AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Alexandre Vialatte (328)


M.Forestier notre professeur d'allemand, était du style pompeux, mais jovialement lugubre, avec une barbe de monarque de jeu de cartes, une formidable voix de basse, et l'air du veuf qui remercie sur la tombe. Pénétré. C'est cela , il était pénétré. De quoi? On ne sait, mais il l'était profondément. Avec des échappées soudaines. Disons allègre et pénétré.
Commenter  J’apprécie          192
Chanson de Fred

Mon roseau noir, ma tour d'opale,
Mon enfant, mon matin d'été,
mon hirondelle et ma cymbale,
Ma douceur, ma sévérité,

Mon liseron, ma transparence,
Mon ombre et mon opacité,
Mon remords et ma complaisance,
Mon mensonge et ma vérité,

Ma Chien et ma rive étrangère
Mon lointain, ma proximité,
Mon pilote et ma passagère,
Ma conteuse et ma racontée,
Mon horizon, ma familière,
Et mon impossibilité,

Ma mélodie et mon silence,
Ma halte et ma mobilité,
Ma maison, mon fleuve et ma danse,
Mon départ et mon arrivée,

Mon roseau noir, ma tour d'opale
mon masque et ma solennité,
mon hirondelle et ma cymbale,
Mon luxe et ma nécessité,

Mon pain, mon vin, ma fausse oronge,
mon pardon, ma complicité,
Herbe du rite et fleur du songe,
Porte de mes félicités.
Commenter  J’apprécie          180
C'est que l'or du mirage a des lueurs tenaces. La nuit de l'adolescence en reste éclaboussée, et quand on touche l'idole elle déteint sur les doigts. Depuis qu'il existe en Europe des enfants qui rêvent sur des cartes, on n'a pas encore trouvé mieux que de leur promettre, comme un bain bleu, comme une récompense totale et le fruit même de leurs insomnies, cette nuit coloniale qui se garde imperméable, dans ses ombres aromatiques, pour ses esclaves et ses dieux (Folio 1978 : p. 146).
Commenter  J’apprécie          180
Alexandre Vialatte
L'ours est fidèle, monogame..... et bisannuel dans ses devoirs conjugaux.
Commenter  J’apprécie          182
La poésie peut faire aimer la mort. Le poète l'imagine avec exaltation, comme un jardin ombreux plein de vérités qui brillent et de silhouettes romantiques.
Commenter  J’apprécie          170
Alexandre Vialatte

Le Collège d'Ambert

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal
Las d'user leurs habits sur de vieux bancs de chêne
Du collège d'Ambert partaient, brisant leurs chaines
Des potaches, bien loin du vieux Blaise Pascal.

Ils allaient conquérir ce diplôme idéal
Qu'on délivre en ces universités lointaines ;
Et le chemin de fer les menaient par centaines
Aux examinateurs de ce Clermont fatal.

Chaque soir, potassant leurs formules d'optiques,
Le sens mystérieux des pages de physique
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré :

Et penchés sur leur livre et bourrant leur cervelle,
Ils regardaient monter dans un ciel ignoré
Du fond des dynamos des milliers d'étincelles.

Commenter  J’apprécie          173
C’était pour nous, après le goûter, une heure fiévreuse et nostalgique, pleine de frissons, d’ardeurs mélancoliques et d’on ne sait quel espoir déçu qu’il m’arrive de retrouver encore quand un train passe à l’horizon.
Nous attendions le passage de l’express.
Il arrivait comme un bolide, de très loin, brusquement, d’un tournant de l’espace comme pour nous écraser soudain avec des flammes, dans un cyclone, puis s’éloignait, rapetissait, assourdissait son tonnerre inégal qui était devenu soudain métallique sur le pont et qui finissait dans l’espace comme la dernière vibration d’une corde de violon.
L’émoi, la peur, la fièvre, le désir et l’extase, puis le regret accompagnaient son bref passage dans nos oreilles, prolongeaient le roulement estompé de nos cœurs.
- Sauges-les-Bois, Sauges-les-Bois, criait Frédéric dans sa fièvre, comme pour attraper brusquement quelque chose qui s’en allait à tout jamais.
Ce n’était que la première station. Mais elle nous paraissait lointaine et merveilleuse comme le but même de l’express, comme ces noms qu’on trouve dans les livres, sur les cartes, et qui font rêver : Ampasimbé-la-Sablonneuse, ou Orkozoum…
Sauges-les Bois, patrie du bonheur…
Commenter  J’apprécie          176
C'était un homme de peu de bruit. Il parlait doucement et vivait à voix basse, de la vente de trois cravates qui étaient pendues dans la vitrine de son petit magasin à devanture bordeaux. La plus belle était au milieu, c'était la bleue. Des dessins jaunes, qui avaient le contour d'un œil ou d'une carpe japonaise, enrichissaient ses moires profondes : nous l'appelions la cravate aux yeux d'or. Je l'ai toujours vue là, un peu plus grise chaque année, un peu plus jaune à l'endroit de la tringle ; on ne pouvait pas savoir d'ailleurs s'il valait mieux qu'elle se garde ou se vende : c'était l'honneur de la vitrine. Une fois cette cravate vendue, on n'aurait plus eu goût à rien. Heureusement, elle ne se vendait pas. L'oncle Jules vivait donc de ne pas vendre cette cravate, et ce commerce l'absorbait peu. Tous les matins, rasé de frais, il descendait au magasin, prenait sur le comptoir un crayon non taillé, faisait semblant de chercher un canif dans sa poche, n'en trouvait pas, posait son index sur son front comme pour y chercher une idée, et disait à sa femme, illuminé soudain : « Garde le magasin une minute, je vais faire tailler le crayon chinois chez Ferdinand... » C'était le voisin, le coiffeur, l'ami sincère. On le voyait entrer à neuf heures du matin, il revenait à la nuit tombante. En passant devant la cravate bleue, il s'arrêtait toujours un peu d'un air flatté : « Cette cravate est vraiment jolie ! », disait-il d'un air connaisseur. « D'où reviens-tu ? » lui demandait ma tante. « Ferdinand n'avait pas de canif », expliquait-il laconiquement.
Commenter  J’apprécie          173
Il y a toujours en moi des trains prêts à partir pour le vieux pays de mes songes et la maison du grand tourment. Ils ont des rideaux bleus où filtre parfois une raie d'or.
Ce vieux pays de mon tourment est en moi et au fond de moi comme un souvenir, enfoui au fond des tourbières ; et l'on entend parfois monter le son des cloches englouties. Il est en moi, au bout de moi, comme une promesse, comme une voile à l'horizon. Il est en moi, au bord de moi, sur le quai de mon âme, comme un vertige, comme un coup de sifflet de chef de gare qui fait partir tous les trains à la fois.

La maison qui me tourmente est bien une maison de pierre, une pierre jaunâtre, mauve et grise, couleur croûte de fromage. Les gens qui veulent tout expliquer sont trop savants et leur science les gêne pour comprendre. Je sais aussi que je suis chez moi dans la maison ; je m'y retrouve, je m'y guide ; je me rappelle mais seulement quand je vois les choses. C'est une espèce de patrie personnelle. Il paraît que chacun a la sienne mais ne la connaît pas toujours. Il y a des gens qui vivent sans eux-mêmes. Et les mieux partagés, dit-on, passent parfois toute leur vie à la chercher...

Mon Dieu ! Mon Dieu ! où est la vie ? Elle vient rôder aux portes. Il ne faut pas l'attendre ainsi. Il faut se jeter au devant d'elle, il faut se jeter éperdument au devant d'elle.
Commenter  J’apprécie          172
Je ne saurais terminer sans des conseils utiles : faites ramoner dès maintenant vos cheminées et réclamez une fiche de contrôle ; soyez vertueux et sensible ; ouvrez toujours les boîtes d’asperges "par le fond" ; si votre chat n’aime pas le mou, donnez –lui du caviar ; ne mentez qu’avec précision ; si vous engraissez de la ceinture, renversez la tête en arrière, vous rétablirez l’équilibre. Relisez Le Fond et la forme, votre fond en aura plus de forme, votre forme en aura plus de fond. Ne battez pas votre femme avec une barre de fer ; vous seriez puni par les juges d’Angleterre, car c’est un geste de goujat ; usez plutôt d’une canne flexible et résistante, vous serez approuvé par la Bible et par les proverbes arabes.
Commenter  J’apprécie          171
Homard

Le homard est un animal paisible qui devient d’un beau rouge à la cuisson. Il demande à être plongé vivant dans l’eau bouillante. Il l’exige même, d’après les livres de cuisine. La vérité est plus nuancée. Elle ressort parfaitement du charmant épisode qu’avait rimé l’un de nos confrères et qui montrait les démêlés d’un homard au soir de sa vie avec une Américaine hésitante :

Une Américaine
Était incertaine
Quant à la façon de cuire un homard.
- Si nous remettions la chose à plus tard ?…
Disait le homard
A l’Américaine.

On voit par là que le homard n’aspire à la cuisson que comme le chrétien au Ciel. Le chrétien désire le Ciel, mais le plus tard possible. Ce récit fait ressortir aussi la présence d’esprit du homard. Elle s’y montre à son avantage. Précisons de plus que le homard n’aboie pas et qu’il a l’expérience des abîmes de la mer, ce qui le rend très supérieur au chien, et décidait Nerval à le promener en laisse, plutôt qu’un caniche ou un bouledogue, dans les jardins du Palais-Royal. Enfin, le homard est gaucher. Sa pince gauche est bien plus développée que sa pince droite. A moins, toutefois, qu’il n’ait l’esprit de contradiction, et, dans ce cas, sa pince droite est de beaucoup la plus forte. De toute façon, il n’est pas ambidextre. Ou plutôt il l’est en naissant. Mais il passe sa vie misérable à se coincer les pinces dans toutes sortes de pièges. Si bien qu’il les perd constamment. Tantôt c’est l’une, tantôt c’est l’autre. Comme elles repoussent, au contraire des bras de l’homme (le bras de l’homme ne repousse jamais), la dernière en date est plus petite, si bien que le homard ressemble au célèbre empereur Guillaume II, qui avait un bras bien plus petit que l’autre. Il ne put jamais se servir également des deux mains.

Alexandre Vialatte

Et c’est ainsi qu’Allah est grand
Commenter  J’apprécie          170
Alexandre Vialatte
La confiture n’est bonne que s’il faut monter sur une chaise pour attraper le pot dans le placard.
Commenter  J’apprécie          170
Une femme noire, plus large que haute, couverte de châles et de bijoux, entra en boîtant par la porte.
C'était "Mme Irma, voyante, cartes, Tarots, vérité garantie". elle avait des lunettes de fer et portait la moustache tombante.
Commenter  J’apprécie          160
Parfois aussi il jetait un coup d'oeil sur les petites annonces du journal qui enveloppait la charcuterie. Ce journal n'était pas du jour ; mais ça n'avait pas d'importance. Après tout, le monde est plein de serrures qu'on ne peut pas ouvrir faute de clés, et les gens vous donnent des clés qui ne conviennent pas à ces serrures, mais peut-être trouvera-t-on un jour des serrures que ces clés ouvriront, des portes auxquelles on ne pense pas ? Toute la vie est ainsi, se disait Monsieur Vingtrinier, jeu de hasards, c'est à dire jeu de miracles...
Commenter  J’apprécie          160
Les maîtres, les maîtres imprudents qui apprennent à lire à leurs élèves, ne savent pas le tort qu'ils se font.
Commenter  J’apprécie          160
La distinction demande des dons. Si on en manque, chercher à l'obtenir en cultivant habituellement des soucis élevés, tels que sauver la France, avoir les oreilles propres, employer le subjonctif.

Tel que relevé pour "Les fils de la pensée" http://xn--rflchir-byac.net
Commenter  J’apprécie          160
Voilà, l'homme est zoologique : il naît, il meurt, il se reproduit ; comme la baleine et le surmulot. C'est à peu près tout ce qu'il sait faire. Il se reproduit même trop : il n'y a plus moyen de trouver de place à La Coupole, qui est pourtant immense, et qui fut un lieu agréable ; et historique.
Mais aujourd’hui c’est une catastrophe, le restaurant a envahi le café. On ne peut plus prendre un demi assis sur une banquette. Comment parler sur une chaise vacillante dans le va-et-vient qui bouscule les sièges et la pensée ?
Pour bien parler, pour réfléchir, pour être heureux, il faut une grande place pour les coudes et pour le derrière, c’est à dire pour l’âme ; pour la méditation, pour la spéculation, pour la stabilité du corps et de la pensée.
On ne médite pas sur une chaise cannée ; on se gaufre la peau à son contact, c’est tout le résultat qu’on en tire. Rien n’est plus ridicule, vu de dos, qu’un monsieur nu qui quitte une chaise cannée. On voit par là que l’homme se reproduit beaucoup trop.

La Montagne – 28 avril 1968)
Commenter  J’apprécie          1510
L'Homme

L'homme vient du singe, dit-on, et va au cimetière.

In "L'homme d'aujourd'hui" .
Commenter  J’apprécie          150
On ne devrait pas parler de Kafka ! Il y a vingt ans que je le traduis, que je me suis fait son prophète et son cheval, sa nourrice et son homme de peine…, et son lierre...et sa mauvaise herbe…
Il y a vingt ans que je ne veux pas le connaitre.
Quand une poule pond des œufs d'or (je parle d'un métal métaphorique, bien entendu !), on ne va pas lui ouvrir le ventre ! C'est un secret. On le préserve ! On le cultive ! On en parle qu'en vers latins !


"Le scandale de la bonne volonté". (1947).
Commenter  J’apprécie          151
Il songea à elles tout d'un coup, quand elles apprendraient cette nouvelle, et il pensa que, fidèle jusqu'au bout, il leur laisserait un souvenir infamant. Il y eut deux larmes qui giclèrent en décrivant une parabole et qui rebondirent dans l'assiette de métal.
Il fut stupéfait, elles roulaient dans l'assiette. Sans crever. C'était un spectacle qui procurait la même surprise qu'une expérience de physique réussie. On en aurait fait un croquis pour le chapitre de la "tension superficielle". Il inclina l'assiette, fit rouler les deux larmes, les réunit et observa leur petite membrane qui crevait au point de tangence. Ensuite il secoua l'assiette. Il restait étonné du côté mécanique de la physiologie humaine.(...)
Le soleil avait dû baisser légèrement, car la lucarne, maintenant, découpait sur le sol un rectangle plus long, une flaque dorée quadrillée de noir par les barreaux.
Commenter  J’apprécie          150



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Alexandre Vialatte (508)Voir plus

Quiz Voir plus

10 questions et "Un été de culture G pour toute la vie" à gagner

Pour quelle raison le personnage de la mythologie grecque Icare est-il connu ?

Icare, fils de Dédale, s’est brûlé les ailes en s’approchant trop près du soleil
Icare est le dieu qui a donné le feu aux humains
Icare est condamné à se regarder dans une source, amoureux de son reflet

10 questions
931 lecteurs ont répondu
Thème : Un été de culture G : Pour toute la vie de Créer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..