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Purple America » de
Rick Moody, publié en 1996, avait été élu Livre de l'année par le New York Times et le New York Post. Mais pourquoi l'Amérique prendrait-elle une teinte « purple » – aubergine, pourpre, ou violette ? le drapeau étoilé aurait-il été lavé à trop haute température ? Ou bien faut-il plutôt y voir symboliquement la nostalgie du passé, la chronique annoncée d'un déclin, la lumière du crépuscule ?
L'histoire
Hex Raitliffe rend visite à sa mère, Billie, qui souffre de nombreux handicaps en lien avec une grave maladie neurologique. Il l'emmène dîner dans un restaurant, où il croise une de ses anciennes camarades de classe, dont il était à l'époque vaguement amoureux, Jane. Mais la soirée vire au cauchemar : Hex se lance à la poursuite de Lou Sloane, son beau-père, tandis que Jane se retrouve seule à prendre soin de Billie.
Et je vous laisse découvrir les tenants et les aboutissants, car on n'est pas là pour spoiler.
Pourquoi le lire
Lancé par une phrase qui se déploie sur 5 pages (!), le début du livre est assez rude; l'état de la pauvre Billie étant vraiment pitoyable, cela donne lieu à des séquences tragi-comiques, parfois difficilement soutenables. Mais aux alentours de la deux-centième page, le ton bascule plus ouvertement vers l'humour, et le style très particulier de
Rick Moody, quasiment clinique, rend franchement désopilantes les tribulations alcoolisées et bégayantes du malheureux Hex . La tension monte ensuite, jusqu'à atteindre un paroxysme de suspense à la fin. On assiste à l'éclatement du noyau familial, en écho à l'accident de la centrale nucléaire toute proche – tandis que Lou Sloane, ballotté entre ces deux évènements, se bat avec la culpabilité. Ainsi, tout en adoptant en alternance le point de vue des différents protagonistes, l'auteur joue avec nos émotions, afin peut-être de nous inciter à réagir aux thématiques abordées : la vieillesse, la mort, la responsabilité, la solidarité. C'est un roman troublant, dérangeant, qui dépeint sans fard des personnages et des situations toujours sur le fil du rasoir.