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Gabriel Arout (Traducteur)
EAN : 9782705803704
58 pages
Pierre Horay (09/07/2004)
3.79/5   40 notes
Résumé :
Légende ou réalité, cet inquiétant moine noir dont le retour est annoncé dans nos contrées, après une disparition de mille ans ? Réalité, répond Kovrine, le héros du récit, brillant universitaire. philosophe, qui a l'heur - ou le malheur - de rencontrer le moine et de disputer avec lui. Légende, réplique l'entourage de Kovrine, qui ne voit là qu'affabulations et visions malsaines de sa part. Légende, renchérit l'auteur qui, lorsqu'il écrit ce récit en 1894, veut rep... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Je découvre Anton Tchekhov avec ce drame en neuf actes au format nouvelle, une soixantaine de pages d'une belle densité. J'ai surtout découvert une belle plume ainsi qu'un excellent novelliste !
On évoque souvent l'âme slave, pour ma part, je l'ai rarement vu aussi bien évoquée que dans ce récit à travers les personnages de Kovrine, de Pessotzki et de sa fille Tania.
Kovrine, le personnage principal du récit est un étudiant brillant, un travailleur infatigable et futur agrégé promis à une grande carrière dans le monde de l'érudition. Au bord du surmenage, il accepte l'invitation de Pessotzki, son ancien tuteur et s'installe dans l'exploitation agricole de ce dernier.
Aimé et admiré de tous, Kovrine devient l'objet de l'attention de tous et toutes, Pessotzki, qui ne vit que pour son jardin, espère que Kovrine épousera la frêle Tania.
Kovrine, qui apprécie ce changement de vie et le bon air n'en réduit pas son rythme de travail pour autant, il dort peu et dilapide son énergie. c'est alors qu'il se repose sur un banc qu'il rencontre pour la première fois le moine noir, un être de légende sensé se manifester tous les mille ans.
Difficile de savoir ce que chaque lecteur trouvera dans cette lecture, pour ma part, j'y ai vu la démonstration que la folie pouvait engendrer le génie, et la schizophrénie provoquer des dialogues féconds, et que le tout pouvait donner à un homme un charisme brillant de mille feux.
Kovrine est-il fou ? le remède sera-t-il pire que le mal ? Peut-on redevenir quelqu'un de normal après avoir tutoyé les étoiles ? je n'en dirai pas plus, pour ma part j'ai apprécié cette première rencontre avec l'auteur !
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“Ô le plus fou de tous les hommes, toi qui aspires à la sagesse!”
(Erasme, "Eloge de la Folie")

L'admirable Anton Pavlovitch nous a légué plusieurs pièces dramatiques de renommée mondiale et une impressionnante pile de proses, qui démontrent toutes son étonnant talent d'observateur. Il possédait l'art et la manière pour brosser le portrait de la société de son époque avec beaucoup de finesse psychologique ; son métier de médecin y était sans doute pour quelque chose.
Une nouvelle fantastique semble pourtant s'écarter de ses thèmes habituels, du moins à première vue : "Le moine noir" (1894).

On raconte que l'écrivain et son frère Mikhaïl ont un soir observé un mémorable coucher de soleil sur le domaine de Melikhovo, tout en discutant des mirages et de la possibilité de leur matérialisation. C'est peut-être là qu'il faut chercher la base de l'intrigue de la nouvelle, que Tchekhov a située dans le cadre agréable de la propriété campagnarde des Pessotski, avec son vaste verger et ses parterres fleuris. C'est ici que Kovrine, universitaire surmené, arrive pour se reposer.
On peut presque y voir Tchekhov lui-même : lui aussi a longtemps souffert de tuberculose et du sombre désespoir grandissant face à cette maladie quasi incurable.
Le sort de Kovrine est comme une préfiguration de sa propre mort dans la station thermale de Badenweiler en 1904.

La nouvelle met en scène le mystérieux "moine noir", qui apparaît une fois tous les mille ans pour transmettre le message que tous les génies sont en réalité des fous élus, qui doivent vivre différemment des gens ordinaires et de leurs aspirations banales.
Le moine noir apparaît à Kovrine et l'enchante complètement. Il se sent pousser des ailes de géant, et il n'a plus peur de critiquer avec passion la médiocrité qui l'entoure, la petitesse des ambitions humaines et la stupidité collective, ni l'utilité toute relative de la science médicale... et bien sûr, dans les yeux de ses proches, son comportement devient tout à fait anormal.
À travers Kovrine, Tchekhov pose de nombreuses questions, mais ne donne pas de réponses claires. Comme à son habitude, il laisse les conclusions à l'intelligence de ses lecteurs.
Kovrine vit merveilleusement bien avec ses hallucinations (?) du moine noir, qui apaise son intranquillité et nourrit son égo. La présence du moine lui devient nécessaire, et sa vision du monde va radicalement changer, quand son entourage aimant et soucieux de son bien le lui enlève par une thérapie médicale. Il devient irritable, désagréable, et rejette tout ce qui a autrefois compté dans sa vie. Quand il s'en rendra compte, il sera trop tard...
Jusqu'où peuvent aller les tentatives d'entasser les gens différents dans les moules de la "normalité" ? Qu'est-ce que le génie et qu'est-ce que la folie, et où se situe la fragile frontière entre les deux ?

Tchekhov a su construire ses nouvelles avec maestria est sans détours superflus. Ses histoires sont toujours captivantes et modernes, même si elles datent de plus d'un siècle. Son style économe, ses gradations dramatiques et son sens du détail sont devenus un exemple à suivre pour bien des écrivains du 20ème siècle, notamment pour Hemingway, un autre géant de la prose courte, où encore pour les romans noétiques de Karel Čapek.
Sans une once de compassion, il nous montre les facettes les plus absurdes et les plus grotesques de ses personnages, mais, paradoxalement, on ne peut pas en rire si facilement. Chez Tchekhov tout est comédie, et en même temps pas du tout...
Il savait très bien que ce qu'on appelle communément "la vérité" peut très facilement varier selon l'angle de vue... et en tant qu'écrivain ingénieux, il nous propose toujours plusieurs de ces angles. Tout en laissant entendre qu'il y a autant de vérités que d'individus qui parcourent la planète ; une approche qui fait de lui (même si, une fois de plus, cela peut paraître drôle) un loyal frère d'armes du tragicomique Cervantès.

Si vous cherchez de la bonne lecture, prenez sans crainte Tchekhov. C'est un auteur que vous allez aimer et apprécier pour toujours, car ses livres sont un miroir de la vie réelle, et non pas des visions pseudo-intellectuelles de quelque vérité unique. 5/5
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Le souvenir d'une lecture lointaine, « Le moine », la réécriture par Antonin Artaud du chef d'oeuvre gothique de Matthew Gregory Lewis, m'est revenu tel un fantôme, lorsque j'ai commencé la lecture de la nouvelle de Tchekhov, « Le moine noir ». Ce roman qui transgresse tous les interdits, convoque le diable, et conduit son lecteur sur les traces d'un moine s'adonnant à la luxure et au satanisme, fait partie de ces quelques ouvrages qui laissent une impression tenace, à peine atténuée par le passage des ans.

Le titre peu engageant de la nouvelle de Tchekhov, la vision d'une littérature russe traversée par la mystique enfiévrée de l'âme slave, l'écho lointain du roman de Lewis, me conduisaient à envisager « Le moine noir » comme un récit violent, diabolique, hyperbolique et terrifiant, convoquant un être maléfique dissimulant un sourire méphistophélique sous sa bure ébène.

Dès les premières pages, j'ai compris qu'il était difficile de se tromper plus lourdement. Tchekhov n'est pas Dostoïevski et encore moins un écrivain gothique tel que Matthew Gregory Lewis. Comme l'indique Daniel-Rops dans la préface du recueil de nouvelles où « Volodia » et « Une morne histoire » accompagnent « Le moine noir » : « On fait un pas dans la connaissance de Tchekhov en observant qu'il n'y a en lui rien de violent, de fracassant. »

L'intrigue nous conduit sur les traces d'André Kovrine, un intellectuel brillant et travailleur, promis à une chaire à la Faculté. Il part se reposer à la campagne, dans le domaine de son ancien tuteur Pessotzki, grand jardinier devant l'éternel. C'est dans un cadre bucolique, entre la maison immense de son hôte, un vieux parc à l'anglaise, et le verger de trois hectares qui fait la fierté de Pessotzki, qu'André Kovrine coule des jours heureux en compagnie de Tania, la fille du maître jardinier.

Malgré le caractère bucolique des lieux, Kovrine continue de mener « une vie aussi nerveuse et agitée qu'à la ville ». Il travaille intensément, bavarde chaque soir avec les invités des Pessotzky, boit beaucoup de vin et fume des cigares de prix. Un soir, il raconte à la jeune Tania, devenue sa confidente, une légende qui le préoccupe depuis le matin. Cette légende un peu confuse rapporte l'histoire d'un moine vêtu de noir qui allait dans le désert en Arabie.

« Et à quelques lieux de l'endroit où il allait, les pêcheurs avaient vu un autre moine en noir qui s'avançait lentement sur la surface du lac. Ce second moine était un mirage. (...) Ce mirage a suscité un second mirage, puis un troisième, de telle sorte que l'image du moine noir continua à se transmettre d'une couche de l'atmosphère à une autre. (...) Finalement il sortit des limites de l'atmosphère terrestre, et à présent il erre à travers l'espace interplanétaire. »

Toujours selon la légende, le mirage est supposé revenir à nouveau sur terre, exactement mille ans après que le moine noir a marché sur la terre. Il se pourrait que les mille ans soient bientôt révolus et que le moine noir fasse sa réapparition d'un jour à l'autre.

« Mais ce qui est le plus remarquable, dit en riant Kovrine, c'est que je n'arrive pas me souvenir comment j'ai appris cette légende. L'ai-je lue quelque part ou me l'a-t-on contée ? A moins encore que j'aie rêvé de ce moine noir. »

« Le moine noir » est un petit bijou de concision où le minimalisme de Tchekhov fait merveille. A l'opposé de l'image fantasmée d'un récit traversé par une fièvre métaphysique que j'avais imaginé. le lecteur est frappé par l'absence de grandiloquence, par la simplicité, et la bonhommie trompeuse qui émane de la nouvelle inspirée d'un rêve que Tchekhov avait lui-même eu. L'auteur réussit le prodige de conférer à son récit un réalisme saisissant, alors même qu'il convoque le fantastique lors que le moine noir apparaît bel et bien au sémillant André Kovrine, que Tania appelle affectueusement « Andrioucha ».

Le classicisme épuré de l'intrigue ne doit pourtant pas occulter la noirceur extrême de la nouvelle. Paradoxalement, l'absence de toute violence outrancière d'un texte dominé par un réalisme froid, fait du « Moine noir » une nouvelle absolument glaçante, dans laquelle l'auteur critique en creux les conventions bourgeoises d'une société guindée qui ne vit que pour sauver les apparences.

La folie qui gagne peu à peu Kovrine est décrite avec une distance glacée qui ne la rend que plus effrayante. le « moine noir » qui lui apparaît est un être chenu, et plutôt avenant qui n'inspire aucune crainte au héros, bien au contraire. le ton badin de leurs échanges rappelle toute la pertinence de la phrase de Baudelaire : « La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu'il n'existe pas ».
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Tchékhov…, Tchékhov…, c'est qui Tchékhov ? Tout le monde connaît le Tchékhov dramaturge (soit en gros sept pièces plus quelques petites piécettes au nombre de neuf, ce qui est peu dans le fond), mais le Tchékhov nouvelliste est beaucoup moins connu.
Je ne compte plus les personnes pourtant très calées en littérature qui ignorent ce pan de son oeuvre. Pourtant, à y regarder de près, Anton Tchékhov c'est environ 635 nouvelles au compteur, soit deux fois plus que Guy de Maupassant qui, en la matière, n'est pas tout à fait le premier venu.
C'est donc avec grand plaisir que je remercie les éditions Horay de nous permettre de lire, dans un format très agréable, l'une de ces belles nouvelles, qui, pour rester dans la comparaison avec Maupassant, pourrait s'inscrire dans la lignée du Horla, bien que des accents, plus typiquement russes ou tchékhoviens, puissent nous permettre également de la rapprocher de la pièce Ivanov.
Anton Tchékhov nous emmène une fois encore à la campagne. Andréï Vassilievitch Kovrine est un jeune homme, au parcours universitaire brillant, ayant été élevé par les Pessotski suite au décès de ses parents naturels.
Iegor Semionovitch Pessotski est un horticulteur et un arboriculteur hors pair, mu d'un amour disproportionné pour son jardin et son verger qui confine à la passion dans l'acception la plus forte du terme. Iegor considère Kovrine comme son fils et éprouve beaucoup de fierté à sa réussite académique. En dehors de son jardin et de sa fille Tania, c'est son seul point d'intérêt.
Tania, quelque peu plus jeune que Kovrine, partage l'engouement de son père pour les choses végétales.
Tant Iegor que Tania que Kovrine lui-même, sans forcément l'avoir formalisé ou se l'être avoué, considèrent qu'il ne pourrait y avoir d'autre choix que le mariage de la jeune fille de la terre et de son brillant frère d'adoption.
Tout irait pour le mieux dans le meilleur des jardins d'Eden possibles si Kovrine ne tirait pas autant sur la corde fragile de sa santé. le jeune homme, en effet, travaille nuit et jour, et, bien que sujet à de lourdes et fréquentes insomnies, il n'en demeure pas moins d'une jovialité exemplaire et communicative.
Nonobstant, cette frénésie de travail destiné à sa thèse et les nuits sans sommeil vont causer chez Kovrine un phénomène d'hallucinations. Il voit surgir comme d'une trombe, lors de ces épisodes sibyllins, un moine tout de noir vêtu, à la face blême et aux sourcils sombres, l'exacte image mentale, d'une légende vieille de mille ans.
Que pourra bien lui dire le moine noir de ses transes, c'est ce que je me propose de vous laisser découvrir…
J'ai cru y lire que le Tchékhov artiste pose au Tchékhov médecin la question de la pertinence ou de l'impertinence des traitements destinés à juguler les dérèglements psychiques des individus génialement hallucinés. En somme, une belle nouvelle, solide, qui mérite le détour, du moins c'est mon avis, faiblement halluciné, affreusement ordinaire, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Cette nouvelle a été écrite en 1893 après la visite de Anton Tchekhov à Sakhaline, il semblerait qu'il se soit inspiré d'un de ses rêves.
Anton Tchekhov évoque « la légende du moine noir » il nous narre le récit d' Andreï Vassilievitch Kovrine qui travaille jour et nuit à l'élaboration de sa thèse, et, finalement ce travail acharné va le mener aux portes de l'épuisement et peut être bien celles de la folie. En effet Andreï est sujet à des hallucinations : Il voit un moine noir apparaître la nuit, dans la nature. Ce moine va conseiller Kovrine, flatter son ego et lui annoncer qu'il est l'élu de Dieu pour contribuer à rendre le monde meilleur.
Kovrine est heureux et tout irait pour le mieux si son entourage ne s'acharnait pas à vouloir le guérir. Finalement Kovrine accepte de rencontrer les psychiatres et… « C'est le début de la fin » !
C'est le Tchekhov médecin et humaniste qui se révèle ici, il juge sévèrement la capacité de la médecine à soigner la folie. Il considère la folie comme une force créative et libératrice. Enfin il défend l'idée selon laquelle les traitements protègent plus la société que l'individu. Ces traitements plongent le patient dans l'indifférence, et, c'est bien après le traitement que le monde de Kovrine s'écroule.
Ainsi Tchekhov écrit entre humour et agacement : « Que Bouddha, Mahomet, Shakespeare ont dû se sentir heureux de n'avoir ni parents ni médecins obstinés à les guérir de l'extase et de l'inspiration … Les soins des médecins et des bons parents n'aboutiront qu'à abrutir l'humanité »
Un petit rappel s'impose il faudra attendre 1960 pour que le visage des hôpitaux psychiatriques change, « la camisole chimique » remplaçant « la camisole de force ». Pour le bien du patient ? Pas sûr… Et Tchékhov, médecin aurait-il approuvé ?


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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
– Tu as dit : "la vérité éternelle" ?... Mais la vérité éternelle est-elle accessible et utile aux hommes, alors qu’il n’existe pas de vie éternelle ?
– Il y a une vie éternelle, affirma le moine.
– Tu crois à l’immortalité des hommes ?...
– Oui, certes ! Un grand, un brillant avenir vous attend, vous autres hommes. Et plus il y aura sur la terre de gens pareils à toi, plus vite se réalisera cet avenir. Sans vous, – serviteurs du premier principe, qui vivez de façon libre et consciente, – l’humanité eût fait fiasco. En se développant de façon naturelle, elle eût longtemps attendu la fin de sa vie terrestre. Mais vous la conduirez, avec une avance de quelques milliers d’années, dans le royaume de l’éternelle vérité. C’est là votre grand mérite. Vous incarnez la bénédiction de Dieu qui repose sur les hommes.
– Et quel est le but de la vie éternelle ? demanda Kovrine.
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Qu'ils étaient heureux, Bouddha, Mahomet, Shakespeare de n'avoir pas de bons parents ni de docteurs pour soigner leurs extases ou leurs inspirations ! dit Kovrine. Si Mahomet avait soigné ses nerfs au bromure, s'il n'avait travaillé que deux heures par jour et s'était mis au régime lacté, cet homme remarquable n'aurait pas laissé plus de traces que son chien. Par les bons soins des docteurs et de braves parents, l'humanité finira par s'abrutir, la médiocrité sera considérée comme le génie, et la civilisation sera perdue. Si seulement vous saviez comme je vous suis reconnaissant ! lança-t-il avec dépit.
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" Quelle immensité, quelle liberté, quel silence ! songeait Kovrine en cheminant sur le sentier. On dirait que le monde entier me regarde et attend, aux aguets, que je perce son secret... "
Soudain, des vagues se mirent à courir le long des blés et le vent léger effleura doucement sa tête nue. Un instant plus tard, nouveau coup de vent, cette fois plus fort ; dans un chuchotement les blés oscillèrent et, au-delà, on entendit le sourd murmure des pins. Kovrine se figea, médusé. À l'horizon s'élevait, depuis la terre jusqu'au ciel, une haute colonne noire. On eût dit le tourbillon d'un cyclone. Les contours en étaient vagues mais, d'emblée, il était aisé de comprendre qu'il se déplaçait à une vitesse effrayante, exactement dans la direction de Kovrine.
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Qu'adviendra-t-il de ce jardin quand je ne serai plus ? Sans moi, il ne resterait pas un mois dans l'état où tu le vois actuellement. Le secret de ma réussite n'est pas dans les dimensions du verger ou le nombre des ouvriers, mais dans l'amour que je porte à cet ouvrage, comprends-tu ? J'aime ce jardin probablement plus que moi-même. Je travaille du matin au soir. Je fais de mes propres mains toutes les greffes, toutes les boutures, toutes les tailles, toutes les plantations. Tout, tout, de mes mains. Et lorsqu'on veut m'aider, je suis jaloux et m'irrite, à en devenir grossier. Tout mon secret réside dans cet amour, dans la vigilance de mon œil de maître, mes mains de maître, et dans l'inquiétude que j'éprouve si je m'absente pour une heure, le cœur battant, presque affolé à l'idée qu'un malheur peut être advenu au jardin. Mais quand je serai mort, qui va s'en occuper ? Qui fera ce travail à ma place ? Le jardinier ? Les ouvriers ? Hein ? Oui, cher ami, écoute-moi bien : dans mon œuvre, l'ennemi principal, ce n'est pas le lièvre, ni l'oiseau, ni l'insecte, ni le gel, c'est l'intrusion d'un étranger.
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Il songeait que la vie faisait payer cher les biens misérables et, au fond, si ordinaires qu'elle pouvait donner à l'homme. Ainsi, pour aboutir vers quarante ans à une chaire à l'Université, pour être un professeur parmi tant d'autres, et exposer d'une langue morne, ennuyeuse et pesante de banales pensées, qui plus est celles des autres, en un mot, pour atteindre à la position de savant médiocre, il avait eu besoin, lui, Kovrine, d'étudier quinze ans, de travailler nuit et jour, de traverser une pénible maladie psychique, de supporter les conséquences d'un mariage malheureux et de commettre toute une série de bêtises et d'injustices qu'il eût été agréable d'oublier. Kovrine se rendait compte, à présent, qu'il était un homme ordinaire et il s'en accommodait volontiers, car pour lui chaque homme devait se contenter de ce qu'il était.
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Benoît Jacquot avait réuni Isabelle Huppert et Fabrice Luchini pour un long métrage de fiction, Pas de scandale, en 1998. le cinéaste les a retrouvés au Festival d'Avignon, en juillet 2021, mais séparément cette fois, pour les besoins de son nouveau film, Par coeurs. Un documentaire passionnant sur le travail d'une comédienne et d'un comédien tous deux hors normes, suivis la veille et le jour de la première représentation de leur spectacle respectif : La Cerisaie, de Tchekhov, monté par Tiago Rodrigues dans la vaste cour d'honneur du palais des Papes, pour elle ; un seul-en-scène autour de Nietzsche dans le cadre plus intimiste de l'Hôtel Calvet, pour lui . Avec un scoop : Isabelle Huppert, la perfection faite actrice, est capable de « bugs » comme tout le monde - à savoir, buter inexorablement sur une longue réplique de sa pièce il est vrai assez complexe à mémoriser !
Par coeurs sortira en salles le 28 décembre 2022. En attendant, découvrez sa bande-annonce en exclusivité sur Telerama.fr. le film sera par ailleurs présenté en avant-première à Paris au cinéma L'Arlequin lors d'une séance spéciale le lundi 12 décembre à 20h15. La projection sera suivie d'une rencontre avec Isabelle Huppert, Fabrice Luchini et Benoît Jacquot animée par Fabienne Pascaud, directrice de la rédaction de Télérama - les places sont en vente ici : http://dulaccinemas.com/cinema/2625/l-arlequin/article/138713/avant-premiere-par-coeurs-en-presence-de-benoit-jacquot-isabelle-huppert-et-fabrice-luchini
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Je m'appelle .............?..........." je suis un jeune homme de dix-sept ans, laid, maladif et timide", je passe mes étés dans la "maison de campagne des Choumikhine", et je m'y ennuie.

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