Hinnnhinnnhinnn ! Hinnnhinnnhinnn !
La sorcière échevelée touille potions et mixtures dans son chaudron magique. Ses cheveux poivre et sel crasseux encadrent son nez crochu. le chat noir famélique, posté comme il se doit à côté du balai, observe de ses yeux étrécis le bouillonnement des bulles qui éclatent à la surface de la fort prometteuse et odorante mixture verdâtre de la marmite suspendue dans l'âtre.
Bave de crapauds, cornes de bouc, pattes de scarabées et poudre de perlimpinpin, voilà qui promet un savoureux mélange. Enfin, ça c'est ce que j'espérais en commençant la lecture de ce livre. J'avais même emprunté son grimoire à Mercotte pour noter de nouvelles recettes, prête à succomber de gourmandise.
Et puis, là patatras ! non, je ne me suis pas pris les pieds dans le balai ni dans les pattes du chat (toujours à me tourner autour celui-là). Alors que je me réjouissais de pouvoir taper dans le dos de mes copines sorcières ordinaires,
Susan Smit, en fait de sorcière épouvantable m'a dégoté avec une femme charmante, toujours prête à aider son prochain, toute serviable et gentille !
Que diable ?! On m'aurait menti à l'insu de mon plein gré ? Mais attention, Entgen Luitjen (la jolie sorcière, mais pas jeune hein, faut pas charrier, qui a déjà vu passer tout de même soixante-quatorze printemps) n'a pas que des copains dans sa verte campagne.
Je ne vous ai pas encore tout dit, Entgen a une grande gueule, qu'elle aime bien ouvrir un peu trop souvent, surtout quand son mari se laisse gentiment rouler dans la farine (les affaires c'est pas son fort), et parfois - et là ça devient beaucoup plus problématique pour l'époque- face aux puissants.
Car la société limbrichtoise goûte assez peu les femmes suffisamment fortes pour vivre seules après le décès de leur mari, à l'écoute de la nature, qui parviennent à engranger de meilleures récoltes que leurs voisins jaloux, et impliquées dans une révolte à l'encontre du riche seigneur de la région.
Cette peinture de la société du 17ème siècle s'avère intéressante, cependant, je ne me suis pas attachée particulièrement à Entgen Luitjen, ce qui fait que j'ai trouvé quelques redondances et longueurs dans ma lecture. Il m'a semblé que
Susan Smit prêtait à cette femme des pensées trop actuelles, féministes et modernes pour me convaincre.
Le roman reste cependant instructif sur ces faits historiques au coeur de la campagne néerlandaise (qui ne semble pas beaucoup différer de ce qui se passait en France à la même époque).
J'ai ainsi appris l'existence d'un livre fabuleux nommé le Malleus Maleficarum (« Marteau des sorcières », comprenez le marteau contre les sorcières) : sorte de Petit guide pour les nuls destiné aux tribunaux de l'Inquisition : comment démasquer une sorcière, lui faire avouer ses crimes (la torture est recommandée) et dénoncer ses copines de Sabbat (plus on est de folles sur le bûcher meilleure est l'ambiance du méchoui).
Je ne peux pas résister à une petite citation croustillante : « Il est, paraît-il, écrit dans le Marteau des sorcières, que ces magiciennes peuvent faire disparaître le membre viril et en constituent de véritables collections dans des cercueils ou des nids d'oiseau où elles se vautrent désespérément. Si on considère les sorcières comme des femmes puissantes et exigeantes, il ne faut pas s'étonner qu'on raconte qu'elles ont le pouvoir de subtiliser aux hommes leurs parties génitales. Elles chevaucheraient aussi un balai, le manche coincé entre leurs cuisses, la preuve de leur sensualité débridée. À présent que je suis dans ce cachot, moi qui ne sais rien des chevauchées sur des balais ou des escamotages de pénis, tout cela me semble plus en plus absurde. Comment ai-je pu croire, ne serait-ce qu'un instant, à ces inepties ? » (p.154)
Cependant, pour celles et ceux que cette thématique des sorcières intéresse, je ne saurais que vous recommander chaudement la lecture d'Un bucher sous la neige (oui j'avais prévenu, ooouch ! ça brûle), qui m'avait bien plus ensorcelée que celui-ci.
Tu as vu, minouchette ?, c'est la pleine lune ! viens, on va faire un petit tour en balai ! (non non pas de partie de quidditch en vue, tu mélanges tout là, on va faire une petite virée entre copines, je crois que Yaena est pas loin !)