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Les Rougon-Macquart tome 12 sur 20

Philippe Hamon (Éditeur scientifique)Colette Becker (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253082132
508 pages
Le Livre de Poche (08/06/2005)
3.96/5   821 notes
Résumé :
Près d'Arromanches, dans la maison du bord de mer où ils se sont retirés après avoir cédé leur commerce de bois, les Chanteau ont recueilli Pauline, leur petite cousine de dix ans qui vient de perdre son père. Sa présence est d'abord un surcroît de bonheur dans le foyer puis, autour de l'enfant qui grandit, les crises de goutte paralysent peu à peu l'oncle Chanteau, la santé mentale de son fils Lazare se dégrade, l'héritage de Pauline fond dans les mains de ses tute... >Voir plus
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« Plutôt souffrir que mourir, c'est la devise des hommes » concluait le poète dans La Mort et le Bûcheron et peut-être est-ce également la morale qu'a voulu donner Émile Zola à sa Joie de vivre ?

Après un volume parisien que j'avais adoré, Au Bonheur des dames, le père des Rougon-Macquart a voulu changer totalement d'atmosphère pour son n° 12, emmenant son héroïne, Pauline Quenu, la fille de la charcutière qu'on avait perdue de vue à la fin du Ventre de Paris, sur les plages crayeuses de la côte normande.

Personnellement — et bien qu'appréciant particulièrement ce littoral pour y avoir séjourné un certain temps, si vous voyez ce que je veux dire —, je n'ai pas pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce volume. Pendant tout ce temps, je me suis demandée quel était le pouvoir de généralisation que revêtait cet ouvrage. Car c'est un peu ça la marque de fabrique des Rougon-Macquart : regarder par le prisme de cette famille agrandie un élément typique ou révélateur de la sociologie française sous le second Empire.

Quand Gervaise devient alcoolique dans L'Assommoir, ça me parle et ça m'intéresse énormément car j'imagine que cela recouvre une réalité dans les milieux ouvriers ou petits commerçants d'alors. Quand on nous dresse le portrait de tous les habitants d'un immeuble haussmannien dans Pot-Bouille, j'imagine que, même si l'on ne peut généraliser outre mesure, c'est tout de même une espèce de moyenne de ce à quoi devait ressembler un immeuble bourgeois parisien sous le second Empire, etc. Et c'est bien sûr le cas pour la grande majorité des thèmes abordés dans les romans qui constituent ce cycle littéraire et que, pour bon nombre d'entre eux, j'apprécie beaucoup.

En revanche, pour certains tomes, je peine à voir la valeur de généralisation qu'ils revêtent. C'était le cas, par exemple, d'Une Page d'amour. Là, je m'étais franchement ennuyée car, outre le fait qu'à mes yeux, sociologiquement, cela ne me présentait rien de bien spécial ou qui puisse être typique de cette période de l'histoire, je trouvais que, psychologiquement, ça n'était pas non plus d'un grand intérêt, ni d'une finesse d'écriture indépassable.

Eh bien ici, d'après moi, c'est rebelote (dur, dur de se relancer après avoir signé un excellent roman comme ce fut le cas pour L'Assommoir et comme c'est ici le contre-coup avec Au Bonheur des dames) : on a affaire à une histoire qui ne dépasse pas beaucoup ses protagonistes, et, si l'on souhaite absolument chercher à généraliser, à voir plus loin que les personnages, cette généralisation ne m'apparaît en rien spécifique du second Empire.

J'ai plutôt le sentiment qu'Émile Zola a construit ce roman à partir de ses propres névroses et qu'elles ne sont en rien révélatrices ni d'une époque, ni d'une catégorie de personnes. (Je peux me tromper, bien entendu, mais c'est l'impression que cela me donne.)

Je n'arrive pas à me retirer de l'esprit qu'Émile Zola a voulu surfer sur la vague d'Une Vie, roman publié peu avant par son ami Guy de Maupassant. On y retrouve beaucoup de ressorts similaires, mais un peu moins bien exploités à mon goût.

Car Zola, qu'on le veuille ou non, c'est un journaliste engagé, un sociologue peut-être, mais pas un fin psychologue ; il sait décrire une partie d'échecs, mesurer les enjeux et les conséquences de chaque coup mais pas spécialement rendre perceptible, sensitif et intime ce qui se passe tout au fond, dans la tête des joueurs. C'est comme ça que je le perçois et je peux évidemment, là encore, me tromper.

On apprend au début de la Joie de vivre que la petite Pauline Quenu a perdu coup sur coup ses deux parents (qui tenaient la charcuterie florissante au pied des halles à Paris, cf. le Ventre de Paris) et qu'elle est donc recueillie chez un oncle, M. Chanteau, dans le Calvados, du côté de Port-en-Bessin (du moins c'est comme ça que je me l'imagine car le village imaginaire est dénommé Bonneville, probablement de façon ironique, quoiqu'on trouve effectivement, ailleurs dans le Calvados, un village s'appelant Bonneville-sur-Touques et un peu plus loin un autre qui répond au joli nom de Bonneville-la-Louvet).

Comme dans Une Vie (sus-mentionné) on va suivre une héroïne, jeune et naïve au départ, rattrapée par la mesquinerie et la nullité des hommes. D'année en année, on va l'observer se casser peu à peu les dents, volant de ratage en ratage, de désillusion en désillusion.

Il y a selon moi de très nombreux parallèles entre la Pauline d'ici et la Jeanne d'Une Vie. le personnage nul, qui échoue dans tout ce qu'il entreprend et qui ruine au passage l'héroïne était son fils unique, Paul, dans Une Vie, c'est ici Lazare, le fils unique du couple Chanteau.

Il y avait une scène terrible d'accouchement d'un bébé semi avorton dans Une Vie, il y en a un ici aussi (et les deux seront des petits garçons nommés Paul). Il y avait l'injustice et la douleur de l'adultère dans Une Vie, elle est aussi présente dans La Joie de Vivre. Il y avait même un chien subclaquant (Massacre, pour mémoire) et il y en un ici aussi, c'est le chien Mathieu.

Il y avait encore un parent gros mangeur et impotent (la mère de Jeanne dans Une Vie), c'est ici l'oncle, M. Chanteau avec ses crises de goutte mémorables. Il y avait également l'amie d'enfance qui se révélait rivale amoureuse (la bonne Rosalie dans Une Vie), ce sera ici Louise.

Il y avait enfin l'être malsain, le véritable ennemi de l'héroïne, quoique très proche d'elle. C'était le mari dans Une Vie, c'est la tante, Mme Chanteau dans La Joie de vivre. Chacun mourant prématurément et entraînant un changement radical dans la vie de l'héroïne.

On pourrait comme cela presque transférer point par point tous les éléments d'Une Vie (j'ai passé sous silence le père bienveillant mais faible, dont le rôle est tenu ici par le docteur Cazenove). Mais la question que je me pose, moi, c'est : quel est le projet littéraire de ce roman ?

Nous montrer que la descente aux enfers qu'a connu l'aristocratie régionale dans la première moitié du XIXème siècle est susceptible de frapper également la bourgeoisie commerçante dans la seconde moitié du siècle ? On s'en serait douté, non ?

L'héroïne de Maupassant était nostalgique et plutôt faible. Sa vie semble avoir été une vie pour rien. Au contraire, Pauline ici, est très positive et d'un optimisme à toute épreuve, mais, finalement, pour elle aussi, cela semble être une vie pour rien.

Le personnage de Lazare est très développé ici. On lit dans les notes de différentes éditions que l'auteur y a injecté énormément de ses propres doutes existentiels, notamment suite au décès de sa propre mère et aussi quant à ses manies & tics divers et plus ou moins superstitieux qui le conduisent à la dépression chronique et à l'inaction.

Finalement, le seul personnage qui apparaisse pleinement lucide semble être Véronique, la bonne, dont on appréciera la décision finale. Mais, là encore, que veut nous dire l'auteur, au juste, et qui soit contenu dans son projet littéraire des Rougon-Macquart ? Personnellement, je ne vois pas. J'ai trouvé la mouture beaucoup moins réussie que celle De Maupassant. Globalement, je me suis plutôt ennuyée à la lecture et il aura fallu que j'attende un fugace instant au chapitre VIII pour jouir d'une certaine tension narrative. Laquelle tension ne se maintint pas longtemps.

En somme, un opus décevant pour moi, que je rapproche de ma déception quant à Une Page d'amour, un tome que j'avais trouvé plutôt creux et gratuit après l'excellent Assommoir. À vous de voir à présent et de vous forger votre propre opinion à son sujet car je ne voudrais pas vous gâcher votre joie de vivre avec ce qui n'est, finalement, que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Ah! la petite Pauline... difficile d'imaginer, quand on fait sa connaissance dans le Ventre de Paris que le destin va lui jouer d'aussi mauvais tours. Vous vous souvenez certainement de cette enfant mignonne et sans histoires, fille de l'emblématique couple de charcutiers de la saga. On a connu Nana, qui était un vrai petit démon dans son genre et bien Pauline c'est tout le contraire, un vrai petit ange habité par la joie de vivre, et c'est là que notre histoire va prendre un tournant décisif avec ce douzième volet des Rougon-Macquart. Bouclez vos valises les enfants, on part respirer les embruns à à Bonneville, charmante bourgade de Normandie. Prêts? alors on y va!

Orpheline à dix ans et à la tête d'une immense fortune, Pauline Quenu est confiée à des cousins de son père, Mr et Mme Chanteau, qui deviennent ses tuteurs et vont prendre en charge les intérêts de la petite fille. Attendris par le caractère doux et conciliant de l'enfant, ils mettent un point d'honneur à ne jamais toucher à sa fortune. le couple a un fils, Lazare, jeune raté passionné de musique et Madame Chanteau nourrit de grands espoirs pour sa progéniture. Frustrée par la vie qu'elle-même a mené, elle veut pour Lazare un destin hors du commun seulement pour réaliser de telles ambitions il manque une chose essentielle : l'argent! Si il y a bien une personne qui pourrait aider Lazare, c'est Pauline, qui possède cette fortune qui dort au fond d'un tiroir depuis trop longtemps...

La première chose que j'ai envie de dire, c'est que cette lecture met les nerfs à rude épreuve. Ce douzième volet de la saga pris en pincette entre deux des monuments de l'auteur (Au bonheur des dames et Germinal) est vraiment réussi, que ce soit dans son contexte ou son histoire, difficile de rester insensible au sort de la petite Pauline. On avait eu un aperçu de l'espère de malédiction dont son frappés ceux du clan Macquart, nous avons été témoins de la déchéance de Gervaise dans l'Assommoir et je trouve que le cas de Pauline dans la Joie de vivre est aussi violent dans son genre. Pourtant, Lisa, sa mère a plus ou moins essayé d'échapper à sa condition de Macquart mais on dirait que le destin revient implacable, quoiqu'il arrive, pour finir son oeuvre, par n'importe quel moyen. C'est ce ressenti qui m'a le plus choquée au cours de cette lecture, en dehors du fait que l'histoire fend le coeur à la base quand on est un humain normalement constitué. Plus d'une fois j'ai eu envie de secouer Pauline, j'avais beau penser très fort à chaque page: "bon sang ma fille, mais quitte ce merdier!" et bien non, la malheureuse a préféré se complaire avec ces sales gens qui lui ont tout pris. Non contents de la mettre dans l'impasse, ce sont d'autres malheurs qui vont frapper Pauline. Malgré tout ça nous nous retrouvons face à un ange, qui prend sur elle quand ses défauts ressurgissent et subit un quotidien lugubre sans broncher en continuant d'insuffler la joie de vivre dans un foyer ou tout est déjà mort.
J'ai aimé ce roman et plusieurs mois après l'avoir lu j'en garde encore un souvenir assez vivace. Pour le moment c'est un des volets de la saga que je préfère donc je le conseille aux lecteurs qui n'ont pas encore eu le temps ou l'envie de le lire, ce portrait au vitriol mérite qu'on lui accorde de l'attention alors si le coeur vous en dit, ne cherchez plus, lisez-le!
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Découverte de ce tome jamais lu. On y retrouve Pauline, la fille des Quenu, les charcutiers des Halles, dans le Ventre de Paris. La petite est orpheline et sera recueillie par la famille Chanteau, qui vit sur la côte normande.

C'est une adorable enfant, gaie, attentionnée, et prête à aider quiconque le mérite à ses yeux, fût-il homme ou animal.

Les Chanteau sont moins enthousiasmants : le père, goûteux chronique mais incapable de résister à l'attrait d'une bonne table, il sera l'objet de toutes les attentions de Pauline. Madame Chanteau, reine de la mauvaise foi et de la cupidité et le fils, le pire des trois. Lazare est un jeune homme de dix-huit ans, inconstant, et frivole. A la manière des Bouvard et Pécuchet, il s'entiche de passions diverses et variées, qu'il abandonne aux premières difficultés. Ainsi , il sera tenté par la musique puis la médecine, puis la chimie, sans oublier la littérature, autant d'entreprises vouées à l'échec, ce qui serait un moindre mal si pour démarrer ses projets, il ne puisait pas à chaque fois dans l'héritage que la petite Quenu a touché lors du décès de ses parents.

Pour ne rien arranger, Lazare est aussi inconséquent dans sa vie amoureuse.

On imagine bien ce qui va se produire.

Ce tome est très médical : entre les descriptions cliniques de la goutte, qui ne bénéficiait à l'époque d'aucun traitement vraiment efficace, les études médicales de Lazare, certes brèves, mais néanmoins entamées, et le mal infectieux qui ronge Pauline et manque de la faire passer de vie à trépas. le personnage du médecin de famille est aussi représentatif des limites de cette science sous le second empire.

Le roman oppose des personnages radicalement différents, avec Pauline qui irradie d'une lumière douce et d'un optimisme à tout crin et la sinistre famille Chanteau. Quant à Lazare, c'est lui qui illustre ici la théorie de la dégénérescence chère à l'auteur.

Reste Véronique, la dévoué domestique, pragmatique, observatrice et conduite au désespoir par la déliquescence de cette famille.


Encore un roman passionnant.




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Toute la finesse, tout le talent et toute la profondeur de Zola sont réunis dans l'ironie éclatante de ce titre prometteur "La joie de vivre" qui introduit l'un des romans les plus noirs de sa série des Rougon-Macquart.

Que dis-je "ironie" ? Ce cynisme est d'autant plus poignant qu'il succède au flamboyant et coloré "Au bonheur des Dames", le moins noir des vingt volumes de l'histoire sociale de cette famille corrompue par sa nature même.

Souvenez-vous de Pauline, la petite fille grasse et rieuse du "Ventre de Paris", l'enfant unique du couple Quenu, charcutiers aux Halles. Orpheline, confiée aux Chanteau qui vivent en Normandie et qui ont désormais la quasi mainmise sur la fortune colossale dont elle a hérité, Pauline, va devenir, sous la plume du grand Zola, l'incarnation de l'abnégation engendrant la désillusion.

De cette enfant en pleine santé et qui se trouve privée de toute autorité sur sa propre existence, la vie et les choix iniques de ses tuteurs (surtout ceux de l'ambitieuse Mme Chanteau) vont faire une jeune femme fragile en proie à tous les coups du sort.

Les figures de femmes que brosse Zola sont assez terrifiantes et portent au pessimisme comme l'ensemble du récit. Les hommes ne sont pas plus reluisants mais les femmes laissent vraiment transparaître avec exacerbation leur jusqu'au-boutisme, leur volonté de s'élever ou se s'abaisser. Comme toujours dans les romans zoliens, les personnages ne font pas les choses à moitié et Pauline se fera tondre jusqu'à abandonner sa seule "joie de vivre", son amour pour son cousin Lazare qu'elle poussera dans les bras de sa rivale.

"La joie de vivre", c'est aussi le constat que le fort a raison du faible. La manipulatrice tutrice qui avait été désignée pour tenir le rôle de tendre substitut de mère, révélera un monstre d'égoïsme et de protectionnisme pour son fils, au détriment de tout autre être.

Avec tout le lyrisme dont l'auteur est coutumier, le récit se déploie au grand air des falaises normandes mais n'en demeure pas moins aussi oppressant que s'il se déroulait dans les rues grises de Paris.
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La Joie de vivre est le douzième opus de la saga des Rougon-Macquart. Je continue mon voyage dans ce cycle où je ne m'ennuie jamais. Je me suis embarqué depuis quelques années dans la lecture de cette immense fresque en respectant scrupuleusement la chronologie des récits. Ce voyage m'amène forcément à des ressentis inégaux, différents. Des coups de coeur, des déceptions, parfois des sentiments entre deux eaux...
Il n'est pas indispensable de respecter l'ordre chronologique des livres qui composent cette saga, cependant cela m'est apparu essentiel pour mieux comprendre la lignée des personnages dont il est question dans cette oeuvre, parfois le terrible destin qui les anime, à la fois gouverné par une hérédité malsaine et un héritage social déterminant.
De temps en temps, Émile Zola semble vouloir faire une pause, poser une respiration et nous y inviter avant de rebondir vers quelque chose de plus palpitant.
La Joie de vivre, se situant entre le réjouissant Au bonheur des Dames et le bouleversant Germinal, ici j'ai craint en effet, et qui plus est avec un titre pareil, de m'ennuyer passablement...
Mais c'était sans compter sur le talent malicieux et cynique de Zola... Quelle ironie tout de même de donner un titre si prometteur et quelle cruauté de jeter cette jeune enfant innocente, Pauline, en pâture à une famille peu scrupuleuse ! Approchez, oyez bonnes gens, écoutez voir un peu...
Pauline, nous l'avions connue enfant dans le Ventre de Paris, ronde et joyeuse, fille des Quenu, charcutiers aux Halles. Ah ! Quand je vous disais que je trouve indispensable de respecter l'ordre chronologique... Vous voyez ! Pauline la voilà désormais orpheline et riche héritière de la fortune amassée par ses parents à vendre du gras. Elle est alors confiée à son oncle et sa tante, les Chanteau, qui deviennent ses tuteurs de droit. Ils vivent dans un village côtier de Normandie, près d'Arromanches, un paysage rude, battu par les embruns et les vents... C'est là qu'elle va grandir aux côtés de son cousin Lazare quasiment du même âge. Ici, on dirait un havre de paix. Pauline exulte de joie, sa joie transpire dès les premières pages...
La Joie de vivre, c'est ce paysage qui habite le coeur de cette enfant, la douceur et l'innocence d'un coeur épris d'amour pour la vie, de tendresse, d'attention pour les autres, tandis que la mer perce, grignote et emporte en elle inlassablement les fragments broyés des falaises normandes.
Mais La Joie de vivre, ce n'est pas un long fleuve tranquille où la jeune Pauline va pouvoir s'épanouir. C'est un monde vénal, un monde hypocrite et cruel, d'une violence sourde. Je ne sais pas lequel des trois Chanteau est le pire, la mère ambitieuse et manipulatrice jusqu'aux ongles, le père d'une méchanceté bête rongé par la goutte, le fils enfant gâté et instable dans ses projets... Bon, ceux ne sont pas les Thénardier, mais tout de même...
En effet, on voit peu à peu où cette famille veut amener cette enfant qui grandit chez eux, qui devient une jeune fille toujours aimante, toujours joyeuse... Pourtant, on ne la regarde pas comme une jeune fille aimante et joyeuse mais comme une source financière presque intarissable. Et comme elle est généreuse, allons-y gaiement !
Peu à peu, j'ai senti que le monde tant rêvé par la pure et joyeuse Pauline risquait de s'effondrer.
Le lecteur que j'étais espérait à chaque instant que Pauline se réveille enfin, prenne conscience de ce qui se passe, des intentions de cette famille de « braves gens », Les Chanteau, qui profitent d'elle, de la rente qu'elle va leur rapporter... Je n'étais d'ailleurs pas le seul à me révolter. Il y avait bien le médecin de famille, le docteur Cazenove, appelons cela un médecin, il a dû avoir son diplôme dans une pochette surprise celui-là. Pour autant, il est lucide, voudrait la sortir de ce marigot, tout comme Véronique, la bonne, joli personnage attachant et insolite...
La parole de Zola est bien là, présente, dans cette histoire presque innocente.
La Joie de vivre nous rappelle que le genre humain est loin d'être toujours beau et en particulier celui que nous dépeint Zola.
Pauline va grandir, s'épanouir sous la plume envolée, poétique de Zola. Il en dessine un beau personnage dans l'abnégation.
L'âme de Pauline est d'une grandeur qui nous étonne à chaque page face à tant de médiocrité.
En même temps, peut-être que Zola a vu dans ce roman la perspective que la nature humaine pouvait être sauvée par de belles personnes comme celle de Pauline. Un chemin qu'il dessine.
Les êtres fragiles sont encore plus fragiles sous la plume de Zola, les êtres sordides le deviennent tout autant... Nous sommes bien dans le monde que nous décrit Zola, c'est-à-dire le nôtre.
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Citations et extraits (194) Voir plus Ajouter une citation
Et, chez Lazare, par une contradiction logique, l’épouvante inavouée du jamais plus allait avec une fanfaronnade sans cesse étalée du néant. C’était son frisson lui-même, le déséquilibrement de sa nature d’hypocondre, qui le jetait aux idées pessimistes, à la haine furieuse de l’existence. Il la regardait comme une duperie, du moment où elle ne durait pas éternellement. Ne passait-on pas la première moitié de ses jours à rêver le bonheur, et la seconde à regretter et à trembler ? Aussi renchérissait-il encore sur les théories du « vieux », comme il nommait Schopenhauer, dont il récitait de mémoire les passages violents. Il parlait de tuer la volonté de vivre, pour faire cesser cette parade barbare et imbécile de la vie, que la force maîtresse du monde se donne en spectacle, dans un but d’égoïsme inconnu. Il voulait supprimer la vie afin de supprimer la peur. Toujours il aboutissait à cette délivrance : ne rien souhaiter dans la crainte du pire, éviter le mouvement qui est douleur, puis tomber à la mort tout entier. Le moyen pratique d’un suicide général le préoccupait, d’une disparition totale et soudaine, consentie par l’universalité des êtres. Cela revenait à chaque heure, au milieu de sa conversation courante, en sorties familières et brutales. Au moindre tracas, il regrettait de n’être pas crevé encore. Un simple mal de tête le faisait se plaindre rageusement de sa carcasse. Avec un ami, sa conversation tombait tout de suite sur les embêtements de l’existence, sur la rude chance de ceux qui engraissaient les pissenlits, au cimetière. Les sujets lugubres l’obsédaient, il se frappa de l’article d’un astronome fantaisiste annonçant la venue d’une comète, dont la queue devait balayer la terre comme un grain de sable : ne fallait-il pas y voir la catastrophe cosmique attendue, la cartouche colossale qui allait faire sauter le monde, ainsi qu’un vieux bateau pourri ? Et ce souhait de mort, ces théories caressées de l’anéantissement, n’étaient que le débat désespéré de ses terreurs, le tapage vain de paroles sous lequel il cachait l’attente abominable de sa fin.
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« Ses paupières fines étaient comme un voile de soie tiré sur son regard, un petit souffle régulier sortait de ses lèvres lures » p.1049
« Sur le visage endormi de Pauline, un rêve passait, la clarté rapide d’un sourire » p. 1052
« Et maintenant, Pauline savait pourquoi le flot sanglant de sa puberté avait jailli comme d’une grappe mûre, écrasée aux vendanges. Ce mystère éclairci la rendait grave, dans la marée de vie qu’elle sentait monter en elle. » p. 1079
« Mais à présent, il y avait entre eux un nouveau lien, la mort toujours présente. Elle ne faisait plus allusion à la gravité de son état, elle trouvait la force de sourire ; lui-même parvenait à feindre une tranquilité parfaite, un espoir de la voir se lever d’une heure à l’autre ; et, pourtant, chez elle comme chez lui, tout se disait adieu, continuellement, dans la caresse plus longue de leurs regards qui se rencontraient. La nuit surtout, lorsqu’il veillait près d’elle, ils finissaient l’un et l’autre par s’entendre penser, la menace de l’éternelle séparation attendrissaient jusqu’à leur silence. Rien n’était d’une douceur si cruelle, jamais ils n’avaient senti leurs êtres se confondre à ce point. » p. 1134
« Ah ! misère ! la pluie rouge de la puberté tombait là, aujourd’hui, pareille aux larmes vaines que sa virginie pleurait en elle. Désormais, chaque mois ramènerait ce jaillissement de grappe mûre, écrasée de vendanges, et jamais elle ne serait femme, et elle vieillirait dans la stérilité ! » p. 1229
« A la grande clarté brutale, le mystère troublant s’en était allé de la peau si délicate aux endroits secrets, de la toison frisant en petites mèches blondes ; et il ne restait que l’humanité douloureuse, l’enfantement dans le sang et dans l’ordure, faisant craquer le ventre des mères, élargissant jusqu’à l’horreur la fente rouge, pareille au coup de hache qui ouvre le tronc et laisse couler la vie des grands arbres. » p. 1271
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Il y eut un silence. Les quatre bougies brûlaient avec des flammes hautes, et l'on entendit la mer, la gueuse, qui battait les falaises. À cette heure, elle se trouvait dans son plein, chaque flot en s'écroulant ébranlait la maison. C'étaient comme des détonations d'artillerie géante, des coups profonds et réguliers au milieu de la déchirure des galets roulés sur les roches, qui ressemblait à un craquement continu de fusillade. Et, dans ce vacarme, le vent jetait le rugissement de sa plainte, la pluie par moments redoublait de violence, semblait fouetter les murs d'une grêle de plomb.
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Une certitude affreuse lui avait serré le cœur tout d’un coup : Pauline allait mourir, peut-être ne passerait-elle pas la nuit. […]
Cependant, la nuit se termina sans catastrophe. Deux journées passèrent encore. Mais, à présent, il y avait entre eux un nouveau lien, la mort toujours présente. Elle ne faisait plus aucune allusion à la gravité de son état, elle trouvait la force de sourire ; lui-même parvenait à feindre une tranquillité parfaite, un espoir de la voir se lever d’une heure à l’autre ; et, pourtant, chez elle comme chez lui, tout se disait adieu, continuellement, dans la caresse plus longue de leurs regards qui se rencontraient. La nuit surtout, lorsqu’il veillait près d’elle, ils finissaient l’un et l’autre par s’entendre penser, la menace de l’éternelle séparation attendrissait jusqu’à leur silence. Rien n’était d’une douceur si cruelle, jamais ils n’avaient senti leurs êtres se confondre à ce point.
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D’abord, elle n’avait pas compris, rebutée par les mots techniques qu’il lui fallait chercher dans le dictionnaire. Devinant ensuite la nécessité d’une méthode, elle s’était acharnée sur l’Anatomie descriptive, avant de passer au Traité de physiologie. Alors, cette enfant de quatorze ans apprit, comme dans un devoir, ce que l’on cache aux vierges jusqu’à la nuit des noces. Elle feuilletait les planches de l’Anatomie, ces planches superbes d’une réalité saignante ; elle s’arrêtait à chacun des organes, pénétrait les plus secrets, ceux dont on a fait la honte de l’homme et de la femme ; et elle n’avait pas de honte, elle était sérieuse, allant des organes qui donnent la vie aux organes qui la règlent, emportée et sauvée des idées charnelles par son amour de la santé. La découverte lente de cette machine humaine l’emplissait d’admiration. Elle lisait cela passionnément, jamais les contes de fées, ni Robinson, autrefois, ne lui avaient ainsi élargi l’intelligence.
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