Pour apprécier, savourer ce court roman, le premier de son créateur, donc publié en 1930, je pense qu'il est nécessaire de se remettre dans ces années-là... le récit de ce livre, tout à fait étonnant, se déroule en 1918... c'est donc encore la guerre, ca sent la fin, mais comme on dirait aujourd'hui ca sent le sapin, c'est-à-dire que déjà les civils recueillent les blessés, les amputés de retour du front.
Même si le thème apparemment principal du roman est l'histoire de quatre adolescents entre deux mondes, le thème sous-jacent est cette guerre, mais ce thème en devient dominant. Car il détermine les trajectoires, les destins des uns et des autres, si minutieusement dessinés par l'auteur.
En effet, cette guerre, pour la Hongrie, a enlevé les pères, ainsi l'autorité, la sévérité, la loi, la règle établie. Il ne reste que des femmes (en très petit nombre et faibles et maladives ou les deux ) et les adolescents : quatre. Abel, Tibor, Erno et Bela. Et des personnages satellites.
Quatre figures emblématiques de ce que a pu être la Hongrie au moment de la déliquescence de l'empire austro-hongrois. Quatre figures qui devraient la construire cette Hongrie. Et ben, pas simple... conflit de classe, conflit de religion, conflit ethnique, donc politique... chaque adolescent figure une composante de la nation hongroise qui devra émerger après 1918.
Certes l'on pourra y lire un simple roman adolescent, comme
les Enfants terribles de
Jean Cocteau.
Moi je crois, j'ai vu, j'ai lu, une quête bien plus profonde qui est la quête d'une nation, un bébé, un adolescent, qui doit se battre, qui doit se rebeller contre les anciens, contre les lois séculaires.
La portée de ce livre est éminemment, supérieurement politique, noblement.
A part cela, l'écriture est belle : précise, les descriptions autant les paysages que les visages, sont magnifiques, tranchante, sans fioritures.
C'était mon premier livre de
Sandor Marai, j'attaque le second,
Les Etrangers.