« Avec le recul, je me rends compte aujourd'hui que ce jour-là, nous avions franchi la ligne qui sépare l'innocence de l'expérience. Ce moment douloureusement poignant de la fin de l'enfance ouvrait un nouveau chapitre de nos vies qui seraient excessivement exaltées et tragiques. Jamais plus Victor et moi ne serions le frère et la soeur que nous avions été dans le passé, même si frère et soeur nous demeurions désormais, dans une sorte de parenté plus audacieuse. »
Dans le roman original de
Mary Shelley, c'est un certain Robert Walton qui découvre Victor Frankenstein mal en point en Mer Arctique. Celui-ci lui confie alors le détail de sa triste vie. Et notamment que son nouvel Adam, sa créature, avait assassiné son épouse Elizabeth la nuit même de leurs noces.
Dans ce roman au style impeccable, impressionnant de suspense et d'intelligence, Sir Robert Walton reprend du service. Il n'a pu oublier cet étrange épisode de son existence. Il se rend en Suisse, non loin de Genève, pour tenter d'en savoir plus. Les Frankenstein, autrefois puissants, ne sont plus qu'un souvenir. Walton retrouve néanmoins leur trace, et arrive même à persuader le dernier rejeton de cette famille de lui vendre le journal d'Elizabeth.
Ce qu'il découvrira en le lisant le heurtera profondément. Editer ce journal et divers autres fragments de la vie d'Elizabeth et Victor, lui prendra des années…
Theodore Roszak, dans une courte note d'intention précise « J'ai eu longtemps l'impression que le Frankenstein que Mary désirait le plus offrir au monde, était à lire entre les lignes d'un texte que seule Elizabeth aurait pu écrire. Cette autre façon de raconter l'histoire suit en parallèle le récit original, mais voit les évènements comme seule Elizabeth aurait pu les connaître ».
Je ne vais pas dévoiler ici toutes les étapes de sa vie, étonnamment marquées par des expériences occultes en parallèle de celles, qui se voudront plus scientifiques, que Victor connaîtra. Attendez-vous tout de même à des sabbats, du Mesmérisme même, en plus des expérimentations horribles de Victor. Mais avant tout se fera entendre un point de vue plus féminin, les sagesses ancestrales des femmes s'opposant aux violences des hommes et à leur besoin de domination.
Ce roman se place dans la droite lignée du premier romantisme allemand, qui alliait science et surnaturel. Ces évènements sont censés se dérouler à la fin du siècle des Lumières, et non pas, comme nous en avons l'illustration fréquente au cinéma, au coeur du XIXème siècle.
Theodore Roszak était à mon sens un excellent auteur. J'avais déjà été emporté par «
La Conspiration des Ténèbres » et par «
le Diable et Daniel Silverman ». Ces Mémoires sont tout aussi réussies !