AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

André Gabastou (Traducteur)
EAN : 9782264041784
291 pages
10-18 (17/08/2006)
3.8/5   57 notes
Résumé :
À l'occasion d'une conférence qu'il doit donner à Barcelone, un écrivain revient sur ses années de bohème et d'apprentissage littéraire à Paris. Sous la figure tutélaire d'Ernest Hemingway, il dit son amour pour cette ville à travers les souvenirs de ses premiers pas dans l'écriture. Maniant en maître l'ironie et la digression, Enrique Vila-Matas nous offre une promenade décalée, à la fois tendre et grinçante, dans la mythique capitale.
Que lire après Paris ne finit jamaisVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
3,8

sur 57 notes
5
4 avis
4
2 avis
3
2 avis
2
1 avis
1
1 avis
Ce livre (2003) est un régal ! Ludique, drôle et tendre. Il traite de mémoire, de solitude et de création littéraire.

Il s'ouvre par une scène improbable. le narrateur, alter ego de l'auteur, participe à un concours de sosies d'Hemingway à Key West, en dépit du fait qu'il ne ressemble pas du tout à Hemingway. Après s'être bien ridiculisé, il fait un voyage à Paris avec son épouse et se consacre à passer en revue sur le mode ironique les deux années qu'il a vécues dans cette ville, en 74-75, au cours desquelles il fut non pas « très pauvre et très heureux «  comme Hemingway mais « très pauvre et très malheureux ». Ces notes qu'il a jetées machinalement sur son siège dans l'avion du retour et qu'il feint d'avoir oubliées, seront à l'origine de « Paris ne finit jamais », la triple conférence de deux heures qu'il aura l'honneur de prononcer dans un symposium à Barcelone consacré à l'ironie.

Les 110 notes soit-disantes éphémères qui suivent sont écrites sur le ton de la conversation avec des digressions sur le présent du narrateur dont on sait depuis l'ouverture qu'il est un imposteur grotesque à la mémoire défaillante. Au récit auto-parodique de souvenirs personnels drôles et mélancoliques, se mêlent la littérature (française surtout) et sa parodie.

Et nous voilà à Paris, période post-soixante-huitarde. le jeune écrivain barcelonais plein d'ambition s'est exilé pour composer « La lecture assassine ». Il est entièrement vêtu de noir, porte une barbe noire, fume la pipe et promène un regard tourmenté comme un vrai poète maudit. Et il veut aussi car c'est la mode, se faire passer pour un jeune Situationniste. Il loge dans une chambre de bonne que lui loue Marguerite Duras et dans laquelle des célébrités sont passées avant lui. Il ne la comprend pas bien Marguerite Duras car elle parle constamment un « français supérieur » et lui donne des conseils d'écriture sibyllins. Il faut dire que l'écrivain en herbe à l'ambition de tuer le lecteur et Duras est sublimement stupéfaite. Au fil du texte, Marguerite Duras réapparaîtra de manière saugrenue dans des scènes formidables. le jeune apprenti se fraye un chemin à Saint-Germain-des Prés, se faufile au Flore haut lieu de tradition apatride et dans d'autres cafés emblématiques avec quelques exilés hispaniques et latino-américains. Il nous fait entrer dans des caves mystérieuses où des illustres tiennent des conférences, à moins qu'il ne s'agissent d'imposteurs ou de travestis. Il brosse le portrait de figures haut-en-couleurs, il décrit avec un humour tordant le petit monde gravitant autour de Marguerite qui vient de tourner Indiana Song. Il nourrit sa mémoire de tout ce petit monde en pique-assiette littéraire astucieux. En même temps seul dans sa mansarde à lui, face au portrait de Virginia Woolf le jeune écrivain est en proie aux doutes et erre au milieu de ses obsessions littéraires.
Au terme de son séjour parisien il ignore encore s'il est devenu l'écrivain qu'il voulait être. Il retourne cependant à Barcelone en sachant désormais taper à la machine convenablement et, nanti de l'ultime et précieux conseil de Marguerite qu'elle tient de Queneau, il pressent comment il doit pratiquer son métier.

J'ai lu ce livre plein d'originalité et de fantaisie d'une traite en riant souvent. J'en lirai d'autres car Paris ne finit jamais.
Commenter  J’apprécie          539
Le narrateur, qui est aussi l'auteur, se remémore, à l'occasion d'un voyage et d'une conférence qu'il doit donner, les années qu'il a passé à Paris pendant sa jeunesse, années pendant lesquelles il a tenter de débuter une entrée en littérature. Cette carrière littéraire naissante a été placée sous le haut patronage d'Ernest Hemingway, et le livre de Vila-Matas revendique l'héritage du fameux « Paris est une fête ». Mais le jeune aspirant littéraire espagnol n'a pas la même personnalité, ni le même état d'esprit que le grand Américain : il soutient qu'il a été très malheureux pendant son séjours parisien. On peut le croire à demi, car le maître mot de son ouvrage, comme de la conférence qu'il est censé donner, est l'ironie. C'est donc avec la même distance et le même second degré que l'auteur, que le lecteur doit aborder la lecture de ce livre.

Au-delà des tribulations de notre jeune homme, qui nous livre finalement relativement peu de factuel, et des choses, somme toute, relativement banales, ou métaphoriques, c'est à la littérature que le livre s'intéresse avant tout. On pourrait presque remplacer le Paris du titre, par la littérature, qui n'a ni de début, ni de fin. le souvenir d'Hemingway, est précédé par la réminiscence d'autres auteurs qui l'ont précédé, comme évidemment Proust, mais bien d'autres encore. Et il y a les auteurs de l'époque du fameux séjour parisien de Vila-Matas (années 70 du siècle dernier), dont certains sont toujours en activité. Évidemment Marguerite Duras, qui loge l'apprenti écrivain dans une chambre de bonne, où d'autres célèbres ou moins célèbres sont passés avant lui. Il en fait un portrait amusant, mais tendre aussi, entre dérision et admiration. Mais d'autres passeront, surtout en tant que silhouettes. C'est d'ailleurs extraordinaire à quel point Vila-Matas croise presque à chaque pas des célébrités, des gens connus, qu'il admire ou découvre. Mais c'est sans doute que dans son livre, il fait le choix de ne se souvenir que de ces moment-là, comme si c'était la seule chose qui subsistait de son passage dans la capitale française. de même, les lieux qu'il évoque, sont toujours plus ou moins liés à la littérature, il ne semble rechercher que ces lieux-là. Plutôt que de visiter des musées ou lieux touristiques habituels, il préfère se rendre devant un immeuble banal, mais où un jour, un écrivain a vécu, ou un événement en lien avec la littérature a eu lieu. Même si plus rien ne semble rappeler ces moments-là, ils vivent dans les livres, et dans la mémoire de l'auteur. Ils sont éternels par la grâce du mot. le monde de la littérature est aussi réel que le monde physique, et c'est le premier que l'auteur explore et partage avec nous.

C'est brillant, drôle, touchant aussi, et il est tellement agréable de faire ce voyage, de voir des lieux connus sous cet angle différent, celui des réminiscences littéraires, sans que cela soit pédant. Sans doute un certain nombre de références échappent à tout lecteur, tant le livre en regorge, mais c'est au final sans grande importance. Chacun peut y retrouver tel ou tel auteur, livre, moment de l'histoire littéraire ou culturelle. Et sourire à la fine ironie de l'auteur, qui cache sous une légèreté et désinvolture apparente, un rapport au livre et à la culture, une sorte de philosophie élégante du rapport au monde.
Commenter  J’apprécie          233
Émouvante autobiographie de Enrique Vila-Matas, qui, au début de sa carrière d'écrivain, est venu à Paris et a été hébergé par Marguerite Duras. Vila-Matas nous raconte avoir voulu imiter et réincarner Ernest Hemingway pour qui Paris était une fête et représentait une période de sa vie, sa jeunesse, où il avait été pauvre et heureux alors que Vila-Matas, tout aussi pauvre, se vivait malheureux.

Ce texte romancé est soi-disant celui préparé pour une conférence qui doit durer trois jours, je vous l'assure, où Vila-Matas doit parler du thème de l'ironie et quoi de plus ironique que le regard porté sur ces années de jeunesse marquées par le doute par celui qui a été en définitive reconnu.

Idéal à lire lors d'une escapade dans la capitale française car ce livre vous donne l'envie de suivre à la trace Vila-Matas et, tant qu'on y est, de repérer les endroits où le personnage principal de son roman Docteur Pasavento, se terrait dans Paris.
Commenter  J’apprécie          190
Vils-Matas nous livre, sur fond de références à Hemingway, un panorama non pas de Paris, mais de sa vie – littéraire – parisienne. Un récit constitué sur la base de ses souvenirs nés de deux années de pérégrinations et lamentations en capitale. La narration se découpe en courts chapitres, qui fonctionnent comme des unités-anecdotes: Vila-Matas vogue de citations de poètes espagnols à des histoires culinaires, met en lumière le caractère plutôt austère de Duras, nous explique de quoi sont partis certains de ses romans… Mais cet opuscule de deux-cents pages se révèle surtout comme un possible guide pour l'apprenti écrivain. Vils-Matas étant lui-même novice en littérature, il nous livre les conseils reçus mais ne se cantonne pas seulement à ça: il prend du recul par rapport à tout ceci, analyse les conseils donnés des années auparavant et disserte quelque peu. Car Vila-Matas ne cesse de se poser des questions, qui débouchent sur d'autres interrogations, d'autres doutes. Un roman qui peut se lire comme un recueil de chroniques, mais qui affichent un soucis de cohérence narrative.
Commenter  J’apprécie          80
Paris ne finit jamais est le roman d'apprentissage de Vila-Matas, largement autobiographique. À plus de cinquante ans, l'auteur accompli revisite avec ironie son passé d'aspirant écrivain. Au milieu des années 70, il a vécu deux ans à Paris, dans une chambre de bonne appartenant à Marguerite Duras. Il planche alors sur son premier roman, sous l'égide de la figure paternelle d'Ernest Hemingway. En dehors de sa pauvre mansarde, il côtoie la faune du Café de Flore et le cercle d'amis de sa logeuse. Mais, le fourmillement ambiant n'exclut pas la solitude, le manque d'assurance et le découragement.

Les 113 courts épisodes s'enchainent rapidement, avec beaucoup de plaisir. La prose de Vila-Matas est intelligente, touchante et souvent très drôle. Je recommande ce livre notamment aux amateurs de Duras. Chacune de ses apparitions dans le récit est pittoresque. Avec son français « supérieur » aux oreilles du jeune Espagnol, elle excelle dans l'art de poser une colle.
Commenter  J’apprécie          70

Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Je lis les mots du poète Ullán sur Marguerite Duras et je la revois comme si c’était hier : « […] Allant et venant entre son verre et sa cigarette, sa toux spasmodique et ses silences interminables. […] ». Je garderai à jamais le souvenir d’une femme violemment libre et audacieuse, qui incarnait en elle à tombeau ouvert […] cette désolation dont sont faits les écrivains les moins exemplaires, les moins académiques et les moins édifiants, ceux qui ne cherchent pas à donner à tout prix une bonne image, […] les seuls dont nous n’apprenons rien, mais également les seuls qui ont le rare courage de s’exposer littéralement dans leurs écrits […] et que j’admire profondément parce qu’ils sont les seuls à jouer le jeu à fond et me paraissent de vrais écrivains.
Commenter  J’apprécie          232
Après tout, c'est une question de patience, je serai, un jour, un bon écrivain. Mais je me souviens aussi que j'ai été, à cet instant, assailli par une foule de questions : Et pourquoi, diable, ne suis-je pas déjà ce bon écrivain que je serai un jour ? Que me manque-t-il pour l'être ? Vie et lectures ? Est-ce ce qui me manque ? Et si je n'arrive pas à être, un jour, un bon écrivain ? Que serais-je alors ? Serai-je toute ma vie un jeune homme sans expérience ni lectures, incapable d'écrire bien ? Pourrai-je le supporter ?
Commenter  J’apprécie          131
Un matin d'hiver, je me promenais avec Arrieta dans le Jardin du Luxembourg quand, dans une allée secondaire, nous avons aperçu un oiseau noir et solitaire, presque immobile, lisant le journal. C'était Samuel Beckett. Vêtu rigoureusement de noir des pieds à la tête, il était assis sur une chaise, figé comme une statue, il avait l'air désespéré, il faisait peur. Et on avait même du mal à croire que c'était lui, que c'était Beckett. Jamais je n'avais pensé que je pourrais le rencontrer. Je savais que ce n'était pas un classique mort, mais quelqu'un qui vivait à Paris, toutefois je me l'étais toujours imaginé comme une obscure présence survolant la ville, nullement comme quelqu'un qu'on rencontre en train de lire désespérément un journal dans un vieux parc solitaire et froid. De temps à autre, il tournait une page avec une telle irritation et une telle énergie que si le Jardin du Luxembourg tout entier s'était mis à trembler, nous n'en aurions guère été étonnés. Arrivé à la dernière page, il avait l'air à la fois absorbé et absent. Faisait encore plus peur. "C'est le seul à avoir eu le courage de nous montrer que notre désespoir est si grand que nous n'avons même pas de mots pour l'exprimer", a dit Arrieta.
Commenter  J’apprécie          50
"Un conseil, voilà ce qu'il me faut, de l'aide pour le roman." Cette fois, Marguerite a parfaitement compris. "Ah, un conseil" a-t-elle dit, et elle m'a invité à m'asseoir dans l'entrée (comme si elle me trouvait très fatigué), a éteint lentement sa cigarette, l'a posée dans le cendrier qui était là et s'est dirigée, de façon un peu mystérieuse vers son bureau, dont elle est revenue, une minute plus tard, avec une feuille de papier qui ressemblait à une ordonnance de médecin et contenait des instructions qui pouvaient - m'a-t-elle dit ou ai-je cru comprendre - m'aider pour écrire mes romans. J'ai pris la feuille et suis directement sorti dans la rue. Dans la rue Saint-Benoît, j'ai lu, peu après, les instructions et ai senti tout le poids du monde fondre d'un seul coup sur moi, je me souviens encore aujourd'hui de l'immense panique - du frisson qui m'a secoué, pour être plus précis - qui s'est emparé de moi quand je les ai lues :
1. Problèmes de structure. 2. Unité et harmonie. 3. Thème et histoire. 4. Le facteur temps. 5. Effets textuels. 6. Vraisemblance. 7. Technique narrative. 8. Personnages. 9. Dialogue. 10. Cadres. 11. Style. 12. Expérience. 13. Registre linguistique.
Commenter  J’apprécie          40
Ce 9 avril, j’allais traverser le boulevard Saint-Germain avec Marguerite Duras et Raúl Escari quand, tout à coup, une grande voiture noire, presque funéraire, qui, en tout cas, n’avait rien de printanier, a freiné sèchement et s’est arrêtée à notre hauteur. J’ai regardé, et ai pu voir à l’intérieur Julia Kristeva, Philippe Sollers, Marcelin Pleynet et une quatrième personne que je n’ai pas identifiée. Sollers a baissé la vitre de la voiture et a parlé quelques petites secondes avec Marguerite. Puis la voiture a démarré […]. Marguerite a alors dit : « Ils partent en Chine. »
J’ai pensé, une fois de plus, qu’elle parlait dans son français supérieur. Ils partent en Chine, a répété Raúl d’un ton très solennel et ironique, et je n’ai pu m’empêcher d’éclater joyeusement de rire.
Commenter  J’apprécie          50

Videos de Enrique Vila-Matas (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Enrique Vila-Matas
En dialogue avec Tiphaine Samoyault Interprète : Manuela Corigliano
Un narrateur en panne d'inspiration se remémore ses années de bohème à Paris. La dèche, la mansarde, les petits trafics d'herbe : l'attirail classique de l'écrivain romantique qui aspire à la gloire d'Hemingway. Paris est une fête, c'est bien connu… En proie au doute, il commence à observer des signaux qui le ramènent invariablement à l'essence de l'écriture. Depuis la mystérieuse chambre 205, du modeste hôtel de passe Cervantes à Montevideo, mise en scène par Julio Cortázar, les symboles se succèdent, reliant Paris à Cascais, Montevideo à Reykjavik et Saint-Gall à Bogota, qui tous témoignent de l'impossibilité de l'écriture à raconter la vie. En revanche, on peut entrer dans l'espace de fiction pour transformer la vie en littérature. de digression en digression, on est happé dans un vertigineux vortex, ébloui par l'intelligence du propos, la générosité de l'auteur envers ses pairs, la finesse de son humour et une autodérision à toute épreuve.
Immense écrivain, Enrique Vila-Matas est traduit dans une quarantaine de langues et s'est vu attribuer les plus prestigieux prix à travers le monde.
À lire – Enrique Vila-Matas, Montevideo, trad. de l'espagnol par André Gabastou, Actes Sud, 2023.
Son : Jean-François Domingues Lumière : Patrick Clitus Direction technique : Guillaume Parra Captation : Claire Jarlan
+ Lire la suite
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature espagnole et portugaise>Romans, contes, nouvelles (822)
autres livres classés : littérature espagnoleVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (138) Voir plus



Quiz Voir plus

Littérature espagnole au cinéma

Qui est le fameux Capitan Alatriste d'Arturo Pérez-Reverte, dans un film d'Agustín Díaz Yanes sorti en 2006?

Vincent Perez
Olivier Martinez
Viggo Mortensen

10 questions
95 lecteurs ont répondu
Thèmes : cinema , espagne , littérature espagnoleCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..