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EAN : 9782070107032
288 pages
Gallimard (05/10/2017)
3.75/5   12 notes
Résumé :
Les dernières années du XIXe siècle voient triompher la République. Une ère nouvelle commence. À Paris, les expositions universelles de 1889 et de 1900 donnent la mesure du progrès technique et industriel du pays. Mais la victoire des républicains et l'apothéose d'une nouvelle civilisation, urbaine, technique, matérialiste font naître un sentiment profond de décadence. Le mot court comme une traînée de poudre, répété par les intellectuels et repris dans les discours... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
A la fin du 19ème siècle la société change avec l'essor de l'industrie, le progrès de la science, l'exode rural, l'accroissement des villes. le rôle de la femme évolue, les lois sur le divorce, la liberté de la presse et de réunion sont votées, la religion décline, la société traditionnelle est mise en péril. Un sentiment de décadence va s'installer qui va mener politiquement au boulangisme, lieu de toutes les oppositions, le Juif devenant le bouc émissaire des dérives de cette société capitaliste en plein essor. L'antisémitisme, lié à la haine de l'argent roi et des banquiers va par la suite se focaliser plutôt à l'extrême droite. Parallèlement le mouvement ouvrier va s'organiser, le marxisme s'introduire en France, les grèves se multiplier. le socialisme commence à percer avec Jean Jaurès, élu député en 1893.

L'exposition universelle de 1889 avec la construction de la tour Eiffel a été le triomphe du monde moderne, de la science, des industries et de la République. Face à cet optimisme de propagande, un fort sentiment d'opposition va se développer et se montrer aussi bien dans les révoltes ouvrières, les attentats anarchistes que dans la nostalgie du vieux monde, des prises de position monarchistes, chrétiennes, nationalistes, antiparlementaristes qui vont s'exprimer dans les journaux et dans la littérature. Léon Bloy, Joris-Karl Huysmans, Barbey d'Aurévilly, Joséphin Péladan, Maurice Barrès, sont des écrivains de cet esprit fin de siècle : haine du monde moderne pour le premier, regret de la foi perdue et pessimisme radical pour le deuxième, fascination pour la magie chez Péladan, recherche des racines et nationalisme pour le dernier. Barbey est un grand écrivain de la tradition monarchiste et catholique, ce qui ne l'empêche pas d'être un dandy extravagant et coureur de jupons. Préfaçant et soutenant l'oeuvre des autres, il va faire scandale avec ses "Diaboliques", livre saisi à sa parution et qui ne sera réédité que quelques années plus tard.

C'est aussi l'époque de l'essor de la presse où s'expriment moultes opinions. La plupart des écrivains y écrivent, y éditent leurs romans en feuilletons, voir fondent ou prennent la direction de journaux : "La libre parole" de Drumont, "La Cocarde" dirigée par Georges La bruyère puis Maurice Barrès, "L'Escarmouche" de Georges Darien. Léon Bloy collabore au "Chat noir", Barbey au "Constitutionnel", Octave Mirbeau au "Gaulois" et au "Figaro"...

Le siècle va s'éteindre avec un drame, l'incendie du Bazar de la Charité qui fait 120 victimes, la plupart des femmes de la haute société. Ce fait divers va focaliser toutes les dérives et les contradictions de cette époque, tournant historique où se mêlent la guerre des sexes, la guerre sociale, le conflit religieux, l'attirance pour l'occultisme, l'esprit "scientifique" mais également le voyeurisme et le goût pour le morbide qu'exploite un certain journalisme. le 20ème siècle est né.

Ce passionnant ouvrage de Michel Winok nous permet de découvrir ou redécouvrir des écrivains parfois méconnus qui ont marqué leur époque, certains avec génie, et de faire le point sur les divers courants intellectuels et politiques à l'oeuvre dans cette fin du 19ème siècle qui portait déjà en germe toutes les contradictions et les conflits du nouveau siècle. Et que notre chère tout Eiffel n'a pas toujours fait l'unanimité...
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"UN PESSIMISME SEPULCRAL"
(mots trouvés dans l'ouvrage)

Michel Winock, ancien, professeur des universités en histoire contemporaine à l'Institut d'études politiques de Paris, nous livre un texte très intéressant et parfaitement intelligible sur l'esprit fin de siècle qui a hanté une grande partie des écrivains français de la fin du XIX ème siècle.
On se situe entre 1882 et 1897. Une nouvelle école littéraire, hétérogène, voit le jour.
Dénonçant furieusement les travers de la société démocratique, haïssant la République, revenant à la religion catholique, ou s'enfuyant vers les sphères ésotérico-occultistes, les auteurs de ce"club" agrègent les peurs, concentrent leur tir sur 'L'Ennemie (celle que Maurras appellera plus tard "La gueuse") s'emparent du refus du progrès scientifique, de la raison pure, des nouvelles institutions qui donnent la parole aux masses (pas toutes, pas partout, pas de la même façon) pour signifier leur opposition à ce qu'ils perçoivent comme étant les causes de la décadence du Pays.
Le propos de M. Winock est de nous raconter qui furent les hérauts de ce courant de pensée à l'aide de biographies courtes, riches, faisant la part belle aux publications et en les resituant dans leur contexte historique, quels furent leur contribution à la naissance du nationalisme ou leur soutien au mouvement anarchiste, les raisons pour lesquelles certains d'entre eux devinrent les promoteurs d'un antisémitisme particulièrement virulent.
Il couple cette description à une mise en perspective politique brève qui court de la Commune de 1871 aux lois constitutionnelles de 1875, rappelle le mauvais état de l'économie française, la guerre opposant les laïcs aux partisans de l'Eglise, évoque de grands évènements intérieurs des années 1880 (répression des grèves ouvrières, scandale de Panama, incendie du bazar de la Charité, exposition universelle de 1889 marquée par l'apparition de l'électricité et la construction de la Tour Eiffel...) et identifie les thèmes qui traduisent, selon certains, l'existence de ferments de décomposition de la societé française. On ne s'étonnera pas d'y retrouver la Femme, éternelle obsession de la gent masculine, ramenée soit à son rôle de mère au foyer, soit à sa "fonction" d'objet ("Objets inanimés, avez vous donc une vie" ?) sexuel...On y les craintes que soulève la vision d'une femme actrice de sa vie.
La lectrice ou le lecteur croise donc des très grands écrivains (Barbey D'aurevilly, Huysmans), des idéologues, notamment Barrès mais aussi Déroulède, Mirbeau, Vallès, Darien..., des frottés d'ésotérisme (Gérard Encausse dit le mage Papus, Josphin Peladan* connu sous le nom de Sar** Peladan), un imprécateur exhalant sa fureur jusq'aux cieux-Léon Bloy-, des "Fumistes" façon Allais, club auquel appartînt, un temps donné, le génial Alfred Jarry, une tenante du sado-masochisme dominateur (Rachilde), un bourgeois un temps tenté par l'anarchisme (Claudel*** avant la révélation à N.D. de Paris), Zola, Mallarmé...

Il faut, et c'est toujours avec le plus grand plaisir, remercier les responsables du Club (Claire, Ecilia, Jérôme) de m'avoir donné l'occasion de commenter le roman d'Agnès Michaux "La fabrication des chiens".
C'est à la suite de cette modeste contribution que j'ai redécouvert cette période de l'Histoire de France, des Lettres et des grandes angoisses millénaristes qui ont secoué le Pays à cette époque....d'où cette lecture qui explique le pessimisme sépulcral habitant certaines classes/catégories de la société.
Je reste frappé par l'actualité des débats qui eurent lieu il y a de cela plus de 130 ans....Bref, un excellent moment d'histoire et de littérature...

*Il ya mieux que Joséphin. Il y a son frère aîné Adrien, auteur d'aphorismes médicaux parfaitement remarquables : "Tout médicament qui agit sur l'utérus ou la prostate agit sur le larynx" et "De ce qui se passe aux fosses nasales, on peut déduire l'état de l'anus" (P 53) (Fosse d'aisance, Adrien, fosse d'aisance. Combien de fois faudra t-il le répéter ?)
**Voir les Professeurs Dac et Blanche : "Du Sar Peladan-Tifris au Sar Rabindranath Duval-Pastis"Editons de l'Adjudant-Tifris (Frère spirituel du sus nommé)_1962 : 1-1.
***Claudel qui écrit qu'il est attiré par l'anarchie...Il devait sortir d'une fumerie d'opium...!
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critiques presse (1)
NonFiction
10 janvier 2018
Cet essai magistral, très documenté, et très pratique notamment grâce à sa chronologie et son index fournis dans les appendices, se situe à la croisée de l’histoire et de l’histoire littéraire.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
L’optimisme républicain n’est pas le lot des écrivains « fin de siècle ». Dans l’année précédant la mort de Victor Hugo, un soleil noir se lève sur leurs œuvres. Les perversions sexuelles, le dérèglement des mœurs dans la haute société, la naissance d’une nouvelle Eve, la stérilité de l’Androgyne, toutes les monstruosités se déploient derrière le miroir de la modernité, rejetée, vitupérée, haïe. « Tout décade », tout est bouleversé, et les artistes alimentent leurs créations fuligineuses du Grand Dégoût du siècle. C’est aussi une peur sous-jacente, celle de la multitude, de la « vile multitude », comme disait Adolphe Thiers, par laquelle pourrait bien se préparer, en cette heure crépusculaire, le dernier acte de la Civilisation.
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C'est l'époque également où devient dominante la perception, largement inspirée par Baudelaire - la référence commune -, d'une modernité morbide, où triomphent le faisandé, le putride, la décomposition d'une société infectée de vices.
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Videos de Michel Winock (31) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Michel Winock
Par Annette WIEVIORKA, directrice de recherche émérite au CNRS
Tout historien, et même préhistorien, établit un lien avec "ses" morts dont il tente de restituer l'histoire, de la Lucy d'Yves Coppens aux morts qui sont ses contemporains. L'opération historiographique a souvent été décrite, de Jules Michelet à Michel de Certeau, comme opération de résurrection des morts et oeuvre de sépulture de ces morts qui hantent notre présent. Il y a aussi d'autres morts. Ceux des siens qui sont autant de dibbouk pour l'historien parce qu'ils ont orienté sa vie. Ce sont des morts fauchés avant d'avoir été au bout de leur vie, des morts scandaleuses. "Je suis le fils de la morte". Ce sont les premiers mots de l'essai d'égo-histoire de Pierre Chaunu. Ces morts nourrissent les récits familiaux, devenu un nouveau genre historique, de Jeanne et les siens de Michel Winock (2003)("La mort était chez nous comme chez elle") à mes Tombeaux (2023). Les morts de la Shoah occupent une place tout à la fois semblable et autre. C'est la tentative d'éradiquer un peuple, la disparition du monde yiddish dont ceux qui en furent victimes prirent conscience alors même que le génocide était mis en oeuvre. Ecrits des ghettos, archives des ghettos, rédaction de livres du souvenir, ces mémoriaux juifs de Pologne écrits collectivement pour décrire la vie d'avant, recherche des noms des morts, plaques, murs des noms, bases de données.... Toute une construction mémorielle. Vint ensuite le temps du "je"(qui n'est pas spécifique à cette histoire) , celui des descendants des victimes, deuxième, troisième génération, restituant l'histoire des leurs. Chaque année, plusieurs récits paraissent, oeuvres d'historiens ou d'écrivains, qui usent désormais des mêmes sources, témoignages et archives, causant un trouble dans les genres.
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