En matière de thrillers, on pourrait penser que tout a été dit. Je suis au contraire de ceux qui pensent qu'il faut maintenant un vrai talent pour réinventer le genre et jouer avec ses codes.
C'est le cas de
Koethi Zan, juriste dans l'univers du divertissement et équilibriste à ses heures, qui nous propose un premier roman psychologique au sujet et au traitement assez casse-gueule.
Car l'auteure flirte avec la ligne jaune tout au long de son thriller et a même souvent les deux pieds dessus, sans jamais la franchir pourtant.
Je m'explique : c'est un roman très noir, le sujet est difficile et il eut été aisé de se lancer dans des descriptions sordides à n'en plus finir. Il eut été facile de tomber dans la violence complaisante et l'horreur à deux balles.
Plus d'une fois je me suis dit que
Koethi Zan allait droit dans le mur en se prenant les pieds dans le tapis (sale) au passage. Mais elle a su, à mon sens, à chaque fois éviter le piège (même s'il s'en est fallu souvent d'un cheveux, c'est ça le talent).
Ce terrible récit de séquestration est une intrigue qui ne sombre pas dans l'accumulation de scènes avilissantes (même si certaines son terribles), mais qui au contraire se sert de ce sujet pour fouiller profondément la psychée des personnages. En terme d'analyse psychologique du traumatisme, l'auteure va loin et frappe fort.
En inversant l'ordre des choses, elle prend le contre-pied de bon nombre de ses confrères. Ici on alterne le présent et le passé ; les rescapées, meurtries et bousillées par leur traumatisante expérience, se retrouvent à enquêter des années après sur leur tortionnaire. Et se retrouvent à se souvenir aussi…
Ce renversement de situation est formidablement traité par l'auteure qui nous fait imaginer l'horreur plutôt que de nous la décrire et qui nous assène la vérité à coup de suggestions plutôt que descriptions. C'est la force de ce thriller qui nous assomme davantage en insinuant les faits et en laissant notre propre imagination faire une partie du travail.
L'intrigue est rythmée, bien écrite et bien menée. Elle prend ainsi une puissance qui nous empêche de lâcher le livre, enchaîné que nous sommes aux destins de ces femmes perturbées. Une histoire qui prend aux tripes, où l'émotion n'est pas factice, où les briques du mur de leur prison (physique et mentale) apparaissent au fur et à mesure. Jusqu'à un final bien vu, même si j'ai trouvé quelques détails un tout petit peu « too much ».
Oui avec
La liste de nos interdits,
Koethi Zan est une funambule qui nous fait vivre avec elle le frisson du gouffre. Si vous aimez les sueurs froides, vous pouvez la suivre sur son fil, elle saura vous mener (à la baguette) à destination.
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