Une version scénique et inédite de « Bookmakers »,
par Richard Gaitet, Samuel Hirsch & Charlie Marcelet
Avec Télérama et Longueur d'ondes
En dialoguant avec 16 auteurs contemporains qui livrent les secrets de leur ecriture, decrivent la naissance de leur vocation, leurs influences majeures et leurs rituels, Richard Gaitet deconstruit le mythe de l'inspiration et offre un show litteraire et musical.
Avec les voix de Bruno Bayon, Alain Damasio, Chloe Delaume, Marie Desplechin, Sophie Divry, Tristan Garcia, Philippe Jaenada, Pierre Jourde, Dany Laferriere, Lola Lafon, Herve le Tellier, Nicolas Mathieu, Sylvain Prudhomme, Lydie Salvayre, Delphine de Vigan et Alice Zeniter.
En partenariat avec Télérama et le Festival « Longueur d'ondes »
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Selon une étude du CNRS de Grenoble, tous les glaciers du massif situés sous 3 500 mètres d’altitude devraient disparaître d’ici 2100.
Dans ma tête, les exaspérations de Christophe Profit font encore des étincelles. "Rénover un refuge désaffecté pour y mettre encore des dizaines de personnes, comment définir ça ? L'appât du gain ? Veillons à ne pas transformer la montagne en Disneyland. Si, entre Vallot et le sommet, il y a cent personnes devant et cent personnes derrière, le passage n'est pas large, c'est dangereux pour tour le monde. On passe progressivement de 'planète passion' à 'planète fric'. Bien sûr qu'il faut de l'argent pour vivre, mais j'ai envie de survivre. Et que mes clients rentrent chez eux sains et saufs."
"Laisse venir l'imprudence, murmure Bashung. Devant l'obstacle tu verras, on se révèle [...] Un jour j'irai/vers l'irréel/tester le matériel."
C'est ce que je raconte à François pour essayer de le réveiller, mais mon poignant récit existentiel n'y suffit pas : bouche ouverte, tête nue, malheureuse victime de la générosité wallonne, enfoncé dans son matelas, pâle dans son lit vert où la lumière pleut, il dort dans le soleil, la main sur la poitrine, tranquille. Il a deux taches de rouge au côté droit.
Je danse la danse du piolet en levant mon épée d'acier plus haut que le plus haut dans le ciel interminable. Je tombe dans les bras de René Ghilini à qui je dis merci et qui me photographie. J'ai réalisé le rêve de mon père. Et ce que j'ai vu là-haut, en me retournant, je le garde pour moi.
Pile à l'heure de mon arrivée, le 27 août.
Qui est aussi celle de certains participants à l'Ultra-Trail du Mont-Blanc, tour complet du massif à boucler de jour comme de nuit en moins de 46 heures et 30 minutes, course à pieds herculéenne de 171 kilomètres à travers la France, la Suisse et l'Italie...
Lors des rencontres, dans les bibliothèques ou les librairies, il y a toujours des gens qui viennent me voir à la fin, et qui me disent : « Ce n'est pas très gai, quand même, votre travail. » Ce degré de noirceur, que je revendique, ça participe du travail de l'écrivain. Dire la vie dans son ensemble, pas seulement la célébrer, divertir, consoler, mais montrer l'horreur, le caractère tragique de notre condition, l'effroi du passage du temps . Il y a évidemment quelque chose de terrible dans le fait d'être au monde. Dire le monde, c'est tenter de dire ça comme le reste, même si ça ne fait pas marrer les lecteurs.
En France, l'archétype de l'auteur, c'est quelqu'un qui a fait une classe prépa, Normale sup, l'agrégation et qui va exceller toute sa vie. C'est un très bon élève. Je ne me sentais pas à la hauteur... Les écrivains américains peuvent être GI, pompiste, vous voyez ? Manchette me donnait un exemple d'autre profil, ainsi qu'une autre voie d'ascension pour cette ivresse de la littérature, celle du polar. Ça me semblait moins exposé ; mais pas inférieur en qualité.
- Hélas, parallèlement à ma peur exagérée des guêpes attirées par nos melons, j'avais le bourdon. Farceur sans complice, intégralement niais, les cheveux blanchis par le soleil provençal, juché sur BMX et vêtu de bermudas fleuris, je m'ennuyais gentil, régulièrement confondu en train de parler tout seul faute de gamins de mon âge familiers de ma langue ; il n'y avait que des Allemands, des Anglais et des Hollandais. Parler avec les mains ? Recréer le babil de Babel propre aux enfants qui se captent pour un jeu de balle, ferme les yeux jusqu'à cinq, un bisou." (p.37)
- "Le cœur épuisé, prêt à exploser, irrigué par le stress jusqu'à l'insomnie, la nausée, mon père a traversé des déserts, survécu tête baissée sans parler trop, ce chameau. (p.40)
Les fils sont le désordre, les fils sembleront toujours désordonnés aux yeux de leurs pères. Les pères construisent et nous, nous détruisons. C'est l'idée fixe, l'image courante. (p.8)