Dans “
L'art du roman”,
Virginia Woolf nous parle de son amour inconditionnel de la lecture et nous explique l'évolution d'un jeune genre de la littérature : le roman. Ce livre est constitué de différents articles ou conférences réalisés autour de ce thème durant toute la vie de l'auteur. L'association des articles s'est fait après le décès de l'auteur mais je trouve l'ensemble plutôt homogène.
Le roman est un genre assez récent dans la littérature anglaise mais
Virginia Woolf note son extraordinaire essor durant le XIXème siècle. de très nombreux courants se développent à cette époque qui sont détaillés par
Virginia Woolf dans le chapitre intitulé “Les étapes du roman”. Les plus grands auteurs anglais s'y retrouvent dans différentes catégories comme les réalistes avec Defoe, Trollope, les colporteurs de personnages comme Dickens ou
Jane Austen, les satiriques comme Sterne ou Peacock, etc… Ce chapitre permet à
Virginia Woolf d'insister sur l'incroyable inventivité des romanciers et leurs possibilités infinies de création. Mais pourquoi cette forme littéraire s'est-elle ainsi développée ?
Virginia Woolf l'explique par la volonté des écrivains de créer des personnages et de les approfondir : “Autrement dit je crois que tous les romans ont affaire au personnage et que c'est pour exprimer le personnage - pas pour prêcher des doctrines, chanter des chansons ou célébrer les gloires de l'Empire britannique - que la forme du roman, si lourde, si verbeuse, si peu dramatique, si riche, si élastique, si vivante, s'est développée.” le personnage comme centre de la création artistique a apporté un changement d'importance : l'arrivée des femmes en littérature.
Elles sont de grandes observatrices de la vie quotidienne et des personnes qui les entourent. Cette prédisposition et la possibilité de disposer d'espaces intimes leur permettent d'investir le champ du roman. Mais, comme pour les hommes, leur matériau principal reste l'humain, son comportement et ses émotions.
Virginia Woolf fait le même constat en Russie où le roman a également pris son essor au XIXème siècle. L'âme humaine est le sujet principal des oeuvres de
Dostoïevski ou
Tolstoï.
Après l'écrivain,
Virginia Woolf consacre de longs passage au deuxième acteur du roman : le lecteur. le rôle du lecteur est essentiel car il peut influencer le goût de l'époque. le lecteur doit avant tout suivre son instinct et s'éduquer grâce à ses multiples lectures.
Virginia Woolf souligne d'ailleurs la difficulté d'être lecteur : “Ainsi, aller d'un grand écrivain à un autre, de
Jane Austen à Hardy, de Peacock à Trollope, de Scott à Meredith, c'est être arraché et déraciné, projeté ici puis là. Lire un roman est un art difficile et complexe. Il vous faut être capable non seulement d'une grande finesse de perception mais encore d'une grande hardiesse d'imagination si vous voulez mettre à profit tout ce que le romancier - le grand artiste - vous apporte.” le lecteur, à force de lectures, devient plus critique et recherche la qualité ce qui, normalement, doit élever le niveau des livres écrits.
L'époque contemporaine, à partir de 1910, permet d'ailleurs une démocratisation de la lecture avec l'ouverture d'écoles et de bibliothèques publiques. On assiste également à une démocratisation du métier d'écrivain. AU XIXème siècle et au début du XXème, l'écrivain est issu, à l'exception de
Charles Dickens et
D.H. Lawrence, des classes sociales les plus élevées. Cette ouverture, espère
Virginia Woolf, permettra une diversité créatrice accrue. Cette nouvelle génération d'écrivains doit trouver sa place et chercher de nouveaux moyens d'expression. La période est instable politiquement, les guerres mondiales ont profondément modifié les comportements et bouleversé l'ordre social. Aussi la période semble peu propice à la naissance de chefs-d'oeuvre. Malgré cela,
Virginia Woolf attend et croit beaucoup en l'avenir du roman qui ne peut que s'enrichir de tous ces changements.
Ce recueil d'articles de
Virginia Woolf est passionnant et passionné. Elle nous transmet son plaisir de lectrice et ses goûts. Ses fines et pertinentes analyses éclairent à la fois l'histoire du roman mais également ses choix d'écrivain. Lire “
L'art du roman” incite à lire de plus en plus et comme le dit fort bien
Virginia Woolf : “(…) on ne saurait jamais trop lire.”
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