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EAN : 9782080430137
400 pages
Flammarion Jeunesse (13/09/2023)
4.31/5   276 notes
Résumé :
Qui est Rita ?
Que lui est-il arrivé ?
Tour à tour, élèves et professeur racontent leur année de terminale, celle qu’ils ont vécue.
Viggo qui aime Rita comme un fou, Romane, l’amie attentionnée, Timour, le copain décalé, tous brossent un portrait de Rita, une ébauche tendre, mais dramatiquement incomplète.
Leurs histoires disent l’amour, le désir, la rencontre sublime, le partage, mais chacun avoue aussi être passé à côté du drame.
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Critiques, Analyses et Avis (76) Voir plus Ajouter une critique
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Qui est Rita ?

C'est la question que se posent les élèves d'un lycée lorsque cette jeune fille aux splendides cheveux roux et aux yeux verts débarque lors de leur rentrée en terminale. Viggo, Timour, Romane, Sofiane et les autres vont néanmoins très vite se lier d'amitié avec leur nouvelle camarade de classe…sans pour autant voir arriver le drame qui se profile à l'horizon.

Qui est donc Rita… et surtout… que lui est-il arrivé ?

Si on ne sait rien de Rita au début de ce roman pour adolescents, on sait par contre qui est Marie Pavlenko et ceux qui, comme moi, ont lu l'incontournable « Je suis ton soleil », l'excellent « Un si petit oiseau » ou le très bon « Et le désert disparaîtra », connaissent sa superbe plume et lui font une confiance aveugle. Sachant qui était Marie Pavlenko, je me suis donc jeté les yeux fermés dans ce récit qui dévoile progressivement la descente aux enfers de Rita.

C'est sous forme d'interrogatoire que l'autrice donne successivement la parole aux amis de Rita, cherchant à reconstruire le fil des événements, de l'arrivée de Rita au lycée jusqu'à ce terrible drame dont on ignore tout. de chapitre en chapitre, le lecteur découvre les liens d'amitié qui se tissent entre les différents protagonistes, cherchant à entrevoir les indices de ce drame à venir, jusqu'à la prise de parole de Rita, révélation finale d'une gamine livrée à elle-même, qui a vécu le pire alors que l'on n'a rien vu venir…

Ce roman choral repose donc sur des personnages dont l'autrice dresse le portrait au fil des pages, les transformant en témoins qui tentent de reconstituer le fil de l'histoire à nos côtés. Des adolescents issus de milieux sociaux très différents mais qui forment progressivement une bien belle bande, à laquelle il est impossible de ne pas s'attacher. C'est pourtant derrière ce bonheur apparent que se cache un malheur bien réel, mais pas forcément visible…

Derrière ce roman d'amitié, de camaraderie, de premiers émois et de soirées entre copains mémorables, Marie Pavlenko dissimule donc un côté sombre, une descente aux enfers qui frappe de nombreux jeunes, pas toujours issus de milieux défavorisés, et qui nous percute de plein fouet au moment où Rita prend finalement la parole. Derrière les rires et la bonne humeur, l'autrice aborde ainsi des sujets plus durs, tels que la précarité, le deuil, l'alcoolisme, les violences physiques, la quête d'identité et puis ce thème principal que je tairai pour ne rien dévoiler et vers lequel l'autrice vous emmène petit à petit, sous le couvert d'un suspense qui vous incite à vouloir découvrir ce qu'il est arrivé à Rita, parsemant ici et là quelques signes annonciateurs de la tragédie qui couve, toujours avec cette bienveillance qui contribuera à mieux nous cueillir lors de la révélation finale…

De la littérature adolescente, à lire à partir de 13 ans, qui aborde un thème assez méconnu, mais particulièrement glaçant et malheureusement de plus en plus présent au sein de notre société, qui frappe de plus en plus d'adolescentes… probablement à partir du même âge. Un roman qui contribuera donc peut-être à sauver quelques Rita
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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Une couverture claquante et une auteure que j'ai découvert l'an dernier dans le recueil de nouvelles "Elle est le vent furieux" ; quand j'ai vu ce livre en évidence dans les coups de coeurs à la médiathèque, ma main s'en est saisi toute seule, un vrai réflexe "pavlenkovien" (pardon, je n'ai pas pu résister).
Marie Pavlenko me renvoie une image d'auteure engagée dans la protection de l'environnement, et qui sait trouver les mots pour s'adresser aux jeunes et les toucher, des mots souvent empreints de poésie mais jamais niaiseux ou simplistes. Les jeunes se reconnaissent dans ses écrits (et pas seulement les filles, comme j'ai pu le lire exprimé de façon fort dédaigneuse dans un autre retour). J'en veux pour preuves les nombreux emprunts de ses romans dans le lycée où j'ai travaillé l'an dernier, et les commentaires enthousiastes de ses lecteurs.

Dans celui-ci, Rita est bien sûr le personnage principal, mais dans un premier temps on ne la connaît qu'au travers de la perception de ses quatre amis : Viggo, devenu plus qu'un ami, Timour, Romane et Léna, et d'un professeur de philosophie, Monsieur Hems. Rita est arrivée dans ce lycée très bourgeois en début de terminale, elle y a fait forte impression avec sa tignasse flamboyante et son aisance à se faire une place dans cette classe de jeunes qui se connaissent depuis des années. Pourtant elle vit dans une HLM avec une mère à la dérive et des soeurs jumelles de neuf ans dont elle doit prendre en charge l'éducation plus souvent qu'à son tour. Elle n'a pas toujours vécu dans la précarité, on l'apprendra assez vite, mais un accident de la vie, comme on dit pudiquement, a fait basculer la famille dans une sale situation.

On sait d'emblée que "quelque chose" de dramatique est arrivée à Rita, et que ses camarades et son prof se sentent très coupables de ne pas avoir su déceler les signes avant-coureurs de cette catastrophe. C'est ce qu'ils expriment tour à tour devant une interlocutrice mystérieuse, dont on ne voit pas les questions, uniquement les réponses des cinq personnages précités.
C'est surtout Viggo qui nous renseigne sur sa relation avec Rita, mais aussi sur sa propre situation familiale guère plus reluisante, lui non plus ne rentre pas dans les standards du public de ce lycée. Ils sont tous les deux boursiers, ce qui va les rapprocher, ainsi qu'une attirance mutuelle. Il y a donc une composante "romance", mais ce n'est pas la seule et de loin, sinon ce livre ne m'aurait pas autant accrochée. Mais elle est importante dans le sens où elle apporte un éclairage supplémentaire sur ce qui est arrivé à Rita.

On entendra aussi la voix de Rita à la fin de l'ouvrage, et elle nous apportera bien des éclaircissements sur ce fameux drame, dont on ne comprend la nature exacte que dans la dernière partie. Je ne veux pas en dire plus, juste que, malheureusement, des drames de cette nature, j'ai eu le malheur d'en croiser dans mon environnement professionnel, et on se sent complètement démuni et crétin de n'avoir rien vu venir.

Je ne dirai pas que ce roman a été un total coup de coeur, parce que quelques détails m'ont paru un peu irréalistes, comme la facilité avec laquelle Viggo et Rita se sont coulés dans cet environnement très favorisé, en général ce n'est pas aussi évident quand on arrive d'un autre monde social. Mais j'ai quand même été très touchée par les personnages et l'écriture, et je compte bien continuer à découvrir l'oeuvre de Marie Pavlenko.
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Mais qui est Rita ?
Cette jeune fille que la vie n'a pas épargné.
Qui se bat chaque jour pour manger.

Ce personnage que l'autrice nous fait découvrir tout au long du récit par les témoignages de ses amis.
Tous disent qu'ils n'avaient rien vu venir. Mais venir voir quoi ?

C'est ainsi que l'autrice et sa plume m'ont fait dévoré ce livre en un weekend. On s'y prend vraiment. À la fin, j'ai même cru que c'était un vrai témoignage, mais en même temps, ça pourrait arriver à beaucoup d'entre nous.

Rita est divisée en deux : celle qui lutte pour survivre et celle qui est avec ses amis et qui ne leur révèle pas ce qu'elle fait pour survivre par honte et peur du rejet.
Encore une fois, comment ses amis auraient-ils pu alors se douter que quelque chose clochait ?

Les valeurs retransmises sont fortes, Rita a vécu tous les malheurs du monde, la harcèlement, la misère, le sucide de son père et la prostitution. Ce que personne ne veut vivre.

On ne le connait pas personnellement, mais on apprécie ce personnage à travers ses amis. Sa force, sa joie de vivre, l'amour qu'elle porte à ses soeurs dont elle doit s'occuper, sa gentillesse.

Virgo, Romance, Timour et j'en passe, sont extrêmement attachants, ils ne lui voulaient aucun mal et s'en veulent terriblement. On reconnaît là de vrais amis.

La forme du témoignage pour raconter un récit, c'est une première fois pour moi et j'ai adoré. L'histoire est en continu, ses amis se passent tour à tour la parole dans l'ordre chronologique.

C'est un livre touchant, émouvant, parlant de beaucoup de sujets sensibles, auquel personne n'a envie d'être confronté. Peut-être certains se sont ils reconnus à travers elle (et je suis désolée pour eux ❤️). L'autrice nous a vraiment écrit un super livre. On se rend compte que notre monde n'est pas tout rose (même si sur certains sujets on le savait déjà).
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Viggo a perdu sa mère d'un cancer et vit pauvrement avec son père dépressif et alcoolique dans une petite maison au fin fond de Carmisse. Il a heureusement des amis au lycée, notamment Timour et Sofiane dit Sof. Ensemble, ils forment un groupe de musique respectivement à la basse, à la batterie et à la guitare. Ils partagent leur quotidien avec trois copines Léna, Aimée-Marie et Romane.

A leur rentrée en terminale, ils accueillent une nouvelle camarade de classe, Rita. Elle devient vite leur amie et Viggo tombe amoureux fou. Rita mène une vie difficile. Depuis que son père est mort, sa mère travaille comme caissière, elles vivent dans un petit appartement HLM dans le quartier des Alevins avec les soeurs jumelles de Rita, Cerise et Margot, 9 ans. Rita vit alors de manière schizophrène entre le paradis de sa vie au lycée et son amour pour Viggo et l'enfer de la pauvreté à la maison.

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Marie Pavlenko est née en 1974 à Lille. Elle a obtenu un master de lettres modernes à l'Université Sorbonne-Nouvelle avant de poursuivre ses études à l'école supérieure de journalisme de Lille. Elle s'installe à Paris après avoir vécu un an en Jordanie. Elle exerce le métier de journaliste pendant quinze ans. En 2009, elle se met à écrire des ouvrages de fantasy, genre littéraire qu'elle affectionne depuis l'âge de dix ans. En 2011, elle publie le Livre de Saskia, une trilogie à destination des adolescents. source : Wikipédia


Elle commence sa carrière d'autrice pour la jeunesse avec la trilogie le livre de Saskia en 2011 chez Scrinéo puis La fille-sortilège chez Pré-aux-Clercs en 2013 et la duologie Marjane chez Pocket jeunesse en 2015. Marie Pavlenko est alors vivement remarquée quand elle passe en littérature adolescente avec les coups de coeur successifs, Je suis ton soleil chez Flammarion en 2017, Un si petit oiseau en 2019, Et le désert disparaîtra en 2020, Un été avec Albert en 2021. Elle a aussi publié deux séries en romans pour la jeunesse, Zombies zarbis en 2018 et 2019, et Charamba, hôtel pour chats en 2022 et 2023 toujours chez Flammarion.

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Un roman absolument bouleversant. Tout d'abord, dans une première partie, Marie Pavlenko donne la parole aux amis de Rita qui racontent successivement l'arrivée de Rita dans leur lycée et leur amitié avec le quotidien des cours, les déjeuners au parc, les cafés et bien sûr les soirées chez les amis issus de la bourgeoisie. Et Viggo raconte son amour fou pour Rita, leurs premières conversations, leurs premières confidences, ils sont aussi unis par leur statut social différent de leurs camarades, vivant la pauvreté au quotidien. Ce bonheur cache cependant une faille, tous ces amis racontent a posteriori leur vie banale de lycéen à une tierce personne, probablement une journaliste, après qu'un drame ait eu lieu. Peu à peu, dans leurs souvenirs, ces jeunes gens essaient de trouver les indices qu'ils n'ont pas pu, qu'ils n'ont pas su voir et qui auraient pourtant dû les alerter. En effet, tout au long de ces derniers mois, Rita a commencé à perdre pied, sa famille s'enfonçant dans la misère.

Il y a bien sûr un effet de suspense saisissant puisque nous lisons les témoignages sans savoir ce qu'il est arrivé à Rita, nous imaginons, nous sommes attentifs au moindre indice et peu à peu, quelques éléments nous permettent de mieux comprendre et nous sommes alors tendus afin de savoir ce qu'est devenue Rita.


Dans une seconde partie, Marie Pavlenko donne le témoignage bouleversant de Rita et celle-ci décrit sa descente aux enfers.
Marie Pavlenko décrit le sort cruel des enfants vivant dans la pauvreté en France. La première partie du roman est bouleversante car elle montre l'incapacité de l'institution scolaire à seulement imaginer les conditions de vie de certains des enfants qu'elle accueille et elle décrit de manière saisissante les réactions ordinaires des camarades de classe ayant grandi dans des familles aisées. Comme toujours chez Marie Pavlenko, il y a une générosité absolue dans la description des personnages. Tous les amis de Rita sont touchants, notamment Viggo, un jeune homme attachant qui lutte pour mener ses études, travaille dans une boutique de cupcakes afin de pouvoir manger et s'occupe de son père qui a sombré après la mort de sa femme, Timour qui vit dans une famille extrêmement aisée et découvre qu'il est gay, Romane, la jeune femme solaire dont les parents ont divorcé quand sa mère est tombée amoureuse d'une autre femme.


Comme d'habitude, Marie Pavlenko célèbre avec une infinie poésie la nature, il y a chez Viggo un peu de Aurèle dans Un si petit oiseau. L'amour de Rita et Viggo est magnifié par leurs excursions dans la forêt avec l'attention portée aux animaux.


Enfin, si ce roman est plus sombre que les précédents, Marie Pavlenko nous touche infiniment par la tendresse infinie qu'elle met à décrire la vie de personnages ordinaires, vrais et héroïques dans leur lutte contre les injustices.

Un coup de coeur absolu.
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Encore le misérabilisme, « la problématique » école, les excès.,la maladie et la mort. dans ce roman qui prétend émouvoir, interroger, susciter compassion, empathie, faire émerger les différences, les niveaux de vie, la pauvreté. Cela faisait longtemps.;
Les jeunes personnes - ce seront évidemment des filles qui vont lire cet ouvrage, les garçons ont leurs consoles et leurs jeux vidéos - vont se prendre pour des infirmières et des anges, s'étonner, chercher des raisons à des incohérences. Il faut évidemment un peu de suspens, sinon à quoi bon ce roman ?
L' écriture est mièvre et pleine de truismes, les adolescentes auraient besoin de véritable littérature et il y en a suffisamment, écrite par les « anciens », qui leur permettraient d'acquérir non seulement style et vocabulaire, mais aussi les outils pour réfléchir èt grandir.
Notre époque contemporaine est peuplée de bonnes intentions, il faut vendre, il faut toujours exploiter les malheurs des plus déshérités, les mettre en avant , et cela finit par faire beaucoup. Beaucoup trop…, mais si cette manie faussement sociologique permet de vendre ses ouvrages, c'est l'essentiel. Mieux vaut encore, et de très loin, Le Journal de Mickey, ou la Semaine de Suzette. Voire Les Malheurs de Sophie.

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critiques presse (4)
CNLJ
08 mars 2024
En faisant le portrait de Rita, la romancière met un visage sur la pauvreté et ses ravages. Tout en gardant une générosité absolue dans la peinture de ces adolescents en prise avec la découverte du monde adulte. Et en continuant de célébrer la nature avec une infinie poésie. Un portrait juste et sensible de vrais héros ordinaires.
Lire la critique sur le site : CNLJ
Culturebox
27 novembre 2023
Marie Pavlenko dévoile dans ce roman un côté sombre. Et pourtant, il y a toujours de la lumière dans ce récit, avec des parenthèses de rires, des petits et grands bonheurs, parfois en lien avec la nature, ou encore grâce à la bienveillance.
Lire la critique sur le site : Culturebox
SudOuestPresse
12 octobre 2023
C’est une histoire de vie. Et de chute. Une histoire d’amour aussi. Et une descente aux enfers. [...] Marie Pavlenko, autrice de romans pour adolescents, aborde le thème de la pauvreté chez les jeunes.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
LeMonde
29 septembre 2023
Marie ­Pavlenko [...] conjugue crudité et poésie, ténèbres et lumière.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (44) Voir plus Ajouter une citation
J’ai laissé le silence prendre ses aises. Vous avez remarqué? Parfois, ne pas parler permet de planer un instant sur les derniers mots de la discussion, puis de les laisser filer comme des filaments de brouillard (…), et de fil en aiguille, de plonger en soi. Ça arrive avec les vrais potes. Chacun s’enfouir dans son monde intérieur, tourne autour de sa problématique du moment. (…) Le silence dit la vérité, en quelque sorte. Il fait apparaître des portes. Du coup, aborder un sujet plus grave et plus personnel vient presque naturellement, sans que l’instant ait l’air bizarre ou mal choisi.
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Vous êtes déjà allée en forêt la nuit ? D’abord, on tend l’oreille parce qu’on n’est pas sûr, c’est vague, irréel, un tour joué par nos sens. Puis le bruit recommence, il s’installe et le rythme est carré, il se décompose et alors on sait : ce n’est pas un merle ou une grive qui fouille la terre, c’est un pas. Un mammifère marche, non loin, un être de la forêt qui rôde en son royaume, qui hume, broute, sent, traque, déchire, dissimule, un être de sang chaud qui connaît chaque souche, chaque buisson de ronces et dont les yeux distinguent le moindre brin de mousse au cœur de l’ombre. Savoir que cet être est tout proche, que l’on frôle le vivant libre et sauvage sur son territoire est un des sentiments les plus grisants que je connaisse.
Le corps de Rita s’est tendu à côté de moi et sa respiration s’est accélérée. Les pas se sont rapprochés, d’autres s’y sont joints. Ce n’était pas des sangliers, aucun groin-groin ou grognement ; les pas étaient lents, l’œuvre de grandes pattes au mouvement ample et gracieux. Rita l’a tout de suite compris. Elle a serré ma main très fort.
On est restés longtemps, l’un contre l’autre, dans la nuit, yeux écarquillés et oreilles en alerte, au centre du monde. On ne savait pas quels animaux nous effleuraient. Ils disparaissaient, d’autres arrivaient, plus près ou plus lointains. On ne cherchait pas à les démasquer, à les voir. On avait l’immense chance d’être acceptés, on était des invités respectueux, conscients du privilège, du moment de grâce. Dans la nuit, chaque frottement, chaque feuille foulée explose, prend une dimension intense, on a l’imagination en ébullition, on écoute pour de vrai, on est absorbé par l’instant présent, rare, précieux. Parfois, la lune se débarrassait des nuages qui l’assaillaient et sa lumière argentée inondait brusquement nos rétines. Alors, on apercevait une croupe, un museau, des oreilles, une silhouette fine, ramassée, une fourrure dense de renard qui trottine, puis les nuages l’avalaient à nouveau et la nuit nous avalait avec elle. On traversait un poème, on le vivait et j’étais heureux de partager cette magie avec Rita, comme si on avait été autorisés à entrer dans un cercle secret où peu d’humains ont posé le pied.
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Mais les gentils, on a tendance à croire qu’ils sont bêtes. C’est pas hyper compétitif la gentillesse, c’est niais, gnangnan, enfin tous ces trucs auxquels on n’a pas envie d’être associé.
Avec Rita, j’ai compris qu’être gentil sans se laisser marcher dessus était possible.
Dans ce monde de merde, être capable de traverser la vie en restant gentil, c’est un putain de pouvoir magique.
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Je n'ai même pas besoin de fermer les yeux pour revivre ce moment. Il est de ceux pendant lesquels on a une conscience aiguë de la magie de l'instant, on attrape la peau du temps, on le retient dans nos mains fébriles et on se dit: maintenant, maintenant tout peut s'arrêter, se figer, oui, si maintenant le monde s'immobilise soudain, je serai heureux pour l'éternité.
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Ce soir- là, j'ai eu l'intuition qu'en étant analphabète, tu pouvais t'en sortir, mon grand-père le prouvait, mais tu avais beau t'accrocher comme une tique aux barreaux, tu stagnais au bas de l'échelle, à la place où les autres te marchent dessus pour grimper plus haut. La légende familiale était un poison : contente-toi de ce que tu as, ne rêve pas trop grand, estime-toi heureux d'avoir un toit. Je ne voulais ni l'argent ni la gloire, je visais la liberté. Mes parents prenaient ce qui tombait. Ils n'avaient pas le choix. A 10 ans, tu sais tout ça, tu le sens, tu es conscient de l'injustice sociale, de la différence de statut: la façon dont ma mère susurrait « Madame », la déférence, le respect. J'avais intégré l'écart entre ce monde et le nôtre, identifié le pouvoir qui transparaissait dans son intonation, « Madame ». Je voulais avoir le choix, de ma vie, de mon métier. J'ai rallumé la lampe de chevet et j'ai étudié les étagères. J'ai attrapé un bouquin au hasard, et j'ai commencé à le déchiffrer dans cette atmosphère nocturne si particulière: silencieuse parce que le monde diurne a cédé la place et que les habitants de la nuit ne font pas de bruit, et toi, toi qui es éveillé, à contre-courant, tu te sens vivant.
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Vidéo de Marie Pavlenko
Avec Katerina Apostolopoulou, Caroline Boidé, Bruno Doucey, Mohammed El Amraoui, Hubert Haddad, Marie Pavlenko & Murielle Szac Accompagnés par le musicien Issa Hassan
Prenez le mot Grâce. Soupesez-le pour en estimer la richesse de sens. Puis déployez-le, en éventail, de manière à faire apparaître ses innombrables significations. Qu'y a-t-il au-delà de ce don accordé, de cette faveur ou non divine ? Un état, un moment, l'extase. Une supplique, une embellie, d'autres extases encore. Sans oublier ces vies que l'on épargne, ce coup souvent fatal, ces inquiétudes et cet accueil, le consentement ou le refus. Les uns disent « Grâce à Dieu », tandis que d'autres ne croient qu'en la chaleur d'une main dans la leur. Mais de textes en textes, de mots d'amour en chants des morts, de cimes en abîmes, les 118 poètes de cette anthologie entonnent sans relâche la grande partition de la vie. Et s'ils viennent de tous les horizons – si elles viennent, car plus de la moitié sont des femmes –, c'est pour dire d'une voix multiple et une : Gracias a la vida !
À lire – Grâce… Livre des heures poétiques, Anthologie établie par Thierry Renard & Bruno Doucey, éd. Bruno Doucey, 2024.
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