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Critiques de Charles Juliet (336)
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Journal, tome 1 : Ténèbres en terre froide (1..

Dans l'édition Hachette de 1978 cet ouvrage s'intitule simplement Journal I, mais le titre de Ténèbres en terre froide lui convient parfaitement tant il est sombre et oppressant. Il s'agit d'une œuvre égotiste, autocentrée, d'une introspection acharnée où l'auteur ne s'intéresse qu'à son vécu douloureux et à son labeur d'écrivain. Les tiers n'y sont évoqués que de manière très allusive, ainsi sa femme M.L, une certaine Denise, un dénommé Descombin, son frère Robert. Il n'y fait que brièvement allusion au peintre et sculpteur Giacometti, à Reverzy, Kafka, Rilke. Peu de respiration donc, d'ouverture vers l'extérieur. Les saisons ne sont guère marquées et ne semblent pas influencer Charles Juliet en proie le plus souvent à un identique marasme. Celui-ci note quelques voyages sans en rien dire toutefois. Les mots ennui, désespoir, épuisement sont les vocables les plus fréquents et surtout celui de suicide, obsessionnel, qui revient presque à chaque page, ce qui n'empêche pas l'homme d'avoir désormais atteint 85 ans. Souffrant d'un fond dépressif hérité probablement de sa mère et aggravé par les privations et humiliations de toute sorte vécues lorsqu'il était enfant de troupe à l'école militaire d'Aix-en-Provence, l'auteur a fait le choix audacieux de se consacrer à l'écriture, sa femme acceptant d'assumer seule la charge matérielle du ménage. Ainsi Charles Juliet s'est privé de l'exercice équilibrant d'un métier, d'une activité quotidienne, ce qu'il revendique, estimant que toute profession l'aurait empêché d'écrire. Certes, il a souffert, creusé en lui-même, s'est interrogé et nombre de notes de son journal revêtent un certain intérêt, mais son égoïsme, sa morbidité agacent.
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L'Amour, la solitude

Clareté dans les propos. Sincérité et simplicité dans la façon d'aborder la vie. Vivacitė dans le déroulement des raisonnement. Humilité et rėfėrences à des auteurs que l'on prend envie de lire...j'ai retrouvé A. Comte-Sponville avec toujours autant de plaisir.
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Lambeaux

« Dans cet ouvrage, l’auteur a voulu célébrer ses deux mères : l’esseulée et la vaillante, l’étouffée et la valeureuse, la jetée-dans-la-fosse et la toute-donnée. La première, celle qui lui a donné le jour, une paysanne, à la suite d’un amour malheureux, d’un mariage qui l’a déçue, puis quatre maternités rapprochées, a sombré dans une profonde dépression. Hospitalisée un mois après la naissance de son dernier enfant, elle est morte huit ans plus tard dans d’atroces conditions.

La seconde, mère d’une famille nombreuse, elle aussi paysanne, a recueilli cet enfant et l’a élevé comme s’il avait été son fils.

Après avoir évoqué ces deux émouvantes figures, l’auteur relate succinctement son parcours. Ce faisant, il nous raconte la naissance à soi-même d’un homme qui est parvenu à triompher de la «détresse impensable» dont il était prisonnier. Voilà pourquoi Lambeaux est avant tout un livre d’espoir » (synopsis éditeur).



Charles Juliet propose ici deux nouvelles qui s’enchevêtrent délicatement. A l’instar des deux personnages principaux (un pour chaque nouvelle), la seconde histoire a besoin de la première pour naître. Elle vient ainsi combler les vides laissés vacants par le narrateur et raconte l’histoire du fils après que nous ayons découvert celle de sa mère (biologique). Nous couvrons une période d’environ un siècle au travers de cette généalogie peu commune.



La mère, une femme forte, intelligente et ambitieuse, est originaire d’une famille de paysans frustres. Du fait de son statut social, elle n’aura pas la possibilité (et encore moins les moyens) d’atteindre son idéal de vie : accéder à des études supérieure, s’installer en ville, fonder une famille avec un mari aimant. Pire encore, elle s’échine aux travaux domestiques dans l’espoir d’oublier sa peine et reproduit presque à l’identique le modèle familial qu’elle avait pourtant tant décrié. A mesure que les années passent, elle sombre dans la dépression. Et puisqu’elle n’est plus en mesure de s’occuper de ses cinq enfants, ceux-ci seront placés dans les familles avoisinantes. Pourtant, elle a pu profiter de quelques rares instants de félicité, comme lors de cette trop courte scolarité qui s’est abruptement terminée à l’obtention de son certificat d’études primaires ; bien qu’elle fut major de promo, ses parents n’ont jamais envisagé qu’elle poursuive ses études, l’enfant étant plus utile à la ferme que sur les bancs d’une classe. Il y eut aussi cette complicité rare avec ses trois jeunes sœurs ; étant l’aînée, elle a eu la lourde responsabilité de s’occuper de la fratrie. Avec bienveillance, elle a mené à bien cette tâche maternelle et permis aux plus jeunes de profiter d’un amour tendre que leurs parents étaient incapables de donner. Enfin, il y eu cette rencontre avec un jeune homme venu séjourner temporairement dans la région ; leurs rencontres dominicales lui ont permis de découvrir les sentiments amoureux. Plus tard, elle se mariera avec un autre. De cette union, cinq enfants viendront au monde.



La seconde nouvelle nous permet de connaître le benjamin de la fratrie. Placé provisoirement chez une nourrice – dans l’attente de trouver une institution qui accepte de le prendre en charge, l’enfant aura la chance d’être finalement adopté par cette famille d’accueil. Il grandit dans une famille aimante mais soumise à la même réalité économique que la famille de sa mère. Les enfants quittent donc très tôt le cursus scolaire et viennent ainsi aider les parents à la ferme. Compte tenu des événements qui ont émaillé sa petite enfance, le garçon souffre d’une problématique abandonnique assez marquée. Afin de soutenir financièrement sa famille, il s’engage dans l’Armée. Loin des siens, il doit d’abord canaliser ses angoisses liées à l’éloignement. Il doit également se plier aux contraintes de cette vie de garnison. Il s’efface devant l’agressivité de ses chefs dans l’espoir de ne pas attirer leur courroux. Il parvient à lier des amitiés fortes. Pour lui, l’Armée sera finalement un tremplin qui lui permettra de trouver sa voie, son autonomie… sa liberté d’être et de penser. Cet homme, c’est Charles Juliet.
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Journal, tome 6 : Lumières d'automne (1993-19..

Je ne connaissais pas du tout Charles Juliet, et j’entame donc son journal par ce sixième tome qui se déroule du premier janvier 1993 à la fin de l’année 1996. Période où il entra dans la soixantaine et où il écrivit notamment son célèbre « Lambeaux ». L’automne de sa vie. Une saison douce. C’est l’impression que donne ce journal en tout cas. Un journal qui n’est pas seulement intime bien que la vie intérieure y est prépondérante, mais aussi tourné vers l’extérieur. Une grande attention est portée vers les autres, sur leur expérience et ce qu’elle peut apporter de positif pour soi.

De ses rencontres Charles Juliet cherche à en retirer tous les aspects enrichissants. Curieux d’autrui, de connaître le passé, l’histoire, les fêlures, il se montre toujours bienveillant. Et il a une admiration marquée pour les voyageurs, les baroudeurs. D’autre part, il s’intéresse à énormément de sujets qui peuvent donner accès à une vie intérieure. Quelques jolis passages sont également consacrés à l’écriture et à la lecture, à l’importance qu’ont eue les livres dans sa vie.

La paix est le sentiment qui nous envahie en lisant ce journal. Et le maître-mot en est simplicité. Charles Juliet écrit à propos d’un mystique soufi (il a l’air particulièrement féru de pensée orientale) : « Sa pensée était limpide et il s’exprimait dans une langue simple et dépouillée. » Ces mots pourraient aussi bien s’appliquer à lui-même. Il se décrit comme quelqu’un de candide et d’humble, et il en faut sans doute, de la candeur, surtout à notre cynique époque, pour se déclarer tel avec tant de simplicité. Accepter cette désarmante candeur (qui frise immanquablement la naïveté, il faut bien l’avouer, mais qui n’empêche pas la profondeur), profiter de son expérience, comme lui pose un regard bienveillant sur les autres, c’est lire de la bonne manière ce journal, je crois, car au bout du compte on se surprend à méditer sur ses paroles comme on le ferait en lisant des aphorismes taoïstes.

Cette partie du journal m’a donné très envie de lire les premiers tomes et de découvrir les vingt longues années qu’il évoque souvent comme une période sombre par rapport à la saison automnale de sa vie. Je sens bien qu’il me manque beaucoup, c’est-à-dire le parcours, pour bien comprendre cet aboutissement.
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Cézanne un grand vivant

Une évocation, courte, de la vie et de l’œuvre de Paul Cézanne, sous la forme d’une lettre publiée en 2006 et adressée au peintre mort un siècle auparavant (avec cette candeur caractéristique de Charles Juliet et un ton très respectueux). Une lettre pleine de sagesse, pour aborder les aspects importants de l’art de Cézanne, sans rien oublier, ni des Sainte-Victoire, ni des portraits, ni des natures mortes, mais sans rien approfondir non plus; profond surtout dans l’empathie. Derrière le portrait de ce Cézanne insatisfait dans sa jeunesse et serein dans son âge mûr on devine le visage de Charles Juliet lui-même. Il y est question de la recherche de vérité, de la sensibilité de Cézanne, de ses révolutions personnelles et picturales. La quête de soi, en somme.
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L'Incessant

Deux voix intérieures… deux voix qui s’affrontent, se confrontent, se collettent, deux êtres qui dialoguent ou qui tentent de le faire. L’une et l’autre s’incarnent dans le même personnage. L’une est féminine, l’autre masculine. Les deux parties de l’être. Contradictoires, discordantes, incompatibles. Qui se mènent un combat sans merci. Qui évaluent et opposent les valeurs respectives qu’ils défendent âprement, chacun pour soi.



« L’homme » se complaît dans un engourdissement dont il se lamente. « La femme » défend la cause de la lutte contre la négation, « l’auto-négation ». Elle est la petite voix qui résonne et raisonne en chacun de nous. Certains la nomment conscience Il est l’apparent, l’ostensible, le paraître. Alors qu’il se plaint de toutes les misères du monde, elle prône l’accord avec une vie en cohérence : « Tu te répands en anathèmes sur l’incompréhension, l’intolérance, l’avidité, la haine, la barbarie…, mais toi, dans quel camp vas-tu te ranger ? Seras-tu de ceux qui vont ajouter à la confusion, l’injustice, la violence ? Ou au contraire, vas-tu t’employer, dans la mesure de tes moyens, à combattre ces fléaux. »



L’exploration intérieure est, comme dans beaucoup de ses autres écrits, au cœur de cette œuvre de théâtre. C’est la voix que l’on entend parler en nous, cette petite voix intérieure qui essaie parfois désespérément de nous amener à la raison. Mais c’est aussi la voix qui modélise les valeurs auxquelles nous sommes confrontés.



Le dialogue intérieur « incessant » qui secoue notre apathie naturelle ; qui bouscule nos lâchetés et nos lassitudes ; qui nous met face à nos réalités ; qui nous souffle quelques stratégies pour nous ressentir mieux au cœur de notre être profond. En harmonie. Sans masque.
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Entre ciel et terre

Qui d'autre mieux que Charles Juliet pouvait pénétrer l'univers de Fabienne Verdier et nous parler de son processus de création ? Ses textes sont un contrepoint sensible à la puissance du trait que l'on sent dans les tableaux reproduits.

Un très beau livre qui nous fait renouer avec le silence et les exigences de l'art.
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L'Année de l'éveil

L'année de l'éveil est un court roman d'apprentissage, admirablement écrit par Charles Juliet. Il raconte une année dans un pensionnat militaire à la discipline de fer où le jeune homme découvre la vie en société, ses bons côté :la camaraderie, l'estime, l'amour, la passion mais aussi ses mauvais côtés : la brutalité, la solitude et l'injustice...
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Cézanne un grand vivant

Les éditions Flohic ont fait paraître une série d'ouvrages qui allient le texte à l'image. Après avoir lu le Giacometti vu par Tahar Ben Jelloun, j'ai découvert le texte écrit par Juliet sur Cézanne, accompagné à chaque page de tableaux du maître.

Non seulement on s'imprègne des paroles de l'auteur, mais on peut en plus appréhender dans le même temps ces oeuvres picturales de Cézanne, essayer de comprendre ce que cherchait Cézanne...

Ce qu'il cherchait, n'est-ce pas un peu aussi ce que cherche Juliet ? Il y a dans le regard que l'auteur pose sur les artistes une quête perpétuelle. Incisif regard, qui semble dire : es-tu mon frère ? as-tu cette exigence du vrai toi aussi ?

Lire ce que Juliet écrit sur les autres, c'est donc le découvrir un peu plus lui-même, pour notre plus grand bonheur!
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Entre ciel et terre

Absolument magnifique, tant les photos que les œuvres.
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Dans la lumière des saisons

Après avoir découvert Charles Juliet avec des textes autobiographiques sur ses jeunes années, ce court livre nous présente quatre lettres écrites à un âge plus avancé. Quatre lettres sur une année, à une amie lointaine qui raconte le quotidien, les doutes, l'environnement, la vie avec une écriture magistrale qui envoute et qui donne l'envie de continuer de découvrir l'oeuvre de cet écrivain.
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Entretien avec Fabienne Verdier

Lorsqu'un poète rencontre une artiste peintre, cela garantit un entretien érudit et passionnant. Il est parfois douloureux, malaisé et exigeant de s'exprimer sur ce qui anime tout son être. Cet entretien entre Charles Juliet, écrivain et poète et Fabienne Verdier artiste peintre française est intimiste. La passion et la patience déplacent des montagnes. Afin de vivre sa passion, Fabienne Verdier sacrifie l'académisme des Beaux-arts français pour découvrir la calligraphie en Chine. Elle est opiniâtre et exigeante. En Chine, Fabienne nait une seconde fois au mystère de l'art.

"La peinture, c'est une belle histoire de respiration", dit elle.

C'est une adhésion pleine et entière d'elle-même.

La création picturale est tactile, est sensation. Tous les sens contribuent à imaginer, former une œuvre. C'est aussi la perception d'une réalité que l'on construit. C'est se libérer dans le mouvement de soi-même.

La calligraphie est un art abstrait. En Chine, cet adjectif n'a pas le même sens qu'en occident. L'abstraction est associé à la nature. Le trait est un prolongement de la nature.

Je ne regrette pas d'avoir emprunté ce petit d'ouvrage de moins de quatre-vingts pages. Ne reste plus qu'à découvrir les œuvres de Fabienne Verdier.
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Lambeaux

Un livre très triste, mais magnifique. L'auteur raconte avec beaucoup de tendresse la vie de ses deux mères : sa mère biologique, morte dans des conditions affreuses, puis sa mère adoptive qui l'a aimé comme une véritable mère. Le tutoiement employé dans la première partie du livre sort beaucoup de l'ordinaire et donne au récit une proximité avec l'héroïne.
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Journal, tome 9 : Gratitude (2004-2008)

Je lis son journal depuis le début. Ce qui m'épate au fil du temps, c'est l'évolution vers plus de légèreté. Le chroniqueur accroche son écriture au réel constitué de rencontres, de réflexions, d'émotions, de doutes. Rien n'est anodin, le moindre événement peut faire sens. J'aime bien les rencontres avec les artistes, avec des inconnus apparemment sans histoires. Il y a des thèmes récurrents, toujours neufs sous le regard du moment : l'enfance, la littérature, la connaissance de soi. À prendre, à apprendre et à reprendre.




Lien : http://cinemoitheque.eklablo..
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Lambeaux

Livre vraiment sans intérêt:

Pas d'actions et que des dépressifs ...

Mais je respecte l'auteur'qui fait mémoire à ses mères et c'est touchant...
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Journal, tome 9 : Gratitude (2004-2008)

Toujours très agréable à lire l'écriture de Charles Juliet...

Les commentaires qui sont sur ce site sont extrêmements bien écrits et ressentis...

Je ne peux donc que conseiller ce livre qui comme toujours appaise le lecteur... le déleste de ses soucis...

Charles Juliet a l'art de faire raisonner en nous sa musique intime... ce retour sur soi... et nous aide à nous recentrer sur l'essentiel de notre vie.



Cet homme humble, aimant et sage nous veut que du bien.



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Rencontres avec Samuel Beckett

Charles Juliet rencontre Samuel Beckett à quatre reprises, en 1968, 1973, 1975 et 1977, et lui témoigne une telle admiration que ce dernier en semble gêné.

Pourtant, le courant finit par passer entre les deux hommes et Beckett s'exprime volontiers entre deux silences : la généalogie de son oeuvre, notamment l'illumination de 1946 à Dublin où il a trouvé la voie de son expression littéraire propre : accepter d'exprimer le chaos qui est en lui ; ses protestations véhémentes contre ceux qui le définissent comme un écrivain de l'absurde : " Je n'ai jamais été d'accord avec cette notion de théâtre de l'absurde. Car là, il y a un jugement de valeur. " ; son rejet des interprétations universitaires de son oeuvre, " inutile vivisection " ; sa conception du travail de l'artiste qui est de disparaître en tant qu'individu de ce qu'il fait ; son goût pour les écrits mystiques de Jean de la Croix, maître Eckhart, Ruysbroek : " Oui... j'aime... j'aime leur... illogisme... leur illogisme brûlant... cette flamme... cette flamme... qui consume cette saloperie de logique." ; son amitié indéfectible pour le peintre Bram Van Velde ; sa crainte de la vieillesse, oscillant entre acceptation de ce moment de liberté créatrice et résignation accablée.

Un témoignage fort de Juliet qui a rencontré une ascèse et un outil de connaissance de soi dans le dépouillement du Maître, même si Beckett semble en douter : " Eloignez-vous, et de vous, et de moi."
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Lambeaux

Quand a lieu LA rencontre : LA rencontre entre un livre et un lecteur. J’ai ouvert Lambeaux un soir de tristesse et ne l’ai plus quitté pendant quarante-huit heures et aussi surprenant que cela puisse paraître tant ce récit est violent, il a fait renaître en moi une force qui était en train de me quitter insidieusement.



J’ai d’abord été bouleversée par le destin de la première femme, la mère biologique de Charles Juliet, celle qu’il n’a pas connu. Cette femme si belle et son si bel amour des mots, son amour instinctif de la littérature, de la culture qu’elle a à jamais réprimé, qu’elle n’a jamais pu exprimer parce que cela ne se faisait pas dans son milieu. Il raconte la jeunesse, l’adolescence, la vie en couple de cette femme : aînée de la famille, elle devra s’occuper de ses sœurs, de la maison, de la ferme. Elle ira à l’école mais malgré les excellents résultats obtenus, elle n’aura pas le droit d’aller au-delà du certificat d’études. Et là sera sans doute le point d’ancrage de sa douloureuse descente aux enfers. Elle passera sa vie à ne se parler qu’à elle-même, esseulée, sentant un peu plus fort, année après année, sa différence. L’arrivée trop rapprochée de ses quatre enfants ne fera qu’accélérer sa détresse intérieure, sa souffrance inguérissable, jusqu’à sa fin de vie tragique. Bouleversée aussi par la manière qu’a Charles Juliet de s’adresser à elle. Ce lien invisible entre ces deux êtres et la force du « TU », le fait qu’il s’adresse à elle alors même qu’il ne l’a connue que quelques mois. Oui, cette première partie fut un véritable bouleversement pour moi.



Et puis, arrive le récit de sa propre enfance entouré de sa mère adoptive et de sa famille, une paysanne elle aussi mais une terrienne. Et c’est avec tout autant de douceur, de respect qu’il décrira cette femme qui l’a aimé comme s’il était le fruit de ses entrailles, cette femme qui lui a permis de tenir, malgré l’absence de sa mère biologique, malgré les idées noires, malgré la quête interminable de soi… Et qui lui a donné assez de force pour ne pas être détruit par ses études dans une école militaire particulièrement stricte et violente. Là encore le « TU » donne tout son sens à ce texte d’une poésie et d’une finesse incroyables. Le « TU » qui évoque l’introspection puisque dans cette deuxième partie, Charles Juliet ne s’adresse non pas à sa mère adoptive mais à lui-même… Cette deuxième personne du singulier sert surtout de catalyseur –d’après moi- à ces multiples sentiments contradictoires qui traversent le lecteur. Parce que nous nous retrouvons non seulement face à la quête intime de Charles Juliet mais aussi face à nos propres démons, nos propres douleurs, notre propre histoire familiale avec ces questions récurrentes (pour ne pas dire permanentes) : comment être ? Comment se libérer de ses carcans, quels qu’ils soient ? Comment s’autoriser à vivre, à faire ce qui est nécessaire à notre essor ?



Je reste bouche bée devant une telle qualité littéraire, je reste sans voix devant cette façon si belle qu’a Charles Juliet de se parler à lui-même tout en parlant à chacun de nous, devant sa capacité à pénétrer l’âme de l’être humain avec une telle acuité.



Je reste ébahie devant cette Rencontre littéraire. Révélation.


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Moisson : Choix de poèmes

Écrire pour sarcler



C’est un poète qui chante les moissons, mais un poète contemporain cette fois. Né en 1934 dans l’Ain, Charles Juliet s’est vu récompenser des prix les plus prestigieux comme le Prix Goncourt de la poésie en 2013 et le Grand prix de littérature de l'Académie française cette année, tous deux récompensant non pas un recueil mais l’œuvre toute entière. L’enfance de Charles Juliet a été marquée par l’éloignement d’avec sa famille, puisque sa mère étant internée dans un hôpital psychiatrique il est placé dans une famille de paysans suisses à l’âge de trois mois. Elle meurt sept années plus tard. À douze ans, il entre comme enfant de troupe à l'école militaire d'Aix-en-Provence. Il en sort huit ans plus tard, admis à l'École de santé militaire de Lyon. Il abandonne ses études de médecine à vingt-trois ans pour se consacrer exclusivement à l'écriture. Durant quinze ans, il travaillera reculs dans une solitude extrême, avant de voir paraître son premier livre, Fragments, préfacé par Georges Haldas. De ces « années lentes » remontent également des rencontres importantes avec d'autres artistes parmi lesquels Michel Leiris, Bram van Velde, Raoul Ubac, Pierre Soulages ou Samuel Beckett.

L’œuvre de Charles Juliet est principalement autobiographique, elle est son propre stéthoscope. Jean-Pierre Siméon dit même que son œuvre « n’a qu’un objet : l’élucidation de soi, la mise à nu et à jour d’une vérité intérieure. » L’écriture est pour Juliet l’unique moyen d’éliminer le moi, « ses leurres dérisoires » et sa profonde vanité. Cela passe les mots affutés comme des scalpels, souvent dénués d’effets de style.

Paru en 2012 chez P.O.L, le livre Moisson n’est pas un recueil au sens stricte du terme, mais il regroupe un choix définis de poèmes, pour mieux appréhender l’univers de Juliet ; ses craintes, ses doutes, ses interrogations, ses joies aussi, graves. Elle est surtout dotée d’une magnifique préface de Jean-Pierre Siméon qui sert d’appareil critique. Dans la première partie du recueil se développent des courtes scènes qui donnent à voir un petit garçon dans sa vie à la ferme. Il y a là une thématique éminemment importante : le rapport à la nature et plus particulièrement à la terre. Sa lecture fondatrice du monde se fait au contact de la campagne, non pas des livres (il se met à lire relativement tard, vers ses vingt ans). La solitude des champs, le brouillard, le froid, les bois profonds constituent son imaginaire, c’est là qu’il puisera le matériau de son écriture. Fixé dans cette vie de lenteur et d’ennui, il sait l’odeur de la brume après l’orage, l’épaisseur des nuits sur les collines, l’ingratitude de la pierre et de la ronce et la rudesse des chemins caillouteux. Mais Juliet ne chante pas la terre, il l’utilise comme moyen mimétique pour sa poésie : ainsi, le poète défriche, taillade, sarcle, laboure les mots. Comment aller du labour aux moissons ? Cette question guide l’entièreté du recueil, sinon de son œuvre, et se décline au travers d’une infinie variation de proses, poèmes et entretiens, comme l’on dirait pour un thème musical. Le poème liminaire, éponyme du recueil (reproduit en intégralité ici), fixe le sens de questionnement-voyage qui agite le poète :



Atteint le dernier degré de l’épuisement Quand tu avais perdu tes semblables Quand il n’y avait plus de but de repère de chemin Quand il n’y avait plus d’issue Quand la seule énergie qui te venait naissait de l’horreur de te savoir à l’agonie



Sur ordre de la voix tu t’es dressé as risqué tes premiers pas



Inconnus la contrée les accidents du terrain Mais familière la nuit Et tout autant la peur de cet inconnu dont tu dois te nourrir et que tu redoutes de rencontrer



Que cherches-tu Tu avances erres te traînes renoncere pars rebrousses chemin tournes en rond Ton œil empli par la nuit tu cherches le lieu Le lieu où tu serais rassasié Où se déploierait la réponse Où bouillonnerait la source



Tu ne sais que marcher La nuit et la peur te harcèlent Et aussi la soif Mais à chaque pas la hantise de faire fausse route D’accroître encore la distance Tu cherches le lieu Le lieu et le nom Le nom qui saurait tout dire de ce en quoi consiste l’aventure.



Tu ne sais où tu vas ni ce que tu es ni même ce que tu désires mais tu ne peux t’arrêter Et tu progresses À moins que tu ne t’éloignes Sans fin tu erres te traînes rampes tournes en rond Et tu renonces Et tu repars Jusqu’à n’être plus qu’épuisement



Survient l’instant où tu dois faire halte Faire ton deuil du lieu et du nom Et à l’invitation de la voix définitivement tu renonces t’avoues vaincu Alors tu découvres que tu auras chance de trouver ce que tu cherches si précisément tu ne t’obstines pas à le chercher



Tu repars Des forces nouvelles te sont venues Ton œil qui s’écarquille n’est plus dévoré par la soif Tu ne sais où tu vas mais tu connais ce que tu es



Tu avances d’un pas tranquille désormais convaincu que le lieu se porte à ta rencontre Le lieu où mûrir l’hymne la strophe le nom Où jouir enfin de ce qui s’est jusque-là dérobé



Sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier. Le travail poétique de Juliet est marqué par cette prégnance du retour : rebrousser, repartir, reprendre, retoucher. Cette itération en re- est le symbole même la poésie et nous replace aux sources de celle-ci, puisque le mot « vers » veut dire en latin « sillon ». Mais que cherches moissonner le poète, après avoir semé ? Le lieu qui transformerait la naissance en existence. Mais c’est en s’avouant vaincu qu’il apparaît, en se mettant à nu, en se connaissant enfin. Au re- du renoncement répond le re- de la réponse.
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Lambeaux

J'ai vraiment beaucoup aimé ce livre. J'ai trouvé cela original que l'auteur dise "tu", à la deuxième personne du singulier. Cela m'a fait m'identifier aux personnages, et m'a donné l'impression que l'auteur me parlait, comme s'il écrivait une lettre. Je l'ai trouvé aussi très bien écrit, poétique même parfois.

Ce livre est en deux parties: la première raconte la vie de la mère biologique de l'auteur. Je me suis beaucoup attachée à cette femme, que l'on voit grandir, vieillir aussi. J'ai surtout aimé la façon dont l'auteur parlait de l'amour de sa mère pour l'école. Lire. Ecrire. Apprendre. Il décrit cela comme la plus belle chose au monde, cela créait beaucoup d'émotion. On ressent cette émotion dans cet extrait par exemple : "Apprendre. Dans l'unique but de savoir parler. Connaître le plus possible de mots et savoir dire aux autres ce qu'on est, ce qu'on ressent, comment on voit les choses" (lignes 13 à 17 p.21) L'auteur nous transmet cette passion d'apprendre.

Dans la deuxième partie, l'auteur parle de sa propre vie, il fait en effet son autobiographie. Il raconte son enfance avec sa mère adoptive, qu'il admire et aime plus que tout. Il parle aussi de ses études, de son expérience dans une école militaire, surtout de la difficulté et de la fatigue, omniprésentes à ce moment de sa vie. Finalement, l'auteur va parler de son amour pour la littérature, ainsi que son souhait de devenir écrivain. Par certaines phrases, j'ai trouvé que ce point de vue, de l'auteur, ressemblait beaucoup à celui de sa mère, qui aimait beaucoup écrire. Cela faisait comme un écho, un lieu entre les deux personnages. En effet, Juliet a écrit : "ce besoin d'écrire - indissociable de ton besoin du vrai et de ta passion pour l'art - qui a structuré ton être et ta vie" (lignes 23 à 25 p.153)

J'ai trouvé l'émotion assez présente dans ce passage-là, sûrement due au fait que je m'identifie beaucoup à cette citation, qui est très poétique.

De plus, ce livre a une caractéristique, plutôt un détail, qui m'a intriguée : les noms de lieu, ceux des villes, ne sont jamais mentionnées, seulement par les initiales, une lettre majuscule, peut-être pour laisser l'imagination du lecteur plus libre ?

Pour conclure, je pense que ce livre est un bel hommage à la mère adoptive et à la mère biologique de l'auteur. Il a d'après moi mélangé émotion, autobiographie, et poésie dans cette oeuvre à la perfection.

C'est donc pour cela que j'ai vraiment adoré ce livre ainsi que la plume de Charles Juliet.

Je le recommanderais à n'importe qui vivement.



Maeva.

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