AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Asli Erdogan (389)


Mais vivre, pour moi, c'est surtout le regret des lieux que je n'ai pas vus, des livres que je n'ai pas lus, des mots que je n'ai pas créés, des phrases qui me sont restées sur le bout de la langue.
Commenter  J’apprécie          150
Une pluie terrible et majestueuse telle que je n'en avais encore jamais vu. Se vidant de toutes parts avec une intensité folle, on eût dit que le ciel avait tout à coup décidé de se décharger d'une haine accumulée au long des siècles, comme s'il eût voulu nous envoyer un avertissement, à nous pauvres humains. (p. 47)
Commenter  J’apprécie          150
On trouve toujours les moyens d'adoucir les catastrophes, les morts, les destructions, pour se blottir entre les murs étroits de la vie quotidienne, mais cela ne sert à rien. La douleur est toujours là, elle persiste. C'est peut-être parce qu'on ne peut pas supporter d'être ce que l'on est. Et parce qu'on veut remplir le temps qui passe sans jamais s'arrêter.
Commenter  J’apprécie          150
Asli Erdogan
Asli Erdogan: «Pour défendre la liberté d’expression nous devons nous unir» (exclu RFI)
Par Stefanie Schüler Publié le 01-01-2017 Modifié le 01-01-2017 à 13:12

Jeudi 29 décembre, la célèbre romancière Asli Erdogan a été remise en liberté sous contrôle judiciaire après 136 jours en prison. Sa détention avait provoqué une vague d'indignation dans le monde entier. Lundi 2 janvier, son procès se poursuit. L'intellectuelle est accusée d'appartenance à une organisation terroriste pour avoir collaboré au journal prokurde, Ozgür Gündem. RFI a pu joindre Asli Erdogan en Turquie.

Asli Erdogan, jeudi 29 décembre vous avez été libérée sous contrôle judiciaire après 136 jours en détention. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Asli Erdogan : Je pense qu’une grande partie de moi est toujours en prison. [Depuis ma sortie] j’ai rencontré des gens et je me suis rendue compte que je ne faisais que parler de la prison. Ma mémoire est restée en prison. C’est difficile à expliquer. Pendant quatre mois et demi je n’ai pas vu un seul arbre. Et maintenant il y a des milliers d’arbres. C’est trop d’un coup. Trop d’arbres, trop de gens. Vous savez, en prison tout est très limité. Donc c’est comme un énorme choc. Le monde est si vaste, si bruyant. La réadaptation est difficile… vraiment.
Mais c’était très chouette de caresser un chat par exemple. Chose que vous ne pouvez pas faire en prison. Vous ne pouvez pas toucher un animal. Le ciel y est très réduit. Hier j’ai contemplé la mer. C’est la mer d’hiver. Elle est très sombre. J’essaye d’y aller doucement.
Mais j’ai toujours peur. Chaque nuit je me dis : vont-ils revenir ? Peut-être dans trois jours ils vont encore m’arrêter… En fait je revis le traumatisme initial d’avoir été arrêtée. La nuit dernière je ne pouvais pas dormir. J’attendais la police…

Quelles étaient vos conditions de détention ?

Les cinq premiers jours après mon incarcération ils m’ont mise à l’isolement. Et ça c’était vraiment très dur. Les premiers trois jours surtout ils ont été très durs avec moi. Ils ne m’ont pas donné à boire pendant 48 heures. Mais ces traitements ont filtré dans la presse. J’ai rencontré les autorités carcérales tardivement. Ils ont réalisé que je n’étais ni membre du PKK, ni Kurde. Ces choses-là font la différence. Et petit à petit, les autorités carcérales se sont montrées protectrices envers moi. Mais être en détention restait difficile pour moi, bien que Bakirköy soit la prison la moins dure de Turquie. Seules des femmes y sont incarcérées.
Un jour je suis tombée très malade, c’était un mardi. Et ils m’ont dit que je ne pourrais aller à l’infirmerie que le vendredi. J’avais beaucoup de fièvre. J’ai donc vu le médecin le vendredi. Mais je n’ai reçu les médicaments que le lundi. Tout est comme ça.
En ce moment, les prisons sont encore plus dures que d’habitude. Nous avons eu le droit de passe un coup de fil de cinq minutes toutes les deux semaines. Des rumeurs circulaient comme quoi des personnes de l’extérieur allaient attaquer des prisonniers. La peur est donc omniprésente. Sans parler du fait que les cellules sont surpeuplées, car quelque 50 mille personnes ont été arrêtées durant les cinq derniers mois. Et ils ne cessent de changer de manière arbitraire les détenues de prison. Donc chaque matin vous vous réveillez avec la peur au ventre : vais-je rester dans cette prison, ou vont-ils me transférer dans une autre, pire que celle-là ? C’est difficile d’être en prison.

Vous êtes accusée d’ « appartenance à une organisation terroriste » pour avoir collaboré au journal prokurde, Ozgür Gündem. Votre procès se poursuit ce lundi. Etes-vous confiante ou avez-vous peur ?

J’ai peur bien sûr. Ils m’ont laissée sortir de prison mais ils ne m’ont pas acquittée. Les chefs d’accusation peuvent me valoir des peines allant de deux ans et demi de détention jusqu’à la prison à perpétuité. Toutefois il est probable que je sois acquittée de la plupart des chefs d’accusation à mon encontre. Mais je pressens qu’ils me condamneront quand même à une peine de deux ans de prison ou quelque chose dans le genre. Et la situation peut changer du jour au lendemain. Peut-être demain, ils passeront un coup de fil et j’aurais une peine plus sévère… donc bien sûr que j’appréhende ce procès. Rien n’est encore joué. Je suis juste sortie de prison.
Et puis il y a ces rumeurs qui prédisent de futurs assassinats d’écrivains, de journalistes et d’avocats. Des listes circulent sur internet. Donc en ce moment personne ne peut se sentir en sécurité en Turquie. Sincèrement : j’ai peur.
En revanche je pense que le soutien et la mobilisation internationale a été pour beaucoup. Je vous en remercie, vous les écrivains et journalistes européens et notamment français. Sans vous je serais toujours en prison. Vraiment, ils ne m’auraient pas laissée sortir.

La liberté d’expression est-elle encore garantie dans la Turquie d’aujourd’hui ?

C’est une blague. La liberté d’expression en Turquie n’est plus qu’une blague ! Ils nous ont laissées sortir et le lendemain ils ont arrêté un journaliste très réputé, accusé d’aider trois organisations terroristes différentes [Ahmet Sik NDLR]. Il avait déjà été en prison. Actuellement, quelque 150 journalistes sont emprisonnés, voire même plus. Aujourd’hui, des gens sont arrêtés pour avoir posté un message sur twitter. Beaucoup d’académiciens aussi sont menacés. Même les gens du cinéma qui sont très populaires : un procès s’ouvre contre des réalisateurs et d’autres artistes. A partir du moment où vous vous exprimez sur twitter vous pouvez déjà vous attendre à ce que la police vienne vous chercher. Les gens ont extrêmement peur. Même de parler au téléphone. Et je les comprends.

Quelle peut être dans ces conditions la marge de manœuvre de gens comme vous, les défenseurs de la liberté d’expression ?

Chacun doit décider pour soi-même. Mais je pense que la seule chose qui peut aider à changer la situation est la solidarité. Je veux lancer un appel. Où que vous soyez, quelles que soient vos convictions : pour défendre la liberté d’expression nous devons nous unir. Nous devons mener des campagnes pour ceux qui sont emprisonnés pour des raisons diverses. C’est la seule voie : être ensemble.

► Asli Erdogan est l'invitée de la rédaction de RFI ce dimanche 1er janvier à 12h15 TU

lien : http://www.rfi.fr/europe/20170101-asli-erdogan-turquie-liberte-expression-nous-unir-exclu-rfi
Commenter  J’apprécie          150
Entre l’impossibilité de partir et celle de rester, je me suis repliée sur moi-même comme un point d’interrogation qui se tord le ventre
Commenter  J’apprécie          150
DERRIÈRE LE MUR
Le mur qui te sépare de toi-même est froid et humide, tout percé, excavé par des milliers de mains, couvert de mots que des milliers d'autres mains ont effacés. Avec des traces de doigts, couleur rose fanée. Roses de ta mémoire, déployées en bouquets, avec leur rouge intense, leurs replis et leurs épines... Par-delà ce mur de pierre, ta voix la mieux assurée parle avec toi. Elle t'appelle : "Es-tu là ?". Et elle te console , te rassure...
Commenter  J’apprécie          150
Imaginez ceci : dans la rue qui mène au bâtiment de pierre, il y a un café, devant le café, été comme hiver, se tient un homme. A l’intérieur du bâtiment, une immense cour. Bourdant les escaliers qui entourent la cour, des fils de fer barbelés dépassant la taille d’un homme…
Commenter  J’apprécie          150
Asli Erdogan, chroniqueuse d’une Turquie face à ses dénis
Free Aslı Erdoğan·mardi 3 janvier 2017
Parution d’un recueil d’articles de la romancière turque, libérée le 29 décembre 2016 après cinq mois de prison à Istanbul.
LE MONDE | 03.01.2017 à 10h22 • Mis à jour le 03.01.2017 à 10h31 | Par Marc Semo (Article réservé aux abonnés)

Ces mots, « le silence même n’est plus à toi », sont ceux d’un vers du grand poète Georges Séféris, prix Nobel de littérature en 1963, Grec d’Asie mineure hanté tout au long de sa vie par l’exode forcé, après la première guerre mondiale, de centaines de milliers des siens qui y vivaient depuis des siècles. Inlassable combattante des droits des minorités, physicienne et romancière, Asli Erdogan, incarcérée depuis le 16 août dans la sinistre prison pour femmes de Bakirköy, à Istanbul, à laquelle elle avait consacré un bouleversant roman (Le Bâtiment de pierre, Actes Sud, 2013), a finalement pu bénéficier de la liberté provisoire le 29 décembre. Mais de son propre aveu, « une partie d’elle-même reste en prison ».

Lors de son arrestation, ses notes de travail et trois de ses livres traitant des massacres des Kurdes et des alévis, fidèles d’une secte issue du chiisme persécutés par les Ottomans comme par la République, ont été saisis. Jamais elle n’a cessé de dénoncer les silences de son pays hanté par les fantômes d’une histoire jamais assumée, dont la « grande catastrophe » qui a anéanti les Arméniens de l’Empire ottoman en 1915, les répressions massives après les coups d’Etat militaires (1960, 1971, 1980), la « sale guerre » contre les nationalistes kurdes. « Peut-être qu’il ne faut pas juger le passé à la lumière du présent, mais en nous taisant et en faisant la sourde oreille, c’est notre crime originel que nous perpétuons », rappelle la romancière, accusée de participation à une organisation terroriste – le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, qui mène la lutte armée contre Ankara depuis 1984) – pour avoir fait partie du « comité consultatif » animant le quotidien prokurde Ozgür Gündem.
Sous un déluge de feu
Ecrits au cours des dix dernières années pour ce journal, interdit comme des dizaines d’autres médias après le coup d’Etat raté de juillet 2016 – les uns pour de présumés liens avec la confrérie islamiste de Fethullah Gülen, accusée d’en être le maître d’œuvre, les autres mis en cause pour leurs liens avec le PKK –, ces vingt-neuf textes (sur un total de cinquante de l’édition originale en turc) racontent l’éternel retour de ces tragédies devenues encore plus présentes avec l’intensification des opérations militaires contre la rébellion kurde dans le sud-est du pays. « Corps déchiquetés comme ensevelis sous les fondations d’une autre époque… Ames déchiquetées, mots en lambeaux, yeux plus morts que les morts. Et le seul reste d’un enfant, d’une enfance qui a duré douze ans : l’os noirci d’une mâchoire, brûlé jusqu’à la désintégration – qui sait par quel genre de flamme – gisant à l’entrée d’une cave tout imprégnée de l’odeur des corps brûlés vifs », écrit la romancière dans la chronique qui donne son titre au recueil. « Je ne veux pas être complice de l’assassinat des hommes, ni de celui des mots, c’est-à-dire de la vérité », souligne-t-elle.
Ces scènes se déroulent à l’automne 2015, quand la rébellion kurde du PKK lance une série d’insurrections urbaines, notamment dans la petite ville de Cizre, toute proche des frontières syrienne et irakienne. Les autorités turques répondent en assiégeant les quartiers insurgés avant de les reconquérir rue par rue, sous un déluge de feu, alors même que des civils y restaient piégés. Publié dans l’urgence après l’arrestation de la romancière, ce recueil ne date pas les chroniques et ne les contextualise pas, même dans une préface, au risque de perdre un lecteur français. Celui-ci risque de ne pas être suffisamment au fait de l’actualité turque pour comprendre à quoi se réfère la romancière dans chacun de ces textes écrits dans le feu de l’actualité – certains ont d’ailleurs été versés au dossier de l’accusation.

Prose imagée et puissante
L’indétermination des événements évoqués donne un caractère encore plus universel à sa prose imagée et puissante. Asli Erdogan verse certes parfois dans l’excès de pathos ou dans de hasardeuses analogies historiques comme dans la chronique « guerre et guerre », histoire d’un voyage « qui commence à cent kilomètres d’Auschwitz et s’achève cent kilomètres avant Cizre », deux réalités tout aussi « irracontables » : « La retraite désespérée face à l’immensité de l’inaudible, de ce qui est à jamais inaudible. » Toujours elle met la plume dans la plaie, racontant l’inexorable basculement de son pays vers un régime toujours plus autoritaire. Jamais jusqu’ici, malgré ses engagements, la romancière n’avait été arrêtée. « Ce n’est pas Asli qui a changé, c’est la Turquie », relevait récemment l’une de ses plus anciennes amies.
Ces chroniques ne parlent pas seulement de l’actualité, des engagements, des rêves fracassés. « Ma recette “personnelle” – il est certain que nul ne saurait enseigner à l’autre comment exorciser ses traumatismes – est d’approcher chaque existence avec le sens du destin », relève la romancière, soulignant que « cette coupe avec laquelle je puise dans l’océan amer de notre monde, et surtout de notre propre géographie, si elle m’a permis de goûter à l’amertume de l’autre, alors elle n’aura pas été bue en vain », écrit-elle. Asli Erdogan raconte aussi bien l’infinie désolation d’une nuit d’hiver dans la forêt, « où la lune surgit entre des nuages lourds et effrayants, telle une plaie violacée », que son émotion devant trois perruches en cage à la vitrine d’une animalerie, qui lui font penser à la prison où un ami élevait de tels oiseaux dans sa cellule.
La sensibilité est à fleur de peau dans les petites choses du quotidien comme pour les tragédies de grande ampleur comme cette nuit du 15 au 16 juillet 2016, celle du coup d’Etat raté. C’est le premier texte du livre et sa dernière chronique publiée avant l’arrestation. Le jour se lève après une nuit de sang et de combats : « Venue d’un soleil plus lointain et plus froid, la lumière ne réchauffe ni ne console, elle ne promet rien aux vies qui ont été sauvées ou perdues. »

Marc Semo
Commenter  J’apprécie          140
Le destin de chaque homme n'est personnel que dans la mesure où il ressemble à ce qui existe dans sa mémoire. Edouardo Mallea.
Commenter  J’apprécie          140
" A la faveur des ténèbres, ils regardent d'un oeil hostile ce pays qui ne leur a pas ouvert les bras, ils traînent derrière eux le poids écrasant de leur passé.Leur pays, qui, autrefois, leur était insupportable, leur semble à présent une contrée de rêve, un paradis perdu, mais ils ne croient plus aux rêves. Coincés entre un passé douloureux et un avenir effrayant, ils sont incapables d'appréhender le moment présent. Croyant s'évader , ils se sont enfermés dans une nouvelle prison.Tout ce que je peux dire de positif à propos de l'émigration, c'est qu'aucune autre expérience ne donne à l'homme une vision plus nette de la vie. " . Asli Erdogan, Le mandarin miraculeux, extrait, Editions Actes Sud 04.2006.

Asli Erdogan, poète, romancière et nouvelliste turque injustement détenue en prison par le régime Erdogan depuis le 16.08.2016
Commenter  J’apprécie          141
Entre mon vrai visage et son reflet dans la vitre, le temps et le néant, parmi tout ce qui ne peut-être dit avec des mots… Je suis là, à cette heure sombre où j’aurais souhaité être ailleurs, dans un autre temps. Je suis dans la nuit, toujours la même, infinie, la nuit ambrée…
Commenter  J’apprécie          140
L’Homme coquillage m’avait appris le chant de la vie.
Commenter  J’apprécie          130
Quand à moi-même, incapable de me sortir de la dépression ni de m'attacher à aucune idée , croyance ou autre personne, j'étais quelqu'un de très seul, un être pessimiste et continuellement malheureux. J'avais depuis longtemps perdu l'enthousiasme de vivre, si tant est que je l'eusse jamais eu. (p. 12)
Commenter  J’apprécie          130
Asli Erdogan
5/12/2016 Lettre d' Aslı Erdoğan de la Prison de Bakırköy C-9

Chers amis, collègues,

Cette lettre est écrite depuis la prison pour femmes de Bakırköy, quelque part entre un asile de fous et une vieille léproserie. En ce moment, un nombre de “journalistes”, estimé entre 150 et 200, a été emprisonné en Turquie, et je suis l’un (e) d’entre eux.

Je suis une écrivaine, seulement une écrivaine, auteure de huit livres traduits dans de nombreuses langues, incluant le français. Depuis 1998, je travaille comme chroniqueuse en essayant de combiner littérature et journalisme dans mes chroniques. Les derniers Prix Nobel sont un signe que les “limites rigides” de la littérature sont remises en question avec justesse.

J’ai été arrêtée pour la raison, ou plutôt le prétexte, que je suis un(e) des “conseillers” de Özgür Gündem, le soit-disant “journal kurde”. Même si les lois régissant le journalisme ne donnent aucune responsabilité aux conseillers d’un journal, et qu’aucun parmi les centaines de procès intentés aux journaux n’ait inclu ces symboliques “conseillers”, six de ces conseillers ont été accusés de “terrorisme” : Necmiye Alpay, linguiste et activiste pour la paix, Bilge Cantepe, fondateur du Parti Vert, Ragıp Zarakolu, éditeur et candidat pour un Prix Nobel de la Paix, Ayhan Bilgen, parlementaire, Filiz Koçali, journaliste féministe.

En fait, parmi ces 150 “journalistes”, il y a plusieurs écrivains, des académiciens, des critiques littéraires, mais ils sont tous en prison pour leur travail journalistique.

La situation de la presse est alarmante. Environ 200 journaux, agences de presse, radios et chaînes de télévision ont été fermées sur ordre du gouvernement en à peine 4 mois. Une “punition collective” a aussi été administrée au journal Cumhuriyet, le plus vieux journal de Turquie, bastion de la sociale démocratie. Comme pour Özgür Gündem, tous les noms listés comme conseillers et éditeurs ont été arrêtés pour avoir approché des organisations terroristes, y compris l’éditorialiste culturel et un caricaturiste !

Le journal Cumhuriyet a il y a peu courageusement publié des rapports sur les relations entre la Turquie et ISIS (Daesh) et a fermement protesté contre les attaques d’enragés contre Charlie Hebdo. De nombreux journalistes, y compris moi, ont été poursuivis pour leur solidarité avec Charlie Hebdo, certains ayant même été condamnés à des peines de prison.

Nous avons besoin de votre soutien, de votre sensibilité et de votre solidarité. PEN, qui est à la base une organisation pour la défense des écrivains, se bat activement pour la liberté des journalistes.
Quand la liberté de pensée et d’expression est en danger, il n’y a plus de discrimination (ndlt: entre écrivains et journalistes).

“Liberté, Egalité, Fraternité”: ce sont des concepts que nous devons à la Révolution française ! Plus de deux siècles ont passé qui ont donné du sens, et une réalité, à ces concepts, façonnés par des siècles de raisonnement, de pensées et de développement littéraire, découlant de siècles de labeur, de combats, de guerre et de sang… Ces concepts se doivent d’être universels, aussi bien en théorie qu’en pratique, pour tous, sans exception.

Mon sentiment est que la crise récente en Europe, déclenchée par les réfugiés et les attaques terroristes, n’est pas seulement politique et économique. C’est une crise existentielle que l’Europe ne pourra résoudre qu’en ressaisissant les nations qui la composent.

De nombreux signes indiquent que les démocraties libérales européennes ne peuvent plus se sentir en sécurité alors que l’incendie se propage en leur proximité. La “crise démocratique” turque, qui a été pendant longtemps sous-estimée ou ignorée, pour des raisons pragmatiques, ce risque grandissant de dictature islamiste et militaire, aura de sérieuses conséquences. Personne ne peut se donner le luxe d’ignorer la situation, et surtout pas nous, journalistes, écrivains, académiciens, nous qui devons notre existence même à la liberté de pensée et d’expression.

Merci beaucoup.
Sincères salutations

Aslı Erdoğan
Prison de Bakırköy C-9
Commenter  J’apprécie          130
Toi, tu es resté au beau milieu d’une phrase que l’aube n’a pas pu t’arracher. Avec dans tes yeux un scintillement cendré. Tu as allumé la dernière bougie de ta résistance et tu l’as offerte à l’aube.
Commenter  J’apprécie          130
Si non seulement nos morts, mais aussi notre propre mort nous est confisquée... Si c'est davantage que nos seules petites vies individuelles qu'on accule dans les caves... Si l'on brûle, acculé et aspergé d'essence, tout ce qui nous donne du sens, tout ce à quoi nous donnons le nom et le sens de "vie"... Si l'on explose à l'arme lourde la voûte de nos rêves, si les salves de balles déchiquettent les mots formés par le sang des millénaires... Si nous ne sommes même plus capable de pousser ni d'entendre un seul cri... Si même le silence n'est plus à nous...
Commenter  J’apprécie          120
L'art de conter une histoire n'est-il pas un peu celui d'attiser les braises sans se brûler les doigts?
Commenter  J’apprécie          121
La vie, qui ressemble à une plaie dont la douleur éclate quand elle se referme, ou peut-être la pure et simple absence de cette vie dont la présence ne se manifeste que dans la douleur...
Commenter  J’apprécie          110
Cet endroit était, pour reprendre le jargon des physiciens eux-mêmes, un ghetto ou un monastère. De nous, l'on attendait trois choses : travailler, travailler, travailler. Sans tomber malade, sans rien regretter, sans basculer dans la dépression, sans être amoureux, fonctionner sans accroc aussi parfaitement qu'un moteur d'avion.
Commenter  J’apprécie          110
Ecrire, contre la nuit, avec la nuit..;Avec ses hésitations, sa langue, ses répétitions... A l'aide de ses mots somnambuliques, de sa mémoire qui se terre en elle-même... A la flamme vacillante d'une bougie qui brûle dans le cœur, au point de bascule ... A la lueur d'une étoile qui continue de briller, bien que morte depuis longtemps, et que tu as rapportée des confins...Regarder la nuit où ne pénètre aucun regard, enfermer le vide infini entre les points et les lignes, tracer des embranchements dans l'obscurité, toucher de ses mille doigts effilés les ombres et leurs objets....S'ouvrir de toutes ses forces à un cri noir auquel tu n'as pas su répondre, l'emplir d'une voix errante...
Commenter  J’apprécie          110



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Asli Erdogan (486)Voir plus


{* *}