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Jean-Pierre Carasso (Traducteur)Jacqueline Huet (Traducteur)
EAN : 9782020367196
416 pages
Seuil (18/03/1999)
3.77/5   92 notes
Résumé :
Comme l'inoubliable héros de Citizen Kane, Will Savage est un personnage plus grand que nature. Sa biographie est un roman, une histoire pleine de bruit et de fureur.

Rebelle Sudiste, milliardaire hippie, ami des Black Panthers, Will Savage traverse les années 70 comme un météore, laissant dans Son sillage des amours fracassées, des espoirs déçus, des amitiés fanatiques. Son existence tient à la fois du Soap Opera et de la tragédie grecque.
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Jay McInerney fut pendant les années quatre-vingts l'un des enfants terribles de la littérature américaine ainsi que l'une des icônes de son renouveau. Moins transgressif que son camarade Bret Easton Ellis, il consacre son oeuvre à dépeindre inlassablement le New York des nantis qui domina le monde durant les dernières décennies du vingtième siècle.

Dans ses nouvelles désabusées comme dans ses romans foisonnants, il revient avec une délicatesse douce-amère sur les traumas qui ont métamorphosé la ville-monde, le krach boursier de 1987 dans « Trente ans et des poussières » ou le 11 septembre 2001 dans « La belle vie ».

Paru en 1996, « Le dernier des Savage » est un roman atypique qui sort du cadre new-yorkais de l'oeuvre de Jay McInerney pour s'intéresser au destin hors norme de Will Savage, rebelle sudiste, milliardaire hippie et proche des Black Panthers. A travers la destinée de ce personnage fictif, l'auteur entreprend de nous conter ce moment charnière de la fin des années soixante, le bruit et la fureur d'un pays en ébullition, en nous emmenant sur les traces du « dernier des Savage », dans le delta du Mississippi encore hanté par la noirceur de son passé esclavagiste.

Pour nous narrer le personnage « bigger than life » qu'incarne Will Savage, McInerney invente Patrick Keane, qui représente une sorte de négatif photographique de son héros flamboyant et déjanté. Patrick et Will se rencontrent à la fin de leur adolescence dans une école préparatoire privée, qui permet à Patrick d'intégrer les universités les plus prestigieuses du pays, Yale puis Harvard, tandis que Will s'envole loin d'un système trop étriqué au risque de se brûler les ailes, tel un Icare des temps modernes aveuglé par la fureur de la révolution des « radical sixties ».

Introverti, posé et troublé par une sexualité ambiguë, Patrick se lie d'une amitié aussi sincère que durable, avec Will, sauvage, libre, qui s'enthousiasme pour la musique et la « cause noire », une manière inconsciente d'expier les péchés de son ascendance sudiste.

La réussite du roman tient à la facilité avec laquelle l'auteur nous emporte dans le vortex qui mêle la traversée météorique des années soixante-dix de Will Savage et l'ascension calculée de Patrick Keane. Si le charisme de l'enfant terrible du Sud qui produit les bluesmen noirs de Memphis et côtoie les Rolling Stones l'emporte sur le caractère mesuré du narrateur, le roman trouve une sorte de point d'équilibre lorsque la raison du narrateur tente de contrebalancer la folie qui gagne peu à peu son ami. La place de choix accordée aux personnages féminins, la truculente Lollie Baker, ainsi que Taleesha, la beauté ébène dont s'éprend Will, offre à la fresque de McInerney une profondeur romanesque touchante.

Le roman nous conte l'ascension et les déboires du truculent Will Savage à travers le regard inquiet de Patrick Keane qui réussit à force de travail et de talent à se faire une place parmi les nantis new-yorkais. Cette trame narrative est au fond le prétexte utilisé par l'auteur pour aborder le coeur de son sujet : nous peindre une époque charnière éruptive, où tous les excès sont permis, sur fond d'un conflit racial qui menace d'embraser un pays tout entier.

En embrassant la destinée de ses deux protagonistes sur plusieurs décennies, McInerney aborde avec une pointe de mélancolie le mystère du temps qui passe et emporte avec lui les espoirs et les excès de la révolution hippie. Fresque aussi ambitieuse que réussie, « Le dernier des Savage » est un hymne désenchanté à la quête magnifique d'une génération oubliée : la liberté. L'épopée improbable de Will Savage est animée par un élan vital, une sauvagerie et surtout la croyance chevillée au corps que tout est possible, à condition de faire imploser les conventions d'une Amérique engoncée dans ses certitudes.

« Will voulait nous libérer tous ; il avait sans aucun doute hérité le goût des causes perdues. Il y eut pourtant des moments - vacillant à ses côtés, en coulisse, à Boston ; remontant à toute vitesse un sens unique avant l'aube dans une rue de Memphis ; sillonnant dans la voiture décapotée la poêle chauffée à blanc du delta du Mississippi en quête du blues - où je sus, au moins l'espace d'un instant, ce que c'était de se sentir libre ».
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Will Savage et Patrick Keane se rencontrent parce que le hasard leur fait partager une chambre d'internat alors qu'ils fréquentent la même classe préparatoire.

Tout, chez eux, les différencie comme tout les rapproche, paradoxalement. Will est fils et petit fils de propriétaires sudistes, esclavagistes, fortunés quand Patrick, d'origine irlandaise, continue ses études grâce à une bourse et compte dans ses ascendants des irlandais qui ont émigré pour fuir la famine de leur pays.
L'un est sûr de lui, à l'aise, défie les institutions, l'autre est timide, gauche, introverti, toujours gêné de ses origines et bien décidé à évoluer socialement.
Ils ont en commun de partager le rejet de leur ascendance : Will refuse l'attitude suprématiste de son père et Patrick le manque d'ambition et la modestie de la carrière du sien. Tous les deux n'ont qu'un désir : s'éloigner du chemin emprunté par la génération précédente.


Will ne s'intéresse qu'à la musique, le Blues, aux talents qu'il veut découvrir et espère produire et faire connaître, aux standards qu'il ne cesse d'écouter et d'expliquer à un camarade de chambrée qui ne connaît que les Beatles ! Will aspire à vivre au milieu de ce peuple que son père exècre, y écrire son avenir, en partager les idéaux quand Patrick ne veut qu'étudier, devenir un homme respectable dans une société qu'il espère bienveillante.


L'Amérique du milieu des années soixante, c'est une Amérique des bouleversements, des luttes raciales, des droits Civiques, celle qui entoure l'engagement du pays au Vietnam.

La lecture est bercée de la voix de Muddy Waters, de celle de Martin Luther King et des rencontres de ceux qui "rentrent" de l'enfer ou de ceux qui grossissent les rangs des Blacks Panthers.


Le livre est le récit, à travers la voix de Patrick, de cette amitié avec en filigrane, l'évolution de la société américaine. C'est l'histoire de deux vies, de deux engagements radicalement différents, des résignations, des replis sur soi pour atteindre l'idéal qu'on s'est forgé ou au contraire des coups d'éclat, de la folie d'une vie où le présent s'écrit dans les hallucinations des vapeurs des drogues et autres alcools pour garder courage. L'un n'aspire qu'à la révolte quand son ami ne lui parle que de raison.

L'écriture de Jay McInerney est prenante, les pages se tournent, celles du livre et celles de la vie des deux personnages. Difficile d'arrêter la lecture, parce que notre esprit est occupé par la même quête, par le même questionnement qui agite les deux hommes : que sont devenus les idéaux de jeunesse ? Quelle vie s'est construite ?
Où est, finalement la Vraie vie ? Dans la défiance permanente face à des institutions corrompues ou dans l'irrévocable respect de ces mêmes institutions ?
Qui a raison, qui a tort ? Will ou Patrick ?
Et si aucun des deux ne détenaient la vérité d'une vie…
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Dans cette histoire d'amitié entre deux hommes que tout oppose, Jay McInerney brosse un portrait au vitriol du monde des nantis, milliardaires sans scrupules et sans âme. Proche de Bret Easton Ellis, il dépeint des adolescents, enfants de riches, qui se détruisent dans toutes sortes d'excès. Mais si la plume de Ellis est crue et violente, celle de McInerney est plus classique et en demi-teintes.

Le narrateur est issu d'une famille irlandaise modeste et cherche à s'élever dans la bourgeoisie wasp, en accord avec le rêve américain. Si son amitié pour Will est sincère, c'est aussi, et on le devine rapidement, qu'il est fasciné par ce personnage hors du commun et en est secrètement amoureux. L'homosexualité est discrètement évoquée vers la fin du roman et semble n'être qu'un aléa de la vie qu'on peut aisément dépasser. Peut-être parce que le roman a été écrit en 1996 et que s'il était possible de parler d'homosexualité, il était encore difficile de l'assumer !!!

Son ami Will, le héros du roman, est fils de famille sudiste, anciennement esclavagiste. En révolte contre son milieu, empli de haine envers son père, il se passionne pour le blues, fréquente les musiciens noirs et les tripots, comme pour effacer les crimes familiaux.
Il traverse les années 70 comme une météorite et devient milliardaire hippie, producteur de musique et ami des Black Panthers. Son amour pour Tabitha, jeune chanteuse noire, ne suffira pas à l'éloigner des drogues. Il traverse les années en état de trip permanent tout en assurant sa carrière, avec ce charisme qui lui permet de rebondir à chaque épreuve.

Le roman est de facture assez classique, avec ce sens de la narration propre aux très bons romans américains. Sans doute par souci du réalisme et un certain cynisme, la quête existentielle des deux personnages tourne court : Patrick s'accommode d'une vie bourgeoise en renonçant à sa sexualité et Will se range pour élever son fils et se réconcilie avec son père.
Mais le petit clin d'oeil final sur "le dernier des Savage" remet en question un dénouement trop conformiste.
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Un livre que j'ai trouvé par hasard dans une foissonante libraire de seconde main.
Etant un fan de la littérature américaine c'est avec plaisir que j'ai déciuvert un nouvel auteur américain : Jay McInnerney qui nous propose un roman d'apprentissage qui raconte l'histoire d'une amitié entre deux jeunes hommes étudiants américain que tout oppose : Patrick Keane le garçon placide racontant l'histoire du dernier des Savage, son meilleure ami : Will.
Ces deux-là vivent dans l'époque de mai 68 avec deux idéaux diamétralement opposé : la poursuite du rêve américain qui passe par Harvard, cabinet d'avocat et réussite profesionnelle d'un côté et de l'autre celui du gosse de riche qui a les moyens de sa rebellion.
L'ambiance américaine de cette époque est très bien décrite, on s'y croirait et le portait de Will Savage, personnage haut en couleur et totalement débrydée apporte un bon éclairage pour tous les amateurs de rythm and blues.
Un roman qui expose bien le destin croisé de deux personnages ou l'un pimente la vide de l'autre.
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Le dernier des Savage, c'est Will, jeune sudiste rebelle et fortuné, dont le plus proche ami depuis l'université, Patrick Keane, tente de raconter le parcours. Né dans une famille du Sud profond, Will Savage a été élevé dans l'opulence, les coutumes pseudo aristocratiques et le conservatisme. Mais lui refuse cet univers, ces codes d'un autre temps, et vit au rythme de la contre-culture, des idées nouvelles et des modes. Vite accro aux drogues et à l'alcool, il se consacre à la musique – noire surtout –, lutte contre la ségrégation, fréquente les milieux interlopes et disparaît pendant des jours à la façon d'un Jim Morrison
Patrick est tout l'inverse : issu d'un milieu modeste, son entrée à Yale est la promesse d'un avenir qu'il pense radieux, d'une vie bien au-dessus de celle de ses parents. Il fait tout en ce sens et s'évertue à coller au plus près des codes. Son rapport à Will n'est pas dénué d'ambigüités : à la fois fasciné par ce personnage un peu fou et par Savage père qui représente toute l'assise sociale vers laquelle il espère tendre un jour ; envieux des conquêtes féminines de Will mais peut-être en peu amoureux ; jaloux de sa liberté effrénée et exaspéré par ses inconséquences…
Leur attachement n'en reste pas moins fort et parvient à traverser les années et c'est le portrait de ces décennies troubles qui se dessine peu à peu, davantage encore que celui d'une étrange amitié.

Un roman bien plus rude qu'il n'y paraît au départ, où Jay McInerney se montre éminemment critique vis-à-vis de la société américaine, de son racisme, de ses faux-semblants et de ses clivages de tous ordres. Pour l'instant, le meilleur que j'ai pu lire de lui.

Lien : http://monbaratin.blogspot.com
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
- "(...) T'aimes le blues ?
- Bien sûr, dis-je, sans trop savoir qui ou quoi le blues pouvait être. (...) Il s'était écoulé à peine quelques minutes que nous écoutions une complainte étrange et perçante. Il était assis en tailleur sur le lit, dodelinant du chef derrière ses lunettes de soleil, expliquant avec un zèle évangélique que le chanteur - le plus grand génie musical américain de tous les temps - était mort à l'âge de vingt ans, empoisonné par une femme jalouse.
- C'est l'art le plus pur que notre foutu pays ait jamais produit, mon vieux. Ecoute-moi ça. On dirait l'essence obtenue par la distillation de la souffrance et de l'aspiration à la liberté. C'est pourquoi il ne pouvait être produit que par des descendants d'esclaves."
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- "C'est pareil, ajouta-t-elle, qui voudrait commencer à fumer s'il ne fallait pas le faire en cachette ? C'est ma philosophie. Tout ce qui vaut la peine d'être fait est d'ordinaire précédé des mots : "Tu ne feras point." En dehors peut-être de la lecture."
Exprimés avec l'accent trainant du Sud, ces sentiments semblaient particulièrement radicaux. Elle s'interrompit pour y repenser.
- "D'ailleurs même la lecture, on est censé ne la pratiquer qu'avec modération, dans ce coin. Et bien sûr, les jeunes filles bien élevées du Sud ne sont pas censées, elles, fatiguer leur jolie petite cervelle. Les messieurs du Sud n'aiment pas qu'elles soient trop savantes."
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L'air fécond et chargé de présages du printemps, au contraire, m'emplit d'agitation et de tristesse, il fait germer un sentiment de regret, éveille la conscience de toutes les routes que je n'ai pas prises et de tous les désirs que j'étouffe sous les lainages d'un hiver perpétuel. C'est au printemps que je ne puis me débarrasser du sentiment de ce à quoi j'ai renoncé.
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Comme Matson, je préférais la sonorité dense de ses premières oeuvres aux vers libres de ses confessions les plus récentes. Quand Lowel abaissa le filet sur le court de tennis de sa prosodie, dans "Life Studies" et "For the Union Dead", Matson ressentit une trahison aussi vivement que les folkeux quand Bob Dylan électrifia sa guitare.
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On sentait parfois la présence du mâle à l'arrière-plan, engourdi dans une torpeur menaçante, semblable à quelque vénéneuse créature des fonds océaniques qui demeure immobile dans le sédiment des heures durant pour mieux exploser et saisir toute créature de plus petite taille qui a le malheur de passer à sa portée.
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Bright Lights, Big City (1988) ORIGINAL TRAILER
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