Citations de Arthur Schnitzler (316)
Certains événements psychiques se passent presque entièrement dans l’inconscient ; de temps à autre seulement, pareils à des plongeurs évoluant sous l’eau, ils montent à la surface, jettent un regard étonné autour d’eux à la lumière de la conscience, puis plongent à nouveau et disparaissent pour toujours.
(p. 116)
La connaissance de soi-même n’est presque jamais le premier pas vers une amélioration mais souvent le dernier avant la contemplation narcissique.
(p. 115)
Une idée nouvelle – c’est la plupart du temps une banalité vieille comme le monde dont nous éprouvons soudain personnellement la vérité.
(p. 115)
Quand quelqu’un dit qu’il aime les hommes, cela ne va presque jamais sans quelque émotion sur sa bonté d’âme ; qu’un autre prétende les mépriser, et sa déclaration va rarement sans la fierté d’être un sage. Quel que soit le point de vue porté sur les hommes, ce sera parfois au désavantage des hommes mais jamais à celui de la vanité personnelle.
(p. 114-115)
Il est mal fait ce monde, où même les plus grands artistes ne disposent que par moments de tout leur génie, mais où même les plus petites canailles se trouvent sans discontinuer en pleine possession de leur caractère.
(p. 111-112)
Un certain nombre d’individus croient qu’ils ont évolué, et de toutes leurs qualités seule la vanité coïncide avec ce qu’ils imaginent.
(p. 109)
Dans l’existence on est sans arrêt confronté à ce choix : se simplifier la vie et compliquer celle des autres – ou inversement. Mais a-t-on vraiment le choix ?
(p. 109)
Ce sont les questions adressées à la divinité qui nous rendent plus riches et non les pauvres réponses qui nous parviennent. C’est l’aspiration qui nourrit notre âme et non la satisfaction ; et le sens de notre vie c’est le chemin et non le but. Car toute réponse est trompeuse, toute satisfaction nous glisse entre les doigts et le but n’en est plus un dès qu’il est atteint.
(p. 106)
Si tu te perds dans une caverne, ne creuse pas trop fort ; sinon il se pourrait bien que la voûte s’effondre sur toi à l’instant même où tu vois briller la lumière de la sortie.
(p. 106)
Dieu est-il le rêve de l’humanité ? Ce serait trop beau. L’humanité est-elle le rêve de Dieu ? Ce serait abominable.
(p. 105)
Mais Seigneur, comment dois-je apparaître à l’humanité pour qu’elle ne soit pas figée d’effroi, demandait l’Infini ?
Alors le Seigneur le travestit en bleu du ciel.
Et moi ? demanda l’Éternité, comment me révéler à l’humanité sans que l’effroi la fasse sombrer dans l’anéantissement ?
Alors le Seigneur dit : Je veux donner à l’homme un instant où il te comprendra. Et il créa l’Amour.
(p. 98)
Toute connaissance (expérience) est entourée dans notre âme de la clarté lumineuse du doute ; l’ombre qu’elle projette dans cette lumière s’appelle la foi.
(p. 95)
Parler de l’amour pour l’homme est en politique une formule creuse, en religion un malentendu, en morale une folie.
(p. 93)
Présence infinie de Dieu : tu le vois, tu l’entends, tu le sens partout – lui ne te perçoit nulle part.
(p. 91)
Dépassement de soi, désir de connaissance et abnégation sont les seules véritables vertus parmi toutes celles qui sont ainsi nommées. Car c’est uniquement dans celles-là que la volonté est active.
(p. 88)
Si tu t’avances jusqu’à l’autel de la vérité, tu trouveras beaucoup de monde agenouillé devant. Mais sur le chemin qui y mène tu auras toujours été seul.
(p. 87)
Toute spéculation, peut-être même toute façon de philosopher n’est qu’une manière de penser en spirale ; nous nous élevons certes, mais nous n’avançons pas. Et nous restons toujours aussi éloignés du centre du monde.
(p. 87)
Tout rapport affectif à Dieu est absurde, la révolte autant que la soumission, car l’autel devant lequel nous gisons dans la poussière, tout comme celui que nous voulons mettre à bas – c’est toujours nous qui l’avons édifié.
(p. 84)
Le chemin qui va du sentiment religieux au dogme est infiniment plus long que celui qui conduit du dogme à la folie religieuse.
(p. 84)
On n’a jamais vraiment fait la guerre pour une idée ; qu’elle soit nationale ou religieuse. (La preuve ne nous en est pas seulement donnée par cette guerre*.) Mais les idées sont toujours mises en avant, brandies comme des bannières, des étendards de l’âme pour ainsi dire. On peut naturellement ériger en idée n’importe quelle formule creuse. C’est l’une des principales tâches de l’homme politique qui rétablit aussi l’équilibre en faisant de chaque idée une forme vide.
*la Première Guerre mondiale
(p. 75)