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André Gabastou (Traducteur)
EAN : 9782267020847
62 pages
Christian Bourgois Editeur (11/03/2010)
3.57/5   7 notes
Résumé :

Invité à un symposium international sur le roman à Lyon, un double de l'écrivain barcelonais Enrique Vila- Matas est abandonné dans son hôtel, où personne ne vient l'accueillir. Dans sa solitude, il achète un exemplaire du Magazine littéraire dédié à Julien Gracq et tombe sur un article qu'il a lui-même consacré au Rivage des Syrtes. Cette lecture lui donne l'idée d'élaborer u... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce billet est l'amende que je dois payer pour m'etre introduit par effraction dans le billet d'une de mes amies. Je m'en acquitte pour eviter d'autres formes de proces.

Je dois recenser un petit livre de Vila-Matas. Tout petit. Ni un roman, ni une nouvelle, ni un essai. Un petit recit, redige expres pour des inconscients comme moi. Qui ne s'apercoivent que c'est un piege qu'une fois qu'ils sont pris. Mais c'est sans douleur et meme avec un certain plaisir (serais-je masochiste?). Et comme c'est un piege, je vais multiplier les citations, pour essayer d'en sortir, de m'en sortir.

L'auteur (ou le narrateur?) se rend a Lyon, prendre part dans un congres litteraire. Une fois sur place personne ne vient le chercher, et ca lui donne du temps a reflechir a l'attente. Et de se rappeler des ecrivains qui ont traite de l'attente, Kafka ou Beckett entre autres. “Les mots de la vieille femme russe delicieusement absurde dont parle Bertrand Russell dans ses memoires sont surement tres senses : « Oui, messieurs. Il fait mauvais temps et nous attendons qu'il change. Mais il vaut mieux qu'il fasse mauvais temps que rien du tout et que nous attendions au lieu de ne rien attendre. »”

Desoeuvre, il sort de son hotel deambuler un peu et achete des journaux et un magazine litteraire dedie a Julien Gracq. Ses pensees tournent alors autour de la modernite de Gracq, de son style, et plus generalement de l'importance du style en litterature. “L'intrigue se traine derriere le style. Je ne puis resister à rappeler cette question posee un jour par Rodrigo Fresan a John Banville : — Ami Banville, le style est-il le roi et l'intrigue un simple soldat de deuxieme classe ou est-ce le contraire ? — le style avance en faisant de triomphales enjambees, l'intrigue suit en trainant les pieds, lui avait repondu Banville. Cette reponse sans replique m'a rejoui parce qu'elle semblait me liberer definitivement d'un cliche que j'avais ressasse dans ma jeunesse, cette « idee reçue » tres en vogue dans le monde anglo-saxon, selon laquelle les romans devaient toujours privilegier l'intrigue, le recit d'une histoire.
J'ai appris a petits pas a ne plus respecter les intrigues. L'apprentissage est devenu definitif le jour ou j'ai lu des declarations de Vilem Vok dans The Paris Review qui confirmaient mes soupçons : il n'y a qu'un nombre reduit d'intrigues, il n'est nullement indispensable de leur accorder une importance demesuree, il suffit d'en introduire une – presque par hasard – dans le livre qu'on est en train d'ecrire afin de pouvoir ainsi disposer de plus de temps pour peaufiner ce qui devrait toujours nous importer le plus, le style.”

Qu'est ce qui est important en litterature? Il note, pour ne pas les oublier, les points qui lui semblent importants en ce debut de XXIe siecle: “Cinq traits essentiels, incontournables : L'« intertextualite » (ecrit ainsi, entre guillemets). Les connexions avec la haute poesie. L'ecriture conçue comme une horloge qui avance. La victoire du style sur l'intrigue. La conscience d'un paysage moral delabre.” Belle theorie, mais a peine l'a-t-il notee qu'il s'avise que les auteurs qu'il admire n'en ont jamais ete les esclaves, mais se sont laisses porter par leur plume ou leur ordinateur, et que les premieres pages ecrites decident des suivantes: “Comment se fait-il, ai-je pense, que l'une des choses que les gens en general ne comprennent pas chez les ecrivains – du moins chez les ecrivains serieux –, c'est qu'on ne commence pas par avoir quelque chose a ecrire pour ensuite passer a la pratique, mais que c'est le processus de l'ecriture proprement dit qui permet a l'auteur de decouvrir ce qu'il veut ecrire ?”.

Sur ces pensees on vient le chercher pour sa causerie, mais il fait l'ivrogne et s'esquive, renoncant au congres, renoncant a parler devant audience de theorie litteraire, renoncant en fait a toute theorie litteraire. Il se l'avoue dans le train qui le ramene chez lui, a Barcelone: “le seul objectif de ma theorie de Lyon etait de me liberer de son contenu, d'ecrire, de perdre des pays, de voyager et de perdre des theories, de les perdre toutes”.

Et moi je suis tombe dans le piege, j'ai ecrit un billet qui a l'air de rendre compte d'un essai, sur la theorie litteraire ou sur la litterature sans theories, alors que c'etait peut-etre un roman sur un homme perdu a Lyon, et qui, dans l'attente d'un contact qui tarde a venir, se morfond, s'interroge sur les raisons qui l'ont pousse a y venir, et en fin de compte se sauve, se derobant a tous ceux qui pourraient l'y chercher? Quelque part il dit qu'il projette d'ecrire un roman titre “L'attente”. C'est peut-etre celui que j'ai lu?

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C'est un très court récit de 2010 sur la littérature, entre fiction et essai, de ce grand escamoteur qu'est Enrique Vila-Matas.

Le narrateur, double fictionnel d'Enrique Vila-Matas, est invité à Lyon pour prononcer une conférence sur un thème rebattu qu'il connaît bien, la relation entre fiction et réalité. A son hôtel à Lyon, comme il attend vainement qu'on le contacte pour la conférence, alors l'attente prend le pas sur tout le reste, elle devient l'épicentre de la vie.

Au cours de cette attente, son esprit dérive et, se souvenant de l'adoration qu'on vouait à la théorie littéraire lorsqu'il était très jeune, il prend en note, en écriture automatique dans cette chambre d'hôtel, des considérations en vue d'une théorie générale du roman. Pour lutter contre la solitude, il se voit en héros d'une courte fiction intitulée L'attente, et tout ce qui lui arrive fait partie de cette fiction.

Il sort finalement dans Lyon et, s'arrêtant dans un kiosque à journaux, il tombe, de façon inattendue, sur un article sur Julien Gracq dans le magazine littéraire qu'il a lui-même écrit, ce hasard lui donne la liberté de se sentir autre, d'oublier son propre nom :

En relisant son article sur Gracq, il redécouvre la modernité du Rivage des Syrtes, rattaché aux tendances romanesques les plus contemporaines. A la fin, repartant de l'hôtel sans avoir participé à la conférence pour laquelle il avait entrepris ce voyage, il arrive à la conclusion que la théorie littéraire est inutile car elle ne naît que dans la pratique de l'écriture ; il se libère de la conférence et des théories et peut ainsi repartir, écrire, perdre des théories, perdre des pays.

« Sans doute vit-on mieux dans le néant qu'en pleine tempête ou après elle. Il n'empêche que le néant est douloureux, il est terrible de voir que l'histoire de notre continent a fini par devenir celle d'un grand vide provoqué par cet immense orgueil consistant à penser que, les dieux étant morts, il n'y a plus que nous d'immortels. Comme dit Félix de Azúa, un si grand vide a provoqué en nous un tel désespoir que nous finissons inexorablement par devenir la culture la plus belliqueuse à avoir jamais existé. Pourquoi ? On ne sait pas. Ce qui nous caractérise, c'est une pure activité sans fin, une course folle vers le néant. Tel est précisément le paysage moral que préfigure Gracq dans le rivage des Syrtes, où le roman est abordé comme genre suprême de l'utopie, comme l'instrument le plus adéquat pour rêver de nouveau d'irréalité, chose absolument nécessaire. »
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Vidéo de Enrique Vila-Matas
En dialogue avec Tiphaine Samoyault Interprète : Manuela Corigliano
Un narrateur en panne d'inspiration se remémore ses années de bohème à Paris. La dèche, la mansarde, les petits trafics d'herbe : l'attirail classique de l'écrivain romantique qui aspire à la gloire d'Hemingway. Paris est une fête, c'est bien connu… En proie au doute, il commence à observer des signaux qui le ramènent invariablement à l'essence de l'écriture. Depuis la mystérieuse chambre 205, du modeste hôtel de passe Cervantes à Montevideo, mise en scène par Julio Cortázar, les symboles se succèdent, reliant Paris à Cascais, Montevideo à Reykjavik et Saint-Gall à Bogota, qui tous témoignent de l'impossibilité de l'écriture à raconter la vie. En revanche, on peut entrer dans l'espace de fiction pour transformer la vie en littérature. de digression en digression, on est happé dans un vertigineux vortex, ébloui par l'intelligence du propos, la générosité de l'auteur envers ses pairs, la finesse de son humour et une autodérision à toute épreuve.
Immense écrivain, Enrique Vila-Matas est traduit dans une quarantaine de langues et s'est vu attribuer les plus prestigieux prix à travers le monde.
À lire – Enrique Vila-Matas, Montevideo, trad. de l'espagnol par André Gabastou, Actes Sud, 2023.
Son : Jean-François Domingues Lumière : Patrick Clitus Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
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