Frère Sommeil est une traduction maladroite du titre original allemand Schlafes Bruder. Les mots « Schlafes Bruder » sont la fin du titre d'un choral de
Jean-Sébastien Bach « Kömm, o Tod, du Schlafes Bruder » (« Viens à moi, Mort, toi la soeur du sommeil ») extrait de la cantate Ich will den Kreuzstab gerne tragen (Je porterai volontiers la Croix). En allemand, la mort se traduit par der Tod, genre masculin…
Ce très beau roman de Robert Schneider, qui obtint le prix Médicis étranger en 1994, raconte l'histoire d'Elias Alder, un enfant vivant à Eschberg, un hameau de montagne. Elias, génie qui s'ignore, est sensible à l'excès à la musique, et à tous les sons de la nature. Enfant isolé des autres par ses dons exceptionnels, il se consacre corps et âme à la musique sans jamais avoir appris le solfège. Il répare et améliore l'orgue de l'église de son village, aidé par Peter, son seul ami, qui est secrètement amoureux de lui. Elias, lui, aime Elsbeth, la soeur de Peter, promise à un autre garçon…
Robert Schneider nous conte ici le drame de tous les génies dont les talents inouïs resteront à jamais ignorés du reste du monde (combien de Mozart, de
Shakespeare, de Picasso, resteront inconnus faute d'un découvreur de talents pour les faire éclore ?), les ravages aussi de la consanguinité dans cette minuscule communauté montagnarde, et le fardeau éprouvant d'une étroite morale religieuse qui broient les hommes en leur refusant le droit au bonheur, au prétexte qu'ils sont différents. Ce livre s'avère être, vingt ans après sa traduction, d'une saisissante actualité.