Citations de Anny Duperey (486)
Pour ma part, je ne crois pas que les chiens soient meilleurs que les chats, ou les chats plus intelligents que les chiens. Non. Tout est question de sensibilité personnelle vis-à-vis des uns et des autres, et mon amour pour eux est non seulement raisonnable mais aussi prudent quand je pense qu'à l'intérieur des races et des genres, avec des tendances et des traits de caractère plus marqués chez les uns ou les autres, tout est question de qualité individuelle. Je crois que ce qui est valable pour les gens l'est aussi pour les animaux : il y a des cons partout. Et aussi des types formidables. Peut-être que la même proportion de lâches, de paresseux, de fourbes et de naïfs, de francs, de courageux et sincères, de ronchons, quelques-uns d'une grande intelligence, quelques rares authentiques salopards, une grosse majorité de braves gens et parfois, parfois sans doute, un être exceptionnel Un, tout à coup, plus délicat, plus sensible, plus généreux que les autres. Comme chez nous.
Elle commençait à comprendre pourquoi le retour de Romain avait été une bombe dans cette vie qu'elle menait avec Denis. C'était vague encore, mais elle entrevoyait l'essentiel: avoir été dépendants de la décision de l'autre, avoir obéi aux circonstances, les avoir empêchés de prendre en main ce temps à deux, de véritablement se l'approprier. Malgré l'amour, malgré leur bonne volonté, quelque chose leur avait échappé dès le début de leur union. Il ne s'agissait pas d'ennui, ni d'insécurité, mais une perversion autrement plus subtile: un état d'obéissance induisait cette impression de parenthèse, d'un temps immobile qui pouvait voler en éclats faute d'avoir été engendré par eux-mêmes.
Je crois qu’il y a des morts qui commotionnent une famille entière, les morts brutales d’êtres jeunes et heureux fauchés en plein élan de vie. De celles-là on ne se remet pas, on ne les accepte pas, donc on se garde de les évoquer. Trop sensible… Non pas qu’il soit des morts plus justes que d’autres, mais celles d’hommes ou de femmes qui ont vécu tous leurs âges, ou qui souffrent, ne laissent pas ce sentiment d’inachevé, de révoltante rupture, d’injuste caprice du sort.
l'épaule d'un homme : la douceur d'un édredon bourré de cailloux. (dixit Colette).
"Elle faillit avoir des regrets mais c'était trop tard. Le malheur était accompli, la coupe d'amertume vidée, elle n'en boirait pas une goutte de plus. Il aurait beau faire, elle ne reviendrait pas en arrière, il fallait comprendre avant. On ne se méfie jamais assez des êtres qui semblent tout accepter, tout supporter en silence et parfois même en souriant. Leur soumission paraît sans limites, leur tolérance inépuisable, puis un jour ils quittent le jeu, tournent les talons, claquent une porte, et c'est définitif."
« L’inconscient est une concierge qui ne connaît pas tous les habitants de l’immeuble, »
KARL GUSTAV JUNG à FREUD .
Ne pas déranger un chat qui s'est endormi sur ses genoux, retarder le moment de se lever pour profiter de cette douceur, de cette quiétude chaude sur soi, c'est le signe infaillible de l'affection élective pour eux. Cela ne s'apprend pas.
J’avais été frappée par ma propre attitude face à la mort. Je gardais, bien vivace, cette sensation d’hébétude impuissante, cette paralysie qui m’avait saisie, l’impression de ne pas pouvoir faire un pas sans tomber dans un vide effrayant. Et ce tourbillon de douleur dans ma tête, aveuglant , coupant toute pensée. Je suis certaine que si je m’étais forcée à sortir dans le but de me rendre moi- meme chez le vétérinaire, je serais tombée sur le trottoir, n’importe où, incapable de me dominer. J’avais senti, je savais que ce qui m’avait saisie était incontrôlable, comme une tempête subite. Rien ne m’avait laissé prévoir une chose si violente, je n’avais rien vu venir…
Un petit animal gris, mine de rien, sans que je me méfie, était entré dans ma solitude et allait, le premier, ouvrir une brèche dans ma force, commencer à me marcher sur le cœur avec des pattes de velours...
Restait à me débrouiller avec, difficultueusement*.
* première fois que je rencontre cet adverbe..qu'en pensez-vous ?
Les gens qui aiment les chats sont souvent frileux. Ils ont grand besoin d'être consolés. De tout. Ils font semblant d'être adultes et gardent secrètement une envie de ne pas grandir. Ils préservent jalousement leur enfance et s'y réfugient en secret derrière leurs paupières mi-closes, un chat sur les genoux.
Il y a de ces destins affreux où tout espoir se trouve barré - par l'étroitesse d'esprit de la famille, le manque d’attention des autres, l'époque aussi, qui compte nombre d'adultes dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils n'étaient pas fins psychologues, même dans l'Education Nationale - toute possibilité de libération tournée en impasse...
Je ne vois pas la fin de cette douleur. Je l'accepte, je la vis. Mais est-ce pour un bien ?
Je ne vois pas le manque se tarir, s'assagir.
Que c'est cruel, ce "jamais plus" qui me fait crisper les mains sur le vide. Mal sous la peau du "plus" et du "jamais". Et me monte aux lèvres un "bou-hou-hou" de môme abandonnée.
Le chagrin cadenassé ne s'assèche pas de lui-même, il grandit, s'envenime, il se nourrit de silence, en silence, il empoisonne sans qu'on le sache.
La mort d'un animal familier est terrible. On est souvent physiquement plus intime avec lui qu'avec bien d'autres personnes. On le nourrit chaque jour, on le caresse, on le soigne, et il s'en remet alors à vous avec des yeux d'enfant, il est contre vous, dans votre lit souvent, souffle contre souffle, en promenade, sur votre table de travail, dans la salle de bain. Personnellement, je n'ai jamais eu une telle proximité avec aucune personne aimée de ma famille. Le manque physique, lorsqu'il disparaît, est donc terriblement présent, immédiat. On ne peut rien théoriser, rien tenir à distance.
Dans les prisons pour femmes, en Angleterre, ces dernières sont autorisées à faire venir leur chat afin que ce dernier partage avec elles le temps de leur réclusion. Car on a constaté que la présence de cet animal dans la solitude des prisons rendait les prisonnières plus affables, surtout suscitait chez elles des sentiments affectueux, en somme, apaisait leurs mœurs et les rappelait à leur humanité et, sans doute, à leur conscience.
Elian J. FINBERT
pourquoi admettrait-on que l'on puisse transmettre des caractéristiques physiques dans les gènes pendant des générations et qu'il n'en soit rien pour le mental, les sentiments, les traumatismes qui ont marqué une vie ?
Et si rien ne se passait, si rien ne changeait dans son existence, tant pis, il garderait au moins l'intégrité de son rêve, de ce qu'il était au plus profond. Il avait choisi.
J'avais pensé, logiquement, dédier ces pages à la mémoire de mes parents - de mon père, surtout, l'auteur de la plupart de ces photos, qui sont la base et la raison d'être de ce livre.
Curieusement, je n'en ai pas envie.
J'en suis surprise. Mais je suppose que d'autres surprises m'attendent dans cette aventure hasardeuse que j'entreprends. On ne s'attaque pas impunément au silence et à l'ombre depuis si longtemps tombés sur ce qui a disparu.
À moins que nous, humains, soyons plus sauvages que les bêtes…