves se répercutent même de façon subtile sur leur condition physique ou leur apparence. La misère et le racisme leur sert de toile de fond. Leurs vies sont peintes de façon lucide et froide, dans un style que l'auteur, dans une annexe, assume hérité des existentialistes russes, Dostoïevski en tête. Un style que l'on retrouve également chez Falkner, Steinbeck, et dans leur lignée Romain Garry, Kessel, et au final toute la littérature moderne. Réalise-t-on à quel point ‘Crime et châtiment' a marqué l'histoire des idées ?

Mais une énigme demeure. L'auteur nous permet de voir qui est le véritable Singer, et ce qu'il comprend vraiment des quatre personnes qui s'accrochent à lui comme à une bouée. Mais sa bouée à lui ? Qui est vraiment Antonapoulos ? Singer le voit comme une sorte d'intermédiaire entre le ciel et la terre – ce que les autres voient en Singer, en fait. le reste du monde comme un être insignifiant et obèse. Qui a raison ?

Carson McCullers est un écrivain indissociable du sud des Etats-Unis et de la grande dépression. Elle est également connue pour son amour pour Annemarie Schwarzenbach, figure centrale mais aujourd'hui un peu oubliée du monde intellectuel de l'entre-deux guerre au côté d'Erica Mann, Ella Maillart, Catherine Pozzi, Karen Blixen… de quelle richesse pour la littérature féminine fut cette époque !
Commenter  J’apprécie          362
Le coeur est un chasseur solitaire, c'est un premier roman, celui de Carson McCullers qu'elle publia à l'âge de vingt-deux ans.
L'histoire repose sur trois fois rien, nous sommes dans les années trente, dans une petite ville du sud des États-Unis.
John Singer vit avec son ami Antonapoulos. Tous deux sont sourds-muets. Lorsque Antonapoulos est interné dans un asile, Singer décide de venir loger chez les Kelly.
Ce livre est l'histoire de plusieurs destins qui se croisent. Il y a tout d'abord Mick la fille des Kelly, adolescente de quatorze ans, complexée, garçon manqué, elle ne rêve que d'une seule chose : devenir un jour musicienne. Sous son lit elle cache ce violon qu'elle s'est elle-même confectionnée. le docteur Copeland, médecin noir, pétri d'humanité veut, quant à lui, croire en un monde idéal loin des brimades racistes dont il est victime au quotidien. Il y a Biff, tenancier de bar qui observe ses clients pour échapper à une vie de couple terne. Jake communiste, lui, rêve d'un monde plus juste...
Chaque personnage vit pour un projet, un rêve, une ambition qui le porte, le brûle...
John Singer, personnage principal du roman va très vite devenir le confident de Mick, puis des autres personnages. Il ne parle pas mais recueille leurs confidences. Ce sont des êtres fragiles, désoeuvrés, en quête d'espoir, en quête de communication, cherchant davantage un miroir que dialoguer, simplement croire un instant à cette illusion qu'ils sont entendus. John Singer les apaise alors que lui-même ne vit que pour son ami. Son calme et sa courtoisie inspirent confiance, leur permet d'entrevoir la possibilité d'être compris.
C'est un roman foisonnant et âpre, qui sent la vie et le désespoir, qui incarne le sud des États-Unis des années trente, l'errance, une jeunesse peut-être désabusée qui a un mal fou à passer de l'adolescence à l'âge adulte, la crise déjà là, la pauvreté qui n'a pas attendu la crise, le racisme bien plus ancré encore que les arbres et leurs racines.
Les personnages sont grouillants, attachants, touchants, rêveurs, emplis d'illusions, ils ont des rêves qu'ils n'atteindront jamais et sans doute le savent-ils déjà, du moins inconsciemment...
Le coeur est un chasseur solitaire, c'est le roman de l'Amérique profonde, celle du puritanisme et des laissés-pour-compte.
Parfois les romans sont comme des ricochets. On va de l'un à l'autre. Je me suis demandé brusquement si mon amour des romans américains ne venaient pas de cette rencontre. Dois-je ainsi mon émerveillement, mon admiration à l'oeuvre de Jim Harrison, de John Fante, de Raymond Carver ou encore de William Faulkner et pourquoi pas aussi de John Steinbeck et plus récemment de Toni Morrison ou de Harper Lee, grâce à ce texte fondateur ? Pourtant, il y a si peu de points communs entre ce roman et l'oeuvre de ces autres auteurs, sauf peut-être un rêve américain aussi étincelant qu'une flaque de boue, sauf peut-être une attention aux laissés-pour-compte.
Mon cheminement est pourtant parti de ce roman, relu tout récemment.
Ici il y a comme une voix singulière qui m'a touché.
Ici ce sont de multiples solitudes à plusieurs, le discours de chacun des personnages est solidaire des autres grâce à John Singer qui sait faire le lien entre eux. C'est comme un fil qui se tisse, ouvrant à l'altérité.
Ici se côtoie la joie et la douleur. Ce roman est d'une cruauté insoupçonnée, il décrypte avec acuité les impostures de la réalité et ce qu'il y a de vrai dans les illusions. C'est sombre et en même temps il y a une grâce. C'est beau et touchant.
J'ai adoré ce personnage de Mick Kelly, sans doute est-elle l'alter ego de Carson McCullers. Mick, adolescente solitaire qui n'attend qu'une chose, déployer ses ailes...
Cette solitude n'est pas subie. le personnage de Mick perçoit cette solitude de manière positive. C'est une solitude féconde, un espace du dedans empli de secrets, dans lequel elle construit son rêve de musique tendu comme une promesse.
Souvent on se rachète, on se rattrape, on se réalise dans le silence et la solitude...
En arrière-plan de ce roman figurent la crise, la guerre qui approche, la misère toujours là.
Carson McCullers a un talent fou à savoir peindre les gens ordinaires, ceux que le rêve américain a laissé au bord du chemin.
Sans doute ce livre, par son pessimisme à fleur de peau, ressemble à une petite tragédie. Mais c'est aussi une voix singulière, emplie d'empathie, qui a su me prendre par la main et me bercer comme une musique.
Le coeur est un chasseur solitaire est un roman immense.
Commenter  J’apprécie          355
UNE PETITE PÉPITE
Alors oui, c'est un livre qui se mérite et nécessite un petit effort.
Mais bon sang, comment une gamine d'à peine vingt-deux ans est capable de pondre un truc pareil ? Je ne me lancerai pas dans un résumé ou une critique dithyrambique, d'autres l'ont fait avec beaucoup plus de talent que moi.
Ce qui est bluffant, c'est qu'il n'y a pas d'histoire... plutôt des histoires.
Chronique des années trente dans une petite bourgade du sud des États-Unis.
Mais quelle justesse de ton, quelle finesse dans l'analyse. Ça sent la vie pas facile, la solitude, le fatalisme, le manque d'argent, les passions refoulées, le plus beaucoup d'espoir...
Je comprends mieux la phrase de Nicole Chardaire dans l'entame du livre: "Carson McCullers appartient à la génération qui succède à Faulkner, Steinbeck, Hemingway, et qui annonce Kerouac et Salinger."
Mon sentiment au terme de cette lecture ?
Mélancolie ? Peut-être....
Mais quel bouquin ! Exceptionnel.
Commenter  J’apprécie          333
Immense. Voilà. Ce mot pourrait suffire... Mais ce mot est trop petit. Alors que serait un immense roman ? Un roman qui marque, qui marque une époque ,un tournant, un roman qui marque profondément son lecteur. Un roman comme un espace, une peinture, une musique, une lumière, un parfum. Des personnages tellement présents à leur solitude, à leur difficulté de survivre. Tellement de choses écrites. Nous sommes dans la fin les années 30. La guerre va faire rebasculer le monde. « Liberté, ils ont fait de ce mot un blasphème » … 22 ans, Carson McCullers avait 22 ans lorsqu'elle écrit cette phrase. Oui, immense et incroyable roman. Vingt deux ans pour projeter la marche sur Washington...comment ne pas y voir, ne pas penser à La Marche sur Washington pour l'emploi et la liberté qui se déroulera le 28 août 1963 ? le coeur est un chasseur solitaire a été publié en 1940.
Aucun personnage n'est petit, négligé, étroit . Ils sont tous étranges...peut être. Mais qui est le plus étrange ? Eux ou ce monde de folie où ils doivent tenter de survivre ? Ils sont singuliers. Particuliers, tellement proches, vrais. Je les porte en moi pour toujours : Mick, Singer, Biff, Doctor Copeland, Blount, Portia, les Kelly….
Alors oui immense, et je ne cache pas que je vois une certaine filiation entre les écrits de Carson McCullers et Toni Morrison.
Comment ai-je pu ne pas lire Carson McCullers…. Comment ai je pu vivre sans savoir ?

« Toute chose qui grandit doit passer par des moments d'étrangeté. le créateur incompris à cause de son refus des conventions doit se dire “Je vous semble étrange, mais au moins je suis vivant.” » (‘If only traditional conventions are used an art will die (...). Any growing thing must go through awkward stages. The creator who is misunderstood because of his breach of convention may say to himself, “I seem strange to you, but anyway I am alive.”' )- Carson McCullers.


Astrid Shriqui Garain
Commenter  J’apprécie          327




Lecteurs (2940) Voir plus



Quiz Voir plus

Dead or Alive ?

Harlan Coben

Alive (vivant)
Dead (mort)

20 questions
1821 lecteurs ont répondu
Thèmes : auteur américain , littérature américaine , états-unisCréer un quiz sur ce livre

{* *}