Chapeau bas Mr Roth ! 1er coup de coeur de l'année !
Dans
La Bête qui meurt (The Dying Animal),
Philip Roth donne la parole à David Kepsh, professeur à l'université et célébrité locale. Au moment où il nous livre ses tourments, il est âgé de 70ans, et commence par nous parler d'une aventure qu'il a eu avec une de ses étudiantes 8ans plus tôt (elle avait 24ans).
Le moins qu'on puisse dire c'est que Roth et son personnage ne vendent du rêve à personne ! Il n'est nullement question d'un amour romantique où l'on se regarde dans les yeux à sourire bêtement. Que nenni ! Ce qui fait tourner "la tête" du vieil homme, ce sont bien les courbes de la jeune femme (et qui n'a pas des mensurations de mannequins), de la naissance de ses seins en passant par la courbe de ses fesses. Et c'est de sexe qu'il nous parle d'abord, de domination même. Ceci dit, ne rêvons pas, ce n'est pas un roman pornographique, et cette histoire passe vite (pendant un temps) au second plan.
Dave Kepesh avoue que sa doctrine de "liberté de baiser" (si on peut dire) est vite mise à mal par un mal qui ronge beaucoup d'entre nous : la jalousie ! Pris à son propre piège : quelle horreur ! Et très vite, Kepesh a peur de perdre Consuela comme il a peur de perdre la vie. Son aventure est une évasion à sa condition d'homme vieillissant : sexualité versus fatalité , un match ardu ! (et oui,
Philip Roth est d'abord un intello pour ceux qui en douterait)
Ce que j'ai trouvé magnifique dans ce roman, ce sont tous les procédés que
Philip Roth a mis en place pour que le lecteur voit petit à petit les fêlures de ce Dom Juan retraité. Divorcé et détesté par son fils quadragénaire, puis ami désemparé face à la mort et la maladie, sans oublié l'appréhension que suscite le flétrissement de son être tout entier. Il y a l'écriture de Roth dans ce roman que j'ai adoré aussi : franche et directe. le recours à l'intertextualité pour mettre en scène la détresse de son personnage (et cela a fait remonter certains livres de ma PAL un peu plus haut qu'ils ne l'étaient!).
D'une histoire de cul qui pourrait être banale, Roth nous parle des années 1960, le temps de la libération des moeurs entre hommes et femmes, des paradoxes de la société américaine moderne ,etc. Il arrive à aller là où on ne s'y attend pas, et cela m'a émue.
J'ai refermé ce court roman (150pages) très touchée par cette histoire et en me demandant si finalement : se faire avoir par quelqu'un que l'on attendait pas et être près de cette personne dans un moment difficile (je n'en dit pas plus pour ne pas parler de la fin) alors que rien n'y oblige, et sans rien en attendre : est-ce que ça ce n'est pas (aussi) de l'amour ?