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EAN : 9782021401035
272 pages
Seuil (20/09/2018)
3.67/5   6 notes
Résumé :
Depuis l’enfance, j’ai voulu écrire mes souvenirs de la guerre de 14.

J’ai mis des années avant de m’aventurer sur les traces de cette vieille guerre qui s’était déposée en moi, alors qu’aucune raison biographique, apparemment, ne justifiait cette obsession.

Cette guerre appartient à notre histoire intime, à nos familles, à nos secrets de famille. Partout les monuments viennent nous le rappeler, avec leur litanie de noms. Survivants et ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
"Chacun de ces malheureux déjà mangés par la nuit est unique au monde." C'est Jérôme Prieur qui l'écrit dans ce livre entièrement dédié à ce qu'il appelle "sa vieille guerre", revenue à lui, tel un post-scriptum (lire 14 de Jean Echenoz pour comprendre), lorsque l'écrivain, en plein déménagement, remonte de sa cave une boîte à reliques de la guerre de 14 contenant un objet qui ressemble à un obus. Ce qui lui explose au visage n'est heureusement pas cet obus, que la police emporte et déclare inoffensif, mais les souvenirs - en pagaille. Comme ce Maurice, un grand-oncle "anticonformiste" qui, en 1915 et âgé de treize ans seulement, s'échappe de son internat pour aller voir la guerre de près. C'est d'ailleurs ce que Jérôme Prieur s'efforce de faire dans ce livre-enquête : regarder la guerre de près, dans le détail, car la guerre c'est le chaos, la mort, mais aussi la vie, cet "incurable désordre" décrit par Kafka dans une de ses lettres à Felice Bauer, une vie dont il fallait "beaucoup s'approcher pour voir quelque chose". Voir, réfléchir, s'approcher au mieux de la vérité, écrire, dire, montrer, c'est là toute l'oeuvre littéraire et documentaire de Jérôme Prieur qui n'a de cesse de sonder l'histoire du XXe siècle : un livre sur Proust, un documentaire sur Hélène Berr (Une jeune fille dans Paris occupé, 2013), un autre sur les Jeux de 1936 dont un passionnant livre a été tiré (Éditions de la Bibliothèque, 2017), etc. Il nous apprend ainsi que "le premier film documentaire sur la guerre" - réalisé en 1916 - "a été aussi un grand film de fiction". C'est ce fossé - pour ne pas dire tranchée - entre désinformation et vérité, que Jérôme Prieur essaie de mettre en lumière, oscillant entre souvenirs familiaux et enquête fouillée, dans une suite funèbre d'arrêts sur images stupéfiants, tenant de donner une identité aux trop nombreux soldats inconnus que la nuit, celle de la mort mais aussi de l'oubli, a dévorés.
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Quiconque a connu des anciens combattants ne pourra lire ce livre sans ressentir une vive émotion. Il me souvient des repas de familles où les “poilusˮ se regroupaient en bout de la grande table, vite la conversation roulait sur la guerre. Les femmes persifflaient avec des “Vous n'allez pas nous bassiner encore avec vos histoires d'anciens combattantsˮ, bien sûr que si. Seuls ceux qui avaient vécu les horreurs de la guerre pouvaient en parler, à demi-mots, par allusions, et parfois, aussi des détails précis, ancrés à jamais dans les souvenirs. Je les écoutais sans trop me rendre compte, comme on regarderait un film de guerre. Pour le 11 novembre, anniversaire de la victoire, les enfants des écoles disaient en choeur “Mort pour la Franceˮ à chaque nom cité par le maire, au pied du monument aux morts. La liste gravée sur la pierre de la mémoire n'en finissait pas. Quand on voit la population actuelle, maintenant réduite, comment imaginer que tant de jeunes hommes ont pu mourir et le pays continuer à vivre. Les mêmes noms de famille se suivent, plusieurs fils d'une même famille ne sont pas revenus. L'auteur, dans sa recherche, fait revivre ces destins arrêtés, disparus, abolis. Remercions-le d'entretenir, un peu, le souvenir de cette génération sacrifiée.
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Cette histoire ressemble un peu à une énigme policière consistant à retrouver des poilus à partir d'indices retrouvés dans des films effectués pendant cette grande guerre. Malgré le témoignage ainsi apporté sur cette guerre affreuse, il est difficile d'y trouver le même intérêt qu'à la lecture du témoignage direct et particulièrement convaincant de Maurice Genevoix dans « ceux de 14 »
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critiques presse (1)
LeMonde
12 novembre 2018
Les grands-pères meurent ; bientôt, il ne reste plus un seul combattant. A cette puissance irrépressible de l’effacement, il oppose l’enquête, la fouille archéologique à travers les « mots entassés par-dessus les tranchées, abandonnés, oubliés » ; à travers des images perdues et retrouvées ; à travers ses souvenirs d’émotions encore palpitantes, devenues vestige.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
La guerre n’était pas finie. La police a fait irruption chez moi. Des agents en tenue ou en civil ont envahi la maison, le hall d’entrée, l’escalier. Ils ont tambouriné à la porte des voisins. Je devais quitter l’appartement sans délai. Les flics, de plus en plus nerveux, étaient partout.
La dernière fois que j’ai déménagé, j’avais remonté de la cave une boîte de reliques de la guerre de 14, le petit fourre-tout sacré qui a toujours accompagné mes tribulations.
Dedans, à côté d’une pointe de casque à pointe, d’une fourragère rouge et verte, d’écussons et d’insignes, et même de la plaque d’identification d’un soldat originaire du Bade-Wurtemberg (Friedrich Königsbrügge: je donne
ici à tout hasard le nom gravé sur l’ovale en laiton si jamais quelqu’un le reconnaît), reposait depuis une éternité un objet qui me semblait être un obus. Jamais jusque-là il ne m’avait inquiété. Le soupesant, j’estimais soudain que son poids était bien lourd. Vaguement inquiet cette fois je ne sais pourquoi, je me suis dit qu’il valait mieux faire appel à ce que l’on ne nommait pas jadis «le principe de précaution», bref qu’il était peut-être préférable de consulter les services de la Ville de Paris. Mon parcours du combattant allait commencer.
Il fallait que je m’adresse au bureau compétent de la mairie, les encombrants ne se chargeaient pas des matières dangereuses, le responsable était en congé, je devais rappeler plus tard, avant 17 heures, le lendemain matin, après le week-end.
Si c’était vraiment urgent me répondit-on deux ou trois jours plus tard, je n’avais qu’à prévenir la police. Au point où j’en étais, je n’ai fait ni une ni deux, j’ai composé le 17.
Dans les cinq minutes, le pâté de maisons a été bouclé. Alors que j’avais vécu insouciant durant des années en coexistence parfaitement pacifique avec l’objet indéterminé, la panique s’est répandue à travers l’appartement déjà en proie aux cartons et au remue-ménage. Tous les autres habitants reçurent à leur tour l’ordre d’évacuation, les femmes, les enfants.
Les rares occupants en pleine journée se montraient incrédules, mais l’avertissement policier propagé par haut-parleur était comminatoire. La surexcitation de la police était à son comble, les hommes avaient perdu leur flegme, ils criaient, ils couraient. Un bus voulut passer devant l’immeuble, ignorant l’état d’alerte. Il a été stoppé net. La rue fut barrée. Dehors, par cette belle journée du début de l’été, les résidents et les passants scrutaient l’agitation bien qu’il n’y ait rien d’autre à voir que cette chorégraphie de la panique.
Alors une minuscule fourgonnette banalisée surgit de l’horizon, sans la grandeur rutilante des véhicules de pompiers, toutes sirènes en action. Deux ou trois hommes en jaillirent.
Ils devaient être en blouse des services du déminage. Puis, à peine entrés dans l’immeuble, presque aussitôt, une à deux minutes après, ils repartirent sur les chapeaux de roues, dans un crissement de pneus. J’en ai perdu la cause du délit qui a été exfiltrée vers une destination inconnue. Personne ne
m’a reproché de l’avoir conservée malgré les risques potentiels, personne ne m’a jamais indiqué non plus ce qu’elle était devenue. Pas le moindre entrefilet dans les journaux.
Il s’agissait d’un boulet de 37 millimètres modèle 1916, je l’ai appris ensuite officieusement de la bouche d’un ancien artificier à qui je montrai une photo témoin. Un projectile destiné à l’instruction des troupes. Comme je le pensais en termes moins savants, l’objet était totalement inerte. C’était
un boulet plein, sans aucune matière active, dépourvu donc de toute dangerosité. Mon exemplaire avait déjà dû servir, la ceinture de forcement supérieure qui apparaissait autour du boulet de forme oblongue avait été arrachée et laissait apparaître les encoches de sertissage. Entre les deux petites ceintures de métal, un «K» suivi d’un numéro de lotissement devait avoir été gravé à froid. Si ce n’était pas le cas, le symbole d’une grenade et une lettre à l’intérieur d’un double cercle figurant au culot indiqueraient que le boulet était en fait un modèle 1890, modèle plus rare que le précédent mais également inerte. Maintenant je ne pourrai plus jamais vérifier.
Un instant j’ai pu craindre qu’à retardement la guerre de 14 allait faire exploser tout un quartier de Paris. Il aurait fallu à peu près un siècle pour que cet obus parvienne à atteindre sa cible, un siècle après que le 29 mars 1918, pendant la messe du Vendredi saint, un obus tiré par la Grosse Bertha fut tombé sur l’église Saint-Gervais, à quelques centaines de mètres du collège que j’avais longuement fréquenté, défonçant la toiture et crevant la voûte, ce qui avait entraîné la mort (quoique les chiffres exacts soient aujourd’hui discutés) de 91 personnes dont 52 femmes et causé 68 blessés.
Ces énormes obus n’éclatent, en silence, que plusieurs dizaines de secondes après s’être enfoncés dans le sol. Le Paris Kanon (le nom officiel de la Grosse Bertha) tirait à plus de 100 kilomètres de la capitale, multipliant par quatre la
portée maximale de l’artillerie allemande. En un peu plus de quatre mois, 367 obus ont abouti sur Paris et sa banlieue.
Ils ont tous explosé, ou presque.
Le jour de ses trente ans, à l’été 1915, Alexis Berthomien écrit à sa femme qu’il a épousée deux mois avant la mobilisation.
Marie voudrait bien connaître le poids des obus.
Son petit homme est dans le Génie. Il est heureux de lui dire tout ce qu’il a appris pour lui être agréable. Le 70 pèse 20 à 25 kilos et la pièce 25 quintaux, le 105, 30 à 35 kilos et la pièce 45 quintaux, le 220 pèse 80 kilos et la pièce
80 quintaux, le 320, 150 kilos et la pièce 150 quintaux. Il y a aussi des canons monstrueux de 420, 450 quintaux la pièce quand les obus pèsent 1000 kilos. «Ceux-là, ils s’en servent pour démolir les forts et les fortifications, ceux-là
sont traînés par des tracteurs automobiles et l’obus est placé dans la pièce par l’électricité, car c’est impossible aux hommes de remuer un obus. Chaque coup de ces obus leur coûte trente-trois mille francs.» Berthomien est de Trémouilles dans l’Aveyron à 20 kilomètres de Rodez. Il parle des obus
tels les bestiaux qu’il admire aux comices agricoles.
Michel Lanson n’a pas vingt ans quand il se bat en Artois dans l’infanterie. Le très jeune aspirant, en bon matheux, quoiqu’il soit le fils du grand historien de la littérature française Gustave Lanson, fait ses comptes. «L’attaque du 9, écrit-il en juillet 1915, a coûté (c’est le chiffre donné par les officiers)
quatre-vingt-cinq mille hommes et un milliard cinq cents millions de francs en munitions. Et à ce prix, on a gagné quatre kilomètres pour retrouver devant soi d’autres tranchées et d’autres redoutes.» Fin septembre, le jeune homme ne vivra plus.
Plus des deux tiers des morts de la Grande Guerre ont été les victimes de l’artillerie. L’une des activités dans les tranchées était d’étudier ce qu’on appelait les mœurs de l’obus. Selon la musique, les soldats arrivaient à évaluer la distance, le risque, les dégâts. La casse. Le sifflement qui enfle puis s’éloigne, le hurlement de la grenade comme une bourrasque, la plainte
du shrapnel, le miaulement, le frou-frou, l’air de flûte, le feulement, avant le choc sourd. Juste là.
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