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EAN : 9782362294624
200 pages
Editions Bruno Doucey (05/01/2024)
3.95/5   11 notes
Résumé :
Hiver 1962, Sarcelles. Enveloppé dans un nuage de fumée, Xavier Grall compile fiévreusement ses souvenirs de la guerre d'Algérie : la salle de torture, les embuscades, les enfants égorgés, les femmes violées, les rebelles, les harkis. Des cauchemars le hantent. Derrière le regard du poète breton, ce roman laisse entrevoir le désespoir et la rage de La génération du djebel.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Et voila que ça recommence… Un titre, une couverture et je fonce tête baissée.
Pourtant j'ai bien vu que l'auteur est Patrick Pécherot, que c'est un « roman tendre et pudique » et blablabla et on peut me dire tout ce qu'on veut, j'ai encore bloqué sur la couverture et cette photo de Xavier Grall. J'ai encore fait l'histoire avant d'avoir le livre avec ce titre mi « Le cheval couché » mi « Les vents m'ont dit ». Encore une fois je sais que j'ai demandé un livre de Patrick Pécherot à « Masse critique » mais j'attends de l'inédit de Xavier Grall… Incurable je suis !!!

Forcément, vous vous doutez bien qu'à réception du bouquin… la déception est grande. Dès les premières pages, je fais déjà un billet à charge. du Grall, y en a mais bon… Je ne vois que quelques banalités dans des dialogues insipides entre Xavier et Françoise, sa femme, du genre « passe moi le sel ». « Un roman tendre et pudique », ça va être long la lecture. On m'a « vendu » des témoignages sur les atrocités commises par la france pendant la guerre d'Algérie et je me retrouve à la table des Grall à humer la bonne odeur de crêpes en compagnie de toute la famille et à parler de la pluie et du beau temps. La digestion va être difficile…
Finalement, je vais digérer ma bêtise et peu à peu me mettre dans le bouquin. Revenir en arrière avec un regard dépollué de tout a priori négatif.

Oui du Grall y en a dans « A cheval sur le vent » et du bon dans les citations qui accompagnent ce roman. Malgré tout en fin de lecture il me reste un goût de je ne sais quoi.
Bien sur Patrick Pécherot donne quelques clés pour comprendre Grall. Peut être que sa soumission à l'armée dans sa jeunesse est mère de son insoumission à « Paris ». Sa culpabilité de n'avoir pas eu le cran de dire non le ronge au point de faire un livre qui témoigne des horreurs faites par son pays, la France, en donnant la parole à des anonymes revenus d'Algérie qui racontent leur guerre.
Ces témoignages sont en fait les réponses à une enquête de « La vie catholique », journal pour lequel travaille Grall et donneront naissance à « La génération du Djebel » publié en 1962.

J'ai tardé à faire ce billet car toujours ce goût de trop peu, ce goût d'inachevé. Les choses sont dites, l'essentiel est là dans « A cheval sur le vent » mais je reste avec cette impression de tiède, de trop « propre ».

Merci à Babelio et aux Editions Bruno Doucey pour l'envoi de ce titre pour « Masse critique ».
Si quelqu'un veut se faire une idée et un billet sur ce titre (car le mien n'est pas très vendeur), une adresse en mp et « A cheval sur le vent » viendra se fondre dans votre pal.
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Il est toujours bon d'avoir des vigies. L'une des miennes vit à Brest. C'est un Breton, un vrai. Pas étonnant, naturellement, qu'il m'ait alertée sur la parution du dernier ouvrage de Patrick Pécherot. Ce roman, dont le titre – "A cheval sur le vent" – fleure déjà toute sa poésie et sa beauté, fut une lecture absolument délicieuse et même plus.

J'avais rencontré l'auteur il y a cinq ans aux Escales de Binic. J'avais été attirée par la couverture d'un de ses livres qui représentait le célèbre tableau de Frédéric Bazille "Réunion de famille" et, par la suite, impressionnée par la qualité de l'écriture. J'ai retrouvé dans celui-ci la même écriture magnifique. Parfois, elle se fait phrases ciselées, ajourées, aériennes : "Les montagnes bretonnes ont la modestie des collines. Rabotées par les vents, érodées par les siècles, on les dirait agenouillées… la lande et les rochers, des versants millénaires giflés par les grains, battus par les bourrasques." Ou bien encore elle prend la forme de brassées de mots jetés ici ou là, véritables bouquets de rimes : "Tregunc, Melgven. Fin du jour et ciel de traîne. Des odeurs de pluie. Les senteurs du pays. Terre et pavés, chaume et cheminées."

J'en oublierais presque de dire combien le sujet abordé est lui aussi d'un grand intérêt. Il nous parle de Xavier Grall, ce grand poète breton, journaliste à La vie catholique, amoureux de Rimbaud. Il nous parle de "sa" guerre d'Algérie, de son regret de n'avoir pas suivi l'exemple d'Yvon, insoumis, sorte de contraire, de bonne conscience. Il nous parle aussi De Maupassant qui la redoutait déjà cette guerre, de Camus, d'Alan Stivell qui ne portait pas encore ce nom, de Glenmor et d'autres. Patrick Pécherot, derrière les traits de Xavier Grall, nous raconte la guerre de sa jeunesse et la Bretagne comme personne, à coup de "gwin ru", de bolées de cidre et de musique "…jazze, jazze, cherche les voyelles de Rimbaud, le tempo de Kerouac, la note blueu d'Ellington, les étoiles de Coltrane…"

Un roman érudit, un récit tendre qui rend la parole à ces jeunes traumatisés par les horreurs qu'ils ont vues et vécues. Un ouvrage passionnant, poétique et musical.

Lien : https://memo-emoi.fr
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Dans la formidable collection des Editions Bruno Doucey, « Sur le fil », Patrick Pécherot nous propose un portrait de Xavier Grall, le poète et journaliste breton.
Dans ce roman, l'auteur entre dans la vie de Xavier Grall en 1962, quand celui-ci, après avoir été rappelé sous les drapeaux à l'occasion « des événements d'Algérie », décide de donner la parole aux conscrits revenus chez eux, traumatisés et silencieux.
Grall écrit dans "La Vie Catholique Illustrée" et veut témoigner avec tous ces garçons. Mais c'était sans compter sur l'engouement de sa proposition. Ce qui devait n'être qu'un grand article dans un hebdomadaire donnera vie à un livre tant la parole des lecteurs se libèrent dans les lettres que Xavier lit, une à une, jusque tard dans la nuit, des jours durant. « La génération du Djebel » sera publié aux Editions du Cerf en 1962.

Au-delà du témoignage de l'horreur de cette guerre qui ne veut pas dire son nom, Xavier comprend qu'il ne peut plus se taire.
A travers cette expérience sa confiance en la France va s'écrouler et il va ainsi se revendiquer breton : « On ne nait pas breton, on le devient » écrit-il en paraphrasant Simone de Beauvoir. Il sera breton comme d'autres là-bas, au djebel, sont kabyles. Il n'aura alors de cesse de défendre une Bretagne qui se lève, qui affronte, qui dit sa liberté et ses racines.

« A cheval sur le vent » est un galop fiévreux au plus près du poète. Patrick Pécherot a trouvé le ton juste, les mots qui claquent, un rythme en Sône et Jazz comme les aimaient Xavier Grall. Xavier aux poumons de lande humide, brûlés de tabac, à qui manquaient tellement le soleil éblouissant de l'Atlas.

Voilà un très bel hommage au poète immense qui nous manque tant dans ces temps troublés.
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La guerre d'Algérie fut une sale guerre dont on taira le nom et que le pouvoir baptisera d'une "opération de maintien de l'ordre". Les guerres sont toutes sales, les libérations du joug du colonisateur s'habillent d'une légitimité cruelle, comme celles qui combattent les totalitarismes. On le sait, les bombes tuent de la façon. Des guet-apens, que ce soit dans le Djebel ou dans la jungle, gicle le même sang, d'un côté comme de l'autre. Je suis français, j'obéis à l'ordre, je suis lâche, je n'ose dire non à l'absurdité de l'Histoire. Lui, Yvon, dit non à l'enrôlement, n'y va pas, paie pour ça.
Le recueil des témoignages, le croisement quelque peu excessif entre le sort de la Bretagne et celui du Maghreb, que l'on pardonne volontiers tant les tripes parlent pour témoigner de ce les hommes font aux hommes. L'excessif Xavier Grall y va d'une plume acérée, sans concession, jamais, à fleur de peau, toujours. L'on retrouve ici les folles envolées de l'idéalisme portant aux nues la lutte contre la coercition, l'injustice et la barbarie d'Etat. La cigarette, l'alcool et les coups de gueule font le discours, ils charpentent l'indignation, ô combien absente aujourd'hui.
Il serait tentant de comparer une époque à une autre, un peu vain aussi.
Un cri contre l'indifférence, tel est ce livre qui fait revivre un combattant d'une identité bretonne, refuge d'une déception apportée par la souillure d'une autre identité au nom de laquelle l'ignominie fut commise.
Le trait peut sembler un peu grossi, mais non, on y croit, à l'amour du prochain, aux défauts d'une grande sensibilité à l'autre.
Merci
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Patrick Pécherot n'a pas son pareil pour faire revivre le passé. Pour raviver des souvenirs il avait choisi des vieilles photos dans son roman de 2022 « Pour tout bagage ». Il choisit cette fois-ci des correspondances adressées à Xavier Grall. Ce journaliste, écrivain et poète, né en 1930 et décédé en 1981, méritait bien un hommage et le rappel de son combat pour dénoncer la politique de la France pendant la Guerre d'Algérie.

Xavier Grall vit sous la plume de Patrick Pécherot. Il le fait parler, dialoguer. le lecteur le voit en famille avec sa femme Françoise et ses filles. le lecteur le voit au travail, journaliste à La Vie catholique. Il avait eu l'idée d'inciter les soldats appelés en Algérie à écrire à la revue pour témoigner. Xavier Grall a ses propres souvenirs d'Afrique du Nord, il connait l'horreur dans laquelle la jeunesse française a été expédiée. L'oeuvre de Patrick Pécherot raconte les gens ordinaires. Pas étonnant qu'il rende hommage à Xavier Grall qui a donné la parole à des jeunes français ordinaires confrontés à la torture, aux exécutions sommaires, à une nouvelle Peste comme celle de Camus.

Pour mieux illustrer son portrait et la détresse de la jeunesse de l'époque Patrick Pécherot reproduit des extraits de lettres, il cite Xavier Grall, rapporte des extraits de ses poèmes.

Le traumatisme de la guerre n'est sans doute pas étranger à la volonté de Xavier Grall de revenir vivre dans sa Bretagne natale, avec sa femme et ses filles. C'est une manière de se ressourcer dans une nature que les mots de Patrick Pécherot magnifient. le vent breton pour retrouver la liberté. Mais la guerre ne s'oublie pas, Xavier Grall va rencontrer Yvon, un jeune breton qui a posté une lettre. Yvon a écrit aux autorités militaires pour dire qu'il est objecteur de conscience. A l'époque un objecteur n'a pas de statut, il risque la prison. Camus se battait pour que les hommes ne se battent plus mais il est mort dans un accident. Il ne reste plus que le vieil anarchiste Louis Decoin pour défendre les objecteurs de conscience mais en temps de guerre la France a besoin de tous ses jeunes sans exception.

« À cheval sur le vent » est construit comme s'il réunissait plusieurs romans érudits. le premier m'a permis de faire connaissance avec Xavier Grall. C'est aussi l'histoire d'Yvon qui souffre comme tous les jeunes gens ordinaires de sa génération et qui a choisi de se révolter pacifiquement. C'est aussi une vision poétique de la Bretagne et j'y ai croisé avec plaisir Glenmor et Alan Cochevelou, le futur Alan Stivell. Il y a aussi une guerre qui ne dit pas son nom, que Maupassant redoutait et dont le prolongement s'imagine dans les bidonvilles des banlieues parisiennes que Xavier Grall traverse en retenant avec peine sa révolte de cheval fougueux.

Patrick PÉCHEROT - À cheval sur le vent . Parution le 5 janvier 2024, Éditions Bruno Doucey . ISBN 9-782362-294624 .

Merci aux Éditions Bruno Doucet
Lien : http://mille-et-une-feuilles..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Tu rages, Xavier. Elle ne vaut pas cher, la jeunesse volée. On accroche à la honte, médailles et fourragères? Tu les arraches dans un cri:
Ah! Les ratons disloqués et les sexes foudroyés à l'électricité. Et si demain quelque tribunal d'Alger se rappelait soudain le tribunal de Nuremberg, et si on allait mettre la nation française au banc des accusés? Savez vous ce qu'est une "tête en chou-fleur" ? Et dans la baie d'Alger errent des corps et des corps. Après les interrogatoires, ils étaient tellement abîmés que des GMC* venaient les déverser dans la mer, à l'aube. La mer elle-même est souillée en Algérie.

Tant de choses vues, tant de choses faites... Combien les revivront, dans leur solitude? Certains s'accrocheront à des manèges d'anciens combattants. Méchoui des déjà vétérans, calots sur les cranes qui se dégarnissent, ceinturons desserrés sur des ventres grossis. Rires forcés à l'évocation de leurs vingt ans et montées de bile à l'idée qu'ils les ont perdus. Plus d'un deviendra aigri, mauvais, déchargeant sa hargne au boxing club ou dans le sexe d'une putain. La plupart tiendront leurs démons en laisse, muselière sur la gueule. Ils les boucleront dans un réduit noir de leur tête dont ils jetteront la clé et la vie continuera. Ceux-là ne fleuriront pas les monuments aux morts.
Tous reprendront le cours de l'existence, mais en dedans qui pourra dire?

* Camions militaires (conçus pas la General Motors Company).
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Vidéo de Patrick Pécherot
Rencontre avec Patrick Pécherot au Salon du livre d'expression populaire et de critique sociale 2018 à Arras, le 1er mai. Dernier roman : Hével. La Série Noire/Gallimard
Médiation : Tara Lennart Captation : Colères du Présent
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