AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,1

sur 929 notes
5
33 avis
4
35 avis
3
14 avis
2
6 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
‘'Il y avait, dans la ville, deux muets qui ne se quittaient jamais''. Ainsi commence le livre. Nous sommes dans le sud profond des Etats-Unis, dans les années 30. le premier muet se nomme John Singer ; grand et élégant, on le remarque pour sa politesse parfaite et sa douceur. L'autre est un Grec du nom d'Antonapoulos obèse, débraillé, obsédé par la nourriture, et dont l'intelligence semble proche de celle d'un enfant de sept ou huit ans. Et, de façon incompréhensible et totalement irrationnel, toute la vie de Singer tourne autour de son amour inconditionnel et total pour Antonapoulos…

Mais ce dernier commence à perdre la raison, volant aux étalages, se promenant nu dans la rue et finissant régulièrement au commissariat. Sa famille le fait finalement interné dans un asile, et le monde de Singer s'effondre. Il emménage dans une pension de famille miteuse et entame une vie sans but, alternant travail et errances nocturnes, rêvant de son ami dès que le sommeil le gagne. Peu à peu, par sa politesse et sa gentillesse, il devient connu et apprécié d'un grand nombre de gens, pour la plupart rencontrés par hasard. Mais pour quatre personnes en particulier, il devient une sorte de point de repère dans un monde hostile et écrasant.

La première et la plus touchante, Mick, est la fille adolescente des propriétaires de sa pension. Obsédée par la musique, qu'elle entend sans cesse dans sa tête mais que sa famille est trop pauvre pour lui faire étudier, elle rêve d'un avenir meilleur. le deuxième, Jake Blount est un ouvrier alcoolique, marxiste convaincu, que la misère terrifiante du sud et les inégalités rendent fou de rage. le troisième, Bénédict Copeland, est un médecin noir, luttant avec un amer désespoir pour améliorer la condition de son peuple. le dernier, Biff Banon, est un tenancier de bar désabusé, s'égarant dans de profonde méditation sur l'âme humaine. Et tous quatre sont persuadés que Singer est le seul à comprendre les tourments qui agitent leurs âmes, le seul point de lumière au coeur d'un monde de ténèbres miné par la misère, ravagé par l'alcoolisme et la tuberculose…

En alternance avec Singer, nous suivons donc ces quatre personnages dans leurs démêlés avec la vie, leurs espoirs et leurs déceptions. Tous quatre sont extrêmement complexes ; leurs passions et leurs rêves se répercutent même de façon subtile sur leur condition physique ou leur apparence. La misère et le racisme leur sert de toile de fond. Leurs vies sont peintes de façon lucide et froide, dans un style que l'auteur, dans une annexe, assume hérité des existentialistes russes, Dostoïevski en tête. Un style que l'on retrouve également chez Falkner, Steinbeck, et dans leur lignée Romain Garry, Kessel, et au final toute la littérature moderne. Réalise-t-on à quel point ‘Crime et châtiment' a marqué l'histoire des idées ?

Mais une énigme demeure. L'auteur nous permet de voir qui est le véritable Singer, et ce qu'il comprend vraiment des quatre personnes qui s'accrochent à lui comme à une bouée. Mais sa bouée à lui ? Qui est vraiment Antonapoulos ? Singer le voit comme une sorte d'intermédiaire entre le ciel et la terre – ce que les autres voient en Singer, en fait. le reste du monde comme un être insignifiant et obèse. Qui a raison ?

Carson McCullers est un écrivain indissociable du sud des Etats-Unis et de la grande dépression. Elle est également connue pour son amour pour Annemarie Schwarzenbach, figure centrale mais aujourd'hui un peu oubliée du monde intellectuel de l'entre-deux guerre au côté d'Erica Mann, Ella Maillart, Catherine Pozzi, Karen Blixen… de quelle richesse pour la littérature féminine fut cette époque !
Commenter  J’apprécie          362
Il y a bien longtemps, j'avais adoré le Coeur est un chasseur solitaire mais les raisons qui me poussent à aimer ce texte de nouveau sont certainement différentes. Je voyais dans ce beau roman un romantisme que je ne trouve plus. Par contre, j'y vois autre chose: en Amérique, à la fin des années 30, dans une petite ville sans nom, plusieurs personnages aiment et peinent. Nous sommes dans le sud des USA, celui qui est dit arriéré et est ségrégationniste.
Mick, quatorze ans, est encore écolière et rêve de musique et voudrait écrire des symphonies. Elle est encore aux portes de l'amour, de la vie sociale et de son conditionnement. Elle sait s'embraser et se laisser traverser par l'Amour. Biff Branon tient un restaurant et voudrait ne jamais avoir aimé. Blunt, syndicaliste, vante la rébellion des frères de pauvreté et leur triomphe. Singer, sourd muet à l'attitude digne, ne vit que pour son ancien colocataire, un gros homme au nom grec, sourd et muet lui-aussi. On l'a transféré, suite à ses nombreuses frasques, dans un asine d'aliénés. Enfin, le docteur Copeland, Noir vindicatif, courageux mais épuisé, n'en peut plus de la ségrégation qui lui prend son petit fils Willie et le mutile. Tous ces personnages errent, combattent et peinent pour un monde meilleur qui seraient moins réducteur, moins impitoyable et moins effarant. Mais personne au fond ne parvient à parler pour unir...
Les émotions des personnages, leur recherche d'un idéal qui passe par l'Amour et leur inéluctable désillusion sont rendues à merveille par la plume de Carson Mac Cullers qui, pourtant, a écrit ce roman toute jeune. Qu'on soit employé dans un cirque, docteur, petite enfant fière de sa beauté, enfant perdu dans le monde des pauvres, mère d'un fils massacré ou handicapé cherchant son pareil, tous semblent ici se heurter à une vaine quête d'amour, de reconnaissance et d'apaisement. Paradoxalement, leurs pauvretés, leurs erreurs et leurs manquements les grandit dans le texte. Personne n'est à même de voir ce que l'autre met en lui et personne n'entend la musique qu'il sait jouer pour l'autre. Mais chacun dégage, en acceptant sa malheureuse condition, une belle humanité et chacun se jette dans le monde...
Bouleversant.
Commenter  J’apprécie          94
UNE PETITE PÉPITE
Alors oui, c'est un livre qui se mérite et nécessite un petit effort.
Mais bon sang, comment une gamine d'à peine vingt-deux ans est capable de pondre un truc pareil ? Je ne me lancerai pas dans un résumé ou une critique dithyrambique, d'autres l'ont fait avec beaucoup plus de talent que moi.
Ce qui est bluffant, c'est qu'il n'y a pas d'histoire... plutôt des histoires.
Chronique des années trente dans une petite bourgade du sud des États-Unis.
Mais quelle justesse de ton, quelle finesse dans l'analyse. Ça sent la vie pas facile, la solitude, le fatalisme, le manque d'argent, les passions refoulées, le plus beaucoup d'espoir...
Je comprends mieux la phrase de Nicole Chardaire dans l'entame du livre: "Carson McCullers appartient à la génération qui succède à Faulkner, Steinbeck, Hemingway, et qui annonce Kerouac et Salinger."
Mon sentiment au terme de cette lecture ?
Mélancolie ? Peut-être....
Mais quel bouquin ! Exceptionnel.
Commenter  J’apprécie          333
Je viens de terminer complètement bouleversé la lecture de ce qui est pour moi un chef-d'oeuvre absolu.
Et quand je m'imagine que ce livre fut publié alors que Carson McCullers avait à peine 23 ans, et après avoir publié l'année précédente Reflets dans un oeil d'or, je suis émerveillé de ce que certaines et certains êtres humains, ils sont peu nombreux ces génies précoces, ont déjà acquis la maturité que d'autres mettront des années à atteindre. C'est un mystère.

J'ai plus qu'un coup de coeur pour ce roman magnifique à tous points de vue: l'humanité profonde qui l'anime, la densité des personnages, la merveille de la construction, la beauté de l'écriture.

Et comme chaque fois que ça m'arrive, mes pensées se bousculent, et il m'est difficile de les ordonner, il y a tant à dire.

D'abord la densité des personnages principaux et même des « seconds rôles ».
Il y a Biff Brannon, le tenancier du Café de New York, un choix de nom bien ironique pour ce modeste troquet. Biff Brannon, l'homme en apparence placide, mais ambigu sur ses préférences sexuelles, observateur plutôt qu'acteur de ce drame.
Les trois autres tourneront autour d'un astre mystérieux, le muet Singer (encore un choix ironique de nom) qui, tel le substitut d'un dieu, recueillera les confidences des protagonistes.
Le Docteur Copeland, un médecin noir, entièrement dévoué à ses patients, dont les espoirs fondés pour un avenir meilleur de ses enfants ont été terriblement déçus, un homme âgé qui s'épuise aussi dans la défense de son « peuple », qui rêve d'une émancipation des noirs par les progrès de leur savoir.
Il y a Jake Blount, l'ouvrier pauvre travaillant dans un manège, alcoolique et violent, poussé par un idéal communiste, et qui voudrait, sans savoir comment faire, et c'est son drame, que les ouvriers se révoltent contre le pouvoir de l'argent, de ces quelques-uns qui l'accaparent.
Il y a le personnage merveilleux de Mick Kelly, adolescente de 14 ans trop grande pour son âge, pleine de vie et de rêves, se réservant un « espace du dedans » pour ses rêves, ses compositions de musique, une jeune fille si touchante, où sans doute, Carson McCullers a mis beaucoup d'elle-même.
Ce trois figures archétypales, mais jamais caricaturales, pleines de complexité, de sensibilité, de densité profonde, tournent “comme les rayons d'une roue dont il serait le moyeu » autour de John Singer, un muet, employé d'un atelier de bijouterie, qui va recueillir leurs confidences et répondre comme il peut, toujours avec bienveillance, à leurs questionnements. Mais tous les trois ne savent pas que Singer vit le drame de la séparation d'avec son ami Antonopoulos, muet comme lui et interné bien loin de là dans un asile.
Et puis autour de ces quatre, gravitent aussi tout un monde grouillant de vie, la famille, des enfants aux parents et grands-parents, les amis, les voisins.
Et toute cette histoire se passe dans l'atmosphère d'une petite ville du sud des États-Unis, sans qu'il y ait, à aucun moment, une image appuyée, régionaliste, sudiste.
Ce qui frappe, c'est la pauvreté, le manque d'argent, l'absence de perpectives, la violence à l'égard des noirs, mais aussi la formidable solidarité, l'amour entre les gens, une humanité qui souffre mais se serre les coudes.
Pour paraphraser (et en changer un peu le sens) la belle et émouvante chanson de Michel Berger dédiée à Tennessee Williams, le grand ami de Carson Mc Cullers,il y a dans ce roman:
« le désir fou de vivre une autre vie
…Tellement d'amour avec si peu d'envie.. »

Je voudrais insister sur la construction magnifique du récit, une première partie à la manière d'une ouverture, se déroulant sur une journée, une deuxième partie se développant sur une année, et une troisième partie comme un épilogue d'un jour. Et la narration à plusieurs voix, qui crée parfois des difficultés, il faut rester attentif, mais vraiment formidable.

Et enfin, l'écriture si belle, si juste, une merveille de concision, mais aussi une merveille de beauté des images, ainsi par exemple, celle du temps qu'il fait, incroyablement au diapason des sentiments.

J'aurais encore tant de choses à écrire, la dimension politique, sociale et quasiment prophétique, le rôle de la musique, etc…, mais je n'en dis pas plus pour vous laisser découvrir cet extraordinaire roman.

Pour finir, je voudrais reprendre à mon compte ce qu'a écrit mon ami Berni qui a fait une superbe critique de ce livre. C'est à quel point la littérature américaine est, à toutes les époques, si riche, variée, et que la lecture d'un auteur ou d'une autrice nous amène à un ou une autre, de Steinbeck à McCullers, de Faulkner à O'connors, d'Hemingway à Carver, de Bradbury à Dick, etc…, tout un champ immense de découvertes et de résonances.
Commenter  J’apprécie          4914
Il n'y a aucun doute, la rencontre de Carson, à l'âge de 16 ans, a été pour moi la première révélation de ce qu'est un écrivain. Désolé pour ce mot masculin. Une auteure, une autrice, une artiste, une poétesse de la vie humaine, une romancière, Carson.
Ce roman est terriblement situé dans le temps et l'espace, dans le sud des USA, dans une petite ville insipide, dans les années 20-30 du XXe siècle, mais qu'importe, c'est l'histoire aussi de un, de cinq, de trente ou quarante personnages, que l'on voit vivre sous le soleil implacable, dans les rues vides, près du café de Biff Brannon, dans la chambre d'hôte de John Singer, dans les shorts de Mick Kelly, derrière les lunettes du Docteur Copeland et les moustaches de Jake Blount.
J'ai relu ce livre au moins une fois tous les cinq ans depuis. J'en ai près de cinquante. Chaque fois, je pouvais être, être Mick, Jake, Biff ou Copeland... Chaque fois, j'étais emporté dans le récit de ces individus fixés dans leur temps, leur lieu, leur condition, et leur désir d'y échapper, d'en faire échapper...
Ce livre est un roman d'émancipation, au moins autant qu'un roman qui exprime son amour de l'humanité.
Ce livre est un roman communiste, aussi, parce qu'il exprime la profonde affirmation que nous sommes tous égaux dans notre privation de liberté.
Mme McCullers, je vous aime...
Commenter  J’apprécie          00
« le coeur est un chasseur solitaire » dont la violence de la société et les forces d'ordre américaines contre les afro-américains fournit le point culminant est très actuel. Pourtant, il faut reconnaitre que l'auteur n'était nullement opportuniste. Ce roman brillant est sorti en 1940. Les progrès se fait bien lentement aux É-U.
Ce roman qui est beaucoup aimé chez les Américains est peu connu ailleurs. Je conseille à tous les francophones de Canada et de l'Europe de lire ce chef d'oeuvre de la littérature américaine. L'intrigue à sens unique surprend quand meme dans chaque chapitre. Malgré le très fort parti pris de l'auteur sur le plan politique, le ton est très tendre et les personnages sont très touchants.
Commenter  J’apprécie          41
"Ce texte, écrit par une insoumise en 1940 (...) vient réchauffer nos désarrois. Il vient nous porter une parole solidaire, en miroir. Solidaire de nos élans échoués, nos questionnements, de nos incapacités à traverser les apparences, solidaire de nos isolements, de nos désirs incoercibles de nous unir aux autres; ce que Carson McCullers nommait « le besoin basique d'appartenir, de faire partie de quelque chose, de se sentir comme faisant partie de la vie. » "
Kits Hilaire (Extrait) dans Double Marge à propos de la sortie de "Ariane Ascaride lit le coeur est un chasseur solitaire de Carson McCullers, La bibliothèque des voix, Des femmes-Antoinette Fouque."
Lien : https://doublemarge.com/asca..
Commenter  J’apprécie          610
Passionnante chronique dans une ville du Sud des États-Unis dans les années 30, où la pauvreté dicte sa loi. J'ai aimé les personnages, qui se côtoient sans vraiment se connaître, qui s'apprécient sans toujours se comprendre. Un roman doux-amer, comme la vie de la jeune Mick, qui avait des rêves, pourtant.
Commenter  J’apprécie          120
Le coeur est un chasseur solitaire, c'est un premier roman, celui de Carson McCullers qu'elle publia à l'âge de vingt-deux ans.
L'histoire repose sur trois fois rien, nous sommes dans les années trente, dans une petite ville du sud des États-Unis.
John Singer vit avec son ami Antonapoulos. Tous deux sont sourds-muets. Lorsque Antonapoulos est interné dans un asile, Singer décide de venir loger chez les Kelly.
Ce livre est l'histoire de plusieurs destins qui se croisent. Il y a tout d'abord Mick la fille des Kelly, adolescente de quatorze ans, complexée, garçon manqué, elle ne rêve que d'une seule chose : devenir un jour musicienne. Sous son lit elle cache ce violon qu'elle s'est elle-même confectionnée. le docteur Copeland, médecin noir, pétri d'humanité veut, quant à lui, croire en un monde idéal loin des brimades racistes dont il est victime au quotidien. Il y a Biff, tenancier de bar qui observe ses clients pour échapper à une vie de couple terne. Jake communiste, lui, rêve d'un monde plus juste...
Chaque personnage vit pour un projet, un rêve, une ambition qui le porte, le brûle...
John Singer, personnage principal du roman va très vite devenir le confident de Mick, puis des autres personnages. Il ne parle pas mais recueille leurs confidences. Ce sont des êtres fragiles, désoeuvrés, en quête d'espoir, en quête de communication, cherchant davantage un miroir que dialoguer, simplement croire un instant à cette illusion qu'ils sont entendus. John Singer les apaise alors que lui-même ne vit que pour son ami. Son calme et sa courtoisie inspirent confiance, leur permet d'entrevoir la possibilité d'être compris.
C'est un roman foisonnant et âpre, qui sent la vie et le désespoir, qui incarne le sud des États-Unis des années trente, l'errance, une jeunesse peut-être désabusée qui a un mal fou à passer de l'adolescence à l'âge adulte, la crise déjà là, la pauvreté qui n'a pas attendu la crise, le racisme bien plus ancré encore que les arbres et leurs racines.
Les personnages sont grouillants, attachants, touchants, rêveurs, emplis d'illusions, ils ont des rêves qu'ils n'atteindront jamais et sans doute le savent-ils déjà, du moins inconsciemment...
Le coeur est un chasseur solitaire, c'est le roman de l'Amérique profonde, celle du puritanisme et des laissés-pour-compte.
Parfois les romans sont comme des ricochets. On va de l'un à l'autre. Je me suis demandé brusquement si mon amour des romans américains ne venaient pas de cette rencontre. Dois-je ainsi mon émerveillement, mon admiration à l'oeuvre de Jim Harrison, de John Fante, de Raymond Carver ou encore de William Faulkner et pourquoi pas aussi de John Steinbeck et plus récemment de Toni Morrison ou de Harper Lee, grâce à ce texte fondateur ? Pourtant, il y a si peu de points communs entre ce roman et l'oeuvre de ces autres auteurs, sauf peut-être un rêve américain aussi étincelant qu'une flaque de boue, sauf peut-être une attention aux laissés-pour-compte.
Mon cheminement est pourtant parti de ce roman, relu tout récemment.
Ici il y a comme une voix singulière qui m'a touché.
Ici ce sont de multiples solitudes à plusieurs, le discours de chacun des personnages est solidaire des autres grâce à John Singer qui sait faire le lien entre eux. C'est comme un fil qui se tisse, ouvrant à l'altérité.
Ici se côtoie la joie et la douleur. Ce roman est d'une cruauté insoupçonnée, il décrypte avec acuité les impostures de la réalité et ce qu'il y a de vrai dans les illusions. C'est sombre et en même temps il y a une grâce. C'est beau et touchant.
J'ai adoré ce personnage de Mick Kelly, sans doute est-elle l'alter ego de Carson McCullers. Mick, adolescente solitaire qui n'attend qu'une chose, déployer ses ailes...
Cette solitude n'est pas subie. le personnage de Mick perçoit cette solitude de manière positive. C'est une solitude féconde, un espace du dedans empli de secrets, dans lequel elle construit son rêve de musique tendu comme une promesse.
Souvent on se rachète, on se rattrape, on se réalise dans le silence et la solitude...
En arrière-plan de ce roman figurent la crise, la guerre qui approche, la misère toujours là.
Carson McCullers a un talent fou à savoir peindre les gens ordinaires, ceux que le rêve américain a laissé au bord du chemin.
Sans doute ce livre, par son pessimisme à fleur de peau, ressemble à une petite tragédie. Mais c'est aussi une voix singulière, emplie d'empathie, qui a su me prendre par la main et me bercer comme une musique.
Le coeur est un chasseur solitaire est un roman immense.
Commenter  J’apprécie          355
Immense. Voilà. Ce mot pourrait suffire... Mais ce mot est trop petit. Alors que serait un immense roman ? Un roman qui marque, qui marque une époque ,un tournant, un roman qui marque profondément son lecteur. Un roman comme un espace, une peinture, une musique, une lumière, un parfum. Des personnages tellement présents à leur solitude, à leur difficulté de survivre. Tellement de choses écrites. Nous sommes dans la fin les années 30. La guerre va faire rebasculer le monde. « Liberté, ils ont fait de ce mot un blasphème » … 22 ans, Carson McCullers avait 22 ans lorsqu'elle écrit cette phrase. Oui, immense et incroyable roman. Vingt deux ans pour projeter la marche sur Washington...comment ne pas y voir, ne pas penser à La Marche sur Washington pour l'emploi et la liberté qui se déroulera le 28 août 1963 ? le coeur est un chasseur solitaire a été publié en 1940.
Aucun personnage n'est petit, négligé, étroit . Ils sont tous étranges...peut être. Mais qui est le plus étrange ? Eux ou ce monde de folie où ils doivent tenter de survivre ? Ils sont singuliers. Particuliers, tellement proches, vrais. Je les porte en moi pour toujours : Mick, Singer, Biff, Doctor Copeland, Blount, Portia, les Kelly….
Alors oui immense, et je ne cache pas que je vois une certaine filiation entre les écrits de Carson McCullers et Toni Morrison.
Comment ai-je pu ne pas lire Carson McCullers…. Comment ai je pu vivre sans savoir ?

« Toute chose qui grandit doit passer par des moments d'étrangeté. le créateur incompris à cause de son refus des conventions doit se dire “Je vous semble étrange, mais au moins je suis vivant.” » (‘If only traditional conventions are used an art will die (...). Any growing thing must go through awkward stages. The creator who is misunderstood because of his breach of convention may say to himself, “I seem strange to you, but anyway I am alive.”' )- Carson McCullers.


Astrid Shriqui Garain
Commenter  J’apprécie          327




Lecteurs (2958) Voir plus



Quiz Voir plus

Dead or Alive ?

Harlan Coben

Alive (vivant)
Dead (mort)

20 questions
1824 lecteurs ont répondu
Thèmes : auteur américain , littérature américaine , états-unisCréer un quiz sur ce livre

{* *}