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sur 2476 notes
I - Война и мир
Traduction : Elisabeth Guertik
Préface : Brice Parain

Fresque géniale en dépit de certains partis pris, bien naturels, de son auteur, "La Guerre & la Paix" se définit avant tout par son arrière-plan historique, l'axe 1805 (Austerlitz, victoire des forces napoléoniennes mais amère défaite pour l'empereur d'Autriche, François Ier, et pour son allié, le tsar Alexandre Ier)/1812 (Borodino, victoire de fait de Napoléon Ier mais début pour lui de son déclin, face à l'impossibilité de détruire l'armée d'Alexandre Ier, la Russie étant cette fois-ci la seule à s'opposer à lui). On dit que Tolstoï voulait au départ n'évoquer que la campagne de Russie, laquelle, comme chacun sait, fut un désastre pour la France. Mais il fut pris d'un scrupule, considérant qu'écrire uniquement sur ce pan de l'Histoire, hautement favorable aux Russes, ne serait somme toute pas très juste.

La postérité lui a donné raison : il ne faut pas être grand clerc pour s'apercevoir que l'axe central ainsi adopté permet à Tolstoï d'approfondir et de peaufiner les caractères des figures historiques qu'il met ici en scène, de même qu'elle lui garantit un esprit critique qui jauge aussi bien l'état-major français que le grand commandement russe. On en retient l'idée qu'il ne les estimait ni l'un, ni l'autre. Seul Koutouzov, initiateur officiel de la politique de la terre brûlée qui força Napoléon à avancer vers Moscou, puis à fuir celle-ci, trouve grâce à ses yeux. Il met d'ailleurs à défendre le vieux général en chef une ardeur et une tendresse qui donnent toute la mesure du mépris dans lequel, cinquante ans après les événements évoqués dans le roman, la bien-pensance russe tenait encore le maître d'oeuvre de la victoire de 1812.

Tels deux souverains sur un jeu d'échecs, Napoléon et Alexandre, en dépit des nombreuses scènes où Tolstoï leur donne la parole (sa parole), semblent, à l'observateur superficiel, rester un peu en retrait. A tous les deux, l'écrivain reproche leur éloignement - progressif chez l'un et presque congénital chez l'autre - du peuple qu'il gouverne. (Cette rupture compte d'ailleurs parmi les causes de l'échec napoléonien.) La cour de généraux, princes, ducs et courtisans divers qui les entourent est clairement désignée comme une assemblée de parasites. Mais c'est là, semble-t-il, le seul point commun que leur concède Tolstoï. Comme celui-ci s'acharne à démolir Napoléon - qu'il appelle, de façon assez inhabituelle et même comique, "l'empereur de France" et non "des Français" - on pourrait s'attendre à ce qu'il encense son rival. Eh ! bien, non !

Pourtant, on ne compte plus les passages où sont soulignés le physique avantageux du tsar et sa distinction tout aristocratique. A l'inverse, le malheureux Corse est qualifié tant et plus de quinquagénaire gras, bedonnant, dominé par une autosatisfaction immense et de caractère un peu borné. Quant à son "génie" ... Tolstoï plisse les lèvres et secoue sa plume avant de nous assener rageusement : non, Napoléon n'était pas un "génie" militaire, tout au plus un grand capitaine (et encore, quand il était jeune ...)

Comment se fait-il alors que, au bout des mil-quatre-cent-soixante-cinq pages que compte "La Guerre & la Paix" dans cette édition du Livre de Poche, ce soit l'image de Bonaparte-Napoléon Ier qui, encore et toujours, démolissant par on ne sait quelle magie tous les raisonnements de Tolstoï, ressorte avec netteté de l'ensemble ?

Honni, désacralisé, déboulonné, dépeint tour à tour comme un homme de rien, "même pas français", "français par hasard", comme un petit bourgeois qui, le 18 Brumaire, An VIII de la République, tremble de peur lors du fameux coup d'Etat qui met fin au Directoire, comme un fuyard qui se sauve dans sa pelisse bien chaude sans même un regard pour les débris de sa Grande Armée se noyant dans la Bérézina, comme un mythomane enfin qui occupe son exil à Sainte-Hélène en alignant dans ses "Mémoires" mensonge après mensonge, Napoléon Ier, par la haine même de Tolstoï et le génie de l'écrivain, ressuscite une fois encore tel que le XIXème siècle, amis et ennemis réunis, considéra sa fabuleuse et incroyable épopée : à la suite des contemporains de l'Empereur et de ceux qui, après sa mort, s'attachèrent à sa mémoire soit pour la mépriser, soit pour la vénérer, Tolstoï regarde Napoléon avec un mélange de fascination et de détestation qui laisse le lecteur perplexe.

Le livre achevé, contrairement à toute attente, contrairement à la version officielle, le parfait opposé de Napoléon n'est pas Alexandre, prince par la naissance, mais bel et bien Koutouzov, fils d'un modeste ingénieur militaire. C'est Koutouzov qu'affronte Napoléon - même s'il n'en a pas conscience - et non Alexandre, contre lequel, à l'extrême fin du roman, c'est-à-dire en 1820, Pierre Bezoukhov est prêt à se rebeller tant il trouve son gouvernement mou et injuste envers les plus démunis. (A suivre ...)
II - L'ambiguïté caractérise également la réflexion personnelle de l'écrivain sur les forces qui dominent l'univers. Tolstoï n'a pas ce mysticisme parfois si exalté de Dostoievski et qui dérange par ses excès. Son mysticisme se veut - encore - raisonnable et raisonné. Saisi très jeune, dit-on, par l'absurdité et la fragilité de l'existence humaine, il cherche, comme tant d'autres, un sens à tout cela. Trop slave, trop russe pour sombrer dans l'athéisme, Tolstoï, qui mourra excommunié par l'Eglise orthodoxe, est un croyant sincère et farouchement anti-clérical. Déjà.

Ce qui étonne et même stupéfie, c'est que cette foi ignore royalement le libre-arbitre. Ainsi, la guerre devient un phénomène voulu par l'autorité divine et dans lequel l'homme n'est qu'une marionnette. Dans de telles conditions, on ne comprend pas comment Tolstoï, dans certains passages de sa fresque, impute tout naturellement la responsabilité de telle ou telle bataille, de tel ou tel massacre, à Napoléon ou à tel général russe. La contradiction est flagrante mais elle semble si peu déranger l'auteur russe qu'on en vient à se demander s'il s'en rend compte.

A certains, l'ambiguïté tolstoïenne rappellera les méandres du discours de St Augustin qui, selon ceux à qui il s'adressait, mettait en avant l'importance du libre-arbitre ou, au contraire, la niait complètement en évoquant le fameux "péché" originel qui aurait déterminé le destin de l'Homme. Mais si l'on accepte, avec une relative facilité, les atermoiements et contradictions d'un père de l'Eglise, canonisé qui mieux est, si ceux-ci s'expliquent aussi par les visées politiques de l'Eglise, Tolstoï, lui, ne peut bénéficier de pareilles "circonstances atténuantes." D'autant qu'il a aimé la réputation de penseur et de grand esprit pacifiste qu'on lui fit.

Entraîné par cette ambivalence spirituelle, le discours de l'écrivain se brouille en maints endroits. Quant à sa théorie sur L Histoire (largement exposée dans la toute dernière partie du deuxième tome), elle se fait elle aussi trop floue, trop changeante pour convaincre. Néanmoins, l'effort de la pensée, le désir sincère de poser les bonnes questions et de faire avancer la réflexion sont bien là. Comme le prince André, comme Pierre Bezoukhov, Tolstoï cherche l'Autre et se cherche lui-même, au-delà de tout, y compris de la Mort, cette Mort dont on sent bien que, en dépit de sa foi toujours affirmée avec superbe, il a une peur panique.

Sur le plan romanesque, "La Guerre & la Paix" s'attache à l'évolution de la société russe, et tout spécialement de la société aristocratique, happée dans le tourbillon des guerres napoléoniennes. (En dépit de tout ce qui demeure lié au nom de Tolstoï, force est d'admettre qu'il évoque rarement le peuple dans ce roman. Quelques silhouettes, ici et là, Platon Karateiev bien sûr, figure quasi christique ... mais sinon le peuple russe reste anonyme, un peuple parmi "les peuples" dont se gargarisent si bien les empereurs dans leurs différents discours. ) Tolstoï a coupé au plus simple : pour servir ici de guide à son lecteur, il a choisi sa propre famille et son histoire.

Sa mère par exemple, Maria Nikolaievna, née Volkonsky, qui mourut alors qu'il n'avait que dix-huit mois, se retrouve dans le personnage de la princesse Maria Nikolaïevna Bolkonski, la fille tyrannisée - et pourtant aimée - du vieux prince Bolkonski, lequel trouve ses racines chez le feld-maréchal Nikolaï Volskonsky. La famille était illustre - et il arrivait à ses représentants de se prétendre avec raison des origines largement antérieures aux Romanov.

Le comte Nicolas Rostov, lui, symbolise bien entendu le comte Nikolaï Illitch Tolstoï, père de l'écrivain.

Mais toutes les équivalences que l'on cherche à établir entre les créatures nées de la cervelle du romancier et leurs modèles de chair et d'os ne sont pas aussi faciles à établir. le personnage de Natacha intrigue et l'on y voit en général deux sources : ou bien l''épouse de Tolstoï, Sophia Behrs, ou bien la soeur de Sophia qui vivait avec le couple et entretint toujours avec son beau-frère une relation assez ambiguë. A moins qu'il ne s'agisse d'un hybride des deux soeurs, en une sorte de fantasme qui retient au passage des traits de caractère puisés çà et là chez telle ou telle jeune fille, parente ou non, que Tolstoï trouvait à son goût.

A notre avis - mais ce n'est qu'une opinion - Tolstoï a réparti les tourments de sa propre nature entre deux hommes : le torturé et pessimiste prince André Bolkonski, frère de la princesse Maria, et le rayonnant et généreux comte Pierre Bezoukhov qui, à la fin de la chronique, épouse Natacha Rostov. Il est sans doute possible - et même certain - qu'il ait dispensé à l'un comme à l'autre telle ou telle caractéristique pêchée chez un proche ascendant, paternel ou maternel, mais si l'on s'intéresse un tant soit peu à la vie et au caractère de Tolstoï lui-même, on ne peut nier l'évidence.

Le manichéisme qui sous-tend le binôme André/Pierre est à lui tout seul une signature tolstoïenne : d'un côté, une personnalité jeune encore mais austère, bougonne, revêche, se déclarant anti-cléricale mais incapable de cesser de s'interroger sur le sens de la vie et sur celui de la Mort, un aristocrate hautain et dédaigneux avec ses pairs mais relativement simple et aimable avec les gens de plus petite extraction, un homme hanté par l'idée de se dépasser mais qui, fasciné par les rêves, est trop cartésien pour s'abandonner pleinement à leur emprise ; de l'autre, une espèce de grand enfant naïf, bonne pâte, qui donne sans compter et se plie à la volonté d'autrui parce qu'il ne veut pas blesser en disant "non", un noble certes mais que ses pairs jugent souvent avec condescendance en raison de sa bonté qu'ils prennent pour de la faiblesse et aussi de sa bâtardise originelle, un rêveur enthousiaste enfin, un vrai, de la plus belle eau, qui voue un véritable culte à Bonaparte avant de vouloir assassiner Napoléon Ier de ses propres mains et qui, une fois l'ordre rétabli en Europe, est prêt à repartir en campagne contre les excès mystiques d'Alexandre. ;o)
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Guerre et Paix était un projet de lecture que je nourrissais depuis longtemps ; il surgissait et resurgissait invariablement parmi les innombrables ouvrages qui se rajoutent chaque jour à ma longue liste de livres à lire, jusqu'à ce fameux soir où j'ai découvert la série Guerre et Paix réalisée par Robert Dornhelm. le jeu des acteurs et la beauté des costumes m'ont séduite et ont constitué l'aiguillon que j'attendais pour sauter le pas et entamer sans plus attendre une lecture qui me permettrait de comparer ce livre au téléfilm.

Dès les premières pages, j'ai été perturbée par les noms des personnages et leur grand nombre. Pour faciliter ma lecture, j'ai noté les noms de chacun d'entre eux ainsi que les liens qu'ils entretiennent les uns avec les autres. La lecture se faisant, j'ai fini par abandonner et oublier ce document : l'univers de Tolstoï m'était devenu familier.

L'histoire commence en 1805 et se termine en 1820. Il est tout à fait passionnant de découvrir les personnages à un instant de leur vie et de les voir évoluer, se lier les uns aux autres, se séparer et se revoir encore au gré des événements inspirés de l'histoire. Tolstoï donne une personnalité et une individualité à chacun d'entre eux. Il en décrit les sentiments par le menu, détaille le prisme de la personnalité de chacun, réussit à les faire évoluer et murir sous nos yeux. C'est cette capacité à leur donner une âme qui m'a permis de vivre des instants intenses et d'être happée par chacune des pages de cette superbe fresque.

La Russie elle-même semble être un personnage à part entière. On en découvre la vie, les moeurs, les goûts, l'art de vivre, et je dois dire que j'ai souvent repensé aux costumes portés par les acteurs du téléfilm réalisé par Robert Dornhelm que j'ai considéré comme un bon complément en la matière.

J'ai aimé découvrir le milieu militaire sous un jour nouveau : on envisage d'habitude les événements historiques à travers des dates, des noms de batailles, mais on trouve peu d'éléments sur la vie militaire. Tolstoï la met en oeuvre de manière détaillée, y fait évoluer ses personnages, met en lumière les relations que les uns et les autres entretiennent, décrit la vie des régiments avant, pendant et après le combat. Quelle sensation étrange de se retrouver sur le champ de ces batailles si renommées que furent Austerlitz, Borodino, puis dans Moscou assiégé, avant le passage de la Bérézina (on se remémore alors le poème « L'Expiation » de Victor Hugo). Les choses sont ainsi faites que l'on tremble pour nos compagnons russes que sont devenus les personnages de Tolstoï.

Napoléon n'est pas épargné, mais quel plaisir de connaître l'opinion et la vision d'un écrivain russe sur cette période ainsi que sa conception de l'histoire.

Guerre et Paix restera dans mon coeur tout comme ses personnages aux personnalités si attachantes : Natacha, Marie, Nicolas, le prince André, Pierre Bézoukhov. Je n'aurai aucune difficulté à revenir vers eux et à lire à nouveau ces pages qui m'ont permis de passer un peu plus d'un mois de lecture palpitante.
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Après un mois et demi de lecture presque continu, je viens enfin vous présenter cet ouvrage qui a totalement bloqué l'activité de mon blog. Je précise que c'est difficile de faire la critique d'un ouvrage aussi dense et aussi riche et que je ne pourrais pas aborder tous les points qui me tiennent à coeur.
Deux périodes bien distinctes se succèdent dans cet ouvrage : la paix et la guerre. Dans le premier cas, on est plongé dans un univers féérique de bals, de dîners, de fréquentations mondaines où les Russes parlent français, se font la cour dans les salons et chassent le loup dans les campagnes. En temps de guerre c'est la vie quotidienne des soldats et les diverses étapes de la campagne de Koutouzov qui sont décrits. Cette partie m'a moins intéressé car il y avait beaucoup de longueurs sur la stratégie militaire et l'auteur n'hésite pas à mettre son opinion personnelle sur la façon d'aborder tel ou tel bataille et les erreurs commises lors de la campagne militaire contre Bonaparte.
Il y a beaucoup de personnages dans le livre qui sont tous extrêmement bien travaillés et qui sont attachants mais quelques uns vont retenir notre attention car nous serons liés à leur destin : la comtesse Natacha Rostov et son frère Nicolas, le prince André Bolkonski et sa soeur Marie ainsi que le comte Pierre Bezoukhov. Personnellement j'ai beaucoup aimé la princesse Marie pour sa gentillesse, son abnégation et son coeur en or et Natacha pour son caractère enjoué et impulsif qui lui apportera parfois bien des soucis. Je n'en dirais pas plus pour vous donner l'envie de lire mais sachez-que certaines parties de leur existence sont vraiment poignantes et que l'auteur arrive à leur donner un souffle très réaliste.
Le style d'écriture est limpide avec de magnifiques descriptions qui vous donnent l'impression d'être vraiment présent sur les lieux. On sent que chaque détail du livre est bien peaufiné.
Au-delà de l'histoire, on sent aussi un certain questionnement de l'auteur sur le sens de la vie et la recherche du bonheur par les hommes. Quelque part, j'ai eu l'impression qu'il voulait nous faire comprendre que tout est vain en ce monde mais la fin a plus ou moins réfuté mon impression.
En quelques mots, c'est un chef-d'oeuvre très riche qu'il faut avoir lu au moins une fois dans sa vie !
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Voilà précisément le genre de chef d'oeuvre qu'il est impossible de décrire : qu'en dire ? Que dire de ce style grandiose qui nous transpose dans la Russie du XIXème siècle au coeur des guerres napoléoniennes ? de ces personnages plus vrais que nature qui tentent de suivre le cours de leur vie malgré les bouleversements, qui semblent si réalistes qu'on s'attend à tout instant à les voir surgir des pages pour se camper à côté de soi ?
Il m'a fallu un temps infini pour me remettre de cette lecture qui a bouleversé mon regard sur la littérature et encore plus pour apprécier pleinement les lectures qui l'ont suivie... tous les romans faisaient pâle figure en comparaison : comment apprécier quoi que ce soit après avoir vécu la passion de Natacha et André ? L'amour délicieusement interdit de Sonia et Nicolas ? Les intrigues qui s'entremêlent et les destins qui se croisent ? L'humanité et l'empathie de la princesse Maria ? Les combats épiques sur les immenses champs de bataille, qui amènent certains personnages à une prise de conscience à propos d'eux-mêmes ?
Une seule phrase d'Alain peut résumer ce chef d'oeuvre incomparable : "Lisez, relisez ces pages éternelles. N'espérez pas en trouver ailleurs l'équivalent." Nul besoin d'en dire davantage...
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Pavé interminable ? Oui et non. Certes, la lecture a été longue, mais le roman a tenu ses promesses. La fresque napoléonienne, de la gloire à l'effondrement, vue en négatif du côté russe, nous plonge dans la Grande Histoire, celle des batailles et des retraites, des discussions de palais et de casernes, mais Guerre et Paix (laissons de côté la polémique sur le titre), c'est aussi et surtout la petite histoire, celle de ceux qui sont pris, malgré eux, dans les évènements. Au fond, ce qui fait que La Guerre et la Paix (en russe, si j'ai bien compris, les déterminants "le" et "la" n'existent pas, donc les deux traductions sont possibles) se lit sinon rapidement, du moins avec un intérêt presque constant, ce sont les personnages et leurs aventures au milieu de la tourmente générale. Les passions de Natacha, jeune fille en quête d'absolu et de plaisirs, amoureuse folle, puis mère de famille épanouie, celles de Pierre, balourd, philosophe tête en l'air, cocu, assassin virtuel de Napoléon, prisonnier puis père de famille, celles de la princesse Maria, sous le joug colérique de son horrible père, la laide princesse Maria qui devient belle quand ses yeux s'illuminent, mystique puis, alors que tout l'en éloignait, amoureuse, celles de son frère le prince André, qui touche la mort de près à toutes les batailles, qui aime Natacha, qui meurt dans ses bras, celles de Nicolas Rostov, de Sonia, la plus malheureuse peut-être, sans crier gare, celles aussi de Koutousov, le militaire incompris qui comprend qu'il faut laisser faire, celles de Petia, qui meurt alors même qu'il réalise son rêve militaire, toutes ces passions, romantiques au milieu des ruines, diverses, se rencontrant sans cesse, font de Guerre et Paix un roman de la vie sous tous ses états, un foisonnement de rêves et de réalités, un jeu de l'amour, du hasard, de la mort et de l'histoire unique en son genre.
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C'était en juillet 1805, et tout Saint-Pétersbourg s'inquiétait de l'avancée de Bonaparte. Mais pas tant que cela pour annuler une soirée au cours de laquelle Pierre, bâtard de naissance mais pas de nature, devait être introduit dans la société russe.
« Pierre n'est pas l'un des nous », ont observé plusieurs invités. « Non seulement il oublie des choses, mais il ne parle pas russe. Et il boit même plus que nous.
le prince André, bâtard de nature mais pas de naissance, s'éclaircit délicatement la gorge. « En tant que membre de la classe des officiers, j'ai décidé de rejoindre l'armée », a-t-il déclaré.
« Quitte ta femme enceinte si tu veux, dit Pierre, acceptant volontiers le manteau de l'insouciance. « Je vais manger, boire et copuler pour la Russie. Ce sera mon devoir pour la glorieuse patrie.
"Je vais rejoindre les hussards", a déclaré Nicholas, tandis que sa soeur Natasha lorgnait sur les maris potentiels. Ils pourraient devenir plutôt rares.
Pierre consulta sa montre gousset. Les pages tournaient plus vite qu'il ne s'y attendait et son père était maintenant décédé. "Il semble que je me trouve être l'homme le plus riche de Russie."
La guerre s'est avérée plus terrible qu'André ou Nicholas ne l'avaient prévu. Les rêves ainsi que les hommes ont été tués. "Comme j'embrasse la mort", murmura André alors que la bataille d'Austerlitz faisait rage. « Pas si vite », dit Napoléon. « Permettez-moi de vous donner une main. Maintenant, je dois laver mon petit corps potelé.
"Je suis à la maison", a déclaré André lorsque sa femme est décédée en couches.
Pierre sentit le poids de l'attente et épousa Hélène. L'angoisse était intolérable, mais Pierre se sentit obligé de ne pas tuer son rival amoureux en duel et quitta Saint-Pétersbourg pendant de nombreuses années pour ruminer sur la franc-maçonnerie avant de décider qu'un mouchoir noué n'était pas pour lui. Au lieu de cela, il a choisi d'améliorer le sort de ses serfs, qui étaient jusqu'alors restés entièrement invisibles. « Harrumph », conclut-il enfin. "Je ne peux pas améliorer leur sort car ils n' jamais été meilleur." Tolstoï hocha la tête d'un air approbateur, levant momentanément les yeux de la belle servante sous lui.
"Donc, 500 roubles sur la durée de la paix", a déclaré Nicolas, alors que Napoléon et le tsar s'embrassaient dans l'amitié, perdant ainsi les restes de la fortune de Rostov.
"Je suis bouleversé", a déclaré André alors que Natasha tombait dangereusement malade.
On était maintenant en 1812 et Pierre était hors de lui alors que les Français approchaient de Moscou. « ‘Je suis dérangé par le symbolisme et Hélène m'a quitté même si je l'ai quittée le premier. Je jure de tuer Napoléon », a-t-il déclaré.
"Je ne peux pas croire que je viens de perdre la bataille de Borodino", grinça Napoléon, alors que ses souliers lui faisaient mal. "Les Français avaient de loin la meilleure armée."
"Mais la Russie avait la nature et la spiritualité de son côté", a déclaré Tolstoï tandis qu'un choeur de bateliers de la Volga chantait des chansons patriotiques.
« Ne peux-tu pas faire quelque chose à propos de la fumée à Moscou ? demanda Napoléon. « Et quand vais-je recevoir la reddition ?
« Jamaïs », répondit Mère Russie. D'abord la terre brûlée, puis le général Winter. La guerre c'est l'enfer.
Pierre a oscillé entre la folie et la mort alors que les Français commettaient des atrocités lors de leur retrait de l'étreinte glaciale de la Mère Russie.
"Il y a une noblesse à être fauché", a déclaré la tante de Nicholas. "Alors je vais te donner un peu plus d'argent." "Oh, merci", a répondu Nicolas. « Maintenant, je peux épouser Marie. Et peut-être qu'André et toi pouvez vous réconcilier maintenant, Natasha ?
"Je te pardonne, Natasha", a déclaré André, avant de tomber mort.
"C'est pratique", a déclaré Pierre, surgissant de nulle part. "Peut-être que je peux t'épouser à la place."
"Oui, s'il te plaît," gémit Natasha. "Je peux abandonner mon chant, nous pouvons avoir quatre enfants et je peux devenir une bonne vieille bourrique, parce que Leo pense que la soumission est l'état naturel d'une femme."

Tolstoï baissa la tête. Il était fatigué.
le roman était une chose difficile.
Non pas que son livre soit un roman, bien sûr.
Bien que les gens seraient obligés de l'appeler ainsi.
Nous pouvons seulement savoir que nous ne savons rien.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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(...)
Loin de glorifier les victoires militaires, Tolstoï fait preuve d'une grand lucidité dans ses descriptions, sans concession. Il minimise le libre-arbitre, et conçoit l'Histoire avec déterminisme. On retient de tout ça l'immense talent de Tolstoï pour raconter l'Histoire et lui donner un visage humain. Passionnant. Un classique.

Lire la critique complète sur mon site :
Lien : http://chroniques.annev-blog..
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Tout l'intérêt du roman provient de ce que l'auteur traite deux sujets en parallèle, la vie sociale et amoureuse des personnages, d'une part, et sa théorie sur la guerre d'autre part, qui est développée pendant les passages sur l'invasion de la Russie. Pour ma part, j'ai une petite préférence pour les passages sur la question militaire, bien que la vie amoureuse des personnages ne soit pas dépourvue d'intérêt, loin de là.
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Lu dans la Pléiade, 1952, traduction de Henri Mongault, introduction de Pierre Pascal, index par Sylvie Luneau. Edition de l'intégralité du texte et non pas divisée en tomes comme ici.

Commencé mi-juillet, je viens de finir ce roman de 1607 pages à minuit ce 31 août. Inutile de dire qu'il faut du temps du temps pour arriver à bout de ce pavé. (C'est quoi au-dessus du pavé ?)
Il s'agit donc d'une saga familiale sur fond de guerres napoléoniennes, depuis la victoire d'Austerlitz jusqu'à la fameuse retraite de Russie après la prise et l'incendie de Moscou. Tolstoï commence donc son roman en 1805 pour le finir en 1820.
Tout commence dans l'aristocratie pétersbourgeoise où l'on tient salon, où l'on organise des fêtes sous le règne du Tzar Alexandre 1er. Tout se met en place dès les premiers chapitres, et les personnages du début, secondaires, se retrouveront noyés dans L Histoire puisque l'auteur a choisi de commencer son roman par présenter des intrigants qui cherchent à placer leurs enfants ou leurs protégés que ce soit dans le monde par mariage interposé ou dans l'armée à un poste important. Il s'agit du Prince Basile dont les deux enfants Hélène et Anatole apparaîtront pour représenter l'Egoïsme, et d'Anna Makhaïlovna qui cherche à placer son fils, Boris comme aide de camp. C'est aussi la première apparition de Pierre Bézouhkov dont nous suivrons l'évolution jusqu'à la fin du roman et de Nicolas Rostov, jeune homme impétueux, désireux d'en découdre, appartenant à cette famille de la noblesse russe respectueuse des traditions et éminemment patriotes dans laquelle se trouvent aussi Natacha, jeune adolescente au caractère enjoué, qui, comme toutes les adolescentes est prête à s'amouracher du premier hussard venu, amour qu'elle croit toujours « profond et sincère » et Pétia, le petit frère pressé de devenir soldat . Et puis il y a la famille Bolkonski avec ce vieux prince qui tyrannise sa fille Marie, qu'on dit laide, pieuse et douce et dont le fils, André part aussi pour la guerre.
Les deux premières parties du livre premier (il y en a quatre divisées elles-mêmes en parties) font alterner la paix (vie des salons, préparatifs de départ, discussions…) et la guerre (Austerlitz) où l'on croise de vrais personnages historiques que ce soit Napoléon ou le général Koutouzov. Mais si Tolstoï décrit par le menu les intrigues amoureuses et ambitieuses de chacune des familles, il fait de même avec les scènes de bataille avec la mise en place, la lenteur de l'amorce puis le feu lui-même. En plus de tout cela, l'auteur met L Histoire à distance, réfléchit sur la façon que l'on a (à son époque bien sûr) et que l'on avait d'envisager L Histoire. Pour lui, c'est un « mouvement des peuples » mû par la « nécessité qui fait loi ». Il en profite donc pour démystifier Napoléon – à qui nombre d'historiens accordaient du génie stratégique- en montrant que pendant la prise de Moscou avec ses reculades et enfin la retraite de Russie, il avait la même armée et la même stratégie qu'à Austerlitz. Dans un essai – un peu indigeste il faut le dire –de l'épilogue, Tolstoï présente sa didactique de l'histoire avec force exemples, moult images, ce qui donne en partie la clé de cet ouvrage.
Hormis ce côté didactique, l'histoire des familles Rostov – la plus attachante peut-être – Bézoukhov et Bolkonski est narrée de main de maître avec juste ce qu'il faut de lyrisme pour ne pas sombrer dans le pathos, avec juste ce qu'il faut de mysticisme, de quête de soi-même ( Pierre Bézoukhov devient franc-maçon) pour limiter la religiosité prégnante de l'ouvrage avec ses icônes et ses prières, avec juste ce qu'il faut de mots pour délimiter le paragraphe et d'action pour faire des chapitres relativement courts. Tolstoï sait aller à l'essentiel sans oublier les détails, sait parler des sentiments ressentis sans s'enfoncer dans le larmoyant. C'est ce qui fait la force et le charme de cet ouvrage qui se lit avec assez de facilité.
Voilà donc, en vrac, mes impressions du plus gros livre que j'ai lu de ma vie. Maintenant je vais peut-être finir Proust.
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Les 2000 pages de Guerre et Paix représentent pour beaucoup l'un des chef d'oeuvres majeurs de la littérature mondiale. Cité dans de nombreux classements d'ouvrages à lire absolument, ces 2000 pages peuvent rebuter plus d'une personne. S'il est pourtant difficile de « noter » l'oeuvre fleuve de Tolstoi, je pense que chaque lecteur peut se donner 5 étoiles une fois la lecture achevée. Pour ma part, ce fut le temps de lecture accru du au confinement covidien, qui m'a permis de le lire.

Inutile de revenir sur l'histoire, qui est connue ou détaillée dans beaucoup d'autres critiques. Sans reprendre la blague de Woody Allen (« guerre et Paix est un livre qui parle de la Russie »), on pourrait dire simplement que Tolstoï nous présente une fresque d'époque romanesque : l'évolution de nombreuses familles aristocrates russes lors des Guerres napoléoniennes. La force et l'intérêt majeur du livre selon moi, est L Histoire (avec un grand H). En effet Guerre et Paix nous plonge avec grande facilité sur les champs de la bataille d'Austerlitz, sur la fameuse débâcle napoléonienne de la Berezina ainsi que dans l'abandon de Moscou par les russes avant l'arrivée des français.
Des personnages historiques, notamment Napoléon et le tsar Alexandre sont dépeints lors de batailles, de pourparlers mais aussi parfois dans des scènes plus anodines. de plus certains personnages moins connus, tels que Koutouzov, général russe, sont aussi présentes sous plusieurs coutures.
Il est intéressant, en particulier pour les français, de voir Napoléon décrit par une vision russe, celle de Tolstoï, à travers une patriotique, souvent exaltée. le roman donne certainement envie de connaitre plus en détails « la civilisation russe » de l'époque ainsi que les campagnes napoléoniennes.

Le récit historique s'entremêle de nombreuses histoires romancées d'aristocrates russes. Cette aristocratie parle en français fréquemment, avec comme préoccupations majeures : les bals, les plaisirs de tables et de chair, et l'amour (avant que la guerre ne vienne perturber cela en partie). Si Tolstoï réussit à incarner de nombreux débats intéressants à travers ces personnages (la religion, l'amour), j'ai trouvé quelques parties très longues, notamment les histoires d'amour « courtois ». On peut trouver que ces histoires (avec un petit h) sont parfois redondantes et monotones.

On a souvent du mal à critiquer les classiques encensés à l'infini, tels que Guerre et Paix. Pourtant lors de cette narration fleuve, il manque souvent le rythme et le caractère percutant des narratives plus contemporaines. Il est odieux de comparer, mais par exemple, le Pont sur la Drina d'Andric réussit un exercice formidable de mélanger L Histoire et l'histoire sur une longue période de temps, en bien moins de pages.

De plus, s'il est intéressant de présenter la société aristocratique de l'époque, vu les temps pauses de la narration, on pourrait déplorer l'absence de personnages en marge de la société de pouvoir.De nombreuses longueurs parsèment également les descriptions des batailles.

Malgré les longueurs, en s'accrochant bien (je conseille notamment d'avoir en parallèle une liste des relations entre personnages, ceci m'a grandement facilité la compréhension), on retrouve quelques grands moments littéraires : l'explication par le prince Andre de la pertinence occasionnelle de la guerre, quelques visions de la sclérose de la société russe qui présagent au loin la révolution bolchevique (le servage des paysans, immobilité des titres de noblesses). de plus, certaines scènes historiques telles que l'abandon de Moscou par les russes ou le traite de paix entre français et russes, sont décrites de manière magistrale

Lire Guerre et Paix est certainement un accomplissement de lecture, bien que le style ne soit pas complique en soi. Les longueurs apparaissent souvent, et il vaut mieux allouer des séances de lectures de plusieurs heures pour pouvoir rentrer dans l'oeuvre. Si certains moments valent vraiment le détour, je pense qu'un roman plus poignant aurait pu être au rendez-vous avec un longueur plus succincte.
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