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Citations de Antoine Volodine (313)


Les écrivains du post-exotisme ont en mémoire, sans exception, les guerres et les exterminations ethniques et sociales qui ont été menées d’un bout à l’autre du XXe siècle, ils n’en oublient et n’en pardonnent aucune, ils conservent également à l’esprit, en permanence, les barbaries et les inégalités qui s’aggravent entre les hommes, et pas une seconde ils n’écoutent les chiens des maîtres qui leur suggèrent d’adapter leur propagande à la réalité et au présent tels que les conçoivent les responsables du malheur, et qui leur conseillent de rompre avec leurs croyances obsolètes, de s’avouer vaincus et de rejoindre, après, bien sûr, les formalités de levée d’écrou, le camp des paroliers officiels, où ils pourraient à leur tour et à leur manière participer à l’embellissement philosophique et poétique du malheur, par exemple en chantant les avantages du présent et en expliquant, aux gueux sans nombre de cette planète, que tout ira bien pour eux, ou plutôt pour leurs descendants, s’ils sont patients, s’ils acceptent de végéter encore mille ans sans toucher à rien. p 34
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Les classes dirigeantes se sont gangstérisées, les pauvres obéissent.
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Il m'est spécialement agréable d'étendre ma gratitude à Pranda Tourmararana, qui non seulement m'a aidé à monter sur l'éléphant personnel du sultan Labibi, mais, voyant que nous nous dirigeons vers une impasse m'a aidé à descendre. Cet épisode se retrouve, presque conforme à la réalité, dans "Goodbye, Romeo". Sans Prada Tourmararana, il serait manifestement très mal terminé.
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Il n'y a pas d'âge pour faire mourir la vérité, il n'y a pas d'âge pour sauver sa peau dans le déshonneur et le mensonge, il y a un moment dans la vie où il faut commencer à confondre en soi la brûlure du mensonge et la brûlure de la vérité, et à entretenir cette brûlure pour les cinquante ou soixante ans de désastre que l'on peut prévoir devant soi encore.
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Il avait fallu des décennies pour que s'éteigne la civilisation automobile et, après cela, deux ou trois générations pour débarrasser les rues de la présence enlaidissante des carcasses inutiles.
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Lazare Glomostro posait un doigt tremblant sur la photo et il la commentait, Ceci est mon corps, Ceci est son corps, Nous avions à peu près le même âge, La photo est un peu floue, Il a bougé, Il a bougé parce qu'il devait être en train de rire, Il plaisantait souvent, C'était un délicieux compagnon de désastre, Une formidable amitié nous a liés, Il croyait qu'il allait mourir mais il a dû bouger en racontant une histoire drôle.
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Samiya Schmidt prend sa forme de furie. [...]
Elle se couvre d'écailles très dures.
Elle donne des coups terribles.
Elle se déplace à une vitesse invraisemblable.
Elle transforme son cri en énergie.
Elle n'a plus de sang, ou plutôt elle n'a plus ni sang ni absence de sang.
Elle n'est ni morte ni vivante, ni dans le rêve ni dans la réalité, ni dans l'espace ni dans l'absence d'espace. Elle fait théâtre. [...]
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Même en plein dans l'espace noir, on continue à fonctionner comme ça, dans l'espérance et dans les rêves... C'est notre destin de bêtes conscientes...
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On se rappelle avoir marché dans de telles rues, et je t'assure qu'il n'est pas besoin de fermer les yeux pour s'y retrouver encore. Je ne parle pas de toutes les rues, bien entendu. Je parle de ce cœur délabré où venelles traversières et passages hébergent exclusivement la misère en sursis avant la mort, hébergent le petit commerce en sursis avant l'uniformisation capitaliste, la poussière et la crasse en sursis avant la fin du monde.
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A l'instant où elle allongeait Ie "u " de fractures, une bouffée fétide se faufila sous la porte du parloir, depuis le sas de surveillance, et nous entoura, elle, le preneur de son et moi. Je me rappelle la composition de ce bouquet : carton mouillé, rat d'égout, mousses caverneuses de pissotières — certainement celles du haut de l'avenue -, fruits de mer pourris, buanderie du quartier des droits communs, rouille, vase d'égout, ferraille, soupe de légumes, friture. J'analysais et j'énumérais tout en feignant de boudeusement méditer.
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Ensuite plus rien n’advint, sinon quelques frémissements d’eau noire. La rue n’était guère moins figée que sur une photographie. On distinguait des portions de rails entre les flaques, un brouillard qui stagnait autour du réverbère, loin de l’endroit où Rausch avait perdu l’équilibre. Pas une seule fenêtre ne s’était, fût-ce très fugitivement, éclairée. Aucune bougie, aucune lampe de chevet, aucune lanterne. L’obscurité des maisons suggérait une absence de vie catastrophique. Ou la prédominance de formes d’existence trop liées à l’au-delà pour éprouver le besoin de lumière, aussi ténue fût-elle.
Après une demi-heure d’observation, l’odeur de la rue arriva dans la chambre. Elle rappelait celle des mouroirs.
Je fis un signe à Breton. Il regarda la rue à son tour, renifla et n’émit aucun commentaire.
– La fille est tombée, dis-je.
– Je sais, dit Breton.
– Elle a quitté l’espace noir, dis-je.
– Elle a réussi, confirma Breton. Elle est née.
– C’était Rausch, dis-je.
– Elle ou une autre, nuança Breton.
Dans le ravin lugubre à quoi ressemblait la rue Dellwo, la pluie avait cessé. L’eau glissait le long des câbles qui allaient et venaient sans logique entre les maisons, elle dégoulinait depuis les toits et elle rythmait la nuit, mais, à l’exception de ces multiples et parfois mélodieux flic-flocs, il n’y avait rien de particulier.
Puis, au fond de l’obscurité humide, dans un angle, la fille réapparut. C’était Rausch, il n’y avait aucun doute. On voyait surtout ce qu’elle portait sur le dos, du matériel militaire et des sacs qui encombraient sa silhouette et lui donnaient une apparence de bête difforme, mal réveillée, en lambeaux. Elle s’étira pour vérifier l’un après l’autre l’état de ses membres, puis elle eut un frisson ou un spasme et presque aussitôt elle se remit en marche. Il n’était pas facile de suivre son déplacement tant il se produisait loin et au cœur du noir. Elle allait sans presse, droit devant elle, apparemment indifférente à l’eau des flaques qui lui trempait les articulations et les extrémités.
– Elle va avoir du mal à s’intégrer, fis-je remarquer.
– Je suppose qu’elle va rester cachée un moment, dit Breton.
– Cachée ou pas, elle va voir du mal, soupirai-je.
Alors qu’elle venait de marquer une pause dans sa reptation, la fille prononça quelques mots. Puis elle s’ébranla de nouveau vers l’avant et, l’instant d’après, elle entra dans une zone très sombre dont elle ne ressortit plus.
– Qu’est-ce qu’elle a dit ? demanda Breton.
– Je sais pas, dis-je. Ça s’est perdu dans le noir.
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La fille resta suspendue un instant à la corniche qui courait le long du troisième étage, puis elle tomba et disparut dans l’obscurité luisante de la rue Dellwo. Elle s’appelait Rausch. Rebecca Rausch. Trente ans plus tôt, je l’avais follement aimée. Et ensuite, elle était morte.
Après la brève traînée noire de cette chute, il n’y eut aucun changement au cœur de la nuit. L’image sans couleur était très nette mais il ne s’y passait rien. Il avait plu. Des gouttes froides se rassemblaient sous les fils électriques qui reliaient les maisons et, avec régularité, elles se détachaient pour s’écraser beaucoup plus bas, sur les pavés ou sur les flaques, après un bref scintillement et, sans doute, une note cristalline. C’était une image fixe, mais rien n’empêchait d’y superposer une discrète bande sonore. Des tintements espacés d’après la pluie. En dehors de cela, aucun bruit ne donnait vie au décor. Deux lampadaires sur trois étaient éteints. Pas une seule lumière ne brillait derrière les fenêtres. Au milieu de la chaussée, les rails du tramway paraissaient en piteux état, émergés ou noyés selon les creux et les bosses du sol.
La fille était toujours là, en chien de fusil sur le pavé. Au bout de cinq minutes, elle remua.
Elle avait sur elle tout un attirail militaire, un sac ventral, une carabine à canon scié, un poste de radio, et elle avait mis fin à son immobilité. Si quelqu’un s’était trouvé à proximité, il aurait pensé qu’elle ressemblait à un très gros et très vilain scarabée en train de barboter dans la graisse boueuse de la nuit. Mais personne ne la regardait et, quand elle se fut mise à genoux pour commencer à ramper, elle frissonna, à la fois de douleur, de froid et de solitude.
– Putain ! marmonna-t-elle. Que j’aurais bien pu me casser une patte !
Comme bon nombre d’entre nous, elle appartenait à une espèce intelligente, du moins à une espèce suffisamment intelligente pour réfléchir à voix haute. Sur notre activité intellectuelle dans les moments où nous ne bougonnons pas, où rien ne sort d’entre nos lèvres, vétérinaires et thanatologues se disputent. Ces querelles sont d’un autre âge. En réalité, ni le langage ni la pensée ne sont nécessaires pour vivre ou pour survivre. La fille ne pensait peut-être pas en permanence, mais elle agissait.
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Je me mis à penser à la mort. C’était une question que nous soulevions très peu, Breton et moi. L’idée de la vie nous faisait vomir. Elle revenait à chaque instant, cette idée, ce qui alimentait nos sursauts, nos hoquets et nos crachements de fluides divers. Il était extrêmement difficile de vivre, de survivre, de continuer à effectuer ce long passage dans la folie généralisée, dans la schizophrénie généralisée du camp, de rencontrer jour après jour l’hostilité de tout et de tous, il était extrêmement pénible et vain de prendre part à cette lente course d’obstacles, de sentir la dégradation mentale et physique s’accentuer en nous, de sentir nos corps s’épuiser, être gagnés par de vilains maux et de vilaines odeurs, extrêmement pesant d’être obligés à avancer coûte que coûte, avec tout au plus la perspective d’une prochaine étape, d’un prochain chapitre dans un livre dont la fin nous échappait et nous échapperait
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Il s'enfonce dans la pluie et l'obscurité.
Il tourne dans l'avenue Chouïgo, il traverse la place Dadirboukian et, pendant une demi-heure, il longe l'avenue des Soeurs Vandale. Il va en direction du secteur Baltimore. Il énumère mentalement les bâtiments et les dortoirs, ceux qu'il sait reconnaître ou qui ont conservé, sinon leur affectation d'origine, du moins une plaque qui la rappelle. Vénérologie. Gastro-entérologie. Dermatologie pour non-voyants. Dortoirs Jean Freek. Recherche vétérinaire. Soins palliatifs. Intervention xénologique. Société des amis de la Chine. Médecine foetale, reproduction et génétique. Services politiques. Services techniques. Réanimation.
Le camp psychiatrique est vastissime.
p. 87
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Un éclair de chaleur zébra le ciel et, pendant une seconde, j'eus la folle certitude que les vieilles allaient redéclencher la fusillade et en finir, puis je me rendis compte qu'hélas il n'en serait rien. L'attente reprit. J'avais envie de répondre à Nayadja Aghatourane, de hurler à travers la nuit chaude que l'étrange est la forme que prend le beau quand le beau est sans espérance, mais je restais bouche close, et j'attendais.
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-On est tous enfermés pareillement dans notre viande et dans nos murs. Mais eux, à l'extérieur, qu'est-ce qu'ils attendent pour devenir fous? Les princes qui paradent, ceux qui peuvent tout s'acheter avec leurs dollars, on comprend qu'ils résistent. A la rigueur. Mais les autres? ...Hein, Schmollowski? Les autres?
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Ne te laisse pas envahir par la peur, dit le vieux moine. Ton voyage commence, Kominform, mais je te guiderais pendant tes premiers instants, et je te guiderais ensuite jour après jour. Ne crains rien. Ne regrettes pas de laisser derrière toi des proches et des affligés que tu n’as pas pu mener à la lumière. D’autres viendront pour poursuivre ta tâche. Pars sereinement. Détache-toi, maintenant. Le moment est venu. Romps avec tes souvenirs. Prépare toi à entrer dans un état où tu ne seras ni mort ni vivant. Rassure toi, fils noble, il n’y a rien là de terrible. Au cours de ton séjour dans le Bardo, tu auras surtout mainte occasiond’être confronté à la Claire Lumière. Va vers cette lumière, fils noble, prépare toi dès maintenant à être confronté à elle. Rappelle toi que seule ta fusion avec la Claire Lumière t’évitera de renaitre encore une fois et de souffrir.

-La mariée jaune fait des bulles, dit Strohbush. Je répète. La mariée jaune fait des bulles…En croquant vos salades l’oiseau sauvage trouve les chemins du sang… Les soleils enlaidis achètent la boite à musique… La viole de gambe embrouille la viole de gambe… Retour de cueillette, la vieille fille du gamin poursuit nos écrevisses… Les jonques en poche tu remontais l’avenue du 27 juin dans le sens du poêle… Je répète. Les jonques en poche, tu remontais l’avenue du 27 juin dans le sens du poêle… les trois noyés ont enrichis le silence des voûtes…
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-Le marxisme-léninisme l'interdit,poursuivit le soldat en reprenant la gourde.
-il interdit quoi? Demanda Iliouchenko
-De manger de la viande humaine.
-Je sais bien dit Iliouchenko.
- Alors pourquoi tu nous l'as apportée?objecta le soldat.
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Dehors ,il ne pleuvait pas.
La pluie ne crépitait pas sur Poulailler Quatre.
La pluie ne mitraillait pas les toits.
La pluie ne dansait pas en tambourinant sur les tôles.
La pluie ne se manifestait pas.
La pluie était ailleurs.
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et soudain elle eut la très désagréable impression de l’avoir déjà vu quelque part, et, au même moment, l’homme abandonna la lecture de son journal et leva les yeux sur elle et il la scruta d’une manière qui mêlait l’impudence et l’impudeur, n’hésitant pas à fouiller alternativement les lèvres de sa bouche et les lèvres de sa vulve, puis il tenta de s’introduire à travers ses cils pour l’interroger sur sa disponibilité sexuelle et sur la qualité des prestations sexuelles qu’elle pouvait fournir,
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